76: Who Am I
Ecrit par Gioia
***Denola
Ekim***
Les secours arrivent
rapidement et transportent en un essai son corps raidi. Je suis sur leurs
talons, avec Mally à mes côtés.
– Elle est juste en
état de choc, j’essaie de le rassurer vu son expression inquiète
Soit son esprit est trop
loin pour que ma voix l’atteigne, soit il m’ignore royalement parce qu’il ne m’a
pas répondu. Son regard restait braqué sur la porte de la chambre où Ida venait
d’être conduite. Après quelques minutes qui me parurent toutefois durer une
éternité, une infirmière sort de la chambre et nous rassure sur l’état d’Ida.
– Elle semble un peu
désorientée mais ses signes vitaux sont normaux. Vous pouvez la…
La phrase ne finit pas
que Mally est déjà à l’intérieur. Je bredouille un merci à l’infirmière avant
de les rejoindre.
– Mais doucement,
elle vient à peine de retrouver ses esprits, dis-je à l’endroit de Mally qui aidait
l’autre à se redresser
– Je veux voir mon
frère !
– Quel frère ? fais-je
perdu
– Mally on retourne
là-bas, lui dit-elle et les deux m’ignorent royalement puis sortent
Je les suis, un peu
largué mais nous voilà de retour dans la chambre de Lulu. Sauf que Thierry n’y
est plus.
– Il est où ? Laith ?
Ida répète en panique
– Qui ça ?
– Elle a dit Laith !
Son frère. Le mec qui était ici y’a même pas une heure, rajoute Mally
– On baisse le ton
han, y’a ma fille qui dort, leur rappelle sèchement Vita
– Attendez-moi
dehors, je m’adresse aux deux
Ils se regardent, comme s’ils
hésitent ou ne me font pas confiance mais finissent par se résigner.
– Ils sont partis
après votre départ. Maman se sentait fatiguée et elle a demandé à Thierry de la
ramener, m’explique Vita avant que je la questionne
– Ah OK, je reviens
Elle hoche la tête et je
sors pour retrouver les deux autres qui sont tous les deux contre le mur, bras
croisés, regards revanchards comme s’ils étaient prêts à attaquer à tout
moment.
– Il a emmené sa
mère à la maison
– Sa mère ? c’est
une blague j’espère, rigole Ida de dérision
– Ton ami c’est le
fils de mon oncle, le frère d’Ida, rajoute Mally et mon cerveau marque un stop
brusque
– Thierry quoi ? Quelqu’un
avec qui j’ai fréquenté ? Vous êtes gabonais maintenant vous deux ?
– Emmène-moi chez cette
vieille sournoise qui s’enfuit avec l’enfant des gens
– Non mais tu as fumé
quoi ? Tu crois qu’elle est ton égale ? je lui réponds indigné
– Ida faut te taire.
Frangin, s’il te plaît, ne lui tiens pas rigueur, commence Mally sur un ton
plus conciliant, je sais que ça paraît tiré par les cheveux mais si tu peux
nous aider à rencontrer ton ami, je t’en serais… non, trois familles te seront
entièrement reconnaissants. Nous ne sommes pas des fous. Ce gars que tu
appelles ami, ressemble trait pour trait à mon oncle, quand ce dernier était
dans la vingtaine
– Vous vous trompez,
je leur répète. Je connais les Ndouo depuis que je suis petit
– Et mon frère a été
kidnappé tout petit aussi ! D’ailleurs, je ne sais même pas pourquoi on discute
avec lui, je vais appeler mes paren…
– Ida je vais t’assommer
hein ! c’est même quoi ? Tu ne peux pas faire appel à tes neurones pendant deux
secondes ? Tu vas appeler tes parents pour leur dire quoi ou les diriger
vers qui ? Si c’est vrai qu’on se trompe, tu veux donner de l’espoir à des
vieux pour rien ? Mally la gronde fermement
Son visage s’affaisse,
signe de tristesse et elle me remet doucement le téléphone dans la poche de son
jean. Mally me retourne un regard suppliant pour lequel je finis par craquer. C’est
clair qu’ils se trompent et s’ils ont besoin de se le prouver, grand bien leur
fasse. Tata Lucie n’habite plus à Libreville depuis des années mais lorsqu’elle
vient, je sais qu’elle dort souvent chez un de ses grands qui vit à une dizaine
de minutes de marche de l’Église St Michel de Nkembo donc je nous y conduis
après avoir dit au revoir à Vita.
Chez l’oncle en revanche,
on me dit qu’elle a effectivement déposé ses affaires à son arrivée la veille
mais n’est pas rentrée depuis hier. Je suis plus intrigué que jamais, et Thierry
ne répond pas à mes appels.
– C’est un signe ! D’ailleurs
qu’est-ce qui nous dit que tu n’es pas dans le coup ? Donne son numéro et je l’appelle
moi-même
– Ida quand même,
– Je ne lui fais pas
confiance ! tranche-t-elle
Je soupire et lui donne
le numéro, qu’elle tente aussi et reçoit le même résultat que moi. Elle réessaie
presque vingt fois sans s’arrêter et à chaque tentative, elle perd patience, supplie,
et craque finalement, quand Mally lui prend la main.
– Un adulte comme lui
ne peut pas se volatiliser quand même, hein Mally ? Tu l’as vu comme moi, je n’ai
pas rêvé ?
