93: you picked the wrong one baby

Ecrit par Gioia

***Raïssa WANKE***

C’est avec une grande satisfaction que je bois la seconde bouteille de jus de pommes que j’avais mis au frais en quittant mon domicile ce matin. Le jour où j’ai mis cette criminelle de Germaine derrière les barreaux, je me suis également empressé d’affecter des hommes à la surveillance du cabinet de Tao, ainsi que le domicile de son ami Magnim, tout en leur laissant des photos de celui que je cherchais. Je savais que tôt ou tard, il remettrait les pieds dans ce pays et il l’a fait plus tôt que je l’espérais. C’est avec une joie indescriptible que je me suis ruée vers mon véhicule quand on m’a averti qu’enfin celui que je cherchais était là. J’ai une grosse montée de dopamine à l’idée que lui, sa femme et son ami sont en train de vivre le genre d’angoisse qu’ils m’ont fait subir des années plus tôt et pendant ce temps je remonte avec lenteur les draps de soie sur ma peau.

C’est dans cette même humeur que je me lève pour la prière et débute ma journée. Cet Ezra est déjà présent. Depuis que je l’ai pris sous mon aile, il arrive ici à six heures du matin, bien que je ne quitte la maison qu’après 8 h 30. Il apprend vite mais surtout il commence à m’être utile; c’est lui qui m’a fait part de l’appel des officiers quand Tao a débarqué.

Après un petit déjeuner copieux, j’effectue mon premier stop de la journée. Le commissariat central, pour voir leurs têtes miséreuses derrière les barreaux avant d’aller travailler. Le chef de police qui a mené l’arrestation hier me reçoit dès mon arrivée et je m’installe confortablement.  

– Je viens voir nos petits amis d’hier, lui dis-je

– Pour le moment, ce n’est pas possible Madame, ils sont en salle d’interrogation

– Eh bien, j’ignorais que les forces de l’ordre de notre pays étaient aussi réactives, je saurai me rappeler de votre efficacité, lui promis-je

– En fait c’est le préfet qui a demandé ça, m’explique-t-il, le regard fuyant

– Le préfet Bouraïma? Et pourquoi?

– Je l’ignore mais il est avec eux depuis bientôt une heure, donc vous devriez avoir des nouvelles sans tarder

Je ressors de son bureau plus intriguée que jamais. C’est mon frère que j’ai sollicité depuis mon retour du Ghana, mais en dehors de m’aider à retracer la généalogie d’Hector SODJI et mettre à ma disposition des officiers, il ne s’est jamais déplacé ou mêlé directement de cette histoire. Dix pas, c’est tout ce que j’ai fait quand mon frère est apparu, et à ses côtés les trois mousquetaires d’hier, arborant des mines normales pour des gens qui sont sensés avoir passé des heures angoissantes. Une femme que je n’avais même pas reconnue s’élance et tombe dans les bras de l’ami de Tao.

– C’est fini chérie, on ne m’a rien fait je t’assure, lui dit l’ami tout en caressant son dos

– Peux-tu m’expliquer ce que tu crois faire? je questionne mon frère sur ton acerbe

– Tu es sûr que tu veux en parler ici et maintenant? il me retourne

– Omar, je ne t’ai pas demandé d’intervenir dans mes affaires!

– Il y’a une façon de traiter la famille et ce n’est pas celle-ci, tu m’as énormément déçu Raïssa, dire que je te pensais plus mature. Bref, je te fais apprêter une voiture Taofik?

– Non merci, Omar, nous allons nous débrouiller

– Famille? Tu me parles de quelle famille? j’explose

– Dois-je te rappeler que Farida est notre sœur?

– Tu veux rire j’espère; si elle est ta sœur, elle n’est que tienne et certainement pas mienne

– Non? Tu n’es plus Bouraïma maintenant que tu es WANKE, ironise-t-il

– Elle n’était pas Bouraïma quand son mari m’a jeté en prison? Tu ne l’étais pas quand tu m’y as laissé?

