Adieu maman
Ecrit par Plénitudes by Zoé
Chapitre 32 : Adieu maman
**** Sabine ****
Moi (au téléphone) : Allô ?
Marla (faiblement) : Allô…
Moi : Toutes mes condoléances Marla
Marla : Merci…
Moi : Mais qu’est-ce qui s’est passé ?
Marla : Hum… C’était le vendredi dernier, j’avais une veillée de prière. Mais comme maman n’allait pas bien je n’y suis pas allée…
+++ Flashback (Marla) +++
Ce matin, j’ai eu un séminaire à l’église de mon cousin où il m’avait invitée. Ils devaient parler de comment en tant que jeunes, nous pouvions impacter notre génération et nous démarquer en ce monde. C’était pas mal mais j’ai dû couper court pour aller visiter une boutique en centre-ville pour mon activité.
Quand j’ai fini mes courses, je suis rentrée en soirée à la maison trouver maman qui tremblait de tout son corps et vomissait beaucoup. Papa avait voyagé et je n’avais pas assez d’argent pour l’emmener à l’hôpital. Mais pour être tout à fait honnête, je n’ai pas pensé que cela nécessitait de l’emmener à l’hôpital. Elle avait ces symptômes chaque mois ou chaque deux mois. Au début, je l’accompagnais à chaque fois à une clinique pas très loin de chez nous et chaque fois, on lui faisait une perfusion et on lui prescrivait des médicaments qu’elle ne prenait pas et c’était reparti pour la prochaine fois. A un moment, nous n’avons plus été ; lorsque ça lui arrivait, je restais près d’elle et je lui faisais à manger, je lui préparais aussi de la bouillie pour qu’elle puisse regagner des forces, je la lavais et prenais soin d’elle. Sans oublier de prier avec elle.
Donc, ce jeudi, il n’y avait aucune raison de croire que c’était plus grave que d’habitude et je paie très cher ma désinvolture aujourd’hui. Nous avons tant bien que mal passé la nuit et le lendemain elle avait l’air d’aller beaucoup mieux. Plusieurs personnes m’ont dit plus tard qu’elles l’ont vue dehors en train de se rendre je ne sais où. Ce vendredi, je me préparais pour la veillée de prière parce qu’on devait prier pour l’expansion financière de tous les fidèles et on nous a demandé de préparer une offrande et de prier en donnant la direction que nous voulons à l’offrande. J’ai même jeûné dessus parce que ma situation financière vraiment… Bref. La femme de mon oncle est aussi venue passer quelques jours avec nous avec ses trois enfants et donc elle m’a aidé à m’occuper de maman.
J’étais en train de me préparer pour la douche en soirée quand cette dernière vient de manière paniquée me dire que maman se plaint de ne pas réussir à respirer. C’est là où j’ai décidé de l’emmener à l’hôpital avec les sous que j’ai préparés pour mon offrande. Je me suis douchée très rapidement, me suis habillée et suis allée chercher Marc pour qu’il nous accompagne à l’hôpital. Vu que papa était en voyage avec sa voiture, on a fait appel à un zémidjan (taxi moto) pour qu’il nous y emmène. C’est Esther que j’ai chargé d’aller nous en chercher un. Pendant ce temps, Marc et notre petit dernier étaient avec moi dans la chambre de notre mère.
Dès qu’Esther est revenu nous dire que le zem était dehors, j’ai demandé à maman de se lever pour qu’on y aille. Elle m’a répondu qu’elle ne pouvait pas marcher et a demandé à Marc de la porter. Il lui a alors offert son dos pour qu’elle y monte mais au moment où elle s’est mise sur ses pieds, elle est tombée. Nous avons paniqué et Marc l’a prise dans ses bras pour l’emmener dehors. Mais lorsque nous avons voulu la mettre sur le zem pour que je m’installe derrière elle, elle ne tenait pas sur la moto. Juste à ce moment, notre voisine rentrait du boulot et je l’ai arrêtée devant son garage pour qu’elle nous accompagne avec sa voiture.