– Tu n’es pas folle,
je l’ai vu
– Retournons à l’hosto,
je propose. C’est sa fille qui est malade donc tôt ou tard, il reviendra
– Dieu du ciel, il a
même une fille, elle craque, ce qui me fait de la peine. Sa déception risque d’être
grande quand elle comprendra qu’elle s’est trompée de personne
Nous sommes de retour au
point de départ. Lucille est debout et nourrie par sa mère. Ida s’en approche
fébrilement, sous le regard suspect de Vita.
– Est-ce que… je
peux toucher, sa jambe ? elle hésite
– Euh… si tes mains
sont propres oui
– Je vais les laver,
elle dit et s’en va à la course
– On n’a pas trouvé
Thierry mais il paraît qu’il ressemble à leur frère, j’explique à Vita qui m’interroge
du regard
Ida revient et s’installe
dans un petit coin du lit avant de toucher la cuisse du bébé, qui détourne aussitôt
la tête du sein de sa mère pour nous observer
– Coucou toi, dit
Ida doucereusement, tu es trop mignonne. Umm, comment elle s’appelle ?
– Lucille mais on l’appelle
en général Lulu
– Mally, son prénom
commence par L comme Laith, elle s’émerveille tandis que la petite retourne au
sein, puis le lâche encore pour nous observer
L’autre approuve de la
tête, le regard rempli d’émotions, tandis que Vita et moi nous échangeons des
coups d’œil perplexes. Je commence même à me questionner si c’était une bonne
idée de les ramener ici. Techniquement ce sont des inconnus et ils approchent
la petite comme si de rien n’était.
– Tu vas te décider
à téter ou pas Lulu, personne n’a envie de voir le gros téton à maman là, dit
Vita quand la petite s’amuse encore à s’arrêter pour nous observer puis me fait
un drôle de sourire, qui nous amuse tous. La bonne nouvelle dans tout le
tumulte qu’on traverse depuis, c’est qu’il y’a eu plus de peur que de mal en ce
qui la concerne. Elle commence à retrouver l’appétit et l’énergie qui caractérisent
les mômes.
– C’est papa qui
appelle sur Whatsapp, dit Ida dont le téléphone s’était mis à sonner
***Ida Adamou***
– Qu’est-ce que je
leur dis du coup, si je ne dois pas encore leur avouer ? je demande à Mally à
huis clos
– Dis-leur d’abord
que tu rentres tout de suite et avant d’argumenter, tu vas rentrer seule. Je
vais attendre Laith et sa famille ici. Informe tonton Magnim plutôt ou mon père
et ils sauront comment aborder. Dis aux autres que j’ai flashé sur une meuf et
refusé de rentrer, raison pour laquelle tu es revenue seule
– OK, je…
– N’ajoute rien, on
se voit bientôt, il me dit avec confiance
Cinq minutes après, je prends
congé sous le regard inquisiteur de ce mec en qui je n’ai toujours pas
confiance. Actu, mes idées sont trop mélangées pour capter quelque chose d’ailleurs.
Ne connaissant pas bien la ville, j’opte pour la sûreté et loue un taxi qui me
dépose à la villa. L’ambiance est presque glauque et je me fais gronder dès que
maman me voit.
– Rien n’a changé ?
je demande aux filles quand maman me lâche une seconde pour se défouler sur
Asad qui a eu la maligne idée de couper les longs cheveux de Bobby
– Non, les pahents
de Hay sont venus après son départ et Ope (Macy) a djit qu’ils se sont fâchés
avec papa puis maman, me dit Dara
– Dommage, c’était
un voyage pour rien au final
– Ne le voyons pas
comme ça, dit Snam. Bref où est Mally ?
– Euh…, en chemin,
il traînait dans des boutiques qu’on nous a indiquées donc je l’ai devancé,
mentis-je. Plutôt cette version que la farfelue de Mally. Beaucoup parmi nous
savent que Snam a un faible pour lui-même si je ne l’ai pas entendu le verbaliser.
Mais elle a régulièrement la bouche dans ses affaires. Pareil pour lui. Si la
meuf n’était pas Snam, j’aurais presque cru que les deux font des choses en douce
et se foutent de nous mais c’est King. Elle ne supporterait pas un copinage
dans l’ombre. Si tu sors avec elle, tu l’affiches et l’assumes sinon tu
dégages. Du moins c’est l’aura qu’elle dégage. Elle ne semble pas convaincue
par mon histoire mais je ne lui en donnerai pas une autre. Je demande d’après
les parents. On me dit que les Wiyao ont pris la route de l’aéroport, double
confirmation que le mariage d’Elikem est annulé, parce que selon le programme,
demain on devait être à la mairie puis partir ensuite à Port-Gentil pour la cérémonie
religieuse. Mon père a accompagné les Wiyao à l’aéroport, coup de chance pour
moi donc je trouve facilement tonton Eli, et lui narre toute l’histoire.
