7 jours
Ecrit par Plénitudes by Zoé
Chapitre 33 : 7 jours
**** Marla ****
+++ Jour 1 +++
Le lendemain du décès de maman, notre maison s’est retrouvée envahie. Je me suis réveillée super tard avec un mal de tête effroyable. Quand je suis sortie de la chambre en pagne, j’ai dû y retourner en vitesse pour me changer quand j’ai vu tous ceux qui étaient là. Des personnes que je n’avais pas vues depuis des années, d’autres que je ne connaissais même pas. La famille de papa était là très tôt et ils ont tout organisé, loué des chaises qu’ils ont disposées dans l’entrée et où on devait recevoir les gens qui venaient présenter les condoléances.
Quand je suis ressortie, j’ai vu mon oncle (le petit frère de ma mère) venir vers ma chambre d’un pas de guerre. Il vient et me demande de le suivre dans ma chambre, ce que je fais.
Oncle (me regardant en biais) : Qu’est-ce qui s’est passé exactement ?
Moi (soutenant son regard) : Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’est arrivé c’est tout.
Oncle : J’étais venu le jeudi la voir couchée, pourquoi vous ne l’avez pas emmenée à l’hôpital ?
Moi : …
Oncle (parlant à sa femme) : Prends les enfants on s’en va.
Elle (la tête baissée) : Mais…
Moi : Ne t’en fais pas tatie, tout va bien, vas-y.
Ils s‘en vont ensuite aussi vite qu’il était venu, heureusement que papa n’était pas là d’ailleurs sinon ça aurait envenimé la situation. Ce qui est étrange dans cette famille c’est que tout le bien que tu as pu leur faire est facilement oublié, c’est moi qui l’aidais chaque fois qu’il venait ici avec cinq ou mille francs mais bon je ne vais pas en dire plus, tout est entre les mains de Dieu. Je sors donc de la chambre avec le soutien de ma tante en moins et un poids supplémentaire sur mes épaules.
Je suis assise dans l’entrée à recevoir les condoléances d’occasion de toutes ces personnes et tout ce dont j’ai envie c’est de retourner me coucher mais je dois rester encore un peu jusqu’à ce que mon père rentre. Mais franchement tout ça me tape sur le système. Des gens que je ne connais ni d’Adam ni d’Eve qui viennent me dire « Toutes mes condoléances. Tu es devenue la mère maintenant, c’est à toi de prendre soin d’eux et de papa ». Je me contente donc de sourire un peu et dire merci. Ce que j’aimerais savoir c’est pourquoi nous n’avons reçu aucune aide d’eux pendant que nous souffrions tous et cherchions une solution à notre situation ? C’est tellement facile de jouer au médecin après la mort !
A un moment, ça me saoule tellement que je rentre me coucher. Je réfléchis encore à tous les scenarii possibles, ce que j’aurais dû faire et ne pas faire. Tout ça ne me fait franchement aucun bien mais je n’y peux rien. Je ressens le besoin de me punir pour ce qui est arrivé ; parce que j’aurais dû l’aider au lieu de la considérer comme mon ennemi, comme une personne de qui je devais me détourner. Je prends à cet instant l’engagement de ne plus jamais en vouloir à qui que ce so55it, même si la personne en face me fait beaucoup de mal, je ne veux plus jamais rien garder5 ni garder quiconque dans mon cœur.
+++ 5Jour 2 +++
Je n’ai aucune de ma famille maternelle, pas depuis que mon oncle est parti la veille avec femme et enfants. Je me demande vraiment à quoi je m’attendais, je ne suis même pas surprise ; enfin, chacun ses choix et chacun gère son deuil comme il peut.
Le plus affecté je pense c’est Marc, il n’arrive plus à rien, heureusement les cours n’ont pas encore repris. J’essaie de le pousser à sortir un peu, prendre l’air et être avec ses amis pour se changer les idées. Esther, elle, ses amies sont à la maison toute la journée, alors je suis un peu plus tranquille parce qu’elle est bien entourée. Par contre, Daniel me cause bien de soucis. Il ne manifeste aucune émotion particulière, on dirait que ce n’était pas sa mère à lui aussi, j’avoue que je ne sais pas comment m’y prendre avec lui. J’ai peur que si je le force à regarder la réalité en face ça ne soit pire. Alors je ne fais rien pour le moment, on avisera après l’enterrement…
Un ami d’Angers m’a appelée ce matin, il a lui aussi perdu sa mère il y a longtemps et j’avoue que son appel m’a fait du bien, un petit peu, j’ai encore pleuré mais ça va. En soirée, j’ai reçu de la visite de mes amis du quartier, ça faisait chaud au cœur.
