93: you picked the wrong one baby
Ecrit par Gioia
***Raïssa
WANKE***
C’est avec une grande
satisfaction que je bois la seconde bouteille de jus de pommes que j’avais mis au
frais en quittant mon domicile ce matin. Le jour où j’ai mis cette criminelle
de Germaine derrière les barreaux, je me suis également empressé d’affecter des
hommes à la surveillance du cabinet de Tao, ainsi que le domicile de son ami
Magnim, tout en leur laissant des photos de celui que je cherchais. Je savais
que tôt ou tard, il remettrait les pieds dans ce pays et il l’a fait plus tôt
que je l’espérais. C’est avec une joie indescriptible que je me suis ruée vers
mon véhicule quand on m’a averti qu’enfin celui que je cherchais était là. J’ai
une grosse montée de dopamine à l’idée que lui, sa femme et son ami sont en
train de vivre le genre d’angoisse qu’ils m’ont fait subir des années plus tôt et
pendant ce temps je remonte avec lenteur les draps de soie sur ma peau.
C’est dans cette même
humeur que je me lève pour la prière et débute ma journée. Cet Ezra est déjà
présent. Depuis que je l’ai pris sous mon aile, il arrive ici à six heures du matin,
bien que je ne quitte la maison qu’après 8 h 30. Il apprend vite mais
surtout il commence à m’être utile ; c’est lui
qui m’a fait part de l’appel des officiers quand Tao a débarqué.
Après un petit déjeuner
copieux, j’effectue mon premier stop de la journée. Le commissariat central,
pour voir leurs têtes miséreuses derrière les barreaux avant d’aller
travailler. Le chef de police qui a mené l’arrestation hier me reçoit dès mon
arrivée et je m’installe confortablement.
– Je viens voir nos
petits amis d’hier, lui dis-je
– Pour le moment, ce
n’est pas possible Madame, ils sont en salle d’interrogation
– Eh bien, j’ignorais
que les forces de l’ordre de notre pays étaient aussi réactives, je saurai me
rappeler de votre efficacité, lui promis-je
– En fait c’est le
préfet qui a demandé ça, m’explique-t-il, le regard fuyant
– Le préfet Bouraïma ? Et pourquoi ?
– Je l’ignore mais
il est avec eux depuis bientôt une heure, donc vous devriez avoir des nouvelles
sans tarder
Je ressors de son bureau
plus intriguée que jamais. C’est mon frère que j’ai sollicité depuis mon retour
du Ghana, mais en dehors de m’aider à retracer la généalogie d’Hector SODJI et
mettre à ma disposition des officiers, il ne s’est jamais déplacé ou mêlé
directement de cette histoire. Dix pas, c’est tout ce que j’ai fait quand mon
frère est apparu, et à ses côtés les trois mousquetaires d’hier, arborant des
mines normales pour des gens qui sont sensés avoir passé des heures
angoissantes. Une femme que je n’avais même pas reconnue s’élance et tombe dans
les bras de l’ami de Tao.
– C’est fini chérie,
on ne m’a rien fait je t’assure, lui dit l’ami tout en caressant son dos
– Peux-tu m’expliquer
ce que tu crois faire ? je
questionne mon frère sur ton acerbe
– Tu es sûr que tu
veux en parler ici et maintenant ? il me
retourne
– Omar, je ne t’ai
pas demandé d’intervenir dans mes affaires !
– Il y’a une façon
de traiter la famille et ce n’est pas celle-ci, tu m’as énormément déçu Raïssa,
dire que je te pensais plus mature. Bref, je te fais apprêter une voiture
Taofik ?
– Non merci, Omar,
nous allons nous débrouiller
– Famille ? Tu me parles de quelle famille ? j’explose
– Dois-je te
rappeler que Farida est notre sœur ?
– Tu veux rire j’espère ; si elle est ta sœur, elle n’est que tienne et
certainement pas mienne
– Non ? Tu n’es plus Bouraïma maintenant que tu es
WANKE, ironise-t-il
– Elle n’était pas Bouraïma
quand son mari m’a jeté en prison ? Tu ne l’étais
pas quand tu m’y as laissé ?
