Avortement

Ecrit par elsa

Chapitre 9 : L'avortement


-Qu’est-ce que cela veut dire ? demanda-t-il d’une voix si froide que j’ai eu mal au ventre en même temps. 


-Je ne sais pas ce que ça dit puisque tu as arraché le portable de mes mains. 


Il a continué à lire sans dire un mot. À la fin, il a plongé son regard dans le mien.


-À quel moment de ta vie t’es-tu faite avorter ? 


Mon cœur est tombé dans mon ventre comme on dit chez nous. En d’autres termes j’ai senti mon cœur lâcher. J’ai été prise de vertiges mais pas assez pour que je m’évanouisse. 


« Je n’aurais jamais dû le laisser lire ce mail ». 


-Je t’ai posé une question ! dit William toujours très calme. 


-Je suis désolée dis-je en me mettant à pleurer. C’était avant de te rencontrer. Je….


-Gildas…C’était son nom n’est-ce pas ? C’est lui qui t’avais mise enceinte ? 


-Oui, murmurais-je.


-Et pourquoi tu as avorté ? 


-Il n’en voulait pas. Il m’a pratiquement forcé à l’enlever et je me suis exécutée. Dis-je en pleurant.


Mon mari s’est levé et s’est éloigné de moi. J’ai senti un grand froid m’envahir. Il s’est retourné pour jeter le portable dans ma direction et il est sorti de la chambre en refermant la porte tout doucement. Même l’absence de bruit a sonné comme un glas dans ma tête. J’ai pris l’ordinateur  portable et j’ai décidé