– Tu es bien
certaine de ce que tu affirmes là ? il s’enquiert sur un ton grave
– Aussi vrai que je
suis sûre de mon prénom tonton. Il a à peu près les mêmes traits que papa sur
ses photos qui ornent le mur dans notre maison à Marseille
– Bien, donne-moi
une seconde, le temps de changer de chaussures et je te suis, dit-il avec
détermination
***Thierry Ndouo***
Maman m’a demandé à la sortie
de l’hôpital s’il me restait quelque chose pour les emmener au resto, ce que je
me suis empressé de faire. Bien que j’aie dépensé pour l’hospitalisation de
Lulu, il me restait encore une partie de ce que j’avais réservé pour justement me
déplacer et bien montrer Loubev à ma fille.
Le resto n’était donc pas
un souci pour moi, sachant en plus qu’avant que Deno ne revienne avec les
fruits et biscuits pour eux, elle et Vieira ne s’étaient rien mis sous la dent.
Nous faisons, quatre heures ici déjà, selon ma montre du moins, et je commence
à m’impatienter un peu. Vieira en bon glouton avait descendu ses plats en un
temps record, malgré les remontrances de maman. Je n’avais pas faim donc je me
suis contenté d’une salade légère. J’ai essayé de joindre Garcie pour voir si
elle pouvait enfin se joindre à nous mais sans succès. Depuis l’hospitalisation
de Lulu, elle s’est faite rare. Je comprends que sa famille vit un heureux évènement
mais de là à m’envoyer juste deux messages en l’espace de trois jours maintenant
sans me voir, c’est limite. Même Ray est passé le jour même où on nous a reçu
ici. On en parlera une fois à Lille. Bref je disais donc que maman mangeait à
pas de tortue, si je peux m’exprimer ainsi. Je ne l’ai pas non plus bousculé, voyant
son apparence frêle vu qu’avant de monter sur Loubev, elle se remettait à peine
d’une crise d’ulcère.
– maman c’est
comment ? On va fermer le resto ? se plaint Vieira
– Je suis vieille Vieira,
laisse-moi aller doucement.
– Mais il n’y a plus
personne ici, en plus ce n’est pas tous les jours qu’on vient à Loubev. Thierry
et moi devons faire un tour histoire de rattraper le temps perdu
– Regarde-moi ça, tu
as eu quoi comme moyenne pour le bac et tu veux rattraper le temps ? Nous
rentrons dès que je finis et tu vas dormir
– Que j’ai fait quoi ?
C’est moi qui ai inventé l’école ? Thierry faut lui parler han, c’est toujours
comme ça avec elle, école par ci, école par là
– Quand tu seras
millionnaire demain, tu ne te souviendras pas de moi pour me remercier hein mais
je sais que j’aurais fait ma part
– Toi aussi la vieille,
tu sais que mon pied est collé au tien, si je ne te cite pas dans le discours
de remerciement lorsque j’aurais mon prix Nobel, balai n’a qu’à serrer mon cou,
dit le plaisantin, m’arrachant un rire. En général maman rigole de ses
histoires aussi mais cette fois, elle garde la tête baissée et lorsqu’elle la
remonte, son visage porte un air que je n’aime pas. Fragile je dirai.
– Tu te sens mal ?
je lui demande
Elle pose ses ustensiles
puis dépose ses mains sur nos joues qu’elle câline.
– C’est la joie. Je
me souviens de vous quand papa nous a quittés, il y’a des fois où je doutais de
l’avenir et vous voilà. De grands, beaux garçons travailleurs. Vous êtes ma vie
entière et n’oubliez jamais que je vous aime
– Euh tu ne vas pas
mourir hein maman, on meurt de l’ulcère TH ? s’inquiète Vieira
– Je ne vais pas
mourir mon chéri…, je vais vivre et te voir obtenir ce prix Nobel avec lequel tu
fatigues mes oreilles
– Dans ce cas, je
vais continuer à les fatiguer jusqu’au jour J, il dit avec son sourire fier
– On t’aime aussi
maman, répliquai-je avant de porter sa main à mes lèvres
Nous quittons le resto
avec un plat à emporter que j’ai pris pour Vita au cas où. Elle n’a pas quitté
cette clinique depuis le jour où Lulu a été admise. D’ailleurs c’est en soutien-gorge
exposé qu’elle a débarqué, car con que je suis, je l’ai appelé en panique
lorsque j’ai changé la couche de la petite et vu la couleur affreuse de ses
selles. Ne connaissant pas certains détails comme les vaccins qu’elle avait reçus,
je l’appelais pour qu’elle me renseigne tandis que le taxi nous emmenait à l’hôpital.
Elle m’a gueulé dessus comme d’hab de lui filer le nom de la clinique où j’emmenais
son enfant avant qu’elle ne m’arrache la peau au scalpel. C’est en jean, les
cheveux en bataille, et comme j’ai dit, chemise non boutonnée par-dessus son
soutien qu’elle est arrivée. Et depuis elle a refusé de s’en aller. J’ai dû lui
chercher une brosse à dents pour qu’elle ne m’asphyxie pas au moins et Deno lui
a heureusement ramené ses effets.
– Tu peux dire à Vita
d’emmener la petite à la maison ? me demande maman, quand je veux retourner à l’hôpital
– Elle revient
comment ? elles ne sont pas encore libérées
– La petite là est
déjà remise mon fils. Tu ne connais pas les cliniques. Ils aiment juste garder
les gens pour augmenter la facture
– Je préfère payer
cher et qu’elle sorte en pleine santé plutôt que de forcer
– Mais tu n’as pas
dormi convenablement depuis
– N’est-ce pas que
tu te sacrifiais pour veiller sur nous aussi ?