– Je ne t’y ai pas…
– Nous sommes
désolés, la bâtarde interrompt mon frère. On n’aurait pas dû te…
– Va te faire foutre
avec tes excuses pitoyables ! Omar, je n’en
ai pas fini avec toi, je l’avertis d’un ton menaçant avant de m’en aller
***Taofik
ADAMOU***
Il y’a des gens que le
temps ne change pas et Raïssa en fait partie. Ce frère contre qui elle s’enrage
est le même qui est passé par ma cousine, à l’époque sa fiancée, pour plaider
sa cause, ce qui a conduit à sa libération. Bon peut-être que ce dernier ne lui
en a jamais parlé.
De toute façon leurs
querelles familiales m’importent peu, raison pour laquelle je n’ai pas prêté
attention à la proposition de Farida quand elle a demandé qu’on s’excuse auprès
de Raïssa pour enterrer les erreurs passées. Je n’ai rien à enterrer, sinon la vraie
personne qui a kidnappé mon fils et j’ai entendu d’Omar qu’elle se trouvait ici
dans ce commissariat.
– Magnim, rentrez
avec Farida, je vais
– Non je reste, s’interpose-t-elle
– Chérie on n’a pas
dormi hier, je préfère que tu te reposes dans un lit
– J’ai dit je reste Tao,
je veux la voir, cette personne, dit-elle d’une voix qui me fait frissonner d’appréhension
– Moi aussi je veux la
voir, rajoute Magnim sur un ton déterminé
– Vous parlez de qui
chéri ? demande sa femme
– Le préfet nous a
appris ce matin que Raïssa avait retrouvé la femme qui a kidnappé Laith et elle
est actuellement sous les verrous ici
– Tu…. tu dis vrai, murmure-t-elle
les yeux arrondis de stupeur et il hoche la tête
– Tu peux nous faire
cette faveur Omar ? Je ne te
demanderai plus rien par la suite
– Ce sera alors la
dernière Taofik mais je te demande de ne pas toucher cette femme. Même si
certains ont oublié qu’il existe une loi dans ce pays et procèdent à des
arrestations arbitraires, dit-il durement et à voix intelligible pour les quelques
officiers présents ; il s’agit
quand même d’une citoyenne en attente d’un procès et nous nous devons de la
garder en sécurité
– Compte sur moi, je
lui promets solennellement
C’est d’un pas de
condamné que nous le suivons jusqu’à une petite cellule plutôt sombre, qui semble
moins confortable que celle où nous avons passé la nuit hier. On pouvait bien distinguer
la forme d’une femme couchée sur un petit banc. Omar ouvre la porte et elle
bouge légèrement.
– Je veux voir mon
fils, dit-elle d’une voix légèrement endormie
– Il n’est pas là, mais
tu as d’autres visiteurs Germaine, l’informe Omar pendant qu’elle finit de se
redresser
Son expression endormie vire
subitement à l’effroi et elle se met à secouer la tête comme si elle vivait son
pire cauchemar.
– La tante d’Arthur ? s’étonne Magnim, alors que je suis là comme une
statue, et tiens fortement la main de Farida pour ne pas briser les vertèbres à
ce monstre. J’ai longtemps imaginé ce à quoi ressemblait le ravisseur de mon
fils. J’étais persuadé que Raïssa avait soudoyé un de nos gardes à l’époque pour
faire le sale coup, mais étrangement jamais je n’ai pensé que la crapule était
une femme
– Pourquoi ? Qui t’a envoyé contre eux ? Toi une femme, qui peut porter la vie, comment
as-tu pu t’en prendre à un être sans défense ? s’indigne sévèrement Ciara
– Pardon, je n’ai
pas fait ça pour vous nuire s’il vous plaît, je souffrais en ce temps et je n’ai
pas réfléchi, Farida pardon, je…
– C’est toi ? Germaine ? La Germaine
avec qui j’ai travaillé chez madame Astou ? dit
froidement ma femme. Je lui décoche un regard confus
– Farida toi-même tu
te souviens du temps qu’on a fait chez cette dame non, est-ce que j’ai déjà été
mauvaise avec toi ? Je t’en
supplie, vois mon âge, j’ai des petits-enfants qui ont besoin de moi, pitié,
pleure-t-elle à genoux
– Qui t’a envoyé
dans ce cas ?
