98: A Nightmare dressed like a daydream
Ecrit par Gioia
***Aurore AKUESON***
Dormir m’est
impossible ce soir pourtant je suis au lit depuis une bonne heure, peut-être
plus. Je connais comme beaucoup l’expression « quand la femme veut se venger, même le diable
s’assoit pour prendre des notes ». Du
moins je pense que c’est ce qu’on dit. Mais jamais, ô grand jamais, je n’ai vu
Macy dans la représentation de la femme vengeresse. Elle est séparée de Seb
depuis je ne sais combien de temps. Deux ou trois mois, peut-être plus. Pendant
tout ce temps, elle est restée silencieuse, presque effacée je dirai même.
C’est souvent moi qui allais vers elle. Il lui arrivait de manquer quelques
séances de Vinyasa Yoga, un programme dans lequel je m’étais inscrite parce
qu’elle m’a vendu la mignoncité du prof. J’ai longtemps pensé qu’elle se
laissait gagner par la déprime puisqu’elle était dingue de son Sebou machin
truc, mais ce qu’elle m’a montré aujourd’hui m’a terrifié.
Par cette belle
matinée de l’avant-dernier jour de l’année, Macy s’est mise sur son ordi avec
un air serein et m’a fait des révélations qui m’ont fendu la mâchoire.
Apparemment, lorsque Seb a lancé sa compagnie, il n’avait que 9600 € comme
capital personnel et sur ce montant, 8000 venaient d’un prêt d’honneur accordé
par Initiative France. Il souhaitait par la suite que son père se porte garant
du prêt bancaire dont il comptait faire usage pour gonfler son fonds de
commerce, seulement ce dernier a demandé des preuves concrètes de la réussite
de Halo avant de s’impliquer. Ils se sont donc lancés dans la seconde phase de
l’élaboration du produit, puisqu’ils avaient déjà complété la première après
l’écriture du business plan. Avec 9600 € de capital, Macy ne trouvait pas
rentable qu’il verse à chacun des intervenants un salaire fixe, puisqu’à cette
allure ils auraient fait banqueroute avant même d’achever la seconde étape du
processus. Puisqu’il n’avait pas le choix que de payer les développeurs chargés
de la conception, elle lui a proposé une alternative au salaire fixe pour elle.
Un contrat sur base de rémunération au pourcentage de leurs revenus. Je dis ça
comme ça, mais le business et moi ça fait deux. Je ne comprends toujours pas
comment c’est légal ce qu’elle m’a expliqué, mais continuons.
Selon le contrat, il est stipulé qu’à 500 € des bénéfices industriels et commerciaux, elle prendra 2 %
et pour chaque 500 € supplémentaire le
taux augmente de 0,5 %. En gros, si leur Halo en question a engrossé 25 000 € en BIC cette année, elle s’en tire
avec environ 26,5 % de ce montant. Bon dans les faits elle recevra moins à
cause de l’imposition sur le revenu, mais ce qu’il faut retenir c’est qu’un
pourcentage lui revient de droit. Je la sens qui se réveille et elle sort signe
qu’elle va probablement faire un tour dans les toilettes. À son retour je suis
toujours en pleine réflexion.
– Tu ne comptes pas dormir aujourd’hui toi ? elle m’interroge tout en bâillant.
– J’imagine juste comment Seb doit se
sentir à cette heure
– Tu vois quand je dis que tu es une
frappadingue. 80 % du temps tu trouvais à redire sur lui et maintenant te
voilà soucieuse au point de sacrifier ton sommeil
– C’est que je me vois à sa place quoi.
Déjà je me plains quand maman me rappelle qu’il faut payer la facture d’eau qui
n’équivaut même pas à 10 % de mon salaire mensuel alors j’imagine….mince
Macy, non, tu as fait fort. Je ressens son mal ici
– Reste là à ressentir le mal de quelqu’un
qui doit être en train de fourrer son Américaine à l’heure actuelle, elle ose
se moquer
Et je me retourne encore une fois pour
dévisager l’individu qui ferme doucement les yeux avec un air serein. C’est la
même Macy qui gloussait à la vue de son Seb ça ? La transformation est brutale même pour
quelqu’un comme moi qui n’y connaît rien en question de sentiments amoureux. Je
ne veux même pas imaginer ce que pense l’autre con actuellement.
***Sébastien LAVIGNE***
Faire la fête comme un animal c’est ce qu’il me
faut pour clôturer cette année. Enfin mon affaire décolle et je suis de
surcroît célibataire depuis peu donc je me mets bien pour célébrer à fond. Deux
filles rien que pour moi ce soir. Des escortes qu’on m’a branchées. L’une me
glisse dans l’oreille qu’une troisième peut s’ajouter à notre petite virée
moyennant un 500 € pour la nuit. Avec un chiffre d’affaires de 37 858 et quelques centimes, oui je peux me le
permettre et je veux du sale pour cette nuit. Ah oui, un corps ne me suffira
pas.
Après une heure et deux à se chauffer dans un
club, la troisième nous rejoints enfin. Nous embarquons dans un Uber qui fait
un stop pour que je retire de l’argent parce que les filles ont refusé de
prendre des chèques puis nous nous dirigeons vers l’hôtel où je nous ai réservé
une suite digne de ce nom. Toute la nuit elles réalisent mes rêves les plus
osés. Je me lève la tête lourde et avec le portefeuille vide de plusieurs
billets. 2000 € en tout. Pour certains ça peut être une folie, mais je dis
qu’on n’a qu’une vie et je pourrais raconter à mon gamin lorsqu’il aura 18 balais
que barboter sa face entre plusieurs nichons quand on est un peu défoncé c’est
un must à réaliser.