– Je ne t’y ai pas…

– Nous sommes désolés, la bâtarde interrompt mon frère. On n’aurait pas dû te…

– Va te faire foutre avec tes excuses pitoyables! Omar, je n’en ai pas fini avec toi, je l’avertis d’un ton menaçant avant de m’en aller

***Taofik ADAMOU***

Il y’a des gens que le temps ne change pas et Raïssa en fait partie. Ce frère contre qui elle s’enrage est le même qui est passé par ma cousine, à l’époque sa fiancée, pour plaider sa cause, ce qui a conduit à sa libération. Bon peut-être que ce dernier ne lui en a jamais parlé.

De toute façon leurs querelles familiales m’importent peu, raison pour laquelle je n’ai pas prêté attention à la proposition de Farida quand elle a demandé qu’on s’excuse auprès de Raïssa pour enterrer les erreurs passées. Je n’ai rien à enterrer, sinon la vraie personne qui a kidnappé mon fils et j’ai entendu d’Omar qu’elle se trouvait ici dans ce commissariat.

– Magnim, rentrez avec Farida, je vais

– Non je reste, s’interpose-t-elle

– Chérie on n’a pas dormi hier, je préfère que tu te reposes dans un lit

– J’ai dit je reste Tao, je veux la voir, cette personne, dit-elle d’une voix qui me fait frissonner d’appréhension

– Moi aussi je veux la voir, rajoute Magnim sur un ton déterminé

– Vous parlez de qui chéri? demande sa femme

– Le préfet nous a appris ce matin que Raïssa avait retrouvé la femme qui a kidnappé Laith et elle est actuellement sous les verrous ici

– Tu…. tu dis vrai, murmure-t-elle les yeux arrondis de stupeur et il hoche la tête

– Tu peux nous faire cette faveur Omar? Je ne te demanderai plus rien par la suite

– Ce sera alors la dernière Taofik mais je te demande de ne pas toucher cette femme. Même si certains ont oublié qu’il existe une loi dans ce pays et procèdent à des arrestations arbitraires, dit-il durement et à voix intelligible pour les quelques officiers présents; il s’agit quand même d’une citoyenne en attente d’un procès et nous nous devons de la garder en sécurité

– Compte sur moi, je lui promets solennellement

C’est d’un pas de condamné que nous le suivons jusqu’à une petite cellule plutôt sombre, qui semble moins confortable que celle où nous avons passé la nuit hier. On pouvait bien distinguer la forme d’une femme couchée sur un petit banc. Omar ouvre la porte et elle bouge légèrement.

– Je veux voir mon fils, dit-elle d’une voix légèrement endormie

– Il n’est pas là, mais tu as d’autres visiteurs Germaine, l’informe Omar pendant qu’elle finit de se redresser

Son expression endormie vire subitement à l’effroi et elle se met à secouer la tête comme si elle vivait son pire cauchemar.

– La tante d’Arthur? s’étonne Magnim, alors que je suis là comme une statue, et tiens fortement la main de Farida pour ne pas briser les vertèbres à ce monstre. J’ai longtemps imaginé ce à quoi ressemblait le ravisseur de mon fils. J’étais persuadé que Raïssa avait soudoyé un de nos gardes à l’époque pour faire le sale coup, mais étrangement jamais je n’ai pensé que la crapule était une femme

– Pourquoi? Qui t’a envoyé contre eux? Toi une femme, qui peut porter la vie, comment as-tu pu t’en prendre à un être sans défense? s’indigne sévèrement Ciara

– Pardon, je n’ai pas fait ça pour vous nuire s’il vous plaît, je souffrais en ce temps et je n’ai pas réfléchi, Farida pardon, je…

– C’est toi? Germaine? La Germaine avec qui j’ai travaillé chez madame Astou? dit froidement ma femme. Je lui décoche un regard confus

– Farida toi-même tu te souviens du temps qu’on a fait chez cette dame non, est-ce que j’ai déjà été mauvaise avec toi? Je t’en supplie, vois mon âge, j’ai des petits-enfants qui ont besoin de moi, pitié, pleure-t-elle à genoux

– Qui t’a envoyé dans ce cas?

