67: Taking care of business

Ecrit par Gioia

 

***Thierry Henry Ndouo***

 

Ma mère ne cesse de me faire des remontrances par note vocale. Mon meilleur ami ne répond à aucun de mes messages. Je n’ai presque pas fait de progrès avec Garcie qui au passage est dans l’avion en direction de Libreville. Je vais donc passer les fêtes de fin d’année seul, dans cet appartement, tout ça à cause d’une menteuse qui continue sa vie sans problèmes après avoir ruiné… ; non je l’ai ruiné seul. Ça n’allait pas me tuer de me contenir, mais j’ai laissé mes fantasmes prendre le dessus. Quand je dis qu’on ne m’y prendra plus, haa on ne m’y prendra jamais plus. Je prends mon téléphone pour envoyer un énième message à ma femme. Chaque jour je m’applique à lui rappeler qu’elle me manque, que je suis désolé et jamais je ne recommencerai. Des jours comme aujourd’hui quand je me sens seul et perdu, je pense à mon père. Il aurait certainement su me conseiller ou juste m’écouter. « Et ton enfant dans ce cas ? » me rappelle ma conscience.

-quel enfant ? elle m’a dit qu’elle était sur stérilet, qui ment sur ce genre de choses ? je me réponds

Ma conscience n’a rien comme retour. C’est bien ça. Il n’y a aucune explication rationnelle au comportement actuel sinon qu’elle m’a menti et c’est bien dommage, car le gros naïf que j’étais ne l’aurait jamais capable d’un acte aussi malveillant juste par vengeance.

 

***Elikem Akueson***

 

Le goût des vacances quand tu as passé une année écrasante est sans pareil. Je m’étire paresseusement avant de me lever. Au loin j’entends du grabuge et la voix de Ray qui parle au téléphone tout en se dépêchant en cuisine pour éteindre le gaz en bas de la bouilloire sifflante.

Je passe me brosser les dents et le rejoins dans la cuisine. Il m’effleure rapidement le front des lèvres tandis que je fixe au mieux sa cravate.

-Gars c’est pas mieux de passer à la boutique et on en parle ? Parce qu’au téléphone c’est dur de t’expliquer la différence entre toutes les marques que tu me cites là

…..

-laisse moi arriver et je vois avec la secrétaire pour un rdv, ça marche ?

…..

-c’est bon alors, je te reviens, il conclue puis coupe et me fixe amusé et demande, « c’est quoi ce regard »

-I am just having a proud mom moment, je lui réponds et il éclate de rire avant de m’attirer à lui puis me caresse l’arrière

-pour vivre a « proud mom moment » tu ne penses pas qu’il te faut être « a mom » en premier ?

-laisse moi j’ai déjà parlé, je suis fière de toi, dis-je avant de lui donner plusieurs bisous sur les lèvres

-tu es ma motivation bébé, je me bats pour nous

-merci. Alors, je dois être prête à quelle heure pour la visite chez les parents

-18h, mais encore une fois rien ne t’oblige

-encore une fois je le sais et j’ai hâte d’y aller

-hum OK, j’espère qu’ils ne te feront pas regretter

-arrête avec les paroles négatives au matin hein, tout se passera bien

-je la ferme donc, bonne….journée, il me dit entre des bisous, et…..tu ne me fais plus tes choses de touriste qui part à la découverte du quartier

-le GPS est très précis je t’ai….bon, finis-je par dire devant son regard persuasif

Il est parti la minute suivante et j’étais laissée à moi-même, avec beaucoup d’énergie et très peu à faire dans un appartement déjà rangé, monsieur étant un fan de l’ordre. Du coup je me suis maquillée presque dix fois devant le miroir, avec maman à témoin, afin de trouver le bon look pour ce soir.

-Elikem je t’assure que tu n’as besoin d’envoyer le téléphone si près de tes narines pour que je vois, se moque-t-elle

-tu ne vas pas bien voir la différence d’avec mascara et sans mascara, je réplique, soulevant davantage mon menton pour qu’elle remarque bien

-tu es née avec des beaux cils bien fournis ma chérie, avec ou sans c’est parfait

-mince critique moi un peu, rigolai-je en retour

-c’est ma faute si j’ai fait une jolie fille ?

-mais quand c’est moi…..

-avec tes oreilles de kangourou là qui t’a appelé ici, se fait interrompre mon frère qui est déjà à Lomé

-kiaaa donc je ne t’ai pas assez manqué hein madame, c’est à 25 ans que tu reverras mon visage quand je partirai

Munie de mon téléphone je vais laver la baignoire même si elle est déjà propre, puis me coule un bain dans lequel je m’installe, tout en participant à la querelle des vieux amoureux qui continue sur la ligne. Il faut écouter maman et son fils pour comprendre à quel point les deux sont la paire parfaite. Aucun n’aime se taire quand l’autre est là.

C’est finalement maman qui met fin à l’amusement, en terminant l’appel sous prétexte que je dois commencer à m’habiller pourtant il me reste une heure au moins d’ici le retour de Ray. Je ronchonne dans l’air seulement, elle ne répond pas à mon coup de fil suivant et décline carrément celui que je fais à mon papa. On fait ça ?

