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Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
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Les jours passent tranquillement. Nous allons voir notre
copine à l’hôpital. Le médecin lui a dit qu'elle a besoin de beaucoup de repos.
Alors, nous ne l'embêtons pas avec des questions ridicules. Ce qui nous fait
plaisir, c'est que tous les matins et tous les soirs, Antoine lui envoie un
message vocal pour l'encourager à se remettre très vite.
Samedi, après-midi, je fais un tour chez monsieur Magloire
Akendengue pour discuter avec lui. Quand j'arrive, il est à peine 15h et
monsieur s'active devant les fourneaux.
« Dis-moi, monsieur mon père, qui va s’occuper de toi
quand je serai partie. »
« Je vais me débrouiller. Ne t'inquiète pas pour moi. »
Je lui arrache le couteau qu'il tient dans la main, et je
découpe les deux carpes qu'il s'échine à nettoyer. Je lui concocte son bouillon
de poissons et prépare deux doigts de bananes vertes.
Pendant que son repas cuit, on s'installe au salon pour
discuter.
« Dis-moi papaonet, d’où vient cette bouteille d'Armagnac
que je vois là dans ton living. »
« Euh, ça ne te regarde pas. Tu es venu ici pour faire la
police ? Je n'ai plus le droit de recevoir des cadeaux. »
« Hummm ! Monsieur Akendengue ! Tu es prêt à me vendre
pour une bouteille d'Amagnac ? Je n'en reviens pas ? »
« Ah mama, la ferme, tu comprends. Si tu veux que je rende
la bouteille, tu n'as qu'à me le dire. Mais ne viens pas me parler ton gros
français ici. Moi, je n'ai pas eu le bac. Ce jeune homme est venu me voir.
C'est qu'il est très bien élevé ! Pas comme les bouts de manioc là qui traîne
dans Port-Gentil. Il m'a parlé comme un homme. C'est des choses comme ça qu'un
père attend. »
« Hummm ! En tout cas ! Je n'ai rien dit. »
« Ne dis rien, je préfère. Mais sache que si tu n'en veux
pas, quelqu'un d'autre en voudra. »
« Yo ! C'est maintenant à base de menaces ! Mais est-ce
que je suis obligée de me fiancer maintenant ? Je ne suis pas trop jeune. »
« Tu serais bête de dire non, ma fille. Vous n'êtes
obligés à rien. Le jour où ça ne va plus, chacun prend sa route. Mais pour ma
tranquillité d'esprit, je préfère te savoir avec un jeune homme responsable
comme lui, plutôt qu'avec un joueur. »
« Ok, ok ! Je suis juste impressionnée qu'il soit venu
jusqu'ici pour te parler. Il ne m'a rien dit. »
« C'est à des gestes comme celui-là qu'on mesure le degré
d'amour de quelqu'un. »
« Mon père devient philosophe ! »
« Pardon, ne me fatiguent pas les oreilles ! »
Pendant que les gens s'agitent en ville parce que le grand
footballeur Messi arrive à Pog, mon frère me dit : « pardon, je suis fan du
Real ; et mon BEPC est plus important ! Je n'ai pas d'argent pour aller jusqu'à
Ntchengue. Il n'a qu'à poser la pierre. Nous on ira là-bas quand le stade sera
construit. »
Miro non plus n'est pas fan du Barça ; alors toute cette
agitation autour de Messi le laisse de marbre.
Dimanche, nous allons en virée comme convenu. Nous prenons
le bateau du père de Miro.
Pupuce a abandonné les petites à maman et grand-mère. Il y
a aussi la tante Jolie, la sœur de papa Jimmy, qui est à la maison pour la
journée. Les trois femmes vont s’occuper des jumelles tandis que Pupuce va
retrouver un peu de son insouciance de jeune fille. Il y a Sunita qui est avec
nous, ainsi que Gaëlle et sa cousine Rita. Sharonna est venue toute seule. Miro
est accompagné de Samba, son chauffeur sénégalais, et de deux amis : Alec et
Patrick. Dès que Jileska voit Alec, elle se met à bégayer dans mon oreille : «
mais, mais c'est quoi ce type. Il est sorti d'un magazine de mode ou quoi.