– Heee parlé comme
un vrai père, la barbe même est là, ce n’est plus un bébé hein maman, il faut
le respecter, me taquine mon frère
– lol sombre idiot
– Le seul point que
je te retire sur le dossier de père, c’est que tu aurais dû laisser la petite s’appeler
Veyron comme sa maman l’appelle. Hein regarde la chose, un L comme maman, un V
comme son oncle. Tu ne connais rien Thierry
– C’est ton enfant que
tu appelleras Veyron hein, malade va. Bon je suis parti
– Titi attend, me
retient encore maman. Je viens avec toi
– Tu ne t’es même
pas reposé la vieille, la fatigue a disparu ? l’interroge Vieira
– J’ai un mauvais
pressentiment, je ne veux pas que tu sois seul mon fils
Les choses des mères franchement.
Nous avons donc laissé Vieira chez l’oncle avant de retourner à deux à l’hôpital
où nous attendaient deux autres personnes, en plus de Vita, Deno, ma fille et
Garcie qui s’est jetée à mon cou avant de me rouler une pelle.
– Mon amour je suis
désolée du retard. On a été victime d’un braquage et…
– Garcelle ça pouvait
attendre non ? intervient Deno quand mes yeux s’arrondissent de stupeur
– Je pensais que tu
l’avais informé.
– Bien sûr que non
– Qu’est-ce qui s’est
passé ? je demande
– On en parle après
bébé. Lulu va bien, il semble
– Ouais. Pourquoi il
y’a ce monde dans la chambre de ma fille ? demandai-je en fixant le monsieur accompagné
de l’ami de Deno
– Ils disent être là
pour voir tata Lucie
Ma mère qui tenait ma
main, la serre et regarde cet homme avec une lueur craintive que je n’aime pas.
– Et c’est dans la
chambre d’un malade, de surcroît un bébé que vous deviez la chercher ? rétorquai-je
– Vous avez raison,
pardonnez notre maladresse. Nous vous attendrons dehors le temps qu’il faudra
– Réglons ça
maintenant, dit maman en voulant les rejoindre. J’emboîte son pas mais elle m’arrête
en posant une main sur mon torse et me dit qu’elle va s’en charger puis les
suis.
– C’est qui ce groupe
farfelu que tu as ramené ici Denola ?
– Ha mais ma faute c’est
laquelle dedans ? réplique mon ami
– Qui a conduit ses
gens ici ? Mon grand-père peut-être ? S’ils viennent emmerder maman pour une histoire
d’argent ça va mal se passer
– Faut te calmer
hein mon frère. Ces gens sont de la famille d’Elikem, la fiancée de Ray
– La famille d’Elikem ?
répète Garcie
– Famille d’Elikem et
puis après ? Pourquoi ils intimident ma vieille ? Je la suis d’ailleurs, j’ai
toujours soupçonné que cette tête dure empruntait de l’argent dans mon dos pour
s’en sortir
– Bah attends
chériii, me dit Garcie qui me suit dès que j’ouvre la porte.
C’est bien ma veine. Ils
ne sont pas dans le couloir. Je me lance donc à leur recherche, priant pour leur
gueule qu’elle ne soit pas en train de les supplier en larmes.
***Eli Laré AW***
C’était plus simple de
discuter à l’abri et la dame n’a pas refusé quand j’ai proposé qu’on aille
dehors. Je lui ai présenté deux vieilles photos. Une de nous à notre mariage.
Tao portait son fils avec une Farida rayonnante à ses côtés. Puis sur la deuxième
photo, se tenaient Magnim et Tao. Une que j’ai eue d’Ida. J’ai au passage
convaincu cette dernière de rester à la maison, histoire de ne pas alerter ses
parents. C’est d’elle que j’ai obtenu cette photo avec laquelle elle s’est
toujours promenée. Sur le cliché, Tao n’a pas sa barbe de père Noël qu’il porte
depuis si longtemps qu’on a oublié à quoi il ressemble avec une normale.
Il n’y a pas photo, je ne
peux utiliser que cette expression. J’ai eu froid dans le dos et un mouvement
de recul mental quand ce garçon est entré dans la pièce. S’il n’est pas l’enfant
de notre ami, ma foi risque de s’écrouler comme un château de sable.
– S’il vous plaît, bégaie
la dame aux bords des larmes tout en froissant la photo. Mon fils ne sait pas
qu’il est adopté. Il va avoir 25 ans, je vous en supplie, ne troublez pas
sa vie. Je n’ai que mes enfants. C’est mon aîné et le centre de ma vie. Je vous
en prie, je n’ai rien dans la vie comme bien précieux
– Maman, on entend du
garçon
– Non Thie… rry,
elle pleure de plus belle
– Éloignez-vous d’elle
sur le champ, il dit avec hargne et l’entoure de ses bras, tandis qu’elle
sanglote contre son épaule. Vous n’avez pas honte d’acculer une vieille dame ?
– On ne l’accu…
– Tais-toi Mally, l’interrompis-je.
Cette dame continue de me supplier du regard et semble en détresse dans les bras
de son fils.
– Elle vous doit
combien ? Je vais vous payer et vous foutez le camp !