– C’est madame Astou, je crevais de faim, ma mère était malade et elle m’a promis un million si j’acceptais, mais j’ignorais qu’elle arriverait à ce stade

– Un million pour la vie d’un enfant, tu devrais avoir honte, s’insurge Magnim

– Et comment as-tu fait? continue calmement Farida

– Je… je n’avais pas réfléchi, je sais que c’était…

– On t’a demandé comment tu as procédé, lui dit durement Omar

– Je travaillais dans le service traiteur à l’anniversaire du petit

– Oh mon Dieu, pas ça, murmure d’une voix enrouée Ciara

Et les minutes qui suivent, nous revivons cette nuit funeste où mon être entier s’est senti mourir bien que je tenais sur mes deux pieds. J’avais gardé la main de Farida pour éviter que mon instinct me pousse à rétamer cet être abject devant nous, mais c’est moi qui ai empêché de justesse Farida de lui atterrir dessus, quand cette dernière a repris ses multiples orémus suite à l’histoire

 Je m’attendais à me sentir justifié ou satisfait par cette rencontre mais au lieu de ça, je n’ai qu’une envie en entendant sa voix désagréable, l’écraser totalement. Mais conformément à la parole que j’ai donné à Omar, je ressors docilement de la cellule avec les autres.

– J’ignorais que maman était derrière ça, dit Omar sur un ton penaud

– L’essentiel c’est que nous tenons celle qui a commis l’acte. Je veux porter plainte maintenant, lui dis-je

– Ce n’est pas vraiment nécessaire puisque Raïssa l’a déjà fait contre elle et elle ne sortira probablement pas de prison avant dix ans si elle plaide coupable sinon plus

– Nous voulons porter plainte aussi Omar, c’est de notre fils qu’il s’agit, insiste Farida

– Bien, je vous laisse dans ce cas entre de bonnes mains, dit-il en nous introduisant à un officier

Astou ou pas, elle ne sortira d’ici que dans vingt-deux ans, si ça dépend de moi, me promis-je.

***Andino EKIM***

Je devais subir un simple interrogatoire, et non me retrouver arrêté en tant que suspect de l’enquête concernant le cambriolage de notre seconde boutique. Je me suis retrouvé enfermé pendant plusieurs jours. Des jours de trop mais enfin je suis libéré. Le merci ne revient pas à Marcelle sur ce coup. Non c’est ma Garcelle qui était au four et au moulin pour moi. Je lui ai signé l’autorisation nécessaire pour accéder à tous mes comptes bancaires. Respirer l’air frais après un séjour dans les locaux miteux du commissariat me fait un bien fou. Je me retrouve même à chantonner pendant que Garcelle nous conduit à la maison.

– Tu es donc ici, dis-je en trouvant ma femme à la maison à notre arrivée

– Tu voulais que j’aille où?

– S’il vous plaît, on a vécu assez d’épreuves dernièrement, essayons d’éviter les disputes, nous exhorte Garcie

– Va te coucher ma chérie, tu en as besoin, lui dit Marcie

– Papa…

– ça va aller ma puce, écoute maman et encore merci pour tout, la rassurai-je

Elle me fait un câlin et monte dans sa chambre. Je me retourne vers celle que j’appelle ma femme afin qu’elle m’explique ce qu’elle attend désormais.

– Attendre quoi? de toi?

– De nous, vu que je n’ai pas pu compter sur toi quand je me suis retrouvé en difficulté

– Tu es d’un ridicule accablant Andino. Est-ce ma faute si tu t’es retrouvé comme tu dis en «difficulté»? Ou dois-je te rappeler que tu t’en es pris à mon fils?

– Je ne l’aurais jamais fait si je ne m’étais pas retrouvé au mur et tu ne me laissais pas le choix. Mais bref c’est le passé, j’aimerais qu’on puisse se reconstruire ensemble, comme une famille. Je vous aime toujours

– Et comment veux-tu qu’on fasse ça hein? s’emporte-t-elle. Comment quand tu as déjà tout gâché? Denola est parti sans me prévenir. Encore heureux que Thierry ait eu l’amabilité de m’informer qu’il se trouve au Bénin. À cause de tes menaces, il a avoué la vérité sur son passé à son ami, et maintenant Garcelle le sait. Elle sait et le méprise malgré tout ce que je dis. Il n’y a que Toni qui n’est au courant de rien, et ça c’est si Denola dans son désarroi ne lui a pas tout raconté. Je dois aussi gérer les menaces de ma sœur qui dit qu’une vidéo d’Adrien circule sur internet donc tu vois, je ne sais pas comment on doit se reconstruire dans le chaos, dit-elle amèrement