Maintenant en revanche je me traîne à pas de
limace pour libérer la chambre d’hôtel. Hors de question que je réponde à ce
lit qui m’encourageait à dormir encore un peu. Ce serait pour me lever quatre
heures plus tard et devoir payer un excédent pour la chambre. Non, je pionce
tout doucement dans l’Uber en direction de la maison, espérant continuer une
fois à l’intérieur, mais j’ai de la visite. Maman, que je n’attendais pas et sa
voix résonne tel un tintamarre réjouissant de casseroles dans mes oreilles que
je m’empresse de couvrir.
– Me laisser à l’aéroport Sébastien ! Va te laver, on va en découdre tous les deux
tout à l’heure, j’entends sur la fin
Elle a l’air toujours furieuse et je remarque
une autre présence. Norman, qui est debout, contre le comptoir de cuisine. Je
suis encore dans les vapes du coup je me traîne au lit. La douche attendra.
Second réveil. Le cerveau pèse toujours, le
corps est aussi endolori, mais le ventre réclame sa source d’énergie. Je vais
faire le nécessaire en douche et retrouve maman devant le zapping de fin
d’année à la télé. Je vais m’asseoir à ses côtés et dépose ma tête sur son
épaule, mais elle la secoue d’un geste furieux comme quelqu’un qui veut se
débarrasser d’un insecte gênant.
– C’est comment ? Je n’ai pas droit aux vœux de bonheur ?
– Tu savais que tu les voulais tes vœux de
bonheur avant de m’abandonner à l’aéroport ? Dieu
merci ! Hein ! Dieu merci franchement que j’ai eu la
présence d’esprit de prendre le numéro de Norman lorsque vous êtes dernièrement
rentrés sinon c’est que je serais couchée comme les SDF là-bas
– Tu as déjà vu un SDF couché à l’aéroport ? je réplique amusé
– On dit que l’affaire est sérieuse, mais
tu ris hein ? Il n’y a pas de problème
Seb. Ton père va arriver ici bientôt. On va reparler de…
– Je n’ai pas oublié maman d’amour, j’ai
été pris hier par le travail, je m’explique
– Mens-moi bien ! Comme je n’ai jamais fondé d’entreprise non,
il faut me mentir. Tu faisais quel travail sans ton cousin et jusqu’à cette
heure qui plus est ?
– Mon cousin n’est pas le PDG maman. C’est
ma boîte, mon bébé alors normal que je sois plus impliqué que les autres. Un
chef, ça bosse quand il le faut
– HUM ! elle
fait et respire fort pour me démontrer qu’elle n’achète pas ce que je lui vends
Encore heureux que je lui aie pris un cadeau.
Je m’en vais le lui chercher dans la chambre. J’avais oublié qu’elle arrivait
hier, mais pas qu’elle devait venir. Je lui présente son paquet et comme les
mamans, elle me demande ce que c’est pendant qu’elle ouvre. Je m’assois et pose
le bras sur le haut du sofa pendant qu’elle découvre avec stupeur son cadeau.
Un bracelet composé de pierres d’ovale sertit de diamants le tout monté sur de
l’or blanc 18 carats.
– Tu as sorti ça d’où Sébastien ? Pardon si tu as volé….
– Eh ! Ehhh,
je répète de façon plus exagérée quoiqu’amusé par sa réaction. Tu doutes
tellement de ton fils que tu me vois voler quoi
– Non je ne dis pas ça, mais tu as sorti le
joli bijou ci d’où ? Je
sais rien qu’à la voir que ce n’est pas ma pacotille habituelle
– Chez Paris Vendôme, ton fils est sur la
voie du succès maman. Nous y sommes arrivés, 42 175 €, c’est ce qu’affiche le compte
bancaire dédié à mon programme de gestion
– Soix….., pardon tu as dit combien ? elle répète incrédule
Je lui redis le montant. La folle se met à
hululer de joie tout en dansant dans sa position assise. Elle dévisage encore
le bijou, me regarde et cette fois m’attrape la tête avec ses deux mains pour
me recouvrir le visage de ses baisers.
– Combien ils étaient dans ma famille à
venir me questionner sur toi juste pour me tirer les vers du nez et rire de
nous dans notre dos ? Cette
fois je vais me faire un plaisir de leur dire que mon fils est millionnaiiireee
– Ne te gêne même pas, dis-le-leur. Les
mêmes rapaces qui se sont moqués m’appelleront pour leurs problèmes de genou et
cœur
– Ehhhh mon fils, regarde-moi un peu le
bracelet. Hmmm ! Ce
n’est pas ce que ton père m’achète hein. Je vais sortir ça le jour de ton
mariage
– Lol jusque-là ? Porte celui-ci, je t’en achèterai un autre
– Comment ça jusque-là ? Je pensais que tu étais en relation avec une
fille de ton équipe
– C’est Norman qui avait raison, je
perdais mon temps là-bas. Elle ne savait pas faire la part des choses et
manquait finalement d’ambition
– Hum c’est comme ça la nouvelle
génération de nos filles africaines. Naturellement paresseuses. Dès qu’elles
ont un emploi, elles pensent que la vie s’arrête là contrairement à nous. Ne
parlons pas de la maison alors, elles veulent toutes tes bonnes pendant qu’elles
sont devant la télé
– Ah ça. Moi qui comptais te mettre sur le
coup pour que tu me trouves une fille au pays plutôt
– Jamais ! Avec tout ce que tu as ici tu cherches encore
quoi au pays ?