Alec est un métis, de mère suédoise et de père noir américain.
Le type respire ce qu'on appelle la beauté. Et pour tuer les filles une bonne
fois pour toutes, il ne porte pas de tee-shirt sur lui, rien que son short.
Donc, ses biceps et pectoraux sont dehors. Aïe ! Je sens que ma copine Jileska
ne pourra pas supporter la traversée dans ces conditions.
Alors que Samba manœuvre à la barre et que nous quittons
le rivage, je vois Jileska qui m’arrache ma belle serviette blanche et qui va
vers Alec. Elle lui tend la serviette et lui dit :
« S'il te plaît, Alec, pardon, porte ça ! Je n'ai pas
envie de tomber à la renverse dans la mère parce que tu es juste devant moi !
Toi aussi, quand Dieu a distribué les corps, fallait te servir doucement ! »
Miro ne peut s'empêcher d'éclater de rire. Et Gaëlle de
même. Alors, Pupuce me souffle dans l'oreille : « je savais que cette fille-là
n'allait pas se taire. Pardon, qu'elle ne nous fasse pas les choses de la
honte. »
Alors, Alec avec son bel accent américain, lance : « Tu es
marrante, Jileska. »
« Poooopoppopoo ! Papa, ferme la bouche ! Est-ce qu'on t'a
déjà dit que tu ressembles à un personnage de roman. Tu veux tuer qui avec ton
accent. Pardon, je change même de bord. J'en ai trop vu et trop entendu. »
Là, c'est moi qui atterris par terre, morte de rire.
Pupuce suit alors Jileska, qui nous abandonne à l'avant
pour se réfugier plus loin.
Patrick, un rouquin franco-anglais, nous lance alors :
« Miro, je ne savais pas que les Gabonaises avaient
beaucoup d'humour. »
Il est tellement mignon avec ses taches de rousseur sur le
visage et sa coupe à la Justin Bieber. Là, c'est Sunita qui ne le lâche pas des
yeux. La voilà qui se lève et se met à débouler tout l'anglais qu'elle connaît.
Comme quoi, l'école, ça sert à quelque chose. Ils se mettent à parler de
musique et de films. Tout ça en anglais.
Rita, la cousine de Gaëlle, est plus intéressée par ce que
fait Samba à la barre. Elle discute avec le chauffeur et prend des photos ci et
là. Dans les bras de Miro, je ne vois pas les rives défiler. Mon esprit n'est
préoccupé que par une chose : être heureuse et profiter du moment présent.
Alec se met alors à nous raconter le fameux concert de
Jay-Z & Beyoncé, le 12 septembre 2014 à Paris. Il raconte avec menus
détails. Tout pour susciter l'envie de Sunita de Sharonna qui est une fan
invétérée de Queen-B.
« J'ai le coffret collector de ce concert. Je te le
prêterai, si tu veux. »
« Bien sûr », répond ma copine.
Quand nous arrivons à notre lieu de pique-nique, il y a
une paillote. Nous nous y installons.les filles s’occupe du repas. Le cuisinier
de Miro a tout préparer et emballé dans des Tupperwares. Alors, nous n'avons
qu'à installer sur la grande table. Pendant que Jileska, Gaëlle et moi nous
occupons de mettre la table, les autres se sont jetés dans la mer pour piquer
une tête.
« Je n'en reviens pas ! Tu as vu le corps de Pupuce. On ne
dirait pas qu'il y a deux mois, elle était enceinte ! », s'étonne Gaëlle.
« Avec grand-mère qui la masse à la serviette chaude tous
les soirs, elle ne peut que retrouver son corps. »
« En tout cas, elle est belle ! Elle n'aura pas de mal à
retrouver un vrai gars quand elle sera partie en France. »
« Elle veut aller en Afrique du Sud. »
« Oh ! C'est nouveau ! Elle nous bassine avec la France
depuis la 6ème ; et tout d'un coup, elle change d'avis. »
« Elle dit qu'elle veut rester proche des petites. »
« Je comprends », fait Jileska. « Ça m'étonne même qu'elle
ait le courage de partir. Quand je vois ces deux petites-là, je pense que moi à
sa place, j'aurais beaucoup de mal. »
« Pardon, ne lui dis pas ce genre de chose. Elle est déjà
assez indécise ! », fais-je en conclusion.
