5- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
Je dois être toute défraichie ! J’ai transpiré, j’ai bouffé des tapas. Ma bouche doit puer ! Je soulève légèrement et discrètement une main dans le but d’humer mes aisselles. C’est déjà mon tour de lui faire la bise. Il faut que je me calme, tout ce stress risque de me faire suer à nouveau et puer fort. Et voilà un frisson qui me parcourt. Peau contre peau. Il sent terriblement bon, je crois qu’il vient de prendre une douche. Ça dure le temps que ça dure mais j’ai l’impression qu’il est passé une éternité. Achevez-moi ! Je ne peux plus me décoller.
« Entre ! »
Je fais un micro pas. Tout à fait, fini la démarche de folle ou de cinglée. Maintenant, il faut poser un pied devant l’autre, rentrer le ventre, se cambrer pour faire ressortir fesses et seins. La porte se referme derrière moi, je me sens comme qui dirait prise au piège.
« Je suis désolé pour tout à l’heure ! Une urgence de dernière minute. »
« Calvin ne nous a pas dit que tu es médecin ! »
Tous les regards sont sur moi. Je ne contrôle plus ma langue ou quoi ? Il a un petit sourire en coin. Je roule des yeux pour ne croiser aucun de leur regard.
« Faites comme chez vous. »
Je crois qu’Iris attend cette phrase depuis un moment, elle se débarrasse de ses talons sans une once de gêne avant de sauter dans le canapé.
« C’est super beau chez toi. C’est qui ton décorateur ? »
« C’est plutôt une décoratrice. C’est une amie en fait. »
« Elle a beaucoup de gout. »
Je ne trouve pas sa déco extraordinaire mais voilà, je souris quand même en feignant d’admirer le grand tableau à l’entrée.
« Tu ne veux pas poser ton sac Noël…Excuse-moi Nowa. »
Je serre la mâchoire en prenant place à un centimètre de ma cousine. De celle-là même qui me met dans la merde à chaque fois.
« OK ! Je vous sers quelque chose ? »
« Je crois qu’elles ont assez bu ce soir. », répond Calvin en sortant de la cuisine un verre d’eau en main.
Je ne les écoute pas. Mon esprit est trop occupé à rechercher des indices d’une présence féminine. Pas de fleurs, juste de un bonzaï. Pas de de sous-vêtements égarés sous les coussins.
« Je veux bien ! Et toi ? »
Elle me donne un coup de coude.
« Quoi ? »
« Redescends sur terre ! Je demandais si tu veux boire quelque chose. »
« Non ! Merci. »
Tous les deux s’en vont dans la cuisine et je reste seule avec Iris.
« Pourquoi tu me regardes ainsi ? »
« Tu es bizarre ! »
« Fiche-moi la paix Iris. »
On les entend depuis la cuisine. J’ai bien l’impression qu’ils sont en train de se chamailler. Iris va les rejoindre. J’en profite pour faire un examen plus approfondi des lieux. Ils peuvent bien s’entre tuer, ça ne me regarde pas. Bonne poisseuse que je suis, ils reviennent et me retrouvent à quatre pattes sur le tapis, le nez sous le canapé. Un bracelet peut y avoir trouvé refuge. Je me prends la tête sur la table basse en me relevant.
« Merde ! »
Pourquoi il faut toujours que j’attire l’attention sur moi dans des circonstances peu recommandables ?
« Je crois que ma boucle a glissé sous le canapé. »
Rudy propose tout de suite de m’aider à la retrouver mais je le convaincs de laisser tomber.
« Après tout, ce n’est pas un diamant. »
Nous nous mettons tous ensemble à rire. Je ris jaune.
Nous nous installons autour d’une bouteille de soda, d’une bouteille de whisky et d’un bac à glaçons. Il y a une bouteille pour moi au cas où ! Je fais semblant de m’intéresser à la discussion. Apparemment, il n’y a que moi qui meurs d’envie de savoir ce qui s’est passé quelques heures plus tôt. Je l’observe du coin de l’œil et je lui trouve quelque chose de charmant. Lui par contre, pas un regard pour moi. Pas un seul. Il est plus intéressé par son verre.
« Alors Calvin, tu nous la fais ta fameuse recette ? », demande Iris.
Il se gratte la tête. Rudy se met à rire. Il se plie littéralement en quatre.
« J’espère qu’il vous a dit que son expertise culinaire est réduite à une simple omelette ! »
Suis-je la seule à penser qu’il nous a pris pour des gourdes ? Curieusement, Iris qui mourrait de faim ne se met pas en colère. Vous me direz que la compagnie lui fait oublier les gargouillis de son estomac. Humm…
« T’es pas sérieux ! »
« Je te jure Iris ! Poses-lui la question. Et toi, ne racontes pas de cracs. »
« En fait … », veut commencer Calvin.