– C’est madame Astou,
je crevais de faim, ma mère était malade et elle m’a promis un million si j’acceptais,
mais j’ignorais qu’elle arriverait à ce stade
– Un million pour la
vie d’un enfant, tu devrais avoir honte, s’insurge Magnim
– Et comment as-tu
fait ? continue calmement Farida
– Je… je n’avais pas
réfléchi, je sais que c’était…
– On t’a demandé
comment tu as procédé, lui dit durement Omar
– Je travaillais
dans le service traiteur à l’anniversaire du petit
– Oh mon Dieu, pas ça,
murmure d’une voix enrouée Ciara
Et les minutes qui
suivent, nous revivons cette nuit funeste où mon être entier s’est senti mourir
bien que je tenais sur mes deux pieds. J’avais gardé la main de Farida pour éviter
que mon instinct me pousse à rétamer cet être abject devant nous, mais c’est moi
qui ai empêché de justesse Farida de lui atterrir dessus, quand cette dernière
a repris ses multiples orémus suite à l’histoire
Je m’attendais à me sentir justifié ou
satisfait par cette rencontre mais au lieu de ça, je n’ai qu’une envie en
entendant sa voix désagréable, l’écraser totalement. Mais conformément à la parole
que j’ai donné à Omar, je ressors docilement de la cellule avec les autres.
– J’ignorais que
maman était derrière ça, dit Omar sur un ton penaud
– L’essentiel c’est
que nous tenons celle qui a commis l’acte. Je veux porter plainte maintenant,
lui dis-je
– Ce n’est pas vraiment
nécessaire puisque Raïssa l’a déjà fait contre elle et elle ne sortira probablement
pas de prison avant dix ans si elle plaide coupable sinon plus
– Nous voulons
porter plainte aussi Omar, c’est de notre fils qu’il s’agit, insiste Farida
– Bien, je vous
laisse dans ce cas entre de bonnes mains, dit-il en nous introduisant à un
officier
Astou ou pas, elle ne sortira
d’ici que dans vingt-deux ans, si ça dépend de moi, me promis-je.
***Andino EKIM***
Je devais subir un simple
interrogatoire, et non me retrouver arrêté en tant que suspect de l’enquête concernant
le cambriolage de notre seconde boutique. Je me suis retrouvé enfermé pendant
plusieurs jours. Des jours de trop mais enfin je suis libéré. Le merci ne revient
pas à Marcelle sur ce coup. Non c’est ma Garcelle qui était au four et au
moulin pour moi. Je lui ai signé l’autorisation nécessaire pour accéder à tous
mes comptes bancaires. Respirer l’air frais après un séjour dans les locaux miteux
du commissariat me fait un bien fou. Je me retrouve même à chantonner pendant
que Garcelle nous conduit à la maison.
– Tu es donc ici,
dis-je en trouvant ma femme à la maison à notre arrivée
– Tu voulais que j’aille
où ?
– S’il vous plaît,
on a vécu assez d’épreuves dernièrement, essayons d’éviter les disputes, nous exhorte
Garcie
– Va te coucher ma
chérie, tu en as besoin, lui dit Marcie
– Papa…
– ça va aller ma
puce, écoute maman et encore merci pour tout, la rassurai-je
Elle me fait un câlin et
monte dans sa chambre. Je me retourne vers celle que j’appelle ma femme afin qu’elle
m’explique ce qu’elle attend désormais.
– Attendre quoi ? de toi ?
– De nous, vu que je
n’ai pas pu compter sur toi quand je me suis retrouvé en difficulté
– Tu es d’un ridicule
accablant Andino. Est-ce ma faute si tu t’es retrouvé comme tu dis en « difficulté » ? Ou dois-je te rappeler que tu t’en es pris à mon
fils ?
– Je ne l’aurais
jamais fait si je ne m’étais pas retrouvé au mur et tu ne me laissais pas le
choix. Mais bref c’est le passé, j’aimerais qu’on puisse se reconstruire ensemble,
comme une famille. Je vous aime toujours
– Et comment veux-tu
qu’on fasse ça hein ? s’emporte-t-elle.
