5- Changement

Ecrit par wilfrid nougbo

5  - changement

C’est toujours bizarre de se réveiller  dans une maison à laquelle on n’avait pas été habituée.  Surtout quand il s’agit du changement de mode vie.

Ça  fait maintenant plus de  deux mois que nous sommes chez l’oncle d’Ifèmi à Sakété. Ce dernier a été courtois avec nous depuis que nous avons posé les plantes de nos pieds dans sa clôture qui repose sur deux carrés accueillant un joli bâtiment à trois étages.  Ne parlons même pas de sa femme qui est devenue actuellement ma mère.  Ils n’ont pas encore d’enfant alors que la dixième année de leur union se fêtera bientôt et j’ignore la raison de cette stérilité (excusez !  Je n’ai pas d’autre terme que cela pour désigner cet état de chose).

Comme d’habitude depuis que je suis ici, je suis sortie de mon lit à six heures bien que je me sois réveillée à cinq heures. (Au fait ici, chacun à sa chambre garnie de tout ce dont il aurait besoin). Après la routine de mes travaux domestiques je suis retournée me coucher vu que la maison n’est pas encore réveillée. L’oncle d’Ifèmi est censé aller à la DEC (Direction des Examens et Concours) à Porto-Novo pour régler mon affaire de BEPC sans oral là. C’est la troisième qu’il  va  s’y rendre. On ne fait que lui dire de revenir après l’avoir fait remplir certaines  formalités. Il m’avait même ramené une fiche la semaine écoulée à remplir. Dieu merci que je n’ai jamais oublié mon numéro de table, mon établissement de provenance et mon centre de composition sinon j’aurai lâché dans le pot comme un blanc comme le dire l’autre. Sa femme que j’appelle maman est une infirmière et n’est pas encore revenue de la garde qu’elle a montée hier.

pendant que je me  suis  encore lovée sous le drap en train de savourer mon sommeil, j’ai senti une main me caresser  les pieds. D’un bond et à cœur hérissé je me  suis levée pour voir qui est là.

Et voilà, je le vois  en short  assis au chevet de mon lit tout en lui dévêtit  sauf à partir de ses hanches. Qu’il est beau celui-là. Bien que n’ai pas de bagages de connaissances en matière d’amour, je vous jure que chaque fois que je le vois et surtout dans cette condition mon accélère son battement.  La première fois que je l’ai vu nu quand j’allais prendre la pelle dans sa chambre, je n’ai pas tardé à halluciner, il a fallu que maman crie mon nom depuis le salon  avant que je ne revienne sur terre. Ne me traitez pas de pute mais vous savez tous (je parle en particulier aux femmes) que tel que la nudité de la femme suscite l’envie chez l’homme c’est la même chose chez les femmes. Bon ça passe, parlons de cet instant.

Mais que fait-il ici ? Où sont les autres pour qu’il se donne aujourd’hui pour la première fois depuis que nous sommes à Sakété l’audace de mettre pieds dans ma chambre. Je vous rappelle que seul Olouôdè sait quelque chose de notre relation. Son oncle et sa femme croient jusque-là  que c’est lui qui nous a sauvés tous les deux des griffes du méchant roi et je pense que c’est Ifèmi qui leur a mis ça dans la tête pour je ne sais quelle raison. Je lui trouve quand même raison. En effet, avoir de copain à quinze ans dans notre village s’avère aberrant et surtout auprès des gens bien que civilisés restent cramponner sur la tradition.   

Moi :(étonnée) Tu fais quoi ici ? De plus où….

Ifèmi :(posant la main sur ma bouche) Chut ! Personne n’est ici.

Moi : Quoi ton oncle est déjà parti ?

Ifèmi : Oui et pourquoi t’étonnes-tu ? Tu voulais lui dire quelque chose avant qu’il ne parte ?

Moi : non rien. Maintenant je peux avoir la réponse à ma question ?  

Ifèmi : laquelle déjà ?

Moi : Tu es venu chercher quoi ici.  (Le taquinant) Egbè èyè lèyè ounwôtô (les oiseaux sont appelés à se suivre traduction littérale du nago)

Grattant les cheveux, il se lève tout honteux.

Ifèmi : Bon ! Au revoir loooo !  

Moi : C’est la réponse à ma question ça ?

Ifèmi : Tu veux quelle réponse de plus ? Je voulais te proposer quelque chose qui te ferait plaisir mais comme tu me renvoie je te colle la paix.

Moi : (prise de remord) Tu t’es fâchée ? moi je  m’amusais hein.

Il se rasseye tout penaud. On dirait qu’il honte de se mettre aussi  vite en colère.

A vrai dire, je l’aime en tout mais cette habitude de vite se mettre en colère pour rien de sérieux me lasse des fois.

Ifèmi : Euh… Excuses-moi de t’avoir  mal compris.

Moi :(lui prenant la main) Non c’est plutôt moi qui t’ai mal parlé. Tu voulais me proposer quoi ?

Ifèmi : Tu as à faire ?

Moi : Rien. Mais je ne sais pas si maman serait de retour.