– Elle nous doit un
humain, dis-je bien qu’une partie de moi peut comprendre cette dame. Celle de
Tao et Farida a duré 23 ans. Et c’en est assez. Je lui présente les photos,
qu’il regarde d’un air confus pendant que sa mère sanglote plus fort et se met
à répéter des excuses.
À ma grande surprise, il
me frappe la main, et me menace de ne plus déranger sa mère puis s’en va avec
elle.
– Elle n’est pas ta vraie
mère, crie mon fils sans tarder
***Thierry Henry Ndouo***
Je m’arrête instinctivement.
Mes oreilles bourdonnent et je sens maman trembler contre moi, tout en me répétant
tout bas, je suis désolée Titi. Je n’ai pas voulu que ça se passe ainsi.
– Thierry, tu les as
entendus ? Ils disent quoi ses gens ?
J’ignore Garcelle et marche
d’un pas ferme avec ma mère contre moi pour retourner en clinique. Je ne sais
pas dans quelle réalité alternative on essaie de me mettre là mais je ne suis
pas dedans.
Nous sommes libérés de la
clinique demain à 9 h. Garcelle avait prévenu qu’elle ne pourrait pas être
là parce qu’elle doit soutenir Ray aujourd’hui. Ne connaissant pas l’état du
grand et avec un bébé qui se remet encore, j’ai préféré que Vita reste à l’hôtel,
vu que chez mon oncle, il n’y a pas vraiment de place pour accueillir un bébé.
– Au moindre souci..
– Je t’appelle, je
sais, finit Vita tandis que je berce Lucille
– Même si je ne
décroche pas au premier coup de fil, tu insistes. D’ailleurs je vais t’acheter
un kit. On ne sait jamais avec les wifi de ses petits hôtels
– Il ne va rien se
passer Thierry, regarde comment Lulu bavarde, elle est de retour, dit-elle tandis
que la petite gigote son jouet joyeusement
– Je t’aime mon
ange, je reviens sans tarder, je murmure à mon bébé avant de la retourner à sa
mère
– ça va toi ? Tu as
l’air bizarre
– Je ne sais pas, dis-je
après un soupir
– Tu veux causer ?
– Je préfère le
faire avec ma mère
– OK, on se capte
après alors, dit-elle puis me fait la bise et je m’en vais
Je suis chez mon oncle,
la fatigue plein le corps. Mine de rien je n’ai pas cessé les déplacements depuis
quatre jours maintenant. Et il faudra le refaire bientôt parce que mon frère doit
préparer son dossier d’admission pour l’ISTA à Kinshasa. Et finalement emmener Lulu
à Franceville, mais bref c’était le programme initial ça.
– Tu es avec moi mon
garçon ? me questionne doucement maman
– Pardon tu disais ?
– Je suppose que tu
as des questions sur ce qui s’est passé hier
– Pourquoi tu
prêtais l’argent au lieu de me demander ? Je t’avais pourtant défendu de me
cacher tes problèmes quand je partais à Lille
– Quel arg..ent ? Je
n’ai rien prêté. Thierry… je…. , elle marque une longue pause durant laquelle mes
poils ne cessent de se hérisser et j’ai l’impression de devenir fou. Avant d’épouser
ton père, j’étais… ce que vous appelez aujourd’hui une fille qui gère les bizis
– Maman s’il te
plaît…, dis-je en proie aux émotions et me lève brusquement
– Écoute-moi Titi, ce
n’est pas facile de te raconter ça, réplique-t-elle la voix enrouée. Tu sais déjà
que j’ai grandi à Omboué et rejoins mes aînés à Franceville à vingt ans. Et ce
n’est que cinq ans plus tard que j’ai rencontré ton père. Ce que tu ignores c’est
que je voulais être hôtesse de l’air. Du moins c’était mon rêve depuis mes
seize ans ; un de mes aînés en fréquentait une, et elle m’a transmis la passion
pour ce métier. Mes aînés se sont collectivement opposés à ce choix, prétextant
que ce n’était que ses filles n’étaient que des prostituées déguisées et ils
ont rajoutés aux parents, que des études supérieures pour une fille c’est du gaspillage
ou un risque que je commence à manquer de respect aux hommes. Ils s’étaient
basés sur l’exemple d’une cousine qui méprisait son entourage depuis son retour
d’Europe, ainsi que de l’ex-copine qui m’avait transmis la passion.
Apparemment, elle aurait trompé régulièrement mon frère durant ses voyages,
avant de se marier avec un autre, une semaine après l’avoir quitté. Ma famille
a donc décidé que j’avais fait assez d’études et ils ont préféré envoyer mon
cadet, rejoindre le plus grand de la famille qui vivait à l’époque en Allemagne.