Comment quand tu as déjà tout gâché ? Denola est
parti sans me prévenir. Encore heureux que Thierry ait eu l’amabilité de m’informer
qu’il se trouve au Bénin. À cause de tes menaces, il a avoué la vérité sur son
passé à son ami, et maintenant Garcelle le sait. Elle sait et le méprise malgré
tout ce que je dis. Il n’y a que Toni qui n’est au courant de rien, et ça c’est
si Denola dans son désarroi ne lui a pas tout raconté. Je dois aussi gérer les
menaces de ma sœur qui dit qu’une vidéo d’Adrien circule sur internet donc tu
vois, je ne sais pas comment on doit se reconstruire dans le chaos, dit-elle
amèrement
La vidéo est sur Twitter,
c’est là-bas que ma maitresse m’a dit qu’on peut tout mettre sans trop de
contrôle. Bien sûr je me garde de partager cette information avec Marcie. J’informe
plutôt ma maitresse de retirer au plus vite ce qu’elle a mis et signaler toutes
les pages qui l’ont partagé. C’est à moi de rebâtir ma famille et pour commencer,
je booke un vol en direction de Kinshasa. Autant commencer par Toni avant de me
rendre à Cotonou. Je m’en vais me reposer pour un instant mais décidément, il
semble que je ne peux pas avoir la paix.
Des éclats de voix me réveillent
et parmi elles, je reconnais celle de Marcie, Garcie et les autres me sont
inconnues. Je descends et retrouve un petit monde dans mon salon. Encore des
hommes en tenues.
– C’est encore quoi
cette fois ?
– Nous avons une
autorisation pour perquisitionner votre domicile monsieur, l’un des officiers m’informe
avant de me présenter un document
– C’est même quoi
avec vous hein ? Vous l’avez
gardé pendant des jours sans rien trouver et une fois dehors, on doit encore le
poursuivre ici ? Vous n’avez
pas mieux à faire que de déranger les innocents qui essaient de se construire
dans ce pays ? s’énerve Garcie pendant que je
finis de lire le mandat
– Et ce torchon a
été signé par un juge de surcroît ? Attendez-vous
à recevoir une plainte de ma part pour harcèlement ! je m’énerve à mon tour
Malgré nos multiples indignations,
ils mettent mon domicile sens dessus dessous, y compris mon bureau, et prennent
tout ce qu’il y’a comme appareil dans cette maison, ainsi que mon passeport. Je
suis foutu s’ils arrivent à entrer dans mon ordi. Dès qu’ils sont à la porte,
Marcelle se dépêche d’appeler Gervais et lui expose les faits.
– Inhein ? Je dois faire quoi maintenant moi ? rétorque-t-il
– Pardon Gervais, à
cause de Dieu, c’est moi Marcelle qui te demande, aide-nous. Andino reconnaît qu’il
a mal agi
– Tonton s’il te plaît,
rappelle-toi de tout ce que papa a fait pour vous, le supplie Garcelle en
larmes
– On vous dit qu’il
y’a Interpol s’en est mêlé, je n’ai pas les compétences pour arrêter la machine
qui est lancée
– Arrête de mentir, ce
sont des hommes de ton commissariat qui sont venus ici, je les ai reconnus quand
j’y étais, je rétorque énervé par sa fourberie. S’il ne veut pas aider, qu’il
le dise au lieu de nous prendre pour des cons
– Parce que tu as déjà
vu Interpol faire une perquisition toi ? Seule la police locale est autorisée à le faire et les agents d’Interpol
ne font qu’assister nos forces de l’ordre sur ce coup. Je le dis parce que j’ai
vu de mes propres yeux le chef du bureau gabonais s’entretenir avec le
commissaire divisionnaire sur la plainte de Ray. Je ne suis plus sur le coup
mais de ce que j’ai entendu grâce aux bruits de couloir, ils ont interpellé les
camionneurs pour réécouter leurs versions et il paraît qu’un d’entre eux est
actuellement en fuite. Et je crois savoir que c’est un Togolais qui a saisi
Interpol. Probablement quelqu’un de la belle-famille de Raymond. À ce stade, je
ne peux plus rien pour vous Marcelle, même si ton mari verse le tonneau de
vidéos d’Adrien sur internet mes poings sont liés. J’ai ma carrière aussi à
protéger. Le mieux pour vous c’est de collaborer et plaider la culpabilité. Au
moins…
– Coupe la ligne
Marcelle
– Mais il…
– J’ai dit tu coupes
la ligne ! je m’écrie si fort que mon
être entier en tremble
Elle s’exécute tout en m’insultant
et se lamentant sur le sort de ses enfants, ce qui fait pleurer ma fille.