J’enfile ma robe bleu sarcelle au col licou et j'hésite entre chignon vs cheveux lâchés quand on répond enfin à mon message.

-Avec mascara, les cils vont détourner l’attention de ton front bombé, c’est la première réponse que j’ai et bien sûr elle est de Romelio; celle d’Océane suit quelques minutes plus tard. Je leur avais envoyé à la sortie du bain, une photo de mes yeux, l’un avec et l’un sans mascara pour qu’ils me donnent leurs avis ; vu que maman n’était d’aucune aide sur le sujet. Océane a pour sa part, sauté le sujet des yeux pour me prévenir que je n’ai pas à me pointer chez les parents avec les petits cheveux de devant éparpillés comme elle voit sur la photo. Et comme elle est extra, il fallait qu’elle me remplisse le téléphone de photos pour bien dessiner mes cheveux avec le gel.

 

***Raymond Ekim***

 

-bébé je suis rentré, criai-je depuis la porte d’entrée, tout en déposant mes clés sur la table. Perla ?

-Oui ?

-tu es prête ?

-eumm…..un instant, répondit-elle avant de commencer un grabuge en haut

-ah c’est toi qui voulais sortir et tu traines ? dis-je tout en montant les marches deux à deux. Je t’assure bébé on peut res……………..ter, murmurai-je sur la fin, admiratif et sans voix devant le tableau qu’elle était dans cette tenue. Si distinguée, si femme, si mienne.

-te fâche pas chéri j’ai presque fini, satanés cheveux, marmonne-t-elle, peigne en main sur ses cheveux et face devant le miroir

Je fais quelques pas, tape son fessier que j’ai cogné ce petit matin pour me replonger dans le sommeil, et je change ce que j’avais prévu mettre avant d’aller en salle de bain.

 

***Garcelle Ekim***

Va savoir qui m’a dit de rentrer. Non seulement il n’y a rien à faire pour me distraire, mais en plus je suis mise au travail forcé par maman qui a la charge de la célébration de noël qu’organise le département des vertueuses, il faut lire par là, les bonnes femmes mariées qui ne vivent que pour être la femme de proverbes 31. Et dans tout ça, on doit encore organiser un dîner pour monsieur Ray parce que je ne sais pas pour qui il se prend.  Le type se pointe chez les parents, blazer au dos comme s’il allait à un gala. Si « en faire trop » avait besoin d’une illustration c’est seulement lui qu’il faut prendre. Et il s’est trouvé une qui lui va bien, et en plus grande suceuse. Ray remet à maman une boîte de Vitamix puis un grand sac cadeau.

-le mixeur est pour toi Tata et le sac cadeau pour papa, de la part de Perla, explique-t-il tandis que maman les remercie tout en sortant du sac cadeau des bouteilles d’alcool sous l’œil observateur de papa, qui au passage ne boit plus.

-du sherry hum, fait-il devant les trois boîtes

-je peux les rapporter et les faire changer s’ils ne sont pas à votre goût, dit nerveusement la fille

-ne lui en veux pas, c’est moi qui lui ai dit que ton favori c’était le sherry, intervient Ray sur ce ton de reproche que papa déteste

-J’ignorais que tu connaissais mes goûts, Garcelle va me chercher mes lunettes

-pour faire quoi ?

-Garcelle, dit maman sur un ton d’avertissement

C’est parti pour une soirée barbante ça. Je vais chercher ses lunettes au vieux, il les porte et recule les bouteilles de ses yeux

-Regente Palo Cortado, Apostoles de Gonzales Byass et Del Duque Amontillado ? Pour moi seul ? tu t’es trouvé une connaisseuse fils, dit-il sur un ton appréciatif

-je sais

-merci, même si je n’y connais rien en alcool, le mérite revient à mon père

-n’empêche que je me suis quand même trouvé une perle, poursuit mon frère tout en admirant le profil de sa copine. Plus nieunieu tu meurs. On croirait qu’il vient de découvrir la femme

 

-Marcelle, commençons, je vais honorer en premier ce Palo Cortado de Regente

-tu vas commencer ? je dis à la suite de papa. Ton médecin ne t’a pas interpelé sur ta consommation d’alcool ?

-laisse-moi Garcelle, on ne vit qu’une fois et ma femme prie pour mon rétablissement donc j’irai bien

-doucement quand même Andi, lui dit maman pendant qu’il se verse sa liqueur

 

La faim menace les entrailles des gens, mais c’est là que maman sait servir ses toasts de foie gras caramélisés comme entrée, au lieu qu’on attaque les vraies choses. Je baisse la tête sur mes cuisses et commence à texter les gens, pour m’occuper pendant que papa remplit les oreilles de gens de commentaires ennuyants sur sa bouteille.

