
45- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
Nowa NYANE
Depuis que je suis sortie de la clinique, tout le monde est au petit soin. Tout le monde ? Non ! Mais tout mon monde. Il est minuscule. Il se résume à ma cousine Iris ; ma meilleure amie depuis toujours, à Georgette ; que je pourrais qualifier de ma plus belle amitié, à Mimi ; la mère que j’aurai voulu avoir, à Quentin ; mon adorable petit-frère et à Mika. Et, il y a ma grand-mère… la femme de ma vie. Elle n’a pas hésité une seule seconde à quitter la maison de son fils pour rentrer dans sa maison à elle afin de rester avec moi.
« Du noir sur un carton de mariage ? Nowa tu ne trouves pas ça un peu… »
« Rock et glamour ? »
« Non ! J’avais envie de dire mortuaire. Du rouge et du noir ? Pour un mariage ? Nous ne sommes pas chez les japonais ma chérie. Tu risques de couler ta boite avant même qu’elle n’ait pris son envol. Tu ne veux toujours pas me dire ce qui se passe ? »
Je fais semblant de ne pas avoir entendu sa question et je continue mon croquis. Tiens, encore une petite couche de noir par là. Elle m’arrache mon crayon de couleur.
« Quoi ? Arrête de faire comme si tu ignores le pourquoi de ma crise de folie au mariage de ma sœur. Je sais bien qu’Iris la bavasseuse t’a déjà tout raconté. »
Elle détourne le visage.
« N’est-ce pas ? »
« Ta sœur… Je ne sais même pas quoi dire ! »
« Tu veux dire que c’est une salope ? Une garce ? Une rombière ? Je crois qu’il manque même des mots pour la décrire dans le dictionnaire. Humm… Même le jour de son mariage, elle a osé lui faire des avances. Mais tu vois, ce qu’il y a de merveilleux dans cette histoire c’est qu’une fois de plus, tout le monde m’en veux. »
« C’est parce qu’ils ne savent pas tes raisons ma chérie. »
« Tu sais, je m’en fiche maintenant. Elle est morte pour moi. Tout comme sa mère et son père. Je suis désolée que ce soit ton fils d’ailleurs. »
« Nowa… »
« Quoi ? Tout ça c’est un peu de leur faute. Et dire que je suis la moins bien d’entre nous deux. J’ai aussi pitié de son gosse. Le pauvre, avoir une maman pareille c’est presqu’une punition divine. Je pré… »
« Bonjour. »
Cette voix ! Je ne l’ai as oublié ? Et qu’est-ce qu’il fait ici ? Mieux comment a-t-il su que je suis ici ?
« Bonjour ma chéri. », répond mamie en allant l’embrasser.
« Ton quoi ? Bien, je suppose qu’il est là pour toi alors je vais vous laisser. »
Je suis déjà en train de rassembler mes crayons qu’il s’approche et me les prends des mains.
« Tu veux les donner à ma sœur ? Tu peux ! »
« Arrête s’il te plait. »
« Bof ! »
Je me tourne et j’entre dans la maison. Il n’a qu’à rester dehors. Il pollue mon air.
Rudy EYA
Je la regarde partir sans un regard. Elle marche calmement, on dirait que son cœur ne bat pas. J’aurai préféré qu’elle me donne une gifle, qu’elle me crie dessus comme d’habitude, que nous nous engueulions comme des fous. Sa grand-mère me regarde avant de soupirer.
« Je crois que je devrais m’en aller. », dis-je finalement.
« Assied-toi ! »
« Je vais y aller madame. C’est beaucoup mieux. »
« Je te demande de poser tes fesses sur cette chaise mon garçon ! Et tu ne crois pas que tu me le dois bien ? »
Je m’installe à cette table de jardin. Je suis vraiment mal à l’aise face à tout ça. Et la dame en face qui me regarde de ses petits yeux.
« Qu’est-ce que tu veux maintenant Rudy ? »
« Je ne comprends pas votre question. »
« Ah oui ? Je te demande ce que tu veux. Ce que tu attends de Nowa. »
Je n’y avait pas vraiment réfléchis. Je l’ai cherché pendant des jours et quand enfin quelqu’un a pu me révéler sa cachette, j’ai foncé ici comme un fou. Je me disais que j’allais venir et l’embrasser tout simplement. Et puis, je suis arrivé, sa grand-mère était là et elle, elle m’a copieusement ignoré, faisant même un peu d’humour en y mêlant sa sœur. Celle-là !