– Papa tu vois quand
je t’ai dit que c’était dangereux, tu vois…, sanglote Garcie
– Ne cède pas à la panique,
c’est ce qu’ils veulent, j’essaie de la rassurer ainsi que moi dans la foulée
mais ça ne donne rien. Elle pleure de plus belle, me brisant le cœur
Il ne me reste plus qu’à
contacter le père d’Elikem. Mon honneur en prend déjà un grand coup mais tout
est mieux que de me retrouver derrière les barreaux.
***Eli LARE AW***
Depuis qu’Elikem est née,
je ne me suis jamais retrouvé dans une situation où je n’avais rien à lui
apporter. Quelles que soient les épreuves qu’elle traversait, j’avais un mot,
la confiance, l’assurance qu’elle s’en sortirait et je savais la lui
communiquer. Mais depuis ce jour fatidique où elle nous a appelés, désemparée pour
nous informer du sort de son fiancé, j’ai eu l’impression de perdre pied. Dieu
sait ce que j’ai conduit le jour là comme course pour revenir à Lomé, et c’est
lui qui nous a protégés en réalité. C’est avec le même empressement que j’ai
sauté dans l’avion en direction de Libreville après avoir bien sûr contacté le
directeur d’Interpol pour qu’il fasse ce qu’il peut afin qu’on libère au plus
vite ce garçon. Nous sommes tous arrivés tard. Trop tard. Et depuis je n’ai pas
quitté Libreville. Je ne pourrais pas revoir ma fille comme ça. Sans une
explication, quand c’est moi qui lui aie conseillé de reporter ce mariage. Je ne
peux pas me présenter devant elle, la regarder dans les yeux et lui dire
désolé.
Donc je suis resté, mais
je ne m’attendais pas à entendre l’histoire sordide que vient me finir cet
homme que j’ai accepté de recevoir après son coup de fil.
– Ôtez-moi d’un
doute, Raymond est bien votre fils ?
– Je vous garantis
que je n’avais pas prévu que ça finisse ainsi. C’est sa mère Peninah qui a
détruit nos rapports en empoisonnant son esprit sur moi. Il est arrivé dans ma
maison avec une attitude insolente et en grandissant, ne causait que des
problèmes. Ça n’excuse pas le fait que je l’ai laissé en prison mais je ne
pouvais pas non plus laisser un frère de ma femme aller en prison pour
cambriolage. J’essayais à ma manière de régler tous les problèmes et ça s’est
retourné contre moi
– Donc si je
comprends ce que vous me dites, après le vandalisme dont vous avez été victime,
l’on vous a appris que l’un des coupables était votre beau-frère. Leur but
était de donner une leçon à Ray qui depuis qu’il a repris le commandement de
votre boutique, maltraite les employés, en ne les payant pas régulièrement. Et lorsque
vous avez été informés, vous vous êtes dit que dénoncer votre beau-frère causerait
une grande fracture dans votre famille dont les relations étaient déjà tendues.
Donc vous vous êtes dit que vous alliez laisser le tout entre les mains de la
police et garder pour vous une information susceptible de conclure au plus vite
cette affaire. Seulement vous n’aviez pas prévu l’impatience de vos clients qui
ont perdu dans le vol, et tout d’un coup, vous n’aviez plus le contrôle de la
situation. Mais vous avez persisté dans le choix délibéré de protéger le frère
de votre femme, tout en laissant votre fils enfermé parce que ce dernier a un sale
comportement dont la graine fut plantée en lui par sa mère, mais vous faisiez
tout en votre pouvoir pour le faire libérer. D’où votre déplacement au Nigeria
afin de rassembler l’argent nécessaire mais malheureusement il a péri dans la
foulée. C’est bien ça ?
– J’ai entendu de Ray
que vous étiez aussi le père d’un enfant que votre femme a eu avant vous. Vous êtes
mieux placés pour comprendre ce que j’ai vécu dans ma maison. Entre ma femme
qui n’a jamais pu accepter Ray, et ce dernier qui ne causait que des problèmes,
j’ai essayé Mr LARE, j’ai tout fait pour garder la cohésion, mais je ne
suis qu’un homme.
– Je comprends,
dis-je et le soulagement qui se dessine sur ses traits fait remonter la salade
que j’avais mangée avant son arrivée au Radisson où je séjourne. Il baisse la tête
et ses épaules se mettent à trembler comme s’il pleurait.