Nous avons donc installé maman à l’arrière, la tête posée sur mes jambes et la voisine et son chauffeur devant. Marc nous suivait avec sa moto. A partir de cet instant, j’avais l’impression de m’être dissociée de mon corps. J’étais là mais en même temps hors de mon corps. Tout ce que je faisais c’était prier, la voisine m’accompagnait dans la prière et le chauffeur grillait tous les feux qu’il rencontrait.
Nous sommes finalement arrivés tant bien que mal à la clinique et les infirmiers l’ont installée dans un lit. Le médecin a posé un stéthoscope sur sa poitrine et nous a dit de l’emmener à l’hôpital de Kégué (un quartier assez loin de chez nous). C’est ce que nous avons fait. Là, ils nous ont dit qu’ils n’avaient plus de lit disponible et donc de l’emmener au CHU. Nous l’avons donc emmenée au CHU. Pendant le trajet, mon père était rentré de voyage et je lui ai dit de nous rejoindre au CHU. Nous nous sommes tous retrouvés là-bas. Sauf Marc à qui papa avait dit de rentrer à la maison nous attendre.
Arrivés au CHU, elle a été mise sur un brancard et c’est dans le couloir que le médecin lui a administré un massage cardiaque. Le premier vrai soin qu’on lui donnait ce soir-là. Après cela, il a eu une urgence, une jeune fille qui faisait une attaque. Il a donc laissé ma mère sur le brancard dans le couloir pendant des heures, avec moi à côté, en larmes, ma bible ouverte en train de proclamer que les enfants de Dieu mourraient après une vieillesse heureuse et non dans la souffrance.
Tout s’embrouillait autour de moi, j’ai à peine remarqué que mon père était assis à côté de moi. Un homme qui était dans le couloir avec une dame, m’a demandé d’arrêter de pleurer et de garder espoir. Le problème c’était qu’à ce moment précis je savais que c’était fini, qu’il n’y avait plus rien à faire. Le médecin est venu après plusieurs minutes faire rentrer le brancard en salle de soins et a fait rentrer notre père dans la salle pour emplir des papiers.
Papa est sorti de cette salle dix minutes plus tard, les larmes aux yeux et tout ce qu’il a pu me dire avant de me prendre dans ses bras c’était « Elle nous a quittés ». Je me suis alors violemment écartée de lui et ai pris mon téléphone pour appeler mon pasteur. Il ne décrochait pas, il était en pleine veillée de prières. J’en ai appelé un autre qui ne décrochait pas non plus, puis un autre, même chose. J’ai réessayé jusqu’à voir au loin qu’ils sortaient ma mère sur un brancard, le drap que j’avais pris avec moi pour la recouvrir quand on lui mettrait une perfusion était enroulé tout autour d’elle comme une momie. Je n’ai pas supporté de la voir comme ça. J’ai rangé mon téléphone dans ma poche et me suis avancée vers eux d’un pas vif en leur demandant de s’écarter. J’ai retiré le drap de sa tête et ai commencé à lui demander de se lever. Parce que Dieu avait fait tellement de prodiges, ressuscité beaucoup de gens alors pourquoi pas ma mère ? Mais tout cela était peine perdue. Je me suis mise à pleurer et me suis effondrée. La voisine est venue me relever mais tout ce que je voulais c’était qu’on me fiche la paix. Ils m’ont mise dans leur voiture et ont mis maman dans la voiture de papa.
A partir de là, je me fichais de ce qui pouvait bien se passer autour de moi. Nous sommes allés à la morgue et ils ont beaucoup négocié parce qu’il n’y avait plus de place où la laisser. J’ai alors essayé d’appeler les sœurs de maman mais les deux ne décrochaient pas alors je leur ai laissé un message et ai écrit à Dina pour lui dire. Elle m’a rappelée mais tout ce que j’arrivais à faire c’était renifler et pleurer. J’ai fini par raccrocher. Puis ma tante m’a appelée et je leur ai dit où on était. Marc m’a écrit pour me demander si maman s’était réveillée mais je ne savais pas quoi lui dire.