– Je veux une femme obéissante. Ici tu
n’en trouves pas. Je pensais que mon ex l’était, mais…., bref laissons ça.
L’heure est aux réjouissances. Va te faire belle, on sort dîner
– Ah non pas ce soir pardon. J’ai cuisiné
même donc restons ici pour profiter et tu me racontes comment les choses ont
finalement décollé pour Halo
– Agoo maman, le nom c’est Agoo désormais,
je lui rappelle à nouveau et lui raconte ce qui s’est passé ses derniers mois
sur le plan professionnel
Comme tous les parents, elle s’inquiète déjà
sur mes dépenses, mais je la rassure. Je me sus énormément privé durant les
premières années de cette aventure alors je ne fais que me rattraper. En plus
selon nos prévisions, on atteindra le double l’année prochaine donc il n’y a
vraiment pas de quoi s’en faire. On passe la soirée à parler de ma future
femme. Mine de rien, elle va souffrir avec maman comme belle-mère façon elle me
sort des exigences que je ne considérais même pas lol. Selon elle je ne peux
pas prendre n’importe quelle parvenue à cause de mon nouveau standing donc elle
préfère demander à papa de me présenter une fille plutôt. En plus elle veut des
métisses pour petits-enfants aussi. Je lui rappelle que les blanches ne sont
pas obéissantes de nature et elle me fait rire en me disant que les amoureuses
le sont de par le monde donc elle va me conseiller sur comment gagner son cœur.
Pendant qu’elle me fait bien rire, je vais consulter mes e-mails, histoire de
voir si on a une nouvelle commande pour Agoo.
Le troisième e-mail vient de Norman. Il
s’occupe de ma comptabilité depuis peu. Au fur et à mesure que je le lis, la
voix de maman se fait lointaine dans mes oreilles.
– Non, mais elle a fumé quoi cette pute ? je rigole tout haut
– Qu’est-ce qui se passe ?
– Mon ex, dis-je en poussant un juron.
Puisque je l’ai renvoyé, madame nous réclame maintenant des arriérés alors
qu’elle n’a rien foutu les mois avant que je ne la saque
– Elle sait que tu es riche maintenant ?
– Elle le sait puisqu’elle faisait partie
de la team quand on recevait nos premières commandes, mais le montant exact
elle l’ignore.
– Ignore la simplement mon fils. Les
femmes comme ça sont des mouches. Dès qu’elles sentent l’odeur de la merde
elles accourent
– Yieuu je mange quand même hein, dis-je
en rigolant
C’est sereinement que je me couche le soir là,
mais le lendemain Norman débarque chez nous avec un air inquiet. Ce qu’il me
raconte durant les premières minutes ne me plaît pas du tout.
– Tu dis que l’e-mail venait d’un
comptable qui la représente ? Et que
ce dernier demande l’accès au compte de résultat de l’année qu’on vient de boucler ?
– Exactement. Il a joint en copie un
contrat que tu aurais signé avec Macy stipulant que pour les sept premières
années de votre entente…
– Hein ? Seb tu as signé quoi ? l’interrompt maman
– Rien sinon un document débile qui n’a
même pas été notarié ! Ce n’est
pas une preuve qu’on lui doit quelque chose
– Un contrat de travail n’a pas besoin
d’être notarié pour qu’on le fasse valoir Seb. Il suffit que les deux parties y
apposent leurs signatures pour qu’il devienne un….
– Ne m’énerve pas davantage ! je dis avec hargne et lui arrache le papier
qu’il tenait entre les mains. « Il
suffit que, il suffit que… » tu es
avocat maintenant en plus d’être comptable ?
– Sébastien laisse le finir au lieu de
toujours l’interrompre. Dis-nous Norman, qu’est-ce que cette fille peut
concrètement ? Elle veut même quoi ?
J’entends Norman raconter des âneries à maman
qui m’énervent davantage. Il n’est pas avocat alors je m’en fous de ce qu’il
dit. Dès le 3, j’arrive à me trouver un avocat pour jeter un coup d’œil aux
conneries de Macy. J’aurais préféré celui qui m’a assisté dans l’ouverture de
ma boîte, mais il était booké jusqu’en février !
Je lui transmets les documents nécessaires et
il me fixe un rendez-vous dans sept jours. Le jour J maman veut absolument m’y
suivre comme si elle y connaissait quelque chose. Nous voilà devant ce monsieur
aux cheveux grisonnants et lui aussi semble déterminé à m’énerver.
– En quoi ce contrat est acceptable ? Ce n’est qu’un ramassis de cinq pages
contracté entre deux amants. La loi ne dit pas quelque part qu’une femme ne
peut pas se retourner contre son conjoint ?