– Vous n’imaginez
pas le poids avec lequel je vis depuis, Ray n’a pas mérité ça. Je me sens
tellement mal, je ne sais même plus comment être un père pour le reste de mes
enfants. Et avec ça j’ai la police sur le dos parce que mon beau-frère a probablement
témoigné contre moi
– Allons, ressaisissez-vous,
je vais voir ce que je peux faire pour ça
– Non je ne venais
pas pour ça Monsieur, mais plutôt parler à quelqu’un parce que j’ai l’impression
d’étouffer. À ce stade je préfère mourir pour que ma famille ait au moins la
quiétude
– Nous n’avons pas
besoin d’en arriver là, je le rassure. Comme vous l’avez dit, nous sommes des
hommes imparfaits, et l’erreur est humaine. Il vous reste encore des enfants
qui auront besoin de vous, ne vous laissez pas abattre
– Monsieur, vous êtes
un homme comme on n’en fait plus, un grand homme, mon Ray aurait tant appris de
vous, dit-il d’une voix larmoyante
– Donnez-moi un
instant, je préviens le directeur d’Interpol pour l’informer de ses nouvelles
informations
Il se remet à chanter mes
louanges, pendant que je prends mon téléphone et j’envoie un message à Romelio pour
le prévenir que je l’appelle dans une minute et qu’il joue le jeu. Je lui
demande aussi d’appeler le chef d’Interpol Gabon dès qu’on raccrochera et que
ce dernier prévienne la police parce que je les attends dans ma chambre d’hôtel.
Ça leur prendra plus d’une heure pour arriver sur place. Plus d’une heure à
faire la conversation avec cet être abominable pour le garder avec moi. Il a
même eu l’audace de demander si mon autre fille était célibataire parce qu’il
aimerait tant m’offrir un gage pour la compassion que je lui ai témoigné. Et par
gage il parlait de son fils Toni.
– Monsieur LARE, panique-t-il
quand je commence à jouer son témoignage à l’arrivée des officiers. Quand il m’a
prévenu qu’il se trouvait dans le hall de l’hôtel, j’ai eu l’idée de lancer l’enregistrement
sur mon téléphone. Je ne m’attendais pas à grand-chose, juste que je trouvais bizarre
son insistance à me voir. Et j’ai mis fin à l’enregistrement et l’ai envoyé aussi
à Romelio après le message. Le connaissant et vu la hargne avec laquelle les officiers
le traitent, j’en déduis facilement que le chef a envoyé cet enregistrement au
chef d’Interpol
– Donnez-nous un peu
de temps s’il vous plaît, demandai-je aux officiers
– Vous m’aviez dit
que mes enfants ont besoin de moi ! me dit-il
sur un ton accusateur
– Oui ils ont besoin
de vous, loin d’eux
– Vous vous prenez
pour qui pour prendre une décision pareille ! s’enflamme-t-il
– Le père d’Elikem, à
qui vous avez brisé le cœur par vos manigances. Vous avez raison sur un point,
tout comme vous j’ai eu sous mon toit un enfant d’une autre union, et malgré les
tensions qu’on a pu avoir en grandissant, je n’ai jamais pensé à punir ma fille
au point de la mettre en danger ou ruiner ce qu’elle s’est battue pour
construire de sa vie. Vous allez apprendre aujourd’hui qu’on ne joue pas avec n’importe
qui, et certainement pas le bien-être de mon enfant. Emmenez-le !
On le tire comme le
rustre qu’il est pour le faire sortir. Je m’assois sans forces sur le lit. C’est
fait mais je ne ressens aucune satisfaction. Je pourrais enfin voir Elikem,
mais je sais déjà qu’elle sera plus que détruite quand je lui apprendrai la
vérité.
***Mireille SANI***
J’ai lancé des grands
travaux à la maison. La peinture est à refaire, les carreaux je veux les
changer et surtout enlever cet esprit de mort que mes enfants essaient de perpétuer.