« Mais ne baisse pas la tête mon chéri ! Regarde-moi dans les yeux ! Montre-moi que tu assumes chacune de tes conneries… un peu comme un homme le ferait. »
J’ai levé les yeux sur elle. J’ai honte de moi, de tout ce que j’ai fait. Ma vie de salopard me rattrape et me donne une claque.
« Tu as des sœurs ? », me demande-t-elle.
« Oui ! Deux sœurs. »
« Parfait ! Imagine un seul instant que tout ceci soit arrivé à tes sœurs comment aurais-tu réagi ? »
Les connections de mes neurones doivent s’être grillées parce que je n’arrive pas à imaginer. Ayem et Naïla ? Non ! Je ne veux pas y penser. Je secoue la tête.
« C’est déroutant n’est-ce pas ? Mais pourquoi vous les hommes vous aimez faire aux filles des autres ce que vous ne souhaitez pas à vos sœurs ? »
« Je tiens à vous … »
« Tu tiens quoi ? Tu as été un idiot mon petit ! Un sombre idiot ! »
Elle est dure la vieille. Alors que je suis en train de songer à ma triste existence, je vois apparaitre mon meilleur ennemi. Il marche avec beaucoup d’assurance, il connait les lieux ça se sent. Il embrasse la grand-mère de Nowa avant de venir me tendre la main. Il croit vraiment que moi je vais le saluer ? Mais c’est quoi ces manières ?
« Rudy ! Tu comptes ajouter impoli à ton CV ? »
Je regarde cette vielle femme et j’ai envie de lui balancer un gros caillou sur la tête. Je grince des dents en lui tendant ma main.
« Elle est à l’intérieur Mika. », dit sa grand-mère.
« Merci. »
Je le regarde s’enfoncer par cette porte que Now venait d’emprunter. Mon Dieu ! Imaginer un seul instant qu’il y a quelque chose entre eux deux et je sens mon cœur s’emballer, mon sang partir dans tous les sens. C’est quoi cette histoire ?
« Eh ! Je suis là, devant toi. Arrête de regarder ce jeune homme avec ces yeux d’assassin. Tu as eu ta chance, tu l’as laissée te filer entre les doigts comme un bleu et maintenant, tu te sens mal parce qu’un autre es en train de mettre la chance de son côté. Humm… mon chéri, calme-toi ! Et j’attends toujours la réponse à ma petite question. »
« Je crois que je vais y aller. Je ne me sens pas bien. »
Je ne suis pas en train de simuler. Je ne me sens vraiment pas bien. J’ai terriblement mal au cœur. J’imagine qu’il doit être en train de lui toucher les cheveux, de caresser sa peau. Non Seigneur !!!!
« Je te raccompagne ! »
Moi qui venait pour la plus belle des NYANE, je me retrouve à sortir être raccompagné à ma voiture par la plus vieille.
Je prends la route jusqu’à chez ma mère où je retrouve Ayem au salon en train de donner le sein à son glouton de bambin. Quand elle me voit arriver, elle sourit.
« Regarde, tonton est là ! »
Je tombe dans le canapé, une main sur le front.
« Et quand ta grand-mère trouvera ses pattes dans son canapé, elle va piquer une de ces crises. Tu sais que grand-mère elle est trop stressée mon bébé. »
« Ayem tu peux arrêter de parler à ce gamin comme si tu avais un adulte en face de toi ? »
« Tu es jaloux parce que tu n’as plus eu de bébé je te comprends. »
« Tu es vraiment une idiote ! »
« Tchuur… Pas de gros mots devant le petit. Tu es fou ou quoi ? Je m’en vais le poser dans son berceau avant de venir essuyer ta mauvaise humeur. »
Elle s’en va presqu’un quart d’heure. Quand elle revient, elle m’apporte à manger. Je regarde l’assiette et les morceaux de poulet qui me nagent mais je la pousse finalement loin de moi.
« Toi tu as des soucis. Qu’est-ce que tu as encore fait ? Je demande parce que ces derniers temps, tu es le roi des bêtises XXL. »
« Dis celle qui s’est faite mettre enceinte à 16 ans. »
« Tchurr… C’est toujours mieux non ? Moi je n’ai pas couché avec le frère de celui qui m’a enceinté mon cher. »
« Je t’ai dit que c’était une erreur ! Au fait, dis-moi si jamais ça t’arrivait Ayem tu ferais quoi ? »
« Quoi comment ? »
« Bah tu réagirais comment après avoir découvert que ton mec a couché avec Naïla ? »
« Je le castre ! »
Quoi ? Elle est cinglée.