Je regarde les amis qui s'ébattent dans la mère. Miro et
Alec sont des nageurs hors pair. Les filles rigolent en faisant des clapotis
dans l'eau. Jileska s'approche du lecteur Mp4 de Miro, qui est relié à un mini
ampli blutooth. Elle met de la musique et se met à danser comme une folle, sur
un son de Jeremih.
« C'est comme ça que tu vas tuer la musique si tu as le
bac. », lui fais-je.
« Oh, ça, c'est petit ! Je vais danser nue là au lycée, si
je l'ai au premier tour. »
« Tu ne changeras jamais ! », lui fait Gaëlle en riant.
Nous voyons alors Sharonna et Alec qui viennent vers nous
en rigolant. Mon Dieu ! Ils sont tellement beaux ensemble, que je suis obligée
de me saisir rapidement de mon téléphone et de les prendre en photo.
« Figurez-vous que monsieur ici présent fait des études de
médecine. Il va en 3ène année. Vous vous imaginez ! », nous fait Sharonna.
« Je pense, mon cher Alec, que tu t'es tromper de filière
! Tu rendras toutes femmes malades d'amour, très cher. »
« Hey, t'es toujours comme ça où c'est moi qui te mets
dans cet état. Est-ce que tu as déjà pensé à t'écrire un one woman show et de
monter sur les planches. », répond Alec en riant.
« Pardon, oh ! Le gars-ci est vraiment terrible ! »,
conclut Jileska.
Nous mangeons en riant. Les garçons nous racontent comment
ils se sont connus en
Belgique, il y a près de 6 ans.et je me rends compte que
c'est beau de voyager. Eux ils ont la chance d'avoir des parents qui bougent et
les incitent à rencontrer des gens d'autres cultures. Moi aussi je veux voyager
et m'enrichir des différences des autres !
« Que fais-tu dans la vie, Patrick ? », demande Gaëlle.
« Il travaille à Londres dans une grande banque. Il y est
rentré après sa licence en économie, il y a quelques mois. », répond Sunita.
« Cool ! Voilà que mon pote à une impressario à
Port-Gentil. », s'exclame Miro.
Tout le monde éclate alors de rire.
« Ales, Patrick, figurez-vous que ces jeunes filles
passent le baccalauréat dans quelques jours. Que fait-on si elles le décrochent
du coup ? », demande Miro.
« J'ai quelques idées, mais je pense qu'on leur devrait
leur réserver une surprise. », fait Alec.
« Mon cher, si la surprise, c'est toi tout nu sortant d'un
immense seau à champagne, je te jure que ce bac là, j'en fais mon affaire ! »
« Jileska ! », s'écrie Pupuce qui est dépassée par le sans
gêne de ma copine.
« Respire, Marjorie Akendengue. Respire. On appelle ça de
l'humour et ça ne tue pas. »
Gaëlle ne peut s'empêcher de rire.
« Il aurait fallu t'inventer, si tu n'existais pas », fait
Rita à Jileska.
« Et toi, Pupuce, tu ne parles pas beaucoup ! Que veux-tu
faire après le baccalauréat ? », demande Alec.
« Mademoiselle hésite entre une école de commerce et la
faculté de langue. Elle veut devenir traductrice. Elle lit beaucoup ! », répond
Miro comme s'il voulait vanter les connaissances de ma sœur.
Elle sourit timidement et garde son nez sur son assiette.
« Ah bon ! Et qu'est ce que tu lis ? », demande Alec,
fortement intéressé.
« Oh ! Je lis un roman roman intéressant en ce moment. La
vérité sur l'Affaire Harry Quebert. Juste comme ça ! »
Elle joue sa modeste ! Le roman en question a bien 400
pages ! Tout pour me donner des maux de tête ! Mais ça marche. Alec et elle se
mettent à parler de livres ; et comme par hasard, ils ont lu les mêmes choses !
Comme quoi !
Là, Miro me chuchote dans l'oreille :
« Elles sont cool tes copines ! Vraiment cool ! »