Ifèmi : Elle n’y serait pas et si c’est le cas je l’ai déjà tenu informer.

Moi :(curieuse) Alors c’est quoi la chose ?

Ifèmi :(prenant le soin de dire lettre par lettre le mot) S.P.O.R.T

Je n’ai même  pas attendu  qu’il finisse avant de me jeter dans ses bras manquant de le faire tomber. Tellement que je suis heureuse de faire de nouveau cette activité que j’aime plus à l’école.  Je m’étais  toujours montrée forte dans tous les exercices que nous donnait Monsieur  Rachidi notre professeur d’EPS. Mes camarades m’avaient même surnommé Noélie Yarigo même si je n’ai  aucune idée de qui il s’agit.

Moi :(le lâchant délicatement) Mais aujourd’hui n’est pas samedi non.

Ifèmi : Non mais nous sommes en ville ici. Le sport se fait tous les jours surtout que nous sommes en vacances alors cesse tes interrogations et lèves-toi.

Moi : Hum ! Mais je dois me doucher d’abord.

Ifèmi : Pour aller courir, il faut encore se doucher ?

Moi : Eh oui. Je suis une fille tu oublies ?

Ifèmi : Alors tu attends quoi ?

Je me suis levée d’un bond et me dirige vers la  douche.

Ifèmi :(me taquinant) Je viens avec toi ?

Moi : Pour ? Voyou que tu es.

Au bout de quelques minutes, je sors de la douche et ai mis mes tenues de sport que maman m’a ramenées la fois dernière.

Arrivée au salon, je le trouve assis en face de la télévision dans tout noir.

Moi : Hey diable noir. Je suis prête.

Il me toise tendrement avant de me tirer le bras puis on sort de la maison.

Je crois que vous vous demandez  actuellement où se trouve Olouôdè.  Eh bien je vous dirai que l’oncle d’Ifèmi lui a trouvé une occupation qui est celle d’un meunier dans un quartier un peu loin de là où nous vivons. Il ne revient que les samedis soirs. C’est lui-même qui s’est proposé quand l’oncle d’Ifèmi parlait de ça une semaine après notre arrivée ici.

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Au village, il y a du monde au palais. On n’a toujours pas de nouvelles du roi depuis environs deux lunes  et ce qui reste à faire maintenant c’est de faire recours aux dieux par les oracles.

Cela fait un bon moment qu’on attend le Bokôvou pour connaître la cause de la disparition d’Adéchinan et le sort du village mais ce dernier prend du temps pour  montrer.  

Otunba :(faisant son entrée sous le  regard  de tout le monde) Je me trompe c’est ça ? Bokôvou n’est pas encore là.

La reine : Que voulez-vous nous dire Otunba ? On vous a envoyé chercher quelqu’un et vous revenez après des heures pour nous faire des théâtres ou quoi ?

Iyalodé : Otunba je ne pense pas que tu sois un homme ayant deux testicules.

Balogun : Moi  je crois qu’il devient fou. Comment quelqu’un qui peut assurer l’intérim du roi pourrait agir comme ça on dirait  un gamin qui se cherche.

Otunba veut répondre à peine quand toutes les bouches sont restées entrouvertes à la vue d’Olou awo au lieu de Bokôvou.

Olou awo :(raclant la gorge) Vous êtes surpris de me voir arriver  à la place de celui que vous espérez ou bien ? C’est normal. Tel père tel fils dit-on mais moi je dirai tel roi tel  royaume. (Il ricane) Donc vous m’avez déjà oublié comme ça et cherchez votre solution auprès d’un autre féticheur ?  Je vous ris à la gorge. Vous oubliez que Bokôvou et moi sommes collés plus que deux jumeaux ? Après le départ de Balogun, il  s’est dirigé droit vers ma maison  sollicitant mon aide dans cette affaire. Je suis là  parce que je sais que j’ai droit de sauver mon royaume même si vous n’avez pas vous ce souci. Alors vous voulez ou pas prêtez-moi vos oreilles.

Sous le régard ahuris de tous, il étale une  petite natte sur laquelle il pose sa fesse avant de déposer ses fétiches pour commencer sa consultation.

Après quelques minutes d’incantations  de rites il baisse la tête comme étant déçu.

Olou awo : Je s avais……

Otunba : Que se passe-t-il  Awo ?

Olou awo : Je l’avais pourtant prévenu mais sa tête dure comme la pierre de dassa ne lui a pas permis de me considérer comme messager des dieux.

La reine :(Inquiète) Olou awo ! Répondez-nous s’il vous plaît. Les dieux nous disent quoi ?

Olou awo :(Passant la main sur le visage et soupirant) Adéchinan a rejoint les ancêtres.

Iyalodé : Yégué ! (interjection d’étonnement en nago ou encore plusieurs autres langues du Bénin)

Balogun : Quoi ?

Otunba : Olougbao! (Interjection de secours en nago)     

La reine :(En larmes) Vous dites quoi ?

Olou awo : Il est mort  et c’est de sa faute. S’il m’avait consulté on n’en serait pas là maintenant. Dites-moi.  Que pensez-vous faire avant en invitant Bokôvou ?