« Je suis sérieux ! Tu sortirais avec un gars qui a couché avec elle ? Même une seule fois ? »
« Tu veux dire que vous l’avez fait plus d’une fois ? »
« Oui Ayem ! Mais là n’est pas la question. »
« Combien de fois ? »
« Trois à quatre fois par semaine pendant près de trois ans. »
« Quoi ? »
« Oui Ayem ! Je suis en train de te dire que j’ai couché avec la sœur de Nowa pendant des années mais j’ignorais qu’elles étaient sœurs jusqu’à ce qu’elle m’annonce qu’elle est enceinte de moi ce qui était même un mensonge. »
« Et en bon enfoiré, tu ne l’as pas dit à Nowa et aujourd’hui qu’elle sait tout, tu te demandes si à sa place je t’aurai pardonné ? Je n’arrive pas à croire que tu me poses cette question. Déjà toi Rudy, tu aurais filé des bastons de dingue à ce gars et toi tu es ici à te lamenter sur le canapé de maman. Tu es terrible. »
« Je ne suis pas venu pour que tu me juges ! Réponds à ma question ! Tu lui pardonnerais à ce gars oui ou non. »
« Non ! Et toi également, tu ne lui pardonnerais pas. Maintenant lève-toi et dégage de ma vue, tu me donnes la nausée avec cette histoire. »
« Surveille ton langage ! »
« Tu sais quoi ? Moi j’ai écarté les jambes c’est vrai mais j’ai une excuse, c’était par amour pas pour assouvir des fantasmes. »
Elle se tourne et s’en va, me laissant dans le salon à cogiter sur cette dernière phrase.
Paola NYANE
Assoupie dans mon canapé, mon regard est porté sur les photographies au-dessus de l’écran de télévision. Mon défunt mari, oui il était beau. Mon fils Luis a bien hérité de lui, de ses manières, de son charme et de cette manie à papillonner de femme à femme. Un rire perdu me fait sursauter. Je me tourne et je regarde avancer Nowa aux bras de Mika. Il est plutôt tard.
« Bonsoir les jeunes. »
« Bonsoir à vous la plus jeune. »
Nous partons tous dans un fou rire. Nowa se met sur la pointe des pieds et lui glisse un mot dans le creux de l’oreille. Comme pour l’empêcher de tomber, il la tient par la taille avant de la relâcher.
« Je vois que vous vous êtes bien amusés. »
« Je me suis amusée comme une folle. », dit-elle en s’approchant pour m’embrasser. Son regard glisse sur le carton égaré sur la table basse. Je l’avais oublié.
« C’est quoi ça ? »
« Rien d’important. »
Elle regarde. C’est un carton que Paola m’a laissé tout à l’heure.
« Ah ! Une fête pour la naissance du petit Erwan. Pfff… »
Elle laisse échapper le carton de ses doigts avant de se diriger vers la cuisine. Je soupire.
« Vous voulez que j’aille lui parler ? »
« Ça m’aiderait bien je crois. », répondis-je en quittant le salon.
Nowa NYANE
« Tu es encore là ? Je croyais que tu étais parti ! »
« Je ne serai pas parti sans te dire au revoir. Depuis le temps, tu devrais déjà me connaitre. »
« Tu as raison ! Cookies ? »
« Non mais merci ! Il commence à pleuvoir. »
Elle soupire.
« Tu n’aimes pas la pluie ? »
« Je n’aime rien ces derniers temps. C’est le brouillard total. »
« Je sais ! », dis-je en me plaçant devant la fenêtre pour regarder la pluie tomber.
« Ta grand-mère, elle s’inquiète pour toi. Je suis certain que ta mère et ton père aussi. »
« Ne me parles surtout pas d’eux ! S’il te plait Rudy. »
« Mika ! Moi c’est Mika. »
Je la fixais intensément.
« Je suis désolée. Tu devrais y aller Mika. »
« Je sais ! »
« Je t’accompagne. »
« Tu vas te mouiller et je n’ai pas envie que tu te mouilles. »
Elle s’est quand même levée pour venir accrocher son bras au mien. Je faisais de micro pas pour que cet instant dure toujours. Sauf que les micros pas à la fin, ils finissent par faire des pas et nous étions déjà à l’entrée. Maintenant nous sommes là, face à face. J’ai le regard plongé dans le sien et mes mains dans mes poches, elles me démangent. Je finis par les libérer pour dégager cette mèche rebelle sur son visage. Elle se mord la lèvre inférieure et je souris. Son visage se rapproche dangereusement du mien, ils ne sont plus qu’à quelques millimètres et le souffle chaud de sa respiration balaie mon visage.