La vidéo est sur Twitter, c’est là-bas que ma maitresse m’a dit qu’on peut tout mettre sans trop de contrôle. Bien sûr je me garde de partager cette information avec Marcie. J’informe plutôt ma maitresse de retirer au plus vite ce qu’elle a mis et signaler toutes les pages qui l’ont partagé. C’est à moi de rebâtir ma famille et pour commencer, je booke un vol en direction de Kinshasa. Autant commencer par Toni avant de me rendre à Cotonou. Je m’en vais me reposer pour un instant mais décidément, il semble que je ne peux pas avoir la paix.

Des éclats de voix me réveillent et parmi elles, je reconnais celle de Marcie, Garcie et les autres me sont inconnues. Je descends et retrouve un petit monde dans mon salon. Encore des hommes en tenues.

– C’est encore quoi cette fois?

– Nous avons une autorisation pour perquisitionner votre domicile monsieur, l’un des officiers m’informe avant de me présenter un document

– C’est même quoi avec vous hein? Vous l’avez gardé pendant des jours sans rien trouver et une fois dehors, on doit encore le poursuivre ici? Vous n’avez pas mieux à faire que de déranger les innocents qui essaient de se construire dans ce pays? s’énerve Garcie pendant que je finis de lire le mandat

– Et ce torchon a été signé par un juge de surcroît? Attendez-vous à recevoir une plainte de ma part pour harcèlement! je m’énerve à mon tour

Malgré nos multiples indignations, ils mettent mon domicile sens dessus dessous, y compris mon bureau, et prennent tout ce qu’il y’a comme appareil dans cette maison, ainsi que mon passeport. Je suis foutu s’ils arrivent à entrer dans mon ordi. Dès qu’ils sont à la porte, Marcelle se dépêche d’appeler Gervais et lui expose les faits.

– Inhein? Je dois faire quoi maintenant moi? rétorque-t-il

– Pardon Gervais, à cause de Dieu, c’est moi Marcelle qui te demande, aide-nous. Andino reconnaît qu’il a mal agi

– Tonton s’il te plaît, rappelle-toi de tout ce que papa a fait pour vous, le supplie Garcelle en larmes  

– On vous dit qu’il y’a Interpol s’en est mêlé, je n’ai pas les compétences pour arrêter la machine qui est lancée

– Arrête de mentir, ce sont des hommes de ton commissariat qui sont venus ici, je les ai reconnus quand j’y étais, je rétorque énervé par sa fourberie. S’il ne veut pas aider, qu’il le dise au lieu de nous prendre pour des cons

– Parce que tu as déjà vu Interpol faire une perquisition toi? Seule la police locale est autorisée à le faire et les agents d’Interpol ne font qu’assister nos forces de l’ordre sur ce coup. Je le dis parce que j’ai vu de mes propres yeux le chef du bureau gabonais s’entretenir avec le commissaire divisionnaire sur la plainte de Ray. Je ne suis plus sur le coup mais de ce que j’ai entendu grâce aux bruits de couloir, ils ont interpellé les camionneurs pour réécouter leurs versions et il paraît qu’un d’entre eux est actuellement en fuite. Et je crois savoir que c’est un Togolais qui a saisi Interpol. Probablement quelqu’un de la belle-famille de Raymond. À ce stade, je ne peux plus rien pour vous Marcelle, même si ton mari verse le tonneau de vidéos d’Adrien sur internet mes poings sont liés. J’ai ma carrière aussi à protéger. Le mieux pour vous c’est de collaborer et plaider la culpabilité. Au moins…

– Coupe la ligne Marcelle

– Mais il…

– J’ai dit tu coupes la ligne! je m’écrie si fort que mon être entier en tremble

Elle s’exécute tout en m’insultant et se lamentant sur le sort de ses enfants, ce qui fait pleurer ma fille.