-le pays réussit bien à ton gars hein, il prend un peu de poids et en plus les affaires fonctionnent bien pour lui. Les filles du pays ne vont pas rester les bras croisés hein ma chérie, j’envoie à Kris, puis m’en vais chercher une des plus récentes photos de Ray que j’ai et lui transmets aussi. Il n’a changé en rien du tout, mais comme Kris c’est une tortue, il faut bien que je la fasse bouger.

-salut Garcelle, je sais que tu veux mon bien, mais ne parlons plus de la vie sentimentale de Raymond s’il te plaît merci

-et pourquoi ?

-tu attises ma jalousie pour rien

-aka ma chérie si tu es jalouse c’est parce que tu l’aimes. C’est justement le moment de défende ta chose

-pourquoi c’est à moi de défendre ma chose ? s’il devait m’aimer qu’est-ce qui l’a empêché depuis qu’on se connaît de développer ses sentiments pour moi ? Ce que je vois c’est que je me suis fais des films seule, et discuter de ça avec toi ne m’aide pas à évoluer. Tu me diras que je suis trop molle, mais soit, je ne sais pas ce que je devais faire sinon discuter avec lui. Ton frère m’a pris comme une petite sœur et depuis il n’a jamais dépassé cette ligne. C’est à moi de l’accepter et passer à autre chose

-nieunieunieu tchrrr

-Garcelle on est quand même à table, me gronde maman

-désolée, maugréai-je. Kristina là aussi c’est une femme avec un vagin entre les jambes comme nous toutes ? mince elle fait honte à notre genre et me pousse même à parler tout haut

-Bébé parle à papa de ta découverte sur les ciseaux génétiques, dit Ray après qu’on ait servi le plat de résistance

-les ciseaux génétiques ? fait-elle confuse

-le truc cas9 qui dans quelques années révolutionnera le traitement des maladies génétiques

-tu étudies aussi en microbiologie comme mon Deno ? demande papa

-non je suis en médecine

-elle a fini sa spécialité en pédiatrie et complète une autre en hémato-oncologie

-ray, elle dit genre qu’elle est gênée

-mais tu as fini non, ou je me trompe ?

-oui. L’agneau est vraiment bon tata

-merci, le service est libre hein, si tu veux t’en rajouter

-je vais d’abord finir mon assiette, l’hypocrite dit. Si tu n’aimes pas quelqu’un t 'a dit de faire la remarque ?

-tu aimes les études jeune fille, c’est très bien. Tu as quel âge ?

-28 ans tonton

-Garcelle tu vois, je t’ai dit que la vingtaine est faite pour étudier

Je roule seulement des yeux comme réponse. Si elle voulait tant se faire aimer du vieux, la meuf a trouvé la formule parfaite. Ou plutôt Ray. Comme il a raté sa vie il s’est assuré de trouver une parfaite pour papa pour se racheter. Plus pathétique tu meurs

-parle nous de ses ciseaux génétiques sur lesquels tu travailles. Mon Denola m’avait mentionné une possibilité de réduire ma dépendance à l’insuline par la thérapie génique, mais comme il aime plus l’Australie que son pays, je suis toujours là traînant mon diabète

-Andino il t’a bien dit que les thérapies de ce genre sont encore au stade expérimental et Deno est encore jeune, il vient à peine de commencer la vie professionnelle, il lui faut de l’expérience, intervient maman

-OK hein Marcelle, mes oreilles ont entendues. Alors Perla, tu en es où sur ta recherche ?

-en réalité ce n’est pas ma recherche. Crispr, est l’assemblage d’ARN spécifiques à une protéine, la Cas9 qui ensemble permettent d’éditer en découpant des fragments d’ADN à un endroit précis du génome de tous les organismes vivants. Umm, hésite-t-elle quand elle voit qu’on la regarde comme si elle venait de l’espace. Pensez à un texte sur word comme l’organisme et Crispr-Cas9 comme la fonction suivante « couper/coller ». Une erreur dans le texte est un gène défectueux que la protéine ira couper comme la fonction sur un ordi.

-comment il saura quoi couper dans tout l’organisme ? s’enquiert papa

-la protéine Cas9 se base sur l’ARN guide qu’est Crispr et s’en va chercher l’ADN correspondant au segment de Crispr pour le découper. L’ARN en soi est fabriqué par les chercheurs en laboratoire. Le fait de couper une partie de l’       ADN d’un gène altère l’évolution de la maladie qui est liée, mais ne renverse pas encore, du moins on n’est pas encore arrivé à renverser ou corriger le problème complètement sur les sujets tests.

-Je t’encourage à persévérer et revenir au pays nous en faire profiter. L’occident nous a pris trop de cerveaux. Tu aimes bien le Gabon non ?

-euh oui oui c’est un beau pays

-c’est bien, j’ai un terrain à vingt minutes de l’oasis des princes. Il n’est grand, mais…

-mais enfin papa c’est mon terrain, l’interromps-je.

-tu ne te décides jamais à rentrer, autant qu’il me rapporte quelque chose. Ray tu….

-non, mais tu es sérieux ? dis-je choquée.