« Il n’y a pas de en fait qui tienne. Si tu savais à quel point tu es nul, pourquoi leur avoir menti ? »
Question à beaucoup d’argent. Je tends bien mon oreille. Il se racle la gorge et prend son air le plus sérieux.
« Je voulais passer quelques heures de plus avec elle. »
Elle ou elles ? S’il rêve d’une partie à trois il rêve. Il REVE je dis bien. Comme toujours, je suis la seule à me soucier des détails, des mots. Iris est en train de se baver dessus, les yeux pendus à ceux de Calvin. C’est terrible ! Pourquoi je ne vis pas cela ? J’en ai marre de faire la chandelle, la bougie.
« Elles sont de quel côté les toilettes ! »
« Je te montre. »
Je marche silencieusement derrière le propriétaire jusqu’à la porte des toilettes. Je m’enferme à double tour une fois celle-ci fermée. Pas de bol, ce sont juste des toilettes pour visiteurs. Il y a aucune chance que je retrouve un fond de shampoing girly ici. Pas grave, je jette quand même un rapide coup d’œil dans le meuble sous lavabo. Rien ! Niet ! J’ai bien entendu une voix tout à l’heure ! C’est quoi cette histoire ? Je m’assois sur le pot, il faut que je réfléchisse.
« A-t-il oui ou non une femme dans sa vie ? »
Réponse : Oui parce qu’il est trop beau pour être célibataire dans une ville où les femmes semblent bien plus en manque que les hommes. Et puis non, je n’en n’ai aucune preuve.
« T’intéresse-t-il ? »
Réponse : Peut-être ! Mais juste un petit peu alors.
« L’intéresses-tu ? »
Réponse : Pas du tout. Il me remarque à peine.
« Oseras-tu provoquer le destin pour une fois ? »
Réponse : NON ! J’ai trop peur de me casser la gueule.
« Voilà, c’est clair ! Arrêtes donc de jouer les inspecteurs Colombo et sors de cette fichue toilette, on risque de croire que tu as de la diarrhée. »
Je soupire en me levant. Je tire la chasse, me lave les mains et je les rejoins. Plutôt je le rejoins. Il est seul dans le salon. Dès qu’il me voit, il vide son verre d’une traite. Le tintement des glaçons me fait tout genre. Il est trop sexy.
« Ils sont où ? »
« Montés chez Calvin. »
OK ! Pas besoin de vous faire un dessin. Ils se sont retenus toute la soirée et dès qu’ils ont trouvé une seule occasion de se débarrasser de moi, ils l’ont fait. Je comprends ce que mon chien a ressenti quand je l’ai abandonné parce qu’il était trop vieux. Mais je n’arrive pas à croire qu’elle m’ait abandonné comme ça. J’attrape mon portable et je compose son numéro. Ça va directement sur la messagerie.
« Merde ! »
« Elle m’a chargé de te déposer. »
« Je ne suis pas d’accord ! »
« Tu veux peut-être faire du stop, ou prendre un taxi et risquer de te faire agresser ? »
Il a raison. Je soupire et il comprend vite que je suis d’accord pour qu’il me dépose.
« Je prends mes clés et on y va ! », me dit-il en s’enfonçant dans le couloir.
Pourquoi tant de haine ? Il y a deux minutes, je décidais de le sortir de mon esprit, de ma vie et là, je vais devoir passer pas moins d’une trentaine de minutes avec lui dans une voiture. Comment est-ce que je vais bien pouvoir me retenir de lui sauter dessus ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Je suis en train de cogiter au point de me faire des cheveux blancs quand il revient. Toujours vêtu de ce short et de ce tee-shirt qui dessine bien son corps. Mon Dieu ! Venez à mon secours.
« Elles sont où ? », rale t-il en soulevant tous les coussins sans ménagement.
Je regarde ma montre, ça va faire quinze minutes qu’il les cherche. A un moment faut se presser mon coco.
« Tu peux te calmer et chercher vraiment ? »
« Dis la fille debout les bras croisés ! », fait-il.
Quoi ? La dernière fois, tu as eu le dernier mot, cette fois tu vas me sentir passer. Assassin, criminel, arnacoeur !
« Euh, pardon ? Je ne sais même pas par où commencer ! De plus c’est bien toi qui a accepté de le faire, de me déposer ou je rêve ? »
« Tu pourrais chercher au lieu de piailler je te jure. »
« T’es mal luné ou quoi ? C’est quoi ton problème ? »
Il fait un pas en avant. J’en fais un en arrière.