« Ne fais pas ça Nowa ! »
Elle se ravise.
« Pourquoi ? Je pensais que c’est ce que tu voulais ! Que toi et moi, nous soyons ensemble. »
« Pas de cette façon. »
« Je ne te comprends pas Mika. »
« Arrête de crier s’il te plait. Tu vas réveiller ta grand-mère. Il faut que j’y aille on en reparlera demain si tu veux. »
Elle se recule alors que je m’apprête à poser un baiser sur son front.
« Mais tu veux quoi à la fin ? »
Je soupire et je traverse la porte. Je tire sur le col de ma chemise en jean pour me protéger la tête. Je marche rapidement le dos courbé puis une force minime me retient.
« A quoi tu joues ? »
« Comment ça à quoi je joue ? C’est toi qui joues Nowa. Tu imagines un peu la force qu’il me faut pour te voir chaque jour et me comporter comme le parfait ami. Je me fais violence à chaque instant pour ne pas t’embrasser parce que j’ai compris que tu es amoureuse d’un autre. Oui ta sœur t’a fait mal, ton mec t’a trompé et alors ? Le monde il ne tourne pas autour de toi. Grandi un peu. »
« … »
« Je suis fou de toi Nowa. Depuis le premier jour et tu ne sais pas à quel point j’en souffre. Tu veux m’embrasser ? Tu veux qu’on fasse l’amour ? Je veux bien mais si c’est pour t’entendre m’appeler Rudy laisse tomber. »
« … »
« Je ne voulais pas te faire pleurer. Viens ! »
Je la pris dans mes bras parce qu’elle pleurait.
« Arrête de pleurer Nowa. S’il te plait. Je sais que tu voulais que je sois avec Vanessa parce que tu pensais qu’une fois en couple les choses seraient plus faciles pour toi. Tu pensais que je t’oublierai. Ne pleure plus. Tu veux que je t’emmène faire un tour ? »
« Oui ! »
Je la recouvrais de ma chemise et alors qu’elle était dans mes bras, nous marchions vers la voiture. J’avais voulu rouler des heures avec elle mais sans trop comprendre comment, je me suis retrouvée devant notre immeuble.
« On fait quoi là ? »
« Tu me fais confiance ? »
« Oui ! »
« Alors viens avec moi. »
Elle accepte de me suivre. Nous passons les portes main dans la main. Nous empruntons les escaliers. J’essaie de la distraire en lui parlant d’un nouveau film d’animation. Nous marchons lentement, nous avons tout notre temps. Oui, nous avons la vie devant nous alors pourquoi nous presser ?
« Ferme les yeux. »
« Non ! », dit-elle.
« Allez. Tu ne peux pas arrêter de faire la difficile ? Juste pour ce soir. »
« Humm… OK ! »
Je la guide jusqu’au troisième en prenant bien soin qu’elle ne triche pas.
« Je t’aime tellement Nowa. Si tu savais. », dis-je
« Je sais que tu m’aimes mais moi … »
« Je sais que tu ne m’aimes pas comme tu l’aimes lui et ce n’est pas facile à vivre. »
« Peut-être qu’en d’autres circonstances, j’aurai été amoureuse de toi Mika. »
« Oui ! Moi c’est Mika. »
Je la regarde sourire.
« Arrête-toi et attends. »
« Attendre quoi ? En plus je veux faire pipi. »
« Je cherche mes clés. N’ouvres pas les yeux s’il te plait. »
J’appuie discrètement sur le bouton de sonnerie.
« Mais tu fais quoi ? », me demande-t-elle déjà impatiente.
« Humm… Chut ! »
« Tu m’énerves ! »
La porte s’ouvre enfin ! J’ai cru qu’il dormait déjà ce connard. Il a l’air surpris de nous voir.
« Je crois que vous avez besoin de parler tous les deux. »
C’est seulement à ce moment que Nowa a ouvert les yeux. Aucun son ne sortait de sa bouche. Son regard passait de moi à lui, de lui à moi.
« C’est qu… »
« Nowa ! Je te demande de parler avec lui. Je crois que vous avez des tas de choses à vous dire. »
Je la pousse légèrement et elle se retrouve dans ses bras. Je soupire tellement j’ai mal.
« Allez Rudy ! C’est peut-être la dernière chance avant que je te la prenne. »
Je pose un dernier baiser sur son front tremblant avant de me retourner, laissant mon cœur sur le pas de sa porte.