Le soir, le fils aîné de la voisine qui nous avait aidé est venu me voir. Il avait l’air encore plus affecté que moi ; si je n’étais pas si triste, j’aurais éclaté de rire.
Lui : Tu sais, c’est vrai que ta maman ne vivait plus une vie de prière mais nul ne peut comprendre la miséricorde de Dieu, peut-être que nous irons la retrouver là-haut et serons surpris.
Moi (les larmes aux yeux) : C’est tout ce qui me tue, si au moins j’avais la certitude qu’elle allait bien… Je ne fais que prier pour que Dieu l’ait accueillie auprès de Lui, même si c’est dans la plus petite maison du ciel, avec les plus petites œuvres, juste qu’elle y soit, c’est tout ce que j’espère. Je ne prie pas pour le repos de son âme parce que c’est sur terre que nous préparons notre mort mais que dans ses derniers instants, elle ait pu se repentir sincèrement et être heureuse aujourd’hui. Mais parce que je n’ai aucune certitude, mon cœur est en mille morceaux. Ce jour-là, juste avant d’aller me doucher, quelque chose m’a dit d’aller prier avec elle, mais je ne l’ai pas fait. Et si j’avais écouté cette voix ? Peut-être qu’elle serait encore là.
Lui : Je me sens aussi coupable tu sais. Je t’avais vu à peine une semaine avant pour qu’on l’emmène chez notre pasteur mais après mon stage ne m’a pas permis de le faire rapidement, peut-être que si je m’étais vite levée pour cela, elle serait encore là parmi nous.
Moi (souriant à travers mes larmes) : Ah tu ne vas pas t’y mettre toi aussi, si je te console, qui va me consoler, moi ?
Lui (rire faible) : Arrête de me faire rire Marla…
Nous avons encore discuté un moment avant qu’il me laisse et que j’aille me coucher.
+++ Jour 3 +++
La nuit dernière, j’ai rêvé de maman. Elle était revenue et voulait encore me crier dessus, je me suis juste jetée dans ses bras et ai passé toute la journée à lui offrir tout ce que je pouvais, tout ce qui pouvait lui faire plaisir et lui ai dit que je l’aimais de tout mon cœur. Au moment où elle devait repartir, je lui ai demandé « Je veux te parler de Jésus ». A la mention de Son nom, elle s’est mise à hurler et à vouloir s’enfuir. Mais je continuais à scander Yeshuah, Yeshuah… Puis je me suis réveillée en larmes. C’est trop dur, je n’y arrive pas.
Je suis bien contente de ne pas avoir à m’occuper de la nourriture ces derniers temps, je n’en ai vraiment pas la force. Les voisins, la famille et les amis emmènent tous les jours de quoi manger, et en très grande quantité. Et toujours pas de nouvelles de la famille côté maternel. Pas que j’ai spécialement envie de les voir mais je les connais assez pour m’en inquiéter.
Encore une journée monotone qui se passe sous le signe des pleurs, des présentations de condoléances et de moi qui fuit tout le monde. Papa a fait repeindre toute la maison, je trouve cela de très mauvais goût mais je ne dis rien, il paraît que c’est comme ça que ça se passe. Bref.
J’ai encore reçu de la visite. Je pleure moins, et même plus du tout, je crois que je suis à court de larmes. Et à force d’entendre les gens me dire tu ne dois pas pleurer, tu dois être forte pour les autres, ça s’est juste arrêté. Autre chose, une nièce du côté de maman est venue passer quelques jours chez nous pour nous soutenir. Ce sont les premières nouvelles que nous avons depuis plusieurs jours. Même si elle ne nous en a pas vraiment apportées.
+++ Jour 4 +++
Aujourd’hui, il n’y a rien à signaler. La petite sœur de papa et sa cousine sont là pour nous aider pendant un temps indéterminé. Il paraît que c’est le rôle de la famille maternelle, personnellement je n’en ai rien à faire. Je prends juste ce qui me vient.
Aujourd’hui j’ai enfin pu recommencer à prier, même si je ne comprends pas forcément pourquoi Dieu a permis que cela se passe ainsi, je crois fermement en Lui et je L’aime alors je lui garde ma confiance. Bon, prier c’est un bien grand mot, j’ai plutôt pleuré et observé un silence dans Sa présence. J’en avais besoin je crois.