J’ai tout fait pour qu’ils changent d’avis, abandonné le projet d’études, tant
qu’ils me permettaient au moins de faire une formation au pays, mais ils ont
refusé. La frustration m’a fait faire des choses. En deux ans, je suis devenue
une autre. J’ai quitté la maison parce qu’on voulait me donner en mariage, sous
prétexte que je devais faire quelque chose de ma vie. J’ai vécu avec des amies,
avec qui nous partagions des situations à peu près similaires. Et il nous
arrivait de fréquenter des hommes. Souvent des touristes. Des fois pour la
bonne compagnie, mais en majorité parce qu’ils étaient généreux. J’ai réussi à
mener une vie plutôt correcte je dirai. Je pensais être prudente. Et j’ai
rencontré aussi ton père comme ça. Avec lui ce fut différent, et très vite nous
avons rejoint la ville. Il était si brillant que très vite sa carrière aux
douanes a décollé. Des fois je me pinçais pour m’assurer que tout ce que je vivais
n’était pas un rêve. Tu connais le classique de l’homme, ceux qui n’avaient pas
fait grand-chose pour moi sinon m’insulter ou me décourager jadis, se mettaient
à me chercher en désordre. Ton père comme tu le connais avec son grand cœur m’encourageait
à laisser le passé en arrière. Nous avions après tout de grands projets et garder
rancœur bloque les bénédictions, disait-il. Nous voulions justement des enfants
au plutôt. Et pour ça, il me voulait à la maison, dédiée à la famille, tandis
qu’il travaillerait pour nous. Une année se transforme en deux sans que je
tombe enceinte. Nous décidons de rencontrer un spécialiste qui après analyse,
me révèle que j’ai des lésions sur le col de l’utérus, dû à une dysplasie
cervicale, et que je souffre du VPH. Avant de rencontrer cette dame, je n’avais
jamais entendu les mots qu’elle avait prononcés. D’ailleurs j’ai eu du mal à
croire que j’étais malade bien que j’aie toujours exigé le préservatif à mes
partenaires. Et en dehors de douleurs abdominales, qu’on avait diagnostiquées
comme étant de l’ulcère, je me considérais comme une personne en bonne santé. Mais
elle m’a dit que des frottements entre..
– J’ai étudié en biologie,
je comprends comment ça peut arriver, dis-je pour qu’elle n’entre pas dans les
détails de cette histoire sordide que j’ai déjà du mal à écouter
– Donc, reprend-elle,
j’ai été mise sous traitement. Et dans ma recherche de solutions, j’ai visité
plusieurs églises, ainsi que centres de prière. C’est comme ça que nous avons
atterri au Ghana ton père et moi, dans une sorte de retraite spirituelle. Un de
ses amis nous avait assuré qu’après une visite là, sa femme a eu des jumeaux. Je
n’ai pas eu des jumeaux mais je suis tombée sur toi, si mignon et triste dans
les bras d’un des prophètes qui essayaient de te consoler, mais tu refusais
systématiquement tout ce qu’on te donnait. J’ai fait deux semaines là. Henry m’y
avait emmené avant de retourner au Gabon pour le travail, puis revenir lorsqu’il
me restait cinq jours. Nous nous étions beaucoup attachés l’un à l’autre mais
tu étais si turbulent. Un vrai casse-cou avec le prophète. On avait les oreilles
tranquilles qu’une fois que tu étais endormi. Henry était venu avec une casquette
sur la tête que tu lui as arrachée quand il s’est assis et te la retirer fut un
vrai combat. C’est là qu’il t’a surnommé Thierry Henry à la grosse tête parce
que tu lui avais donné un sacré coup quand il essayait de te la retirer. Te
quitter fut une torture et sans surprise, nous sommes revenus pour te chercher.
Le prophète nous avait dit qu’une dame t’avait recueilli parce que tu étais
abandonné mais elle ne pouvait pas te garder par faute de moyens donc tu es
devenu notre enfant. Ton père par ses contacts a réussi à te faire établir des
documents légaux et nous avons fait croire à nos proches que tu étais le fruit
de l’infidélité de ton père donc nous t’avons récupéré. Je sais que mentir sur
ça doit te paraître étrange mais je ne voulais pas qu’on dise que tu n’étais
pas le nôtre ou qu’on commence à fouiller dans nos vies et des femmes qui élèvent
les enfants de leurs maris, ce n’est rien d’étrange. Au lieu de s’occuper de
leurs vies, des gens de notre entourage ont commencé à me presser pour faire un
deuxième enfant. En dehors de l’ami qui nous avait dirigés vers le Ghana, nous
n’avions confié notre problème de conception à personne. Malheureusement mon
traitement n’a pas fonctionné et les lésions ont progressé au point que je
développe un cancer du col de l’utérus puis subisse une hystérectomie. Sans
col, mes chances de porter un enfant s’envolaient. Je ne pouvais le supporter.
Nous sommes alors retournés au Ghana quand tu avais quatre ans, et l’année d’après,
nous avons eu un coup de cœur pour Vieira, un bébé d’à peine un mois qui a été
jeté dans un caniveau selon le prophète qui l’avait recueilli. Mentir que j’ai
porté cette grossesse fut plus facile par contre, vu le niveau de ton père,
nous voyagions régulièrement. Ton père s’était chargé de dire aux curieux que Vieira
était né prématurément durant un déplacement et nous ne sommes revenus que
lorsque ce dernier commençait déjà à marcher. Avec vous et papa, j’avais la
sensation de vivre le paradis sur terre, avec utérus ou pas. Je vous ai
toujours aimé et t’assure qu’on n’a jamais voulu vous blesser. Vous êtes tout
pour nous.