– Papa tu vois quand je t’ai dit que c’était dangereux, tu vois…, sanglote Garcie

– Ne cède pas à la panique, c’est ce qu’ils veulent, j’essaie de la rassurer ainsi que moi dans la foulée mais ça ne donne rien. Elle pleure de plus belle, me brisant le cœur

Il ne me reste plus qu’à contacter le père d’Elikem. Mon honneur en prend déjà un grand coup mais tout est mieux que de me retrouver derrière les barreaux.

***Eli LARE AW***

Depuis qu’Elikem est née, je ne me suis jamais retrouvé dans une situation où je n’avais rien à lui apporter. Quelles que soient les épreuves qu’elle traversait, j’avais un mot, la confiance, l’assurance qu’elle s’en sortirait et je savais la lui communiquer. Mais depuis ce jour fatidique où elle nous a appelés, désemparée pour nous informer du sort de son fiancé, j’ai eu l’impression de perdre pied. Dieu sait ce que j’ai conduit le jour là comme course pour revenir à Lomé, et c’est lui qui nous a protégés en réalité. C’est avec le même empressement que j’ai sauté dans l’avion en direction de Libreville après avoir bien sûr contacté le directeur d’Interpol pour qu’il fasse ce qu’il peut afin qu’on libère au plus vite ce garçon. Nous sommes tous arrivés tard. Trop tard. Et depuis je n’ai pas quitté Libreville. Je ne pourrais pas revoir ma fille comme ça. Sans une explication, quand c’est moi qui lui aie conseillé de reporter ce mariage. Je ne peux pas me présenter devant elle, la regarder dans les yeux et lui dire désolé.

Donc je suis resté, mais je ne m’attendais pas à entendre l’histoire sordide que vient me finir cet homme que j’ai accepté de recevoir après son coup de fil.

– Ôtez-moi d’un doute, Raymond est bien votre fils?

– Je vous garantis que je n’avais pas prévu que ça finisse ainsi. C’est sa mère Peninah qui a détruit nos rapports en empoisonnant son esprit sur moi. Il est arrivé dans ma maison avec une attitude insolente et en grandissant, ne causait que des problèmes. Ça n’excuse pas le fait que je l’ai laissé en prison mais je ne pouvais pas non plus laisser un frère de ma femme aller en prison pour cambriolage. J’essayais à ma manière de régler tous les problèmes et ça s’est retourné contre moi

– Donc si je comprends ce que vous me dites, après le vandalisme dont vous avez été victime, l’on vous a appris que l’un des coupables était votre beau-frère. Leur but était de donner une leçon à Ray qui depuis qu’il a repris le commandement de votre boutique, maltraite les employés, en ne les payant pas régulièrement. Et lorsque vous avez été informés, vous vous êtes dit que dénoncer votre beau-frère causerait une grande fracture dans votre famille dont les relations étaient déjà tendues. Donc vous vous êtes dit que vous alliez laisser le tout entre les mains de la police et garder pour vous une information susceptible de conclure au plus vite cette affaire. Seulement vous n’aviez pas prévu l’impatience de vos clients qui ont perdu dans le vol, et tout d’un coup, vous n’aviez plus le contrôle de la situation. Mais vous avez persisté dans le choix délibéré de protéger le frère de votre femme, tout en laissant votre fils enfermé parce que ce dernier a un sale comportement dont la graine fut plantée en lui par sa mère, mais vous faisiez tout en votre pouvoir pour le faire libérer. D’où votre déplacement au Nigeria afin de rassembler l’argent nécessaire mais malheureusement il a péri dans la foulée. C’est bien ça?

– J’ai entendu de Ray que vous étiez aussi le père d’un enfant que votre femme a eu avant vous. Vous êtes mieux placés pour comprendre ce que j’ai vécu dans ma maison. Entre ma femme qui n’a jamais pu accepter Ray, et ce dernier qui ne causait que des problèmes, j’ai essayé Mr LARE, j’ai tout fait pour garder la cohésion, mais je ne suis qu’un homme.

– Je comprends, dis-je et le soulagement qui se dessine sur ses traits fait remonter la salade que j’avais mangée avant son arrivée au Radisson où je séjourne. Il baisse la tête et ses épaules se mettent à trembler comme s’il pleurait.

