6- La Rentrée
Ecrit par wilfrid nougbo
6- La Rentrée
Tel que la vie en rose se mêle quelques fois cauchemar ainsi celle au cauchemar se mêle quelques fois rose. C’est le cas pour nous les deux. Sinon pour moi car Ifèmi a sûrement été habitué à ce luxe.
Nous sommes revenus du sport tout fatigué. Moi qui me disait forte, mon fer a rencontré un autre et s’est replié. Je ne pense pas me réveiller tôt demain car mes membres ont commencé déjà par me faire mal.
Nous sommes rentrés au salon, trouvant maman allongée dans le canapé en train de dormir. Les docteurs sont toujours comme ça. Entendant nos pas, elle s’est tournée comme savourant son sommeil alors que ce n’est pas le cas.
Moi :(chuchotant à Ifèmi) Maman est là. On est foutu crois-moi.
Maman : Vous êtes plutôt touffus.
Ifèmi :(pouffant de rire) Je savais.
Maman : Quoi ?
Ifèmi : Que vous n’avez profondément pas dormi. Je vous connais pour ça.
Maman : Kaaabô ! Alors d’où reviennent mes amis comme ça ?
Ifèmi : Du….
Maman : La demoiselle ne parle pas ?
Odjé ! J’ai tiqué on dirait un enfant surprit en flagrant délire. Moi qui étais déjà emportée ailleurs par la peur qu’elle allait nous gronder.
Moi : Oui vous dites ?
Maman : Vous pensiez à quoi ? Vous étiez où ?
Moi : Euh… nous sommes allés nous distraire maman.
Maman : Kouchè ! Vous distraire djan. Allez-vous doucher, manger et revenez jouer de Ludo avec moi hein.
Ifèmi :(surprit) Mangez ? Mais il n’y a rien.
Maman : Anh… mon mivèdo ? (c’est ce que vous croyez ? en goun) Moi j’ai préparé déjà au lieu de rester-là à attendre que vous veniez le faire. Aller, mibobou (disparaissez en goun).
Je vous rappelle que Maman est originaire de Porto-Novo et plus précisément de Kpadovié. Son mari et Ifèmi l’appellent sœur Kpadovié (ou kpaaavi) mais moi je l’appelle maman comme je vous l’avais. Les gens disent que les Porto-noviens sont méchants et surtout leurs femmes mais c’est le contraire que je constate chez celle-ci. Elle est plutôt simple comme l’eau. Si vous me le permettez hein.
Quelques minutes plus tard je suis revenu la voir sans Ifèmi.
Moi : Voilà ! On commence non.
Maman : Hum ! Madame parfum. Kaaabô et ôkô iyawo. (C’est ainsi qu’elle a surnommé Ifèmi. Selon la coutume des nagos, la femme devra vouvoyer et attribuer un surnom à tous ceux qu’elle est venue voir dans sa belle-famille du plus petit au plus grand et même les bébés).
Moi Bah ! il s’est dit trop épuisé.
Maman : Quoi ? Vas me le chercher hein. C’est quel adidônon ça (paresseux en goun) ? D’ailleurs laisse-moi aller le chercher moi-même.
Sous mon regard surprit, elle s’est levée et s’est dirigée vers la chambre d’Ifèmi.
Au bout d’une minute, elle est revenue toute déçue.
Maman : On aurait dit un bébé. Monsieur est plongé dans le sommeil du lion.
Moi :(caquetant) Je voulais vous mais vous étiez plus que décidée.
Maman :(fronçant les sourcils) Maintenant on commence comme tu as dit ou bien toi-même tu veux le rejoindre ?
Moi :(faussement étonnée) Hum ???
Maman : Gandji ! (bien sûr) On ne sait jamais.
On a ricané un peu avant de nous installer pour faire le jeu. Nous avons commencé d’abord avec sérénité et en silence mais maman n’a pas pu s’empêcher de rompre ce silence. Que les originaires de la ville à trois noms m’excuses, j’ai appris que ceux de là-bas aiment bavarder et je n’en doute pas avec madame ma maman encore moins qu’elle est infirmière.
Maman : C’est quand votre rentrée dite scolaire là ?
Moi : Hum ? Dites scolaire ?
Maman : Oui, oui. Parce que scolaire égal assidu mais vous les enfants d’aujourd’hui n’êtes assidus en rien.
Moi : Ah bon ! Mais moi je ne suis pas enfants d’aujourd’hui.
Maman : Oui, tu es alors enfant de… ?
Moi : En tout cas je ne le suis pas.
Maman : Ekanwé ! Dis-moi qu’envisages-tu faire après les études surtout que tu tiens coute que coute à faire la série D?
