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Ecrit par Lilly Rose AGNOURET

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Dernière semaine de juillet, le bac nous bastille. C'est à peine si les gens se serrent encore la main. Qui a envie de prendre la malchance de quelqu'un ? Chacun est là que concentré. Tellement concentré que les têtes chauffent.
Jileska ne veut pas qu'on lui parle. Elle arrête même son téléphone.
Pupuce est plus relax. De même pour Sharonna.
Moi, je passe une partie de la soirée en conversation whatsapp avec Miro. Il m'encourage.
Marc-Elise est dans la salle comme prévu. Elle semble motivée malgré la fatigue. Antoine lui envoie des messages chaque soir pour l'encourager.
A la maison, maman nous fait le petit déjeuner et le repas de midi est toujours prêt. Quand nous rentrons le soir, elle nous demande comment s'est passée la journée.
Papa Jimmy est là pointu tous les soirs pour savoir comment Pupuce a appréhendé chaque épreuve. Le type nous a carrément fait le corrigé de l’épreuve de philosophie, là, dans le salon. Pour rire et faire un peu baisser la tension, maman lui a dit : « dommage que tu ne sois pas le professeur qui corrigera les copies ! » et lui de répondre : « Ils ont intérêt à ne pas faire les imbéciles et à ne pas se venger sur les copies des enfants ! Leurs problèmes d'argent ne concernent pas nos enfants !
Il est en colère contre ces professeurs qui passent la moitié de l'année à manifester, à faire grève.
« Encore faut-il savoir si avec votre fameux bac là, vous n'aurez pas de souci à l'étranger. On dit déjà qu'il n'a aucune valeur ! »
« Humm, à monsieur Mbeng, c'est comme ça que tu encourages les enfants ! », lui fait maman.
Monsieur mon père dit seulement qu'il ne se fait pas de souci pour moi. Il voit déjà mon nom inscrit au tableau des admis. S'il savait seulement combien le stress me tenaille chaque fois que j'approche le portail du centre d'examen ! Je ne sais pas si j'ai déjà ressenti ce genre de chose, mais là, on a l'impression que la vie peut s'écrouler si on ne réussit pas cet examen.
Et mon professeur d'histoire-géo qui vient tous les matins au portail pour nous encourager ! Il a le courage de me lancer :
« Pour vous Tania Akendengue, ce n'est qu'un formalité ! »
Aka ! Si c'est une formalité, pourquoi mon cœur bas chaque fois que je me retrouve en salle ?
Le jour de notre dernière épreuve, Sharonna, Gaëlle, Jileska, Jacques, Fidolin et moi rentrons à la maison à pieds. Nous rigolons pour faire baisser la pression. Pupuce a encore un oral à passer le lendemain. Elle bosse dessus avec sa copine Sunita.
Nous, nous décidons d'aller faire un tour à la plage à SOGARA.
Arrivé là, j'enlève mes chaussures et je vais traîner mes pieds dans l'eau. À côté de moi, Sharonna me dit :
« Mon père a déposé sa demande de divorce. Ma mère est toujours en Espagne. Elle a pris un mois et demi de congé. »
« Oh ! C'est définitif alors ? Il ne changera pas d'avis. »
« Non, je ne pense pas. Mes grands frères ont appelé de Washington histoire de demander à papa de réfléchir encore. Il a dit qu'il préfère en rester là. Il est complètement dépité d'autant que maman semble bien se foutre de tout ça. »
« Elle vit une seconde jeunesse, apparemment. »
« Comme tu dis. C'est vraiment triste. Je ne m'attendais pas à ce qu'ils se séparent. J'étais loin de me douter qu'elle n'était pas heureuse avec nous. »
« La vie est pleine de surprises ! Et finalement, où vas-tu après le baccalauréat ? »
« Je vais en Afrique du Sud. La sœur de Gaëlle m'a envoyé des informations sur l'université de technologie du Cap. Papa a dit que je vais y passer mon bachelor et ensuite, j'irai rejoindre mes grands frères aux USA. L'essentiel pour lui est que je devienne ingénieur comme lui, comme maman. Ça m'arrange un peu. Ça me permet de rester proche de lui. Il dit qu'il s'en remettra, mais je sens que son orgueil de mâle a été touché. »
« Et donc, ta mère est réellement amoureuse de Peter. »
« Oui, apparemment ! Sinon, elle ne serait pas allée le rejoindre, non ? »
Gaëlle nous rejoint en nous annonçant que les garçons veulent qu'on aille prendre un verre au Petit Kawa, histoire de respirer avant d'avoir les résultat la semaine prochaine.
Je suis la meute, et nous arrivons au bord de mer à pieds, malgré la distance. Nous avons discuté tout le long du chemin. Arrivé à notre destination, c'est Jacques qui nous offre des jus. Après une heure à discuter, je prends congé.
Il est 20 heures quand j'arrive à la maison. Maman, est assise dans le salon. Elle est en pleine discussion avec Kaba.
« Bonsoir mesdames », leur fais-je en allant vers le couloir des chambres.
« alors, comment s'est passé la journée ! »
« Oh, tranquille. Les sujets étaient abordables », fais-je à maman.
« Pas la peine de trop parler ! On attend seulement les résultats ! », me lance Kaba.
La femme-là a quel problème ! Pardon ! Je préfère aller dans ma chambre.
J'y trouve Pupuce.
« Salut ! Pourquoi tu restes dans la chambre. »
« La femme qui nous a mises au monde me saoule ! Ça la tuerait d'être un peu positive et de m'encourager ??? »
« Laisse-la de côté. Tu sais comment elle est. Garde l'esprit positif. Tu as oral demain. »
« C'est pour cela que je reste dans la chambre. Je la ferai taire en lui mettant mon relevé de notes sous le nez. Car ce bac, je vais l'avoir. Ensuite, elle ne me verra plus qu'en photo ! »
« Ça ira. Elle va changer. »
« C'est toi qui le dis. »
Je me couche sur le lit avec l'intention de me lever deux heures plus tard pour prendre ma douche. Mais, impossible de fermer l’œil, car le téléphone de Pupuce vire toutes les deux secondes.
« Avec qui es-tu en train de chatter ? Ton téléphone n'a jamais autant vibré. »
« Oh ! je...je... Bon, je chatte avec Alec. »
Yo !!!! Depuis quand ? »
« Euh, excuse-moi ma curiosité, mais, comment as-tu eu son numéro de téléphone ? »
« Très drôle Tania ! Je te signale que c'est Miro qui lui a refilé mon numéro. Tu ne penses tout de même pas que je suis assez courageuse pour faire le premier pas !!! »
« Ok ! Et de quoi discutez-vous ? »
« Oh ! On discute surtout littérature. C'est tout. », fait-elle avec un sourire espiègle.
Je la regarde sans rien dire ; puis, je me recouche. J'aurais bien le temps après les résultats, de parler de tout ça.
« Au fait, comment tu as trouvé les épreuves ? »
« Abordables ! », lui fais-je en m'endormant.