– êtes-vous mariés ? En matière pénale, votre conjointe peut être
uniquement entendu à titre de simple renseignement et non comme témoin
– Nous ne l’étions pas ! Mais il doit bien y avoir une porte de
sortie. Vous n’allez pas me dire que la loi permettra qu’un honnête citoyen se
fasse plumer à cause d’une ex revancharde, je m’indigne. D’ailleurs, elle n’a
jamais eu le statut d’employée. On s’était entendu que je lui verse ce
pourcentage à titre symbolique. Elle n’était pas non plus une associée pour
oser me réclamer mon CR (compte de résultat)
– Non, mais un contrat de ce type vous lie
bien qu’elle n’était que votre prestataire
– Je vous dis qu’elle n’était que ma
copine !
– Écoutez monsieur je vous entends, mais
il y a aussi ce que disent les documents que vous m’avez transmis. Êtes-vous
sûr d’avoir pris connaissance des termes avant d’y apposer votre signature ?
– Elle l’a manipulé monsieur. C’est comme
ça que sont les filles chez nous, maman répond à ma place
– Je vois. S’il y a effectivement vice de
consentement, nous pouvons intenter une poursuite judiciaire
Je quitte son bureau avec un esprit agité. Papa
sera à Paris dans peu de temps donc on se rend à Paris-gare-de-Lyon pour le
chercher. Et puisque j’ai l’esprit ailleurs, j’ai complètement oublié
d’interdire à maman de garder sa bouche fermée sur cette histoire. Dix minutes.
Peut-être moins. C’est tout ce que ça a demandé. Je me suis juste éclipsé dans
mon petit bureau pour parler à un de mes employés. Dix minutes ! Je ressors et maman a déjà tout balancé à son
Dieu et roi Aristide Lavigne. Et lui aussi me gueule dessus comme si j’étais un
petit animal.
– Ari ce n’est pas comme ça qu’on réglera
le problème, intervient maman
– Qu’est-ce qu’il y a à régler Eugénie ? Dis-moi ce qu’il y a à régler quand ton fils
n’est pas fichu de lire un document ! 25 ans ! à cet âge, j’étais déjà propriétaire d’un
appartement dans le temps et je me débrouillais seul ! il le dit en me regardant avec tant de
déception que j’en ai le nez rouge de honte
– Aristide, ne parle pas ainsi à mon
garçon. C’est aussi de ta faute ! Si tu
avais pris Seb sous ton aile comme promis…
– Ma faute ? il dit en ricanant. Deux filles tu m’entends.
J’ai deux filles avec ma femme, et je ne me suis porté garant pour aucune.
Trois filles qui sont toutes plus autonomes que lui
– Trois ? Espèce de menteur. Tu m’as dit que tu ne
ferais plus d’enfant avec ce laideron, aboie maman
– J’ai dit deux filles, de quoi tu parles ? il rétorque sur un ton défensif
Je les laisse à leurs querelles inutiles. C’est
Macy qui cause tout ça donc je dois le régler avec elle. Le soir, lorsque les
esprits sont calmes, papa me recommande ce que j’avais déjà prévu. Soit,
discuter avec Macy, trouver un terrain d’entente parce qu’une poursuite
judiciaire revient à débourser davantage et si le contrat n’est pas reconnu
comme caduc, je serais le perdant sur toute la ligne.
Le plan est le suivant et il implique Norman
que j’ai fait venir pour le lui expliquer.
– Durant notre dernière dispute, Macy a
laissé sous-entendre que j’étais à l’arc avec Elsie et pense que je l’ai trompé
donc…
– Je sais, c’est ma faute, il m’interrompt
avec un air penaud
– Ta faute ? Explique-toi
– Si j’avais su Seb je t’assure que…
– Explique-nous simplement Norman. À ce
stade on doit tout savoir, l’encourage maman
– Comme je t’avais dit lorsqu’on était à
Lomé, je trouvais que Seb se reposait de trop sur Macy et cette dernière
n’était pas digne de confiance. De retour à Paris, Seb nous introduisait Elsie
avec qui j’ai bien sympathisé. Comme j’ai remarqué la jalousie de Macy envers
cette dernière, j’ai vu par là une occasion de nous libérer d’elle. J’ai créé
un faux profil sur Insta au nom d’Elsie et disons que j’ai provoqué un peu Macy,
mais je t’assure Seb. Si j’avais su qu’elle te ferait un coup pareil, je me
serais abstenu. Tout ce que je voulais c’est qu’elle reste à sa place au lieu
de se prendre pour la seconde de l’équipe
Maman ne me voit pas me lancer. Je me lance
simplement sur Norman et son visage reçoit tous les coups résultant de la rage
que j’emmagasine depuis le début de l’année. Maman crie, Norman se défend comme
la femmelette qu’il est et je n’en suis plus qu’enragé. J’ai dépensé une
fortune pour baiser cette Elsie qui m’a finalement filé entre les doigts. Je
n’ai même rien fait ! Et
pour une fois que je suis réglo, je me fais torpiller par celui qui s’appelait
mon ami.
Je ne le lâche que lorsque mes poings me font
mal. Maman l’aide à se redresser quand la porte d’entrée s’ouvre. Papa rentre
de son tour et pousse un cri horrifié devant la nouvelle face que j’ai créé à
Norman. Je me dirige dans la salle de bains pour passer mes poings en bas de
l’eau et me calmer un peu.