Moi : Euh… Je n’en sais rien pour le moment mais mon père veut……..
Maman :(m’interrompant avec hardiesse) Hey Nawé ! (madame) Laisse ton père tranquille et dit moi ce que tu veux toi-même. Et aussi…..
Moi : Maaaaaamaaaaan !
Maman : Quoi ?
Moi : Vous…
Maman : Oui, je parle trop mais c’est toujours bon ce qui sort de ma bouche. Alors future sage-femme je vous écoute.
Hum !!! Comment a-t-elle su que c’est ce que je voulais devenir en dehors du fait que le journalisme aussi soit l’un des meilleurs métiers qui me font vibrer. Surtout quand j’écoute la radio et entends les femmes journalistes telles que Angela DAMATA, Hermine AKPONA, Annick BALLEY etc. parler avec perspicacité et enthousiasme dans la voix, je me plonge dans une profonde rêverie et c’est exactement ce que je suis en train de faire actuellement même. Il a fallu que maman me tapote à l’épaule pour que je sache que je ne suis plus avec elle.
Moi :(tiquant) Hum !
Maman : Hein. En dehors de la médecine, tu feras quoi ? Ou bien tu crois que je ne t’observe pas quand tu me regarde avec tes yeux d’envieuse chaque fois que je me prépare pour se rendre à l’hôpital ?
Moi :(sourire léger) Bon ! Je ne sais mais j’aime le journalisme.
Maman :(Pouffant de rire) Tu blague je pense. Toi qui ne sais même pas parler en présence de deux personnes-là, tu veux faire quoi ? Tu ferais mieux de te focaliser sur la médecine. De plus tu veux faire une série scientifique alors que les journalistes sont pour la plupart des littéraires.
Moi :(soupirant) Et il n’a pas de centre de formation pour ça.
Maman : Si, mais les grandes radios et télévisions priorisent ceux qui sortent d’une école de journalisme. Donc ma chérie contente-toi de la médecine là pour le moment.
Moi : En tout cas c’est ce que j’aime ça. Et s’il me faut passer le BAC deux fois, je ne vais pas manquer.
Maman : Ook ! Ma tacite journaliste ce n’est pas comme ça il faut pousser les dés. Tu es peut-être une bonne joueuse pour Ifèmi mais pas en face de votre doyenne que je suis.
Moi : Et c’est comment ? (baillant)
Maman : (essayant d’introduire ses doigts dans ma bouche) Hey, il y a quoi ?
Moi : Je suis fatiguée et j’ai sommeil.
Maman : Koun. Qui s’assemble se ressemble. Moi aussi je dois m’allonger un peu en attendant que mon chérie revienne.
Moi :(étonnée) Hum !
Maman : Oui tu as entendu quoi ? Gbléwanon (gâtée).
On a ricané un peu avant de se quitter.
Deux semaines plus tard
Bien que ce ne soit pas chose aisée, l’oncle d’Ifèmi a réussi à me faire inscrire au CEG Sakété (Ils n’ont pas encore le second Collège donc pas de CEG 1 et 2). Je suis maintenant en train de faire ma première journée en tant qu’élève en classe de seconde D (je ne sais pas de quel D il s’agit puisqu’il y en a jusqu’à trois) et Ifèmi en Terminale A1.
L’école repose sur une surface de terrain de superficie moyenne située à près de dix mètres (10 m) de la voie bitumée menant d’une part à Porto-Novo et d’autre part à Pobè. Elle est clôturée et est composée de plus de cinq bâtiments disposant chacun de six salles au moins. Cette clôture comporte trois portails dont l’un d’eux s’ouvre sur le terrain de sport qui est dans une clôture autre que celle des salles de classe. Bon je n’en sais pas plus que ça pour le moment. Je suis actuellement dans le bureau du directeur. Il m’a demandé que je passe le voir avant d’aller rejoindre ma classe alors je n’ai pas tardé. Cela n’est peut-être pas nécessaire mais il faut que je le dise. Le directeur est un beau gars. Hum ! Euh… plutôt un bel homme de taille moyenne et de teint clair. Il s’est sapé d’une tenue traditionnelle bomba et a porté un Gôbi (chapeau traditionnelle des porto-noviens). Dès mon entrée c’est l’odeur de son parfum qui m’a souhaité la bienvenue.
Moi :(debout bras croisé et tête baissée) Bonjour Directeur.
Directeur :(assis dans un fauteuil et fouillant ses dossiers) Oui salut jeune fille. On se sent comment ce matin ?
Moi : Bien Directeur et…
Directeur : Prends siège s’il te plaît.