Il est minuit quand je me réveille. Je vais prendre une douche. Ensuite, je m'installe sur le canapé en chemise de nuit. Je me câble sur Novellas TV pour voir la rediff de La Patrona. Je vais rester là jusqu'au matin pour regarder la télévision. Ça fait tellement longtemps que je m'en prive.
Ainsi, dans quelques jours, nous aurons le verdict qui soit nous rendra heureux, soit nous condamnera à revenir l'an prochain dans les murs de Raponda. Pour ma part, j'ai tellement pas envie de revoir la bouille de mes professeurs, que je prie au plus profond de moi, pour décrocher cet examen. Un peu plus et je sors en vampire pour avoir les résultats avant le jour J. Tchooooo !!!
Le matin venu, je vois Pupuce qui sort de la maison pour aller à son oral d'anglais. La go est habillée d'un tailleur.
« Mais, là, tu as 20/20 sans ouvrir la bouche ! »
« Tu penses ! Je suis trop sapée, c'est ça ! »
« Mais non, c’est du bon. Allez, courage ! »
J'entends une voiture démarrer. Hummm ! Qui est venu chercher cette fille !!! Depuis quand a t-elle un chauffeur. Je serais bien sortie en courant pour voir la fameuse voiture, mais comme je suis en chemise de nuit...
Quand elle revient à midi, mademoiselle prend son sac. Elle y fourre tous ses cahiers et va les mettre à la poubelle.
« Ça ne te va pas, Pupuce ? Et si tu es admissible. »
« Oh ! Non ! Ce bac, je l'ai d'office. Je ne veux plus voir ces cahiers. Fini le lycée. Ouf, ça fait du bien. »
« Yo !!! Donc ton nom est écrit d'office sur la liste des admis, c'est ça ! »
« Oui ! J'ai confiance. »
« Ne m'insulte pas, sister ! Moi, je préfère attendre de voir. Je ne suis sûre de rien. C'est vrai qu'avec les moyennes que tu as toujours eues, il faudrait vraiment un sacré coup de malchance pour le rater, cet examen ! »
« Et oui ! Maintenant, je vais prendre une bonne douche et dormir. Tu t’occupes des filles ce soir ? Je suis invitée dîner. »
« Quoi ? Tu sors dîner ? Avec qui ? »
« Euh ! C'est la police qui demande ? Est-ce que je n'ai pas le droit de m'offrir un dîner tranquille, avec ma frangine Sunita ? On va décompresser au Coppa Cabana. Y a quoi même ! »
« Hummmm ! Marjorie Akendengue, arrête de mentir. Ton nez s'allonge. »
Elle sourit et m'abandonne dans le salon. Je la rattrape dans la chambre et lui demande :
« Je te trouve un peu changée depuis 3 jours. Quel chapitre ai-je manqué ? »
« Aucun. Y a rien. Enfin, euh !!! »
« Arrête de faire durer le suspens. Crache le morceau. »
« Bon ! Un très beau jeune homme m'a demandé si je veux passer la soirée avec lui. J'ai voulu dire non, j'ai trouvé des excuses. Et là, madame Bernadette ta mère, m'a arraché le téléphone des mains. Elle m'a fait la leçon en trois chapitres : je suis jeune, c'est pas parce que j'ai des enfants que ma vie doit s'arrêter, et je ne perds rien à essayer. Tu sais comment elle sait se montrer persuasive, cette femme. Donc, voilà comment j'ai dit oui à ce jeune homme. Le reste, à la suite de l'épisode. »
« Et puis-je savoir qui est ce jeune homme ? »
« Oh ! C'est... »
Au moment où elle veut me lâcher l'affaire, les petites se mettent à hurler comme si elles n'ont pas mangé depuis des jours ! 

PUPUCE- (tome 1)