Mon cerveau travaille
tellement que je ne sais quoi dire. Je ne suis pas gabonais ? J’ai grandi ici
toute ma vie. Garcie se moquait même de moi récemment que je ne fais rien pour
mon accent depuis que je suis en France. Je peux mourir pour le poisson salé aux
choux. Ne parle pas alors de l’Iporo avec du poisson frais. Papa et moi avons
eu de sacrés débats sur Arsenal et la haine qu’on a eus quand nos joueurs ont
quitté les Gunners pour les Catalans et la Juv. C’est avec joie que je crachais
sur Tottenham pour faire comme mon père, pourtant il m’arrivait de les admirer
secrètement. Il n’y a que Vieira qui n’était pas trop calé sur le foot quand on
grandissait. Je me souviens encore qu’une année avant son décès, papa me disait
que si je décrochais le BEPC, nous irions nous installer à Londres pour que je
montre au monde que son fils dribblait depuis le ventre.
– haayii, pourquoi
tu pleures maman ? demande Vieira qui apparaît de nulle part, suivie de Garcelle
– Je… je…, elle
commence mais je m’abaisse en vitesse et entoure son corps du mien
– C’est toi que je
connais, que j’aime, je lui dis et les sanglots qui s’échappent d’elle me
brisent le cœur
– C’est quoi avec
vous ses derniers jours ? vous me faites peur hein, mon frère dit
***Garcelle Ekim***
Quand ils se détachent,
le visage de mon chéri aussi est baigné de larmes, qu’il se dépêche de nettoyer
avant de sortir une blague stupide à son frère et me prendre la main. Cette
journée a commencé avec Ray qui s’est donné en spectacle devant la mairie. Dire
que papa m’oblige à me coller à lui. On ne peut pas être un homme et aussi versé
dans le drame. Sa copine tout aussi dramatique que lui s’est pointée à la
mairie en jean et t-shirt va savoir ce qu’elle venait faire là quand ils ont
annulé la dot. Et il fallait voir papa, en bon désespéré, essayer de convaincre
le maire que les mariés ne vont pas tarder, or personne n’a confirmé qu’il y’aurait
mariage. En plus, les deux étaient dehors à se dire Dieu seul sait quoi. Ils se
sont séparés en tout cas, vu que mon fameux grand frère est parti seul, sans
attendre quelqu’un. Même pas Denola qui était à la course derrière lui.
Je rentre de la mairie et
mon gars n’est pas en vue à la maison. Je me rends donc chez l’oncle et c’est
en chemin que je croise Vieira qui devient pas mal beau. Je voulais bien causer
avec maman Lucie mais cette dernière est trop épuisée donc nous les laissons,
avec la promesse de revenir le soir, puis retournons chez ma famille.
– qu’est-ce qui se
passe bébé ? je lui demande quand nous sommes dans ma chambre
Sa tête tombe sur mon
épaule et je la sens se mouiller au fur et à mesure qu’il me fait des
révélations choquantes sur lui.
– J’ai serré maman
pour qu’elle ne s’effondre pas mais je ne pige rien bébé. On m’a pourtant dit
que je ressemblais à papa non ? Tu le sais toi, on se connaît depuis l’adolescence
– Ça va aller chéri.
Ce que tu devrais faire pour y voir plus clair, c’est de rencontrer ses…
– NON ! il crie me
faisant sursauter et se détache de moi. Je suis gabonais ! Enfant de Thierry !
Ma mère et mon père se sont battus pour nous ! Maman a trimé pour en arriver là !
Je suis bien avec elle, je n’ai besoin de personne ! il affirme avec force chaque
phrase
– Mais si elle-même te
dit que…
– J’ai dit NON ! Ils
ont décidé de me jeter, qu’ils continuent leurs vies !
Je n’insiste pas, surtout
par crainte. Jamais je ne l’ai vu si remonté et nerveux.
– Je vais prendre
une douche et faire mes affaires pour aller à Franceville demain, dit-il avant
de se diriger vers ma salle de bain
J’arrive à le convaincre
de manger un truc quand il sort et il finit par s’assoupir pendant qu’il regardait
sur son téléphone des photos de famille en plus de me pointer des similitudes
inexistantes entre lui, Vieira, son père, sa mère et Lucille. Dès que je le
sens profondément endormi, je m’éclipse pour appeler papa, qui n’est toujours
pas rentré. Il se permet de rejeter mon appel plusieurs fois mais j’insiste et
il finit par décrocher, puis me gueule correctement chacun de ses mots.
– Je suis en train
de régler une partie des conneries que tu as contribué à créer donc si tu tiens
à recevoir tes prochains virements pour Noël, je te recommande de trouver au
plus tôt l’endroit où se cache ton frère, et ce avant que sa belle-famille ne
plie bagage
– Laisse ça papa. J’ai
un tuyau plus gros et fiable pour toi.
– Garcelle je n’ai
pas…
– Thierry est le
fils d’un membre de cette famille
– Qu’est-ce que tu
viens de dire ? me demande-t-il, sur un ton plus attentif
– Je ne sais pas
qui, mais hier à la clinique ?
– Attends, ce ne
sont pas des conversations à avoir au téléphone. Où es-tu ?