-Quand tu auras fini de t’amuser en France je te trouverais un autre. En plus tu seras partenaire de sa clinique, regarde le bon côté des choses.  Ray prend contact avec le notaire et fais-moi savoir en semaine

-d’accord papa, l’imbécile se permet de dire avec un sourire plus que satisfait

-merci pour l’offre monsieur, mais je ne….

-on en parle à la maison Perla ? ray l’interrompt aussi

-vous faites tous chier ! dis-je aux bords des larmes avant de sortir de table. Tant pis pour maman et son honneur. Elle n’a pas ouvert la bouche une fois pour défendre sa fille quand son mari me dépouillait.

 

***Elikem Akueson***

 

Il ne me reste plus que quatre jours à faire au Gabon donc Ray m’a emmené à Port-Gentil, une surprise. Je ne m’y attendais pas vu tout ce qu’il avait comme occupations professionnelles, mais nous voilà, actuellement au pétrolier, resto dont il n’a cessé de vanter les poissons frais.

-on ira ensuite à la plage du cap lopez juste à côté tu verras, c’est beau

-d’accord

-tu comptes me faire la tête jusqu’à quand ?

-je ne fais pas la tête

-tu n’avais que Port-Gentil à la bouche quand je venais te voir à Springs. Il est où ton enthousiasme maintenant que tu y es ?

-arrête Ray tu sais très bien que j’aime le voyage, mais pas le fait que tu aies accepté l’offre de ton père sachant que ce terrain est pour ta sœur

-et alors ? tu sais combien coûte un terrain dans ce coin ? je devrais refuser parce que ?

-refuse ou accepte ça te regarde, mais je ne construirai pas de clinique dessus point final

-des fois tu fatigues sérieux, on ne peut jamais se réjouir totalement avec toi

Je ne lui réponds plus. Il y’a des choses qui sont délicates à dire, mais je ne peux m’empêcher de les penser. Son père avait ce terrain, mais a laissé Ray louer. Il retire à sa fille un bien sans même la prévenir ou en discuter et le tout devant moi, une étrangère. Et il a ramené un tas de fois l’idée d’un partenariat entre sa fille et moi bien que j’aie précisé n’avoir aucun plan d’ouvrir une clinique à Libreville. Si je m’installe au Gabon c’est pour vivre à Port-Gentil qui une fois sur place m’a davantage séduit. Ce que j’ai vu hier du papa ne m’encourage nullement à accepter une offre de lui. Il s’est présenté comme un opportuniste, mais comment tu dis ça à ton copain sans sonner comme quelqu’un qui insulte son père ? Il n’en est pas très proche, mais depuis son retour les choses s’améliorent progressivement entre les deux.

 

***Raymond Ekim***

 

Nous nous sommes couchés fâchés hier. Je considère en tout cas qu’on l’est même si elle dit n’avoir rien contre moi. Elle n’a rien pour moi non plus. Au lieu de remercier le ciel qu’on veuille nous bénir sans qu’on ait demandé, elle fronce la mine, tout ça pour qui, Garcelle l’effrontée. Elle ne le dira pas directement, mais je connais ma meuf. Comme Garcelle est fâchée, je ne peux plus respirer. Je dois refuser mon bonheur, pfff !

Nous avons commencé la journée par un tour au Ripopo avant de rejoindre celui qui nous emmènera à la baie des coquillages.

-c’est beau, s’émerveille-t-elle comme une gamine à quelques mètres du complexe

-maintenant tu me parles hein, avec ta tête là, dis-je et lui arrache un baiser avant qu’elle me serve une de ses répliques légendaires qui aggravera peut-être la situation, or ce n’est pas le moment. Depuis que j’ai posé les pieds au pays, je n’ai pas cessé de chercher l’endroit propice pour nous. Je l’ai trouvé in extremis, peut-être c’est pour ça que je sens mon cœur vaciller comme une fille lol, mais bon on est là. Plus de retour en arrière.

-on peut faire du paddle ? dit-elle dès que nous prîmes notre clé à l’accueil

-mon amour il est 18h, rétorquai-je amusé

-mais il ne fait pas si sombre, allez

-demain promis, il paraît qu’il y’a des dauphins pas loin de la baie

-en plus ! s’excite-t-elle davantage ce qui me fait rire

Contrairement à la nuit précédente nous en passons une meilleure, marchant sur la plage après nous être changés. Les mots se mélangeaient dans mon esprit, mais le moment ne pouvait pas être plus approprié que maintenant, main dans la main avec elle.