– Vous n’imaginez pas le poids avec lequel je vis depuis, Ray n’a pas mérité ça. Je me sens tellement mal, je ne sais même plus comment être un père pour le reste de mes enfants. Et avec ça j’ai la police sur le dos parce que mon beau-frère a probablement témoigné contre moi

– Allons, ressaisissez-vous, je vais voir ce que je peux faire pour ça

– Non je ne venais pas pour ça Monsieur, mais plutôt parler à quelqu’un parce que j’ai l’impression d’étouffer. À ce stade je préfère mourir pour que ma famille ait au moins la quiétude

– Nous n’avons pas besoin d’en arriver là, je le rassure. Comme vous l’avez dit, nous sommes des hommes imparfaits, et l’erreur est humaine. Il vous reste encore des enfants qui auront besoin de vous, ne vous laissez pas abattre

– Monsieur, vous êtes un homme comme on n’en fait plus, un grand homme, mon Ray aurait tant appris de vous, dit-il d’une voix larmoyante

– Donnez-moi un instant, je préviens le directeur d’Interpol pour l’informer de ses nouvelles informations

Il se remet à chanter mes louanges, pendant que je prends mon téléphone et j’envoie un message à Romelio pour le prévenir que je l’appelle dans une minute et qu’il joue le jeu. Je lui demande aussi d’appeler le chef d’Interpol Gabon dès qu’on raccrochera et que ce dernier prévienne la police parce que je les attends dans ma chambre d’hôtel. Ça leur prendra plus d’une heure pour arriver sur place. Plus d’une heure à faire la conversation avec cet être abominable pour le garder avec moi. Il a même eu l’audace de demander si mon autre fille était célibataire parce qu’il aimerait tant m’offrir un gage pour la compassion que je lui ai témoigné. Et par gage il parlait de son fils Toni.

– Monsieur LARE, panique-t-il quand je commence à jouer son témoignage à l’arrivée des officiers. Quand il m’a prévenu qu’il se trouvait dans le hall de l’hôtel, j’ai eu l’idée de lancer l’enregistrement sur mon téléphone. Je ne m’attendais pas à grand-chose, juste que je trouvais bizarre son insistance à me voir. Et j’ai mis fin à l’enregistrement et l’ai envoyé aussi à Romelio après le message. Le connaissant et vu la hargne avec laquelle les officiers le traitent, j’en déduis facilement que le chef a envoyé cet enregistrement au chef d’Interpol

– Donnez-nous un peu de temps s’il vous plaît, demandai-je aux officiers

– Vous m’aviez dit que mes enfants ont besoin de moi! me dit-il sur un ton accusateur

– Oui ils ont besoin de vous, loin d’eux

– Vous vous prenez pour qui pour prendre une décision pareille! s’enflamme-t-il

– Le père d’Elikem, à qui vous avez brisé le cœur par vos manigances. Vous avez raison sur un point, tout comme vous j’ai eu sous mon toit un enfant d’une autre union, et malgré les tensions qu’on a pu avoir en grandissant, je n’ai jamais pensé à punir ma fille au point de la mettre en danger ou ruiner ce qu’elle s’est battue pour construire de sa vie. Vous allez apprendre aujourd’hui qu’on ne joue pas avec n’importe qui, et certainement pas le bien-être de mon enfant. Emmenez-le!

On le tire comme le rustre qu’il est pour le faire sortir. Je m’assois sans forces sur le lit. C’est fait mais je ne ressens aucune satisfaction. Je pourrais enfin voir Elikem, mais je sais déjà qu’elle sera plus que détruite quand je lui apprendrai la vérité.