Mon Dieu, mon cœur a reçu un coup. Pourquoi m’a-t-il interrompu ainsi ? On ne dit pas « et chez vous » ici ou quoi ? En tout cas je suis déjà et je verrai comment ça roule par ici. Je commence par frissonner.
Directeur :(raclant la gorge) Ma chérie sois tranquille. Je suis peut-être sévère mais pas méchants. Dis-moi tu as eu combien comme moyenne de classe ?
Tu as pourtant mon bulletin avec toi mon cher directeur. Alors est-ce pour m’éprouver ?
Moi : Euh... treize soixante-six (13,66).
Directeur : Ok ! Tu as ton bulletin avec toi ?
Maaaaahou !!! Ce type me donne la migraine déjà. Tu as la chose avec toi et me la demande encore ? Ok !
Moi :(Me redressant) Je….j’ai la copie ici. Mon père (oncle d’Ifèmi) a…..
Directeur :(m’interrompant) Je sais. C’est juste pour m’assurer que ta moyenne n’a pas été falsifiée.
Quoi ? Moyenne falsifiée? Je ne crois pas. Peut-être ici mais au village non.
Moi : Anh ok !
Directeur : Oui, oui parce que tu es trop jeune pour faire cette classe et même t’amasser cette grosse moyenne. De plus vous les jeunes de nos jours êtes capables de tout.
Moi : Je vois. Mais nous n’on est pas comme ça chez nous hein.
Directeur : Chez vous c’est où ?
Moi : Ologo
Directeur : Anh je vois mais les villageois aussi rentrent de nos déjà dans le jeu. Alors dis-moi qu’envisages-tu faire après tes études ?
Vraiment Dawé (homme) nous ne sommes pas dans la salle d’interrogatoire non.
Moi : Bon je ne sais rien pour le moment. C’est en mangeant que l’appétit vient dit-on.
Directeur : Ah bon ! Ok je ne vais pas trop te retenir. Il est l’heure des cours.
Tu ferais mieux sinon…. Sinon quoi ? Je dis ça comme si je peux lui faire quelque chose. Il m’a remis un papier que je crois serait un reçu sur lequel est griffonné, 2nde D1 les montants de ma contribution, ma souscription et autres en plus d’un T-shirt de couleur verte portant le logo du collège et des écritures.
Directeur : Tu peux maintenant disposer.
Moi :(soulagée) Merci Directeur.
Directeur : Bonne chance et surtout pas de délire sinon tu retournes en 3ème.
Ekanwé ! (ça te regarde en goun)
Moi :(déjà au dehors) C’est compris.
Toute contente me voici dans ma classe. Je pense être la moins âgée que tout le monde ici hein. Tous les regards se sont tournés vers moi dès que j’ai franchi le seuil de la classe. Mon cœur a failli me lâcher. Mes pieds se sont alourdis comme je viens de me décharger un gros fardeau. Sans rien attendre je me suis dirigée vers la professeure qui a ses yeux munis de lunette plongé dans un livre je crois de biologie.
Moi :(lui tenant le reçu) Bonjour Madame.
Elle : Oui mademoiselle. Que…. Anh ok. Euh… Jacques
Jacques : Oui madame.
Madame : Lèves-toi et ramasse tes affaires s’il te plaît et vas t’asseoir à côté d’Armandine.
Jacques :(visage hideux) Madame ???
Madame : Je ne veux rien entendre. Tais-toi et obtempère.
Bien que mécontent ce dernier obtempère tout en boudant.
Madame :(s’adressant à moi) Sènan vas t’asseoir là-bas. C’est désormais ta place.
Moi :(gêné) D’accord merci Madame.
Madame : Pas de quoi. Ou bien ça ne te plait pas ?
Moi : Non merci madame.
Alors comme vous venez de le constater j’ai commencé ma course scolaire comme ça. Prions alors que ma destination sois bonne ou du moins meilleure.
Kooooyi !!! Je suis fatiguée de parler seule je donne alors la parole à tout le monde alors…
« Ifèmi »
Voilà ! Tu as raison ma chérie. Tu n’es pas la seule dans l’histoire.
Il est huit heures et je suis en classe depuis plus d’une heure mais le présumé professeur n’est pas encore là alors que nous avons le cours de français en question à sept heures. C’est son premier rendez-vous selon ce que j’ai su à travers les camarades. En effet, celui qui devrait nous garder cette année a été affecté vu qu’il est un permanent. La classe bien qu’étant bourrée de candidats chamaille comme au marché. Rockybou et moi sommes en train de traiter une épreuve de français qu’il a apportée. Rockybou est mon meilleur ami depuis la classe de seconde. Il est super intelligent. Toutes mes tentatives pour lui arracher le premier rang ont été vaines. La seule fois que j’ai failli c’était en seconde quand il avait 15, 10 de moyennes et moi 15,05. Si je partageais la même table que lui, on aurait dit que nous nous trichons mais ce n’est pas le cas. Les camarades disent même que ça les étonne de nous voir amis ; car chez nous ici et comme d’habitude lorsque tu défie quelqu’un en classe tu es son rival et cela peut t’amener à le considérer même comme un ennemi alors que ce n’est pas avec nous.