-tu as rendu ma vie meilleure

-toi aussi

-non écoute-moi d’abord s’il te plaît

Elle se tait, et me fixe de ses beaux yeux amandes, tandis que je pose une de ses mains sur mon torse

-avant de te connaître mon cœur était rempli d’amertume. J’étais un peu comme un navigateur sans boussole, me laissant porter où les vagues voulaient m’emmener. J’ai longtemps lu et entendu que derrière un grand homme se tient une grande femme. Je me moquais de cette phrase, mais en réalité mon esprit rempli de rancœur. Puis tu es venue, dans cette boutique avec ton amour des glaces. C’était mon premier coup de foudre Perla et l’unique que j’ai eu de ma vie. T’aimer m’a renoué avec mon humanité et bien qu’on se prenne la tête je n’ai jamais réussi à me voir ailleurs qu’avec toi. Je veux t’épouser, faire de toi la mère de mes enfants et ma partenaire jusqu’à la tombe ma chérie, dis-je avant de poser un genou à terre et fouiner comme un idiot à la recherche de cet écrin

-il est dans ta main chéri, dit-elle d’une voix chevrotante malgré son immense sourire

-lol, bref les nerfs, répliquai-je avant de lui ouvrir et elle me plonge dessus sans prévenir, nous faisant tomber dans le sable puis elle se met à me couvrir le visage de bisous. Je le prends pour un oui ? rigolai-je

-un « fuck yes » plutôt, dit-elle avant de se mettre à califourchon sur moi, faisant réagir ma bite  

Je me redresse, lui prends la main et glisse l’alliance au doigt approprié.

-madame Ekim on est sur une plage publique, arrête de frotter ta chaleur contre moi

-monsieur Ekim, j’ai le droit de me frotter sur mon fiancé. Je t’aime Ray, et suis tout aussi chanceuse de t’avoir chéri. Tu es le seul homme qui m’ait littéralement coupé le souffle et fait acheter autant de glaces en une journée parce que je venais te voir

-dis bien la chose tu venais me reluquer

-lol dégage

Et ainsi, j’étais fiancé, et bien sûr prêt à me marier le lendemain s’il le fallait, sauf que ma fiancée voulait d’abord faire du paddle donc nous avons suivi le programme de madame en premier.

Une fois son énergie vidée, j’avais enfin son attention, du moins une partie. Elle était au téléphone avec sa famille, et les commentaires de sa mère me faisaient planer. L’émotion est différente quand on l’appelle « ma fiancée ».

-je n’essaie pas de te la voler, mais j’ai hâte de te voir oh ma chérie, j’ai déjà regardé avec ma couturière pour un rendez-vous dans la semaine de ton retour

-mais elle ne t’a pas dit qu’elle voulait se marier maintenant, intervient son père adoptif

-franchement, commente Perla. Je ne peux même pas profiter de mes fiançailles

-mais qui empêche qui de profiter des fiançailles ? j’ai juste discuté avec ma couturière

-bien sûr, tu n’as pas discuté des tissus et envoyé déjà des modèles, dit Eli

-euh le réseau vraiment, dit sa mère avant de quitter son mari pour se rendre ailleurs

-c’est arrivé au stade où tu ne connais plus la honte hein Belle, se marre Perla

-à la guerre toutes les armes sont valides. En tout cas, j’ai pris rendez-vous et puis voilà. Vous n’allez pas m’empêcher de me réjouir

-ne viens pas te plaindre si les choses ne se déroulent pas comme tu as déjà planifié. On te connaît

-fais tes plans maman, je m’occupe du reste

-bien parlé mon fils, me répond-elle tandis que la concernée nous regarde à tour de rôle et rigole qu’on la connait aussi. Cette fille aime intimider les gens pour rien lol.

-blague à part, je ne veux pas traîner pour le mariage bébé, lui dis-je après l’appel avec sa famille

-d’accord, d’ici un an c’est raisonnable non ?

-hum un an c’est long

-Je n’ai qu’un mois de congés par an de toute façon, ce n’est pas comme si je pouvais faire mieux. En plus ça nous donnera du temps pour l’organisation.

-on est en Afrique Perla, l’organisation c’est facilement fait quand tu as les moyens. En plus j’ai déjà apprêté ta dot, il ne reste qu’une date à fixer pour qu’on aille voir ton père. J’espérais qu’on le ferait avant que tu ne retournes au Colorado

-dot ? genre la dot qu’on donne pour le mariage

-tu connais une autre en dehors de ça

-wait, tu as parlé avec mon père Antoine de tes projets quand ça ?

-quand un homme est prêt à faire le premier pas. Et là n’est pas la discussion. Choisissons une date et….

-Ma mère ne semblait pas être dans la confidence quand je lui ai envoyé la photo de mon alliance, elle est une piètre comédienne donc ne me dis pas qu’elle me faisait marcher, observe-t-elle

-Je vivais en France avec ton père. C’était plus simple pour moi de l’aborder et pour la énième fois je ne vois pas le lien avec notre discussion

-le lien c’est que j’ai deux familles et je n’aime pas ce que je vois là. Je n’aime pas du tout Ray. Tu pouvais quand même appeler maman, ne serait-ce que la prévenir

-donc je me saigne à nous organiser un week-end malgré mon emploi du temps, pense même à notre avenir, te témoigne verbalement mon amour et tout ce que tu retiens c’est que je n’ai pas appelé ta mère ?

-non je…

-ton ingratitude me pompe l’air Elikem ! dis-je avant et quitte la pièce

 

***Leah Note***

 

-je fais quoi avec ? je demande à Garcelle qui me remet une boîte de médicaments. Elle est arrivée hier, mais passe du temps chez Toni.