Personne n’a l’amabilité de lui répondre.

Olou awo : Vous n’avez plus la bouche pour me répondre ?

Otunba : Au fait,  on veut savoir ce qui se passe depuis des lunes et en particulier  la disparition de nos enfants sans oublier le départ imprévue de sa majesté que vous venez nous annoncer qu’il est mort.

Olou awo : Et moi je ne suis pas  bien placé pour vous tenir informer c’est ça ?

Balogun : Ce n’est pas Olou, c’est parce que vous nous avez quitté Olori et moi avec colère la fois dernière.

Olou awo : Vous ne savez plus demander de pardon dans ce village ou bien. Ce n’est pas grave maintenant que vous avez perdu votre roi je verrai à qui vous aurez à faire.

Otunba : Olou ne dites pas ça. Nous reconnaissons que nous avons tellement tort que nous ne méritons pas que vous nous traitiez dignement mais nous vous prions  de nous aider et nous sortir de ce pétrin dans lequel nous nous sommes enfouis.

Olou awo : Maintenant que me voulez-vous ?

Iyalodé : Aidez-nous à retrouver le corps du roi et l’enterrer avant de penser à comment organiser une intronisation.

Olou awo : Iyalodé. Tu rêves je pense,  quel corps et où allez-vous retrouvez ça ?

La reine : Comment ça ? Nous savons  tous que selon nos coutumes le corps d’un  roi ne reste pas à l’étranger non.

Olou awo : Bien sûr mais pas ce genre de roi. Je vous en prie oubliez Adéchinan et pensons à autre chose. Je sais que c’est difficile à Olori  de digérer ce que je dis mais elle n’a pas le choix actuellement. Sa majesté a choisi.

A ces mots, la reine ne pouvant plus se contenir, se fond en sanglot,  les laisse et entre dans sa chambre. Iyalodé l’a suivi tristement aussi.

Balogun : Olori !

Otunba : Je vous en prie revenez.

Olou awo : Non laissez-la. C’est normal qu’elle pleure, il s’agit de son mari. Quel que soit le mal que fait la personne qu’on aime, l’amour qu’on a pour elle nous empêcher de le juger. En tout cas moi je suis là pour faire ce que les dieux me commandent. Ma ché temi (je ferai de mon mieux en nago)

Otunba : Maintenant Olou que nous reste-t-il à faire ?

Olou awo : Bon je ne saurais rien dire hein à moins que les dieux nous guident.

Balogun : Qu’attendons-nous alors ?

Olou awo reprend la même scène que celle qu’il avait fait tout  à l’heure mais cette fois-ci avec plus de sérieux.

Olou awo : Chers notables. Il nous faut un nouveau roi dans une lune et ce roi ne doit pas être un natif de notre village. C’est-à-dire un Aaré (un immigrant en yoruba).

Otunba : (secouant tel une personne qu’on vient de réveiller) Je n’ai pas compris ?

Balogun : Moi non plus.

Olou awo : Vous m’avez bien entendu. Donc il n’y a rien à expliquer. Envoyez dès demain un crieur public annoncer cela au peuple. Ils ont le droit à au moins ça.  Quant à moins je commencerai les rituels du choix dès ce soir et surtout ne pensez plus  à corrompre cette  qui que ce soit de peur  que vous ne récoltiez les peaux cassées comme vient de le faire votre misérable roi.

Sans attendre aucune réponse de leur part, il sort du palais les laissant de la peine.

 

Le lendemain

Kingo Kingo Kingo. (son du gong)

Crieur public : Kéééréo ! Kéééréo ! Kéééréo ! Vous habitants d’Ologo, prêtez-moi vos oreilles pour que j’y introduise une informe que vous avez le droit de savoir et le devoir d’obéir. Je vous….

Moulero : Hé hé hé !!! Ogbèni. Dis ce qu’on t’a dit de dire au lieu de nous planter ici et commencer tes conneries.

Le crieur le lorgne avant de continuer.

Le crieur : Vous allez m’écouter ?

La foule : Vas-y nous t’écoutons.

Le crieur : Alors ! Vous n’êtes pas sans savoir que notre roi a disparu depuis  près de lunes et que selon la tradition en cas de vacance de trône pendant une lune, il conseillé de consulter des dieux pour savoir la raison et les solutions qu’il faut trouver à  ça. Eh bien c’est ce qu’a fait notre féticheur hier et c’est de cela sort le fait qu’il faut choisir un autre roi mais pas natif du d’ici. Je veux dire un Aaré.

 

La foule :(étonnée) Hum !!! C’est faisable.

Le crieur : Ce n’est pas à vous et moi de décider mais plutôt les dieux donc enterrez votre étonnement. Et en ce qui concerne la raison de la disparition du roi. Ça reste un secret jusqu’au jour de l’intronisation du nouveau roi. Mowiiré abi mi o wiiiré ? (J’ai bien parlé ou non en yoruba).

La foule : Owiiré !!! (Tu as bien parlé) 

Il sonna de nouveau son gong avant de disparaître.

 

A suivre…..

         
L'Etranger Invisible