Nous n’avons même pas fini de traiter la dite épreuve quand la salle s’est calmée. J’ai levé ma tête et je l’ai vu entrer toute belle, vêtue d’une veste de couleur beige qui repose sur une jupe de même couleur et qui titille sa forme arrière. Elle est une métisse (selon mes infos hein) pas comme les autres parce que si la beauté était une boutique je dirais qu’elle serait la directrice et si elle était un royaume elle serait la reine. Bref elle est super belle. A sa vue, le rythme du battement de mon cœur a commencé par augmenter sa vitesse. Je ne sais pas la raison alors que c’est une seule fois qu’on s’est vu et cela lors des épreuves orales du BEPC il y a trois ans. Je ne savais pas qu’elle enseigne aussi le français parce qu’elle m’avait interrogé en Anglais.
Flashback
La sirène du CEG Ikpinlè (devenu aujourd’hui CEG 1 Ikpinlè) où nous faisions l’oral venait de retentir nous invitant à nous présenter dans nos classes respectives alors que j’étais encore accroupi près de mon plat de riz parce qu’après le sport que nous avions terminé tardivement pour raison du nombre pléthorique des candidats admis, j’avais dormi un peu. Ce qui avait fait-je n’avais pas vu le temps passé.
Rapidement, je déposai le plat et avait remis l’argent à la vendeuse avant de courir sans même attendre le reliquat ; direction notre salle. Je reviendrai prendre ça après. Dis-je.
Tout le monde était déjà en salle et l’oral avait même commencé déjà.
A pas pressés et tête baissée, j’introduisis la salle et me dirigeai discrètement vers une table dans le coin de la salle. Croyez-moi je faillis m’écrouler par terre quand j’avais entendu la voix me parvenir derrière moi. Me retournant, je la vis assise en face d’un de nos amis. Elle avait porté une robe de couleur rose et un chapeau noir posé sur ses cheveux bien choyés.
Madame: Where do you suppose to go? (Où supposes-tu aller?)
Moi:(frissonnant déjà) I… euh… I haven’t… (Je…euh… je n’ai…)
Madame: Shu…shu…shut your mouth up. Vous vous croyez où ici monsieur? Au marché ou bien dans le salon de vos parents où vous pouvez sortir et rentrer comme bon vous semble. Voilà les futurs cadres qui viennent en retard. Vraiment hein que veut devenir le monde intellectuel de demain. Quel est ton nom ?
Moi :(honteusement) DOURO Pascal Ifè.
Elle me fixa longuement avant de m’ordonner au moyen de la main de disparaitre. Durant tout l’oral elle ne faisait que me jeter des coups d’œil que je n’avais pas trop aimé et détournais mes regards chaque fois qu’ils se croisaient (je parle de nos regards). A la fin elle m’avait donné son numéro me disant de l’appeler mais pour vous dire la vérité une fois que je l’avais quitté j’ai oublié comment le papier qu’elle m’avait remis a disparu et je n’ai pas daigné le chercher d’autant que je ne suis pas intéressé par son jeu-là.
Flashback terminé
Tandis que nous sommes tous debout au son de la table tapotée par quelqu’un devant, elle s’est dirigée droit vers son bureau, dépose son sac et sa trousse et revient se présenter devant la classe comme une artiste voulant livrer un concert.
Madame : Bonjour mes chers maris et chères coépouses. Comment allez-vous ?
Tout le monde a répondu sauf moi. Eh oui parce que je ne suis pas son mari.
Madame : Chez-moi aussi ça va. Alors on se présente. (Elle prend la craie et griffonne son nom au tableau) Moi c’est Lorie Sedjro, je suis celle-là qui conduira vers l’épreuve de français du BAC prochain. Je suis simple et sévère mais parfois méchante pour les paresseux. J’aime les travailleurs et leur travail. Je ne pense pas que je vais me présenter plus que ça. C’est votre tour donc.
Elle parcourt la classe de regard et ayant croisé le mien, elle interrompt Luc qui a déjà pris parole.
Madame : Attends Monsieur, tout le monde se présente sauf Ifè.
Quoi ?
A suivre…