Après que les formalités aient été réglées, je suis rentrée à la maison et les enfants de la voisine étaient chez nous et tenaient compagnie à mes frères. Dès qu’ils m’ont vue, ils ont su que c’était fini et les pleurs ont retenti toute cette nuit. Nous n’avons rien pu avaler et sommes allés nous coucher ainsi. Chacun avec ses pensées. Au milieu de la nuit, je n’arrivais pas à dormir, je me suis levée et me suis rendue sur la dalle où je me suis assise et où j’ai encore pleuré longtemps. Papa m’a entendue et est venu me demander de me calmer et de retourner me coucher. Ça a été la pire nuit de mon existence.
+++ Fin du flashback +++
Marla : Je pensais avoir déjà expérimenté la souffrance, mais rien de cela n’était comparable à ce que j’endure en ce moment, sentir son cœur desséché. Et le pire de tout c’est la culpabilité. Je me suis demandé tellement de fois et si j’avais fait ceci au lieu de cela, et si je l’avais emmenée à l’hôpital depuis le jeudi ? Et si j’avais prié plus fort ? Si je lui avais témoigné plus d’amour ? Peut-être qu’elle serait parmi nous aujourd’hui.
Moi : Tu sais que ce n’est pas de ta faute, il faut que tu le comprennes ce n’est pas de ta faute. Et s’il le faut, je te le dirai tous les jours jusqu’à ce que tu en sois convaincue. Tu n’aurais pas pu prévoir ça et tu as fait le maximum.
Marla (en larmes) : Chaque fois que je ferme les yeux, je revois ce moment où elle est tombée dans sa chambre, elle était déjà partie avant que nous arrivions à l’hôpital. Mais s’ils avaient réagi un peu plus tôt peut-être qu’elle serait encore là. Je donnerais tout ce que j’ai pour qu’elle me revienne. On se dit toujours que ça n’arrive qu’aux autres mais en fait non. Ça peut arriver à tout le monde et la vie est tellement peu de choses en fait…
Moi : Oh chérie, tu te fais du mal, arrête… Je suis sûre que tu as fait tout ce que tu pouvais.
Marla : Mais ce n’était pas suffisant. Snif
Moi : J’ aimerais tellement être avec toi pour t’assister. Mais je t’appellerai tous les jours d’accord ?
Marla : D’accord.
Moi : Tu n’es pas seule OK ? Nous sommes tous avec toi.
Je raccroche et me mets à réfléchir. Et dire que je pensais avoir des problèmes. Je n’ose même pas imaginer comment Marla se sent en ce moment. Je ne peux que prier pour elle. Je prends mon téléphone et la première personne à laquelle je pense c’est Nathaniel. Je l’appelle et lui raconte ce qu’il s’est passé. Il aime beaucoup Marla surtout depuis qu’elle nous a apporté son soutien lors du décès de Sara. Il est sincèrement désolé pour elle et nous décidons de nous rendre tous les deux au Togo pour l’enterrement. Dès que nous aurons les dates, nous nous organiserons aussi.
Je ne pense même plus à mes doutes quant à Nath et Dan. Cette situation me fait prendre conscience qu’on doit chérir les personnes que nous aimons car il peut être trop tard demain. Et j’ai une vie avec Nath, des projets, une fille et un mariage sur les rails. C’est tout ce qui compte pour moi et je m’en rends enfin compte. Il n’y a que Nath que j’aime. Le reste n’était que piège de l’ennemi. J’envoie un message à Dan lui disant que je ne peux pas lui donner ce qu’il veut, que mon cœur appartient à mon fiancé et que je préfère ne plus le revoir. Je le bloque ensuite et envoie un mail à mon chef personnel lui signifiant que je ne reviendrai pas au labo le lundi suivant et que mon stage venait officiellement de prendre fin. Il est temps que je rentre chez moi retrouver les miens.