Par enfants, je parle surtout d’Axel. On croirait qu’il est le premier à perdre
un papa. Ezra a commencé à travailler pour les WANKE. J’attends d’ailleurs qu’il
gagne sa confiance avant de lui chuchoter de regarder Hadeya comme une femme. Bon,
il est, je pense, de deux ou trois ans son cadet mais ce n’est pas la fin du
monde. Mieux lui que Joshua l’irrespectueux ou Axel le mou. Au moins Ezra a du
caractère comme moi et il est très déterminé. Joshua, malgré moi a eu accès à
son héritage et il n’a pas perdu une seconde pour s’en aller avec. Nous
préparons le départ d’Allen. Tout le monde avance mais Axel continue avec le
surplace. Au lieu de mettre à profit son héritage pour continuer ses études à l’extérieur
il préfère se plaindre que je fais trop de changements à la maison. 23 ans
et tout ce qui l’intéresse ce sont les murs d’une maison pendant que les autres
de son âge se cherchent. Il se complait dans son histoire de commercial dans la
petite entreprise de la place. Bref mon nouveau motto c’est de jouir de la vie,
et pour ça je caresse le crâne de Norbert qui s’active entre mes jambes. Le
cunni d’un homme qui a des lèvres bien charnues doit être expérimenté par
toutes, je l’affirme en âme et conscience. Je n’ai jamais joui de cette façon
avec Martin pourtant il ne lésinait pas sur les forces pour me combler au lit. C’est
en chantant que je touche le nirvana. Bon la partie du corps à corps, Norbert ne
gère pas aussi bien, il est trop mince dans la culotte pour me griller les neurones.
Toutefois je joue ma part comme une bonne actrice et c’est un sourire heureux
qu’il porte quand on se décolle un peu. Celui-ci je compte me le garder et
vieillir à ses côtés. Ses enfants sont hors de la maison, sa femme décédée
depuis cinq ans, quoi chercher de plus.
– Quand
pourrons-nous prendre ses vacances ? me
demande-t-il pendant que je repose ma tête sur son torse
– Tu sais bien que
je ne peux pas disparaître comme ça maintenant. Martin n’a même pas fait un an
sous terre
– Hum je trouve que
tu t’inquiètes trop, je suis quand même ton notaire, pourquoi ils trouveraient
étrange qu’on se retrouve ensemble en France quand ton mari détient un bien
immobilier là-bas ? C’est normal
qu’on s’y rende, ne serait-ce que pour l’inspection
– Je connais bien
mes garçons Norbert, et si je te dis que c’est tôt, il faut me croire. La
dernière chose dont j’ai besoin c’est de leurs soupçons. On ira chacun de son
côté, lorsqu’Allen devra commencer les cours. C’est dans un mois tout au plus
de toute façon
Il marmonne encore des
plaintes mais je ne suis plus sur son cas. Ce que j’étais venu chercher c’est
la satisfaction sexuelle, donc je range mon sac à main, prétextant qu’il me
faut rentrer pour préparer le repas du midi et me voilà en route pour la
maison. Une visite inattendue m’attendait à mon arrivée.
– Tiens, je te
croyais reparti, dis-je face à Eben qui se tenait sur ma véranda
– Je l’étais, mais un
contretemps m’a fait rentrer. Je vois que tu as bonne mine
– Ah oui, la vie a
été injuste avec nous, mais il faut bien avancer
– Je suis heureux de
l’entendre. Est-ce qu’Allen est là ?
– Ah quand je
partais il l’était. Tu n’as pas demandé au gardien ? dis-je en appelant ce dernier, que j’ai engagé
un peu après la mort de Martin
– Il a dit que l’internet
ne marche pas bien à la maison donc il est sorti pour se rendre au cyber du
quartier madame, m’informe ce dernier
– Vraiment, et il ne
pouvait pas m’envoyer un message ce petit. Bref tu as entendu, dis-je à l’encontre
d’Eben
– Bon, ce n’est pas
grave, j’ai quelque chose à te montrer tata. J’ai trouvé des bourses pour lesquelles
il serait éligible
– Ah bon ? Entrons alors, dépêche-toi, dis-je contente de
cette nouvelle. S’il peut étudier sur une bourse, c’est un plus pour moi parce
que je ne voulais pas toucher à sa part d’héritage pour ses études, du moins
pas sa licence. Peut-être une maitrise à Cambridge ou Yale.
Je m’installe royalement et
prends la tablette que me donne Eben. Elle tombe de mes mains quand je vois les
séquences d’une vidéo, montrant notre devanture.