– A la maison
– Tu m’attends dans
mon bureau
J’y cours avant même de
raccrocher. Soit il a stressé le chauffeur pour qu’il conduise le rallye sur la
route, soit il était proche. La seconde option m’étonnerait
– Où est maman ? je
l’interroge
– Où peut-elle être
sinon à son église pour enrichir les pasteurs avec mon argent pour qu’ils
prient pour nous, ironise-t-il. Donne plutôt la réelle bonne parole
– Comme je te
disais, le deuxième père d’Elikem était à la clinique hier. Il s’est entretenu
avec maman Lucie. Ce qu’ils se sont concrètement dit, je l’ignore toutefois,
Thierry m’a avoué tout à l’heure que sa mère a couché en désordre avec les
hommes et n’a pas pu faire d’enfants donc ils les ont adoptés. Sauf qu’il n’accepte
pas cette réalité, chose étrange vu qu’elle a reconnue.
– C’est probablement
pour ça que cet homme fouillait du regard la foule quand ils sont arrivés à la
mairie aujourd’hui. Tu sais de qui il est l’enfant ?
– Non puisque je te
dis, qu’il le refuse. Mais je suppose qu’il doit être riche vu que tu affirmes
qu’ils le sont tous
– Merveilleux ma
chérie, tu dépasses mes attentes. Avec cette journée de chien qu’on a eu, je ne
pouvais pas entendre mieux
– Tu n’auras même
plus besoin de Ray pour…
– Je ne mets pas mes
œufs dans un panier Garcie, et tu as intérêt à me ressembler. Tu viens toi-même
de me dire que ton copain a du mal à se faire à l’idée ou pas ?
– Oui
– Et tu crois qu’il
va brusquement s’adapter à une nouvelle famille au point d’hériter de leur
argent ? Ces choses prennent du temps et tu dois l’accompagner en douceur ! me
suis-je fait comprendre ?
– D’accord
– Au moins Ray a déjà
un pied dans cette famille. C’est maintenant que tu vas y entrer. En plus, l’abondance
ne tue pas.
– Tu penses qu’il y’a
encore une chance pour le couple de Ray après ce séjour foireux ?
– Pour quelqu’un qui
se dit amoureux, tu me déçois. Tu penses que les amoureux s’abandonnent facilement ?
Demande à ta mère ce qu’elle fait avec moi depuis le début et tu comprendras
pourquoi on dit que l’amour rend souvent aveugle
– Donc je suis
obligée de continuer avec le prêt d’oreille à Ray ? J’ai une vie quand même
papa et besoin d’être avec Thierry si je dois mener à bien la tâche que tu m’as
donné
– Bon vu sous cet angle,
tu peux te concentrer sur ton couple mais je veux des résultats concrets et ce
dans un an
– Ne t’en fais pas,
je vais m’appliquer
Nous scellons cet accord
par une poignée de main. J’ai la sensation, d’être enfin de retour. Garcelle
Ekim, la seule fille d’Andino, l’Ibibio qui a grandi à Abeokuta parmi les
Yorubas. C’est comme ça que ça devait être depuis le début.
***Ida Adamou***
On ne peut vraiment pas
compter sur les gens. Le pire c’est lorsque la déception est causée par quelqu’un
en qui tu avais une grande confiance. Tonton Eli et Mally sont revenus sans mon
frère mais en plus, tonton m’a demandé de garder patience parce qu’il s’occupe
de tout. Quelle patience on garde quand on espère depuis la nuit des temps ? Mes
parents retournent en France aujourd’hui. Je suis supposée les suivre et par la
suite continuer à Perth. Et je refuse de sortir de ce pays sans Laith. C’est
pour ça que j’ai encore tenté le numéro de mon frère, juste par curiosité.
Cette fois, quelqu’un a décroché, mais c’est une voix féminine que j’ai eue.
– je… je…, est-ce
que je peux parler à la… Thierry s’il vous plaît ?
– Il dort, je suis
sa copine, à qui je parle ?
– C’est Ida, est-ce
que je parle à la maman de Lulu ? m’enquis-je un peu perdue. La voix est un peu
différente mais j’appelle sur Whatsapp aussi et le réseau déconne
– oui, ça va ?
– Oui super, est-ce
que tu pourrais me filer un coup de main s’il te plaît ? J’ai besoin de voir Thierry
aujourd’hui
– Aujourd’hui ça ne
sera pas possible ma belle, il est vachement secoué par les révélations sur son
passé
– Il sait la vérité ?
fais-je étonnée
– Oui, il me l’a
raconté
– S’il te plaît, j’ai
vraiment besoin de le voir. Ou toi, peut-être ? Demain je dois retourner en France
et si je ne le vois pas avant…
– Il sera à Lille dans
dix jours, tu y seras encore ?
– Il vit à Lille ? Ce
n’est pas vrai, dis-je totalement assommée. Il était là, dans le même pays que
nous pendant tout ce temps ?
– Oui nous y vivons ensemble.
Est-ce que ce numéro est celui que tu utilises régulièrement ?
– Oui, je m’empresse
de confirmer
– OK, faisons ceci,
je vais l’enregistrer et te tenir régulièrement au courant de la situation, d’ici
que vous vous voyiez, ça te convient ?
– No drama, sorry je
veux dire pas de soucis, un immense merci
– Je t’en prie ma
belle, on est presque de la famille, je te texterai aussi le mien tout à l’heure
On se quitte sur ses mots
remplis d’espoir et comme promis, elle me transmet son numéro tout en me confirmant
qu’elle s’appelle Garcelle. Drôle de nom. Mais l’essentiel, c’est qu’enfin j’ai
un contact direct avec Laith. Et bientôt, nous serons réunis.