« Super ! Grande gueule et trouillarde. T’inquiètes, je voulais juste regarder par là. »
Mince, il vient de se pencher en avant, je sens presque la chaleur de son corps. J’ai la chair de poule et sa respiration dans mon cou me coupe le souffle. Il se redresse en souriant.
« Mais qu’est-ce que tu pensais ? De toutes les façons, je vois très mal ce que toi tu pourrais faire à un gamin qui serait en train de t’agresser »
« Quoi ? »
« Regardes-toi ! Toute petite de partout. Franchement on dirait un clou, un joli clou tout de même. »
« Nan mais je ne te permets pas ! »
« J’ai peur ! Et tu comptes faire quoi ? »
Vlannn…
C’est parti tout seul ! Je viens de lui coller une gifle. J’ai peur d’avoir abîmé son visage. Mon cœur bat à cent à l’heure, il serait peut-être temps de m’évanouir ou de prendre mes jambes à mon cou. Qu’est-ce qui m’arrive ? Pourquoi j’ai fait ça ?
« C’est bon ? Tu es contente ? », me demande-t-il l’air pas du tout content.
Faut que je dise quelque chose. Vite.
« C’est pour m’avoir fracassé le nez ! »
Les traits de son visage se durcissent. Un pas en avant, un en arrière. Me voici coincée. Je sens que je vais faire pipi dans ma culotte. C’est le trou noir, le flou total. Je sens son corps faire pression sur le mien et ses lèvres collées aux miennes. Une seconde et les relents d’alcool qui se dégage m’enivrent, je me laisse aller et puis la réalité s’impose. Il se passe quoi ? Je le repousse.
« Tu fais quoi là ? On ne se connait même pas ! Je ne sais rien de toi et tu ne sais rien de moi. Peut-être que j’ai un fiancé qui m’attend chez moi ? »
Il enfonce les mains dans les poches et plonge ses yeux dans les miens. Je réalise pourquoi Iris a suivi Calvin cette nuit.
« Tu as un fiancé Nowa ? »
« Mais de quoi je me mêle ? »
Il s’approche à nouveau, prêt à me donner un second baiser mais je le stop net. Il se redresse et recule.
« Ecoute ! Je ne retrouve pas mes clés alors, tu ferais mieux d’appeler ton fiancé. Si tu veux aller rejoindre Iris c’est au 5ème étage. Porte 5C. »
Il dit ça et m’abandonne là ! J’ai les jambes en coton, je vais m’écrouler. J’entends une porte se refermer. Je cours me poser sur les accoudoirs du canapé.
« C’est quoi ce bordel ma belle ? »
Je stresse grave là. Pas un seul bruit. Je recompose le numéro de ma chère cousine, toujours le répondeur. Que faire ? Je mordille le bout de mon index droit tellement le stress veut me tuer. J’ai tout à coup chaud. Je défais mon bun dans l’espoir de m’oxygéner le cerveau. Je n’ai pas rêvé, il m’a bien embrassé. Il a même essayé de le faire une seconde fois. Il joue à quoi là en s’enfermant dans sa chambre lui ? Mais s’il m’a embrassé c’est qu’il doit bien me trouver du charme. Je repense directement à Mimi.
« Nowa, tu devrais foncer. Fais de temps en temps confiance au destin, au hasard. Il y a des fois où tu dois arrêter de réfléchir et te lancer sans rien demander, sans rien attendre. Ce Rudy, il te plait n’est-ce pas, alors ne t’occupes pas de savoir si il est en couple. Dès que l’occasion se présentera fonce ma chérie. »
Je suppose qu’en se mettant avec mon père c’est cette idée qu’elle avait suivi. Et huit ans plus tard, la voilà avec un enfant et sur le point de se faire plaquer pour une autre. Je ferme les yeux et je soupire.
Elle a raison. Ce sera juste une nuit. Juste pour cette nuit et après, chacun de nous retournera à sa vie. Lui avec sa probable petite amie et moi avec ma solitude. C’est décidé, ce gars, je vais me le faire.
Galvanisée par une chaleur naissante entre mes jambes, je m’enfonce dans le couloir abandonnant mon sac et mon portable. Je marche lentement jusqu’à la porte au fond en m’empêchant de penser.
« Rudy. », fis-je.
Aucune réponse. Je fais la moue en priant qu’il ne soit pas encore endormi.
« Rudy ! »
Toujours rien. Je vais l’appeler une dernière fois et s’il ne répond pas, je me casse.
« Rudy. »
La porte s’ouvre ! Il apparait torse nu, le visage vide de toute expression. Mon Dieu, qu’il est beau. Il passe une main dans le creux de ma nuque m’attirant à lui dans cette chambre plongée dans une obscurité des plus totales. Ai-je connu baiser plus fougueux ?