-j’ai besoin de ton aide ma chérie et bien sûr ta discrétion. Il faut que tu fasses ingurgiter le contenu à la voleuse de gars

-oh un médicament ? c’est quoi ça ? non non, je ne veux pas de problèmes

-non ce n’est pas un médicament, regarde, dit-elle avant de prendre la bouteille, l’ouvrir et verser une partie du contenu, des cristaux dans sa paume

-tu sors ça d’où ? Pardon si c’est la sorcellerie je ne suis pas dedans. Je suis chrétienne

-toi aussi je vais passer par où pour rentrer dans la sorcellerie ? ma mère est directrice du département des femmes vertueuses, je suis moi-même baptisée depuis l’enfance. On n’a aucun lien avec les choses mystiques. J’ai justement exposé le problème à un de nos pasteurs qui m’a remis les cristaux de sel pour que je l’éloigne de moi parce qu’elle me veut du mal

-tu es certaine ? Parce que je me suis renseignée aussi en ton absence vu qu’elle travaille de temps en temps au bistro comme je t’avais informé par message. J’ai lancé au hasard comme ça une conversation sur les bébés et elle n’a pas dit qu’elle était enceinte hein. En plus elle ne ressemble pas du tout à une femme grosse

-toi aussi tu sais que ces choses là sont délicates, tout le monde n’en parle pas.

-en tout cas je ne pense pas qu’elle soit enceinte, peut-être elle a dit ça pour faire trembler ton gars, mais comme il ne lui a pas accordé d’attention elle a continué sa vie

-peut-être, mais elle peut revenir avec une autre histoire et je n’ai vraiment pas envie que mon couple soit testé. Elle a juste besoin d’en boire un peu pour nous oublier, je t’en prie Leah, si je n’étais pas désespérée je ne t’aurais pas demandé. Le pasteur a dit qu’elle n’allait pas lâcher prise facilement donc je dois redoubler la prière et me protéger

-OK je prends, mais autant te dire que je ne sais pas comment et encore moins si je vais y arriver

-merci ma belle, je te fais amplement confiance. J’oubliais, voici, me dit-elle en me présentant une clé

-eh pardon si c’est encore pour elle….

-non c’est une clé de l’appartement de Toni, dit-elle et mon cœur fait un raté

-tu….tu as trouvé ça où ?

-j’ai fouiné pour toi

-il va se fâcher non, je ne veux pas d’histoire

-on est entre femmes ma puce donc je vais jouer cartes sur table avec toi. Toni n’est pas un homme facile. Si tu veux avoir son cœur il faudra être entreprenante. Il peut se fâcher, mais il a un gros faible pour les femmes audacieuses. Si tu sais jouer la main, il sera fou de toi en un rien de temps

-tu crois ? dis-je la voix remplie d’espoir

-le simple fait qu’il t’ait montré chez lui prouve que tu ne lui es pas indifférente. J’ai parlé de toi à maman. Le reste c’est à toi de te lancer et prendre ton homme

 

Oui prendre mon homme, je me répète dans le tram en direction de la maison. L’avenir appartient aux courageux. Et j’en ai à revendre. Le seul problème c’est comment lui retourner la faveur. Je ne suis pas si proche de cette Vitalia même si on s’est échangé quelques mots. Je discute quand même avec maman de cette histoire de cristaux de sel. Pas parce que je doute de Garcelle, mais on n’est jamais trop prudent. Évidemment je ne rentre pas dans les détails avec elle. J’y vais avec le bon vieux « une amie a dit que ». Elle me confirme que les pasteurs prescrivent bel et bien l’usage d’huile, de sel, d’écorce et autre, selon ce que leur indique l’esprit saint. Rassurée, j’attends simplement une occasion de pouvoir aider ma belle-sœur.

 

***Vitalia Andrade***

 

Avant de quitter la maison, j’écris en grand sur mon tableau de vision que je vais le terrasser mon examen. Oui j’ai étudié, je n’y vais pas juste avec la vision et un cerveau vide. Mais j’ai essayé cette technique de manifestation et décroché une place comme serveuse au bistro la dernière fois alors pourquoi ne pas réessayer ? Surtout que j’ai besoin de grandes manifestations, commençant par une réconciliation entre paï et moi. Il ne m’adresse toujours pas la parole pourtant noël c’est pour bientôt.

Je finis mon exam, et passe au bistro pour faire mes quatre heures avant de rentrer. En réalité, je suis sur appel au bistro lorsqu’ils ont besoin de monde ou quelqu’un ne s’est pas présenté, mais c’est déjà mieux que rien. À la maison, mes colis Amazon et Asos m’attendent. Je dois faire attention avec l’argent maintenant que bouba le petit ourson est en route, mais je ne pouvais pas résister au beau manteau de laine classe pour homme qui en plus avait un 35% en rabais chez Asos.