+++ Jour 5 +++
J’étais dans ma chambre quand Marc vient suivi de l’une des petites sœurs jumelles de ma mère et d’une autre de leurs sœurs que je n’ai pas vu depuis ma petite enfance. Elles se sont installées, l’une sur ma chaise de bureau, l’autre sur mon lit.
Tante 1 : Nous ne sommes pas venues plus tôt parce que votre père ne nous a pas informés. Il ne nous a pas accordé le respect qui nous revenait, la seule raison pour laquelle nous sommes venues ici c’est vous, nos neveux et nièces.
Moi : Papa m’a dit qu’en pays Kabyè, on prévient la famille paternelle de la défunte et que c’est celle-ci qui se charge de prévenir les autres. En plus, ce jour-là je vous ai appelées quand on était à la morgue.
Tante 1 (s’échauffant) : Quelle famille paternelle ? Il est parti chercher un cousin éloigné avec qui nous n’avons pratiquement aucun contact et c’est ça il appelle nous prévenir ?
Tante 2 (se gonflant) : Moi je dis, que la personne qui a fait ça à Pierrette, si elle ose toucher l’un de vous, ne serait-ce qu’un seul de vos cheveux, nous brûlerons cette maison et celle de votre grand-père paternel.
Marc : S’il vous plaît, vous ne voyez pas que vous nous faîtes encore plus de mal avec ce que vous dîtes ? Vous pourriez au moins essayer d’apaiser les tensions avec les autres.
Tante 2 : Tu es trop jeune pour comprendre de quoi nous parlons. Nous faisons cela pour votre bien à vous quatre. Tu es bien trop jeune.
Tante 1 : C’est le moment pour que chacun voit sa part de responsabilité dans ce qui s’est passé. Nous devons faire une introspection et savoir qu’est-ce que nous n’avons pas bien fait pour que ça ne se reproduise pas.
Je les regarde s’exciter et je me dis que c’est Marc qui a leur temps. Elles en ont de bonnes celles-là, que de voir qu’est-ce que nous avons fait de mal. Que qu’est-ce que nous faisons depuis tout ce temps et qui nous met tous en miettes un peu plus chaque jour. Là où je suis là, elles peuvent parler, ça me glisse sur le corps, personne ne peut me faire plus de mal que ce que je m’inflige à moi-même.
La meilleure amie de maman nous rejoint ensuite au moment où mes tantes s’en vont. Dès qu’elle me voit, l’amie de maman se met à pleurer et à crier de toutes ses forces. Sa sœur qui la suivait a essayé de la consoler et je me suis aussi levée pour le faire. Nous nous sommes toutes installées sur mon lit. Et elles aussi ont essayé de remuer le couteau dans la plaie. Là, je n’y tenais plus et leur ai dit le fond de ma pensée à coups de « Si vous n’êtes pas là pour nous soutenir, vous pouvez vous en aller, on vient de perdre notre mère c’est assez douloureux comme ça ». Elles se sont excusées et m’ont demandé de me calmer.
Cette journée épuisante a enfin pris fin. Pfff
+++ Jour 6 +++
La date de l’enterrement n’a toujours pas été décidée, la famille maternelle ne nous facilite vraiment pas la tâche. On se demande ce qu’ils nous veulent en fait. Des personnes de qui je pensais être proches qui nous ont complètement tourné le dos, pire, elles nous accusent d’avoir fait du mal à notre mère. Quand j’ai entendu cela je n’en revenais pas.
+++ Jour 7 +++
Aujourd’hui je passe les rattrapages pour la formation 101, je n’ai pas pu être là aux examens. Je n’ai rien pu réviser, je compte sur le talent comme certains le disent. J’espère que tout ira bien. J’ai aussi envie de revoir mes amies de l’église, elles m’ont été d’un réel soutien ces derniers jours.
Je quitte la maison un peu avant 18 heures pour y être un peu en avance et réviser un peu. J’ai emprunté la moto de Marc ce qui m’a permis de ne pas perdre du temps à chercher un taxi moto. J’arrive en salle et m’installe.
A la fin de l’épreuve, je pense m’être assez bien débrouillée et je m’octroie une petite pause avant de rentrer. Mais il y a une chose qui m’inquiète un peu, je n’arrive plus vraiment à prier, je ne fais que me lamenter et moi-même ça ne me plaît pas. Que Dieu me vienne en aide.