***Macy WIYAO***
J’admets, je me lève avec une petite joie
malsaine depuis que mon comptable m’a confirmé qu’il a transféré mon courriel à
l’équipe de Halo. Je suis bien heureuse que Seb soit en train de fulminer par
ma faute. Le connaissant, ça ne m’étonnerait même pas qu’il ait déjà renvoyé
des gens de son équipe les accusant d’être responsables de ce qui arrive. C’est
un chef pour se chercher des boucs émissaires quand il est contrarié. Je n’irai
pas jusqu’à dire que le renvoi des autres me réjouit, mais bon, ce n’est pas
moi leur boss. Je ne lui ai pas dit d’être comme il est, et je ne l’ai
certainement pas piégé comme Aurore se plaît à le croire. Mon premier but en
lui proposant cette entente c’était qu’on se facilite tous deux la tâche.
Travaille gratuitement ne fait pas partie de mon vocabulaire et je ne pouvais
pas décemment lui charger un plein prix. J’ai donc opté pour une formule simple
et je lui ai même proposé de faire relire le contrat par un avocat. C’est lui
qui a décliné, stipulant qu’il avait lu, compris et m’a même remercié de lui
faire cette fleur, promettant que je serais son premier partenaire dès qu’il
changerait de statut juridique pour Halo. Bref Aurore est dans son délire qui
m’amuse beaucoup. Elle ne cesse de raconter à ses parents qu’en fait je suis un
cauchemar déguisé en ange. Je vis chez eux depuis la fin de l’année, offre de
mon oncle Antoine parce que je déménage à Strasbourg en février. J’ai terminé
mon contrat en décembre dernier avec mon ancienne boîte et débute dans une
autre à Strasbourg alors tonton a proposé que je laisse aussi mon appart pour
économiser au moins un à deux mois de loyer. Au début je négligeais puisqu’on
parlait de deux mois et quelques jours. Mais ce n’est pas une petite somme au
final.
Je m’attendais aussi à ce que Seb essaie de
m’amadouer. Il a certes pris plus de temps selon mes prédictions, mais c’est
par un message sirupeux qu’il a fait sa réapparition. Il demandait à ce qu’on
se rencontre. J’ai ignoré ses coups de fil et répondu que je vais discuter avec
mon comptable pour trouver une date. Les cinq jours suivant notre rencontre, le
mec a tout essayé. S’il ne m’avait pas craché au visage que des meufs
meilleures que moi le draguaient, mon ego de femme m’aurait certainement
retourné dans ses bras. Il y a quelque chose de hautement satisfaisant dans le
fait de voir un homme qu’on aime ramer pour nous récupérer. Moi en tout cas je
fais, ou dirai-je que je faisais partie de celles qui flanchaient pour ça.
Pourtant avec le recul, je ne sais même pas ce qu’il y a de beau ou inspirant
dans le fait qu’un homme me blesse à plusieurs reprises et s’excuse. Qu’est-ce
que j’en ai tiré sinon des maux de cœur, des inquiétudes et j’ai même failli
retomber dans la remise en cause de ma valeur en tant que personne ?
– Répète après moi. Tu as le droit de te
sentir sécure dans ta relation. C’est normal de chercher l’assurance et qu’on
te fasse te sentir irremplaçable
– Pour que tu me dises dans quatre ans
qu’on a signé une entente et que 20 ou 30 % de mon argent parte dans ta
poche ? rétorque Aurore et
j’éclate de rire
– Tu ne vas décidément pas lâcher
l’histoire là hein petite
– Attends que je vérifie si ma carte bleue
n’a pas subitement disparu
Si je reste avec Kekeli, je ne vais jamais
sortir de cette maison donc autant sortir. C’est d’un air joyeux que je me
rends à notre rencontre avec tonton Antoine. Oui oh. Je ne savais même pas
qu’un avocat à la retraite pouvait encore exercer, mais il a dit qu’il m’accompagnait
en tant que conseiller. À l’heure où je suis, il n’y a pas plus serein que moi.
La rencontre est officieuse. Il n’y a aucune plainte en jeu. Disons qu’on va
essayer de s’entendre d’abord entre personnes civilisées. Du moins c’est ce que
je croyais, mais Seb se lance dans les lourdes accusations. C’était à base
de : « il a demandé à me voir
seule, mais je veux rendre les choses compliquées ». « Que je
l’ai entubé avec ce contrat qui est d’ailleurs nul parce que je ne suis pas son
associée puisque Halo est une EIRL ». En
plus il fallait voir son air victorieux quand il l’a sorti. Genre il
s’attendait trop à me déstabiliser.
– Et alors ? je lui demande
– Et alors ? C’est celle qui se dit Ingénieur BI qui me
demande et alors ? Maître
expliquez-lui ce qu’est une EIRL, il dit à l’encontre du pauvre avocat qui a
quand même essayé de tempérer son client
– Je vous retourne la question monsieur,
parce que nulle part il est stipulé qu’une entreprise individuelle à
responsabilité limitée est autorisée à ne pas payer ses fournisseurs, à moins
que vous vous soyez trompé sur la notion de responsabilité limitée, ironise
tonton Antoine
– Je vous prierai de ne pas m’insulter ! De quel fournisseur parle-t-on ici ? Qu’est-ce qu’elle m’a fourni ?
– Mes services en tant que consultante, je
me décide enfin à répondre et monsieur ricane
– Consultante ? Tu aimes rêver en couleur chérie. Tu as quel âge
toi pour être consultante ? Tu te
fous de qui ?
– Parce que tu ignorais que j’étais
consultante depuis la fin de ma licence ?
Son visage se décompose suite à cette
révélation.
– Je suis consultante indépendante Seb.
Enregistrée comme autoentrepreneur et c’est en cette qualité que je t’ai aidé à
monter ton business plan, guidé dans tes recherches et j’ai même fait les
formations dont tu ne voulais pas. Six sigma ? Le Micromaster en Supply chain de MIT offert
sur EDX ? Tu as oublié ? je dis tout en leur présentait des copies
imprimées des e-mails dans lesquels il me donnait l’accord de faire tout ce que
je jugeais nécessaire et on inclurait ma rémunération dans le pourcentage
– C’est toi qui me rabâchais les oreilles
avec ses programmes sachant pertinemment que je suis nul en anglais et pour
avoir la paix je t’ai dit de les faire !
– Beh excuse-moi d’avoir fait le travail
pour lequel tu m’avais intégré à ton équipe han, je lui dis même si je n’en
crois pas mes oreilles
C’est lui qui m’a fait part de ses grandes ambitions.
Monsieur « je veux que Halo soit le
premier programme en business management » et
pour ça il faut mettre toutes les chances de son côté non. Les certifications
sont comme un badge de confiance dans ce domaine. Les gens t’accordent encore
plus de crédit quand tu les as en plus d’un programme solide, mais Seb trouvait
ça trop compliqué parce que l’anglais ce n’est pas son fort. J’ai proposé qu’il
fasse des cours de langue alors. Il les a commencés, mais jamais terminé.
– Reconnaissez-vous avoir caché à mon
client que vous lui proposiez vos services en tant que consultante ? Son avocat me demande et m’interrompt dans
mes pensées
– En quoi lui a-t-elle fait une cachoterie ? Quand on accepte des services avec une
entente à l’appui on s’assure de poser les questions nécessaires, tonton
Antoine répond
– On a compris monsieur, on a compris que
votre unique argument de défense c’est que je ne maîtrisais pas ce que j’ai
signé. Mais votre cliente m’a berné. Reconnais-le et qu’on passe à autre chose
Macy. Pour moi, tu me filais un coup de main en tant que ma meuf tout comme un
ami pourrait m’aider. Il n’était pas question de prestataire machin entre nous
et tu l’as sciemment tu
– Écoute je ne vois vraiment pas en quoi
c’est ma faute. Nulle part il n’est écrit qu’une copine ne peut pas être un
consultant free-lance. La preuve, tu m’as renvoyé en pleine dispute de couple.
Ce n’est pas mélanger les deux rôles ça ? je lui
rappelle
Pendant qu’il maugrée je ne sais quoi, je leur
joue l’enregistrement de notre dernière rencontre. Entendre ses sales paroles
ne fait qu’accroître ma détermination à mener ma mission jusqu’à terme.
– J’étais en colère. Norman nous a trahi
tous les deux. C’est lui qui a commenté sur Instagram….
Blablabla, je le laisse dire ce qu’il veut
tant, et reprend sur le sujet important.
– Bien. On peut passer à ce que tu me dois
maintenant ?
– Tu n’auras rien ! il rétorque avec véhémence
– Je propose qu’on ajourne cette séance,
commence son avocat. Il serait judicieux que chacun de nous repense à sa
position au vu des nouveaux éléments que nous avons pu collecter de cette
rencontre
– Figurez-vous que je m’apprêtais
justement à vous proposer une trêve pour empêcher votre client de s’enfoncer
davantage dans l’embarras, leur répond mon oncle
– L’embarras quand je lui ai défoncé le
cul quatre fois ? Il le
sait ça ton oncle Macy ? il me
choque en révélant
– Sébastien, cessez de vous donner en
spectacle, le réprimande son avocat
Je me lève avec difficulté, mais je refuse de
baisser la tête ou lui donner la satisfaction de me voir déconfite. Je garde un
air impassible, récupère mes effets et d’un ton neutre, je leur confirme qu’on
reprendra contact avec eux. Sur le trajet du retour, je ne fais que fixer mes
escarpins. Mon oncle n’a rien dit depuis. Et je croule de honte dans mon siège.
Seb va me le payer.
Je colle tata Lou comme une seconde peau à
notre arrivée. Heureusement mon oncle n’a pas évoqué ce qu’on a entendu. Il a
fait le compte rendu à ses femmes et semblait confiant quant à l’échec de Seb.
Avant de me coucher le soir là je vais chercher un second avis. La raison étant
que maman ne nous a rien caché de son passé. Le Sida, notre frère qu’on a perdu
à cause de cette fichue maladie et comment elle s’est laissée convaincre par
tonton de maintenir sa plainte contre papa au point que les deux ont été
presque ruinés en sortant de ça. Un conseil qu’elle a martelé dans nos
cerveaux, c’est que la colère n’est pas bonne conseillère. On se croit tout
puissant parce qu’on s’est vengé, mais le risque de commettre des dégâts
irréparables en l’écoutant est bien trop important pour être négligé. Papa
aurait pu la haïr toute sa vie, ne jamais lui pardonner et je n’existerais même
pas alors je vais chercher un second avis. Un plus neutre que celui de tonton.
C’est chez Aïdara que je me dépose mon oreille. Elle connaît l’affaire parce
que dès que le plan prenait forme dans mon esprit c’est chez elle que j’allais
confirmer mes étapes.