Mon père c’est l’homme qui comme s’il était prêt à évacuer l’immeuble en cas d’incendie. Toute sa garde-robe peut tenir dans une valise et son manteau de l’hiver dernier était en fin de vie, mais le gars refusait d’en acheter un autre bien que j’ai tout fait pour le convaincre, jusqu’à lui offrir une carte cadeau de 50 euros chez Topman. C’est l’homme qui a connu une misère si horrible qu’il craint un jour de se retrouver proche de ce seuil et donc compte soigneusement ses pièces, sauf quand il s’agit de moi. Et je ne l’ai réellement compris qu’en vivant avec lui. Avant moi il n’avait même pas de télé, il se contentait de son ordi. Mais quand je suis arrivée, il s’est pris une télé, une console, il en a fait pour moi et comme une bonne conne je l’ai déçu.

Bref l’heure n’est plus aux remords. J’ai décidé de garder bouba et prouver à paï que je mérite une deuxième chance donc commençons par emballer son manteau qui est super élégant je précise. Il va déchirer dedans et qui sait, se trouver une copine lol. Encore une fois paï ne m’adresse pas la parole quand il rentre du travail. Il ne mange pas non plus le reste de la pizza que j’ai fait. Pourtant la garniture faite maison par mes soins est une de ses favorites. Soit, je finis la soirée devant le club Dorothée sur YouTube et bien sûr mes bouquins scolaires à côté. Je vais avoir un gosse hein donc j’ai le droit.

-paï tu travailles ce samedi ? je lui demande le lendemain avant de sortir

-……

-je ne demande pas pour t’emmerder. Tu te souviens de ma copine Hadeya ?

-….

-Elle m’avait invité dans son pays et j’avais pris le billet depuis un bail, mais il n’est pas remboursable donc euh je pensais la retrouver histoire de ne pas gaspiller mon argent, mais il se fait que je ne serais pas là pour noël donc je voulais nous organiser un truc tous les deux en soirée vers 18….

Il se lève après avoir enfilé ses chaussures et ferme la porte sur mes mots, toujours sans réponse. Le cœur est lourd, mais je refuse de me décourager. Les trois soirs qui nous séparent du samedi, je les emploie à décorer un peu la maison, quand je rentre du travail. Faut dire que je suis nulle comme décoratrice en passant, rien de ce que je faisais ne ressemblait aux photos en ligne. Bouba tu vas te passer de déco hein, en plus c’est mieux pour l’environnement, dis-je à mon petit ventre de presque rien. Le samedi Paï n’était pas là. Il n’est rentré qu’à 21 heures quand j’étais déjà dans ma chambre. Dégoûtée par son attitude, je suis restée sous ma couverture, caressant mon ventre.

 

Le lendemain c’était le revirement émotionnel. Je me sentais mal d’avoir eu la haine contre mon père qui est devenu ainsi à cause de moi. J’aurais dû sortir, et essayer encore. Vu qu’il n’était pas réveillé mais je devais aller bosser au bistro j’ai laissé son cadeau affreusement emballé ainsi qu’un mot.

« mon cher paï, quand tu liras ce message je serais en train de me questionner pour la énième fois si le mimosa était pour la table 5 et le ceviche pour la 8. Je sais que je ne suis pas ta favorite actu, mais tu vois je n’ai pas trop changé. Toujours un peu tête en l’air, mais ta bobo qui t’aime de fou et se sent super minable de t’avoir déçu. Quand tu seras prêt à m’insulter, je serais là pour t’écouter. Toujours un peu tête en l’air, déterminée, ta bobo et maman de bouba. Il faut qu’on te trouve un surnom en b hein, qu’est-ce que tu en penses ? oh tu pensais que tu allais y échapper ? non non la team b c’est nous avec toi en tête. On t’aime, joyeux noël »

Je passe une superbe journée au bistro. Il n’y a pas beaucoup de monde donc le patron nous autorise à prendre un cinq minutes extra à la pause. Nous sommes trois et toutes dans l’esprit des fêtes. Ça parle des projets et résolutions pour l’année nouvelle.

-plus qu’une semaine et je serais en Martinique, dit l’une des filles

-chanceuse, je serais cloitrée ici avec les clients bruyants, réplique l’autre, Leah, j’ai déjà discuté avec elle, contrairement à la première. Et toi Vitalia ?

-je vais à Lomé demain, dis-je super contente          

-tu es togolaise ? j’ai un oncle marié à une

-non juste une amie qui m’a invité

-en gros je reste seule quoi, et en plus tu t’en vas dans le pays où j’ai de la famille, grommèle-t-elle

-lol fais pas cette tête on pensera à toi, la chahute la première tandis que je rajoute de l’arôme maggi sur mes lasagnes. J’ai des goûts bizarres depuis la venue de bouba lol

-je prendrai des photos pour toi, je rajoute aussi pour l’emmerder

-c’est ça, en attendant je peux avoir ton maggi s’il te plaît, j’ai pas assez de sel dans ma sauce

-oui bien sûr

 

Elle le secoue, il n’en sort toujours pas, donc je lui dis d’ôter le bouchon, comme c’est une vieille boîte que je traîne. Enfin elle s’en verse et me le remet avant d’avaler son médicament. La conversation était intéressante, mais le travail doit reprendre. Je termine toujours de bonne humeur et fais une petite danse victorieuse au retour. Le cadeau de paï n’est plus sur la table, pareil pour le mot. Je fais de la sauce d’arachide le soir là et il en mange un peu même s’il ne me parle pas. Je me fais une salade légère avec une vinaigrette maison, essentiellement du yaourt et mon maggi. Pour que paï ne me gronde pas je cours lui remplacer son yaourt nature avant de m’envoler pour Lomé le lendemain. On ne s’est pas parlé, mais je vais déjà passer un meilleur Noël.