– Ramasse là et
continue de regarder, il me dit froidement
– Qu’est…. ce…. tututu…
veux ? je bredouille, la peur au
ventre
– Je viens de te le
dire, ramasse et tu continues
– Gardien ! je m’écrie en me levant
– A ta place je ne
ferais pas ça, sinon tes fils te verront entrer dans cette maison le soir où tu
disais être au… ; je le gifle
violemment en guise de réponse et j’écrase la tablette sauvagement avec mon pied
– Ne m’oblige pas à
te brusquer ma tante ! me dit-il d’une
voix cassante qui m’effraie tellement que je prends conscience de ma situation.
S’il est venu avec cette tablette contenant la vidéo, c’est qu’il veut quelque
chose. Et certainement, il a d’autres preuves ailleurs. S’il sort d’ici, je
suis finie. Mes enfants ne vont jamais me pardonner.
– Qu’est-ce que tu me
veux ? C’est toujours la haine parce
que je t’ai fait quitter la maison quand tu étais jeune ? Ne peux-tu pas voir le bon côté ? Tu es beau, jeune, élégant, cultivé parce que tu
as connu des difficultés. Dieu s’est souvenu de toi parce que tu as traversé
des épreuves. Pourquoi tu veux le repayer avec le mal ?
– Laisse Dieu en
dehors de cette histoire. Nous allons faire court. Tu as deux semaines pour
libérer la maison et transférer tout ce que mon oncle t’a légué à Axel, m’annonce-t-il
d’une voix sans appel et mon être entier s’affole
– Laisser quoi ? Parce que ?
– C’est ça ou je les
informe sur tes agissements et par la suite attends-toi à répondre de tes
crimes devant la loi
– Pourquoi tu t’acharnes
sur moi ? explosai-je en larmes. C’est
de l’argent que tu veux ? Je peux te
donner deux millions le mois suivant
– Deux semaines ma
tante, et ne pense même pas à me doubler. Si j’ai pu obtenir ces vidéos, sois
sûr que je saurai te trouver
– Je dois partir
pour aller où ? Je vais dire
quoi aux garçons ?
– ça seulement ça te
regarde, mais tu n’as plus le droit de vivre ici
– Tu es là à défendre
ton oncle mais tu sais ce qu’il nous a fait ? Il nous a trompés et en plus il voulait nous quitter sans rien nous
laisser, je devais défendre mes enfants ! Tu aurais
supporté que feu ton père fasse ça à ta mère ?
– Non, et la loi
existe pour ça. Il aurait pu te quitter mais sans rien, ça aurait été difficile
parce que vous étiez marié. Si tu avais fait valoir tes droits, tu aurais pu
obtenir gain de cause, mais le tuer dans sa propre maison, c’est inhumain
– Combien de femmes
dans ce pays perdent dans le divorce avec les hommes ?
– Arrête tes lubies
ma tante, les femmes qui perdent ne connaissent pas leurs droits ou n’ont juste
pas les moyens pour engager de longues poursuites judiciaires. Aujourd’hui, la
société essaie autant que possible de protéger les femmes, et tu as un
entourage. Tu as des connaissances, tu aurais pu essayer, j’aurais même pu te
recommander à des collègues compétents…
– Balivernes ! Je sais que tu me détestes
– N’importe quoi ! Je ne t’aime pas, mais jamais je n’aurais tourné
le dos à Axel s’il m’en avait parlé
– Alors tu penses que
m’écarter de mon fils quand il est encore vulnérable c’est une preuve d’amour ?
– Oui je le pense,
il se portera mieux loin de toi, ils se porteront tous mieux. Je te laisse une
troisième semaine, sur les deux. Trois et tu vas vivre ailleurs, recommencer ta
vie seule avec le poids de ce que tu as fait. Je n’ai pas intérêt à entendre
que tu as demandé de l’argent aux garçons, sinon tu verras que tu as choisi la
mauvaise cible
– Tu penses qu’on
peut séparer une mère et ses enfants ? Il s’en va sur
cette phrase, me laissant troublée.
– Je te maudis, marie-toi
et on verra ce que ta femme te fera subir, sale rat ! je lui hurle apeurée par cette épée de Damoclès
qu’il vient de suspendre au-dessus de ma tête pour les trois semaines à venir
Norbert, je dois le prévenir. Il faut qu’on se débarrasse du rat d’égout qui vient de sortir d’ici.