***Mireille SANI***

J’ai lancé des grands travaux à la maison. La peinture est à refaire, les carreaux je veux les changer et surtout enlever cet esprit de mort que mes enfants essaient de perpétuer. Par enfants, je parle surtout d’Axel. On croirait qu’il est le premier à perdre un papa. Ezra a commencé à travailler pour les WANKE. J’attends d’ailleurs qu’il gagne sa confiance avant de lui chuchoter de regarder Hadeya comme une femme. Bon, il est, je pense, de deux ou trois ans son cadet mais ce n’est pas la fin du monde. Mieux lui que Joshua l’irrespectueux ou Axel le mou. Au moins Ezra a du caractère comme moi et il est très déterminé. Joshua, malgré moi a eu accès à son héritage et il n’a pas perdu une seconde pour s’en aller avec. Nous préparons le départ d’Allen. Tout le monde avance mais Axel continue avec le surplace. Au lieu de mettre à profit son héritage pour continuer ses études à l’extérieur il préfère se plaindre que je fais trop de changements à la maison. 23 ans et tout ce qui l’intéresse ce sont les murs d’une maison pendant que les autres de son âge se cherchent. Il se complait dans son histoire de commercial dans la petite entreprise de la place. Bref mon nouveau motto c’est de jouir de la vie, et pour ça je caresse le crâne de Norbert qui s’active entre mes jambes. Le cunni d’un homme qui a des lèvres bien charnues doit être expérimenté par toutes, je l’affirme en âme et conscience. Je n’ai jamais joui de cette façon avec Martin pourtant il ne lésinait pas sur les forces pour me combler au lit. C’est en chantant que je touche le nirvana. Bon la partie du corps à corps, Norbert ne gère pas aussi bien, il est trop mince dans la culotte pour me griller les neurones. Toutefois je joue ma part comme une bonne actrice et c’est un sourire heureux qu’il porte quand on se décolle un peu. Celui-ci je compte me le garder et vieillir à ses côtés. Ses enfants sont hors de la maison, sa femme décédée depuis cinq ans, quoi chercher de plus.

– Quand pourrons-nous prendre ses vacances? me demande-t-il pendant que je repose ma tête sur son torse

– Tu sais bien que je ne peux pas disparaître comme ça maintenant. Martin n’a même pas fait un an sous terre

– Hum je trouve que tu t’inquiètes trop, je suis quand même ton notaire, pourquoi ils trouveraient étrange qu’on se retrouve ensemble en France quand ton mari détient un bien immobilier là-bas? C’est normal qu’on s’y rende, ne serait-ce que pour l’inspection

– Je connais bien mes garçons Norbert, et si je te dis que c’est tôt, il faut me croire. La dernière chose dont j’ai besoin c’est de leurs soupçons. On ira chacun de son côté, lorsqu’Allen devra commencer les cours. C’est dans un mois tout au plus de toute façon

Il marmonne encore des plaintes mais je ne suis plus sur son cas. Ce que j’étais venu chercher c’est la satisfaction sexuelle, donc je range mon sac à main, prétextant qu’il me faut rentrer pour préparer le repas du midi et me voilà en route pour la maison. Une visite inattendue m’attendait à mon arrivée.

– Tiens, je te croyais reparti, dis-je face à Eben qui se tenait sur ma véranda

– Je l’étais, mais un contretemps m’a fait rentrer. Je vois que tu as bonne mine

– Ah oui, la vie a été injuste avec nous, mais il faut bien avancer

– Je suis heureux de l’entendre. Est-ce qu’Allen est là?

– Ah quand je partais il l’était. Tu n’as pas demandé au gardien? dis-je en appelant ce dernier, que j’ai engagé un peu après la mort de Martin

– Il a dit que l’internet ne marche pas bien à la maison donc il est sorti pour se rendre au cyber du quartier madame, m’informe ce dernier

– Vraiment, et il ne pouvait pas m’envoyer un message ce petit. Bref tu as entendu, dis-je à l’encontre d’Eben

– Bon, ce n’est pas grave, j’ai quelque chose à te montrer tata. J’ai trouvé des bourses pour lesquelles il serait éligible

– Ah bon? Entrons alors, dépêche-toi, dis-je contente de cette nouvelle. S’il peut étudier sur une bourse, c’est un plus pour moi parce que je ne voulais pas toucher à sa part d’héritage pour ses études, du moins pas sa licence. Peut-être une maitrise à Cambridge ou Yale.

Je m’installe royalement et prends la tablette que me donne Eben. Elle tombe de mes mains quand je vois les séquences d’une vidéo, montrant notre devanture.