   

Hadeya c’est une princesse dans son pays de ce que je vois. Elle a un chauffeur et ne parlons pas de sa maison familiale, pourtant durant son court temps à Lille, on n’aurait pas cru qu’elle venait d’une famille aisée ; je pense à Mãe tout Douai aurait su si elle en avait dans la poche lol. Chez eux ils ne célèbrent pas réellement Noël, mais comme c’est une fofolle, elle a décidé de décorer uniquement sa chambre, bien que sa mère lui répétait qu’elle ne veut voir aucune guirlande traîner dans son salon demain. Demain étant un grand jour. Le père de Hadeya célèbre son anniversaire, et bien sûr nous sommes impliquées dans l’organisation.

Je me suis couchée après une longue discussion avec Mãe qui célébrait les fêtes avec ses copines à Reims. En pleine nuit des crampes inattendues m’ont réveillé. J’ai fait des recherches sur le net pour comprendre la cause, mais rien de concluant et elles m’ont quitté donc je me suis rendormie.

Le réveil fut horrifique. Mes yeux se sont ouverts en premier j’ai senti l’humidité collante à l’intérieur de mes cuisses. Mon cerveau s’est arrêté, ma vision s’est embrumée. Je me suis levée, j’ai foncé dans la chambre d’Hadeya sans taper

-Vita tu…..VIT….

-chut, tu ne cries pas, j’ai besoin d’aller à l’hôpital, maintenant, s’il te….

-oui oui, l’hôpital, elle se met à courir dans tous les sens, tombe dans les marches, se relève et continue la course

 

J’ai pris le soin de me rincer et quelques minutes plus tard nous sommes en chemin. Heureusement, les parents de Hadeya n’étaient pas encore debout, donc personne pour me questionner. Je ne suis même pas sûr de mon nom actuellement. C’est Hadeya qui répond à toutes les questions à la clinique et me tiens la main, me répétant que tout ira bien tout en demandant au gynécologue si tout ira bien

-hadeya, calme-toi, je lui dis

-oui wouh wouh, je suis calme, très calme, elle répète agitée

Le gynécologue m’applique rapidement le gel sur le ventre et procède à l’écho. Étrangement, je l’ai entendu avant qu’il ne le dise

-je suis désolé, mais le fœtus n’a plus de rythme cardiaque.

Le cri chaotique de Hadeya suit.  Puis ses « que comment » et battements de mains.

-Madame Wanke, en fait la grossesse n’est plus viable

Elle se jette au sol, se met à pleurer et parler en langue, mais je comprends quand même bouba, se roule partout et tape des pieds. Le gynécologue et moi sommes interloqués.

-umm Hadeya, essayons de nous calmer, j’essaie de la raisonner ainsi que le gynécologue qui n’a pas le choix et finalement lui demande d’aller prendre de l’air dehors

-nous pouvons procéder à un curetage maintenant afin de s’assurer que votre utérus soit totalement vidé

-euh pourquoi ? demandai-je l’esprit toujours ailleurs

-si vous saignez depuis ce petit matin comme suspecté il se peut qu’il reste du tissu dans votre utérus, ce qui pourrait causer une infection les jours à venir

-non merci, je peux me relever ?

-vous êtes sûr ? il me demande confus comme si j’étais un alien

-la grossesse s’est arrêtée toute seule non, donc elle partira seule. Au besoin je retournerai à l’hôpital.

-OK dans ce cas, je….je suis désolé

Qu’est-ce qu’on répond dans ce cas ? Aucune idée, donc je ne dis rien et rejoins Hadeya dont le nez coule aussi rapidement que ses yeux pleurent.

-ce n’est pas possible boubaaa, braille-t-elle la bouche grande ouverte

Je lui prends les mains et parle d’une voix relativement simple.

-Hadeya, on va rentrer faire la fête avec tes parents. Aujourd’hui c’est sa journée. Demain on parlera du reste, tu peux faire ça s’il te plaît ? Pas de larmes, pas de questions ?

Joues gonflées et visage bouffi, elle hoche vigoureusement la tête et nous partons ensemble. Je ne sais pas ce qu’elle a donné comme excuse à sa famille, mais personne ne m’a questionné. Dieu merci parce que je ne l’avais pas en moi. Je ne l’ai pas eu durant le reste du séjour. Hadeya ne m’a pas bombardé de questions, un peu comme si elle avait compris que je cherchais encore mes réponses. J’ai saigné sans cesse, d’une année à l’autre, d’un pays à l’autre. 

D’amour, D’amitié