– Che prédjise que che suis pas une
avocate
– Oui madame, pour l’avoir écouté toutes
les fois que je t’abordais sur la question, je connais ton speech. Un paralégal
ne peut pas donner de conseils juridiques à un client
– Euh ouais, che vais toujours répétcher
mon speech parce qu’il est hors de questchion que je perdje mon djroit
d’exerzer pour tchoi, elle me dit et je rigole en l’imaginant bien me toiser de
l’autre côté comme si j’étais en face d’elle
– Lol, il n’y a pas plus rigide que toi
quand tu t’y mets. Je te rappelle pour la vingt-et-unième fois que je ne suis
pas ta cliente, mais juste une curieuse qui vient déranger ton cerveau pour
connaître ton opinion
– OK, so hypothétchiquement parlant,
j’aurais djit que la partchie adverse a des points qu’ils peuvent défendre. Primo
il a bel et bien lu en diagonale votchre entente, mais ça n’exclut pas le fait
que tu aies un peu emberlificotché la chose, han ? Ça se défend. Tchu ne lui as pas
explicitchement dit que tu lui offrais tes services. Et le contchrat que tchu
as proposé ne lie en général que des associés. Pas un prestataire et son
client. Je ne djis pas forcément que se rendre au procès est une garantchie de
pertche pour tchoi, mais mets-tchoi déjà en tête qu’on ne t’accordera pas tout
le pourcentadje que tchu réclames. La loi du consommateur dans les cas de
litidjes compliqués protège d’abord le client. En plus il y avait le facteur
relatchion entchre vous que son avocat mettra en avant. En tout cas si c’était
moi l’avocat, je dirai que l’amour fou lui a beurré les yeux et il était prêt à
tchout pour tchoi
– C’est ça, mon cul l’amour fou
– Et la preuve c’est dans une querelle
pazionnée d’amants que vous en êtes arrivés au point de la séparation
aujourd’hui. Clairement tchu n’es qu’une veuve noire qui veut tchuer son
partenaire après l’amour
– Ah ouais, le ton qui change et tout,
t’es à fond dans ton rôle toi, j’entends de sin copain
– Mayey ! Je t’ai djit de ne pas me déranger quand je
travaille ! elle le gronde sur un
ton qui me dit qu’on l’a surprise dans une connerie et elle est trop gênée pour
assumer
– Ce sont dans mes toilettes que tu
travailles maintenant toi, il dit avec humour
– Va-t-en orrrhh ! Che peux jamais être en paix quand je viens
ici, elle dit tout en revenant sur la ligne avec moi
– ça se fait aussi de chasser les gens
quand on est chez eux ? Je lui
demande amusée
– Comment tchu sais que je l’ai chassé ?
– J’ai entendu du bruit puis une porte qui
se ferme alors j’ai conclu que tu l’avais mis dehors puisqu’il a eu l’audace de
t’interrompre
– J’te djure ! Che peux jamais djisparaître une seconde dès
que che suis ici
– Et pourtant tu y es souvent, je lui fais
rappeler
– Le sujet, revenons au sujet. Donc che
suis à 85 % sûre que son avocat abordjera la plaintche sur cet angle. Ta
meilleure optchion c’est de négocier un tarif qui te semble raidjonable parce
que s’il a une chance de rédjuire ce qu’il te doit grâce au procès, il se peut
qu’il soit aussi découragé par le fait d’intenter une poursuite et devoir régler
des honoraires élevés à son avocat
– Donc je dois négocier avec lui au final ? Je dois lui laisser une part de victoire,
dis-je un peu dégoûtée
– Qu’est-ce que tchu veux ? Vidjer 100 % et prendjre le risque de te
retchrouver avec 40 % dont tchu devras dédjuire les frais d’avocat et
peut-être de déplacement si on a besoin que tchu reviennes sur Paris ? Ou accepter un 65 % et laisser cette
histchoire derrière une bonne fois pour tchoute ? La victhoire c’est un mot relatchif
– Bande de cauchemars déguisés en anges,
j’entends d’Aurore dont j’avais totalement oublié la présence
J’éclate de rire et remercie Aïdara pour son
avis avant de mettre fin à l’appel vidéo. 65 % c’est mieux que 40.
Définitivement. Même si mon oncle ne le comprend pas quand je lui explique
demain que je compte camper sur la négociation. Il ne le comprend pas et
m’explique plutôt un plan qui me miroite une belle victoire sur Seb. Il
insiste, et met en avant le fait que Seb ait osé m’insulter devant lui. Je
comprends qu’il parle de ce qu’il a révélé sur nos pratiques sexuelles. Si je
n’avais pas parlé à Dara hier, je me serais laissée tenter, mais elle a raison
quand on analyse la chose à tête reposée. Je préfère clore tout ceci avant de
partir à Strasbourg parce qu’une fois que j’aurais fini là-bas, c’est à Lomé
que je compte me rendre pour mon installation définitive. Ce n’est pas comme
s’il me devait tout de A à Z. Il m’a payé une partie quand je travaillais
encore avec lui. Je réclame uniquement le reste et 65 % feront l’affaire.
Même 60 % en réalité.
***Jennifer BEMBA***
Il y a quelque chose de profondément injuste
dans cette maladie qu’on appelle la drépanocytose. Injuste parce que tu ne peux
juste pas te projeter dans la vie comme tout le monde. J’allais bien ; je pensais aller bien en tout cas. En dehors
de quelques problèmes de genou récurrents, je me sentais en pleine forme depuis
mon retour au pays. Mes traitements et transfusions sanguines régulières m’aidaient
beaucoup donc naturellement j’ai commencé à prendre de l’assurance. Et un beau
matin, mon mal décide de se réveiller par des douleurs à la poitrine. Ça ne
ressemblait pas à des problèmes de cœur, mais j’avais du mal à respirer. J’ai
essayé de m’en sortir avec mes médicaments. Je voulais tenir jusqu’à la fin de
mon émission de cuisine, mais la drépanocytose a gagné. La chaîne a dû mettre
fin à mon show trois semaines à l’avance parce que j’ai fini à l’hôpital.
Je suis à la maison, couchée comme une vieille
igname qu’on a laissée dans un coin et qui germe seule. Romelio a engagé une infirmière
qui reste à mon chevet parce que je n’en pouvais plus de l’hôpital. Ma tante
passe ses journées avec moi, mais je ne veux que Romelio. Je veux qu’il soit à
mes côtés. Je le veux dans le lit avec moi parce que je me sens faible, j’ai
peur pour mon avenir alors ce matin j’ai encore craqué quand il s’apprêtait
pour le travail. Il m’a rejoint dans le lit et me consolait en me câlinant le
dos, mais je n’arrivais pas à stopper mes larmes.
– ça va aller ma chérie. C’est dur
maintenant, mais je t’assure que ça ira. Je n’ai pas perdu espoir.
– Je n’en plus Romelio, je veux guérir, je
veux aller mieux, sangloté-je
Il me prend le visage à deux mains, nettoie mes
larmes avec ses pouces et m’embrasse le front.
– Je sais, je le veux plus que tout au
monde. Un jour, j’ai la foi qu’on trouvera une option définitive pour toi
– Alors renverse ta vasectomie !
– Quoi ?
– Il existe une option Romelio. Toi et moi
la connaissons, la greffe de moelle osseuse peut me donner une parfaite santé.
Renverse ta vasectomie et faisons un bébé au lieu de traîner d’orphelinat en
orphelinat à la recherche d’un enfant pour nous
– Tu n’es pas sérieuse là ? il me dit incrédule et me fixe comme si j’avais
perdu la tête, mais je ne lâche pas. Non cette fois je ne vais pas lâcher. Pas
comme les dernières fois où nous avons abordé ce sujet et il me fermait la bouche
par ses lourdes réflexions scientifiques.
– La greffe de moelleuse osseuse est…
– Dangereuse pour les patients plus âgés
Jennifer ! Ce n’est pas pour rien qu’on
n’a pas considéré cette option. On les compte sur les dix doigts les patients sur
qui on les a réalisés en Amérique du Nord et qui sont sortis indemnes.
– Je sais tout ça, mais…
– Non, excuse-moi, mais on dirait que tu ne
sais pas. On les réalise plus facilement sur les enfants parce que leur système
immunitaire s’affaiblit rapidement durant la chimio comparée aux adultes et les
nouvelles cellules ont moins de chance d’être rejetées par l’organise. Alors qu’un
organisme adulte a plus de chance de faire un rejet Jennifer et ce rejet
entraîne un dommage important de tes organes vitaux, puis la mort. On a étudié
de long en large toutes nos options avant d’opter pour cette vasectomie alors
je ne comprends vraiment pas ton insistance
– Parce que ce n’est pas une vie Romelio ! Ce n’est pas une vie ce que je mène. On a
étudié, mais le temps s’est écoulé depuis. Pourquoi tu refuses qu’on essaie au moins ? Qu’est-ce que ça nous coûte ?
– Qu’est-ce que ça nous coûte ? Il répète encore une fois comme si je perdais
la tête. Dois-je te rappeler que pour subir cette greffe il te faut un donneur
sain et compatible ? Toi et
moi sommes porteurs d’un allèle malade. Même si on passe par la procréation assistée
afin de choisir un embryon au génotype AS comme le mien, jamais on n’aura d’enfant
sain. Jamais on ne pourra utiliser ses cellules souches pour ta greffe puisqu’il
n’est pas sain. Tu ne peux pas avoir un enfant sain Jennifer. C’est impossible
pour toi quel que soit le cas de figure
– Non, je dis faiblement, tête baissée, et
pleure de plus belle
Non, je refuse de croire que c’est impossible.
Ce n’est pas ce que je voulais. Je voulais un mariage heureux. Pas ce qu’on est
en train de vivre là.
– Tu es fatiguée mon ange, je comprends,
je sais que je travaille énormément ces derniers jours, il reprend sur un ton
plus doux. On va faire ceci, je vais essayer de rentrer tôt et m’occuper de toi.
On ira faire une balade si tu en as la force
Je ne veux pas de balade. Je veux qu’il croie à une potentielle guérison pour moi. Je veux qu’il renverse sa vasectomie. Qu’il fasse preuve de foi comme il ne cesse de me le vendre. Les paralytiques ont marché. Pourquoi ma situation ne pourrait pas être différente. Je pense tout ça pendant qu’il me réconforte, mais je n’ose pas le lui dire. Par crainte qu’il me juge. Par crainte qu’on s’emporte dans une énième dispute comme on l’a fait quand je lui ai dit que je n’arrivais pas à m’attacher aux enfants qu’on a rencontrés pour l’adoption. Par crainte qu’on me traite d’ingrate parce qu’il a fait cette vasectomie pour nous protéger. Mais j’y crois. Oui je crois qu’une solution existe et je refuse d’attendre les bras croisés à subir. Il me faut juste la trouver et convaincre Romelio.