– Ramasse là et continue de regarder, il me dit froidement

– Qu’est…. ce…. tututu… veux? je bredouille, la peur au ventre

– Je viens de te le dire, ramasse et tu continues

– Gardien! je m’écrie en me levant

– A ta place je ne ferais pas ça, sinon tes fils te verront entrer dans cette maison le soir où tu disais être au…; je le gifle violemment en guise de réponse et j’écrase la tablette sauvagement avec mon pied

– Ne m’oblige pas à te brusquer ma tante! me dit-il d’une voix cassante qui m’effraie tellement que je prends conscience de ma situation. S’il est venu avec cette tablette contenant la vidéo, c’est qu’il veut quelque chose. Et certainement, il a d’autres preuves ailleurs. S’il sort d’ici, je suis finie. Mes enfants ne vont jamais me pardonner.

– Qu’est-ce que tu me veux? C’est toujours la haine parce que je t’ai fait quitter la maison quand tu étais jeune? Ne peux-tu pas voir le bon côté? Tu es beau, jeune, élégant, cultivé parce que tu as connu des difficultés. Dieu s’est souvenu de toi parce que tu as traversé des épreuves. Pourquoi tu veux le repayer avec le mal?

– Laisse Dieu en dehors de cette histoire. Nous allons faire court. Tu as deux semaines pour libérer la maison et transférer tout ce que mon oncle t’a légué à Axel, m’annonce-t-il d’une voix sans appel et mon être entier s’affole

– Laisser quoi? Parce que?

– C’est ça ou je les informe sur tes agissements et par la suite attends-toi à répondre de tes crimes devant la loi

– Pourquoi tu t’acharnes sur moi? explosai-je en larmes. C’est de l’argent que tu veux? Je peux te donner deux millions le mois suivant

– Deux semaines ma tante, et ne pense même pas à me doubler. Si j’ai pu obtenir ces vidéos, sois sûr que je saurai te trouver

– Je dois partir pour aller où? Je vais dire quoi aux garçons?

– ça seulement ça te regarde, mais tu n’as plus le droit de vivre ici

– Tu es là à défendre ton oncle mais tu sais ce qu’il nous a fait? Il nous a trompés et en plus il voulait nous quitter sans rien nous laisser, je devais défendre mes enfants! Tu aurais supporté que feu ton père fasse ça à ta mère?

– Non, et la loi existe pour ça. Il aurait pu te quitter mais sans rien, ça aurait été difficile parce que vous étiez marié. Si tu avais fait valoir tes droits, tu aurais pu obtenir gain de cause, mais le tuer dans sa propre maison, c’est inhumain

– Combien de femmes dans ce pays perdent dans le divorce avec les hommes?

– Arrête tes lubies ma tante, les femmes qui perdent ne connaissent pas leurs droits ou n’ont juste pas les moyens pour engager de longues poursuites judiciaires. Aujourd’hui, la société essaie autant que possible de protéger les femmes, et tu as un entourage. Tu as des connaissances, tu aurais pu essayer, j’aurais même pu te recommander à des collègues compétents…

– Balivernes! Je sais que tu me détestes

– N’importe quoi! Je ne t’aime pas, mais jamais je n’aurais tourné le dos à Axel s’il m’en avait parlé

– Alors tu penses que m’écarter de mon fils quand il est encore vulnérable c’est une preuve d’amour?

– Oui je le pense, il se portera mieux loin de toi, ils se porteront tous mieux. Je te laisse une troisième semaine, sur les deux. Trois et tu vas vivre ailleurs, recommencer ta vie seule avec le poids de ce que tu as fait. Je n’ai pas intérêt à entendre que tu as demandé de l’argent aux garçons, sinon tu verras que tu as choisi la mauvaise cible

– Tu penses qu’on peut séparer une mère et ses enfants? Il s’en va sur cette phrase, me laissant troublée.

– Je te maudis, marie-toi et on verra ce que ta femme te fera subir, sale rat! je lui hurle apeurée par cette épée de Damoclès qu’il vient de suspendre au-dessus de ma tête pour les trois semaines à venir

Norbert, je dois le prévenir. Il faut qu’on se débarrasse du rat d’égout qui vient de sortir d’ici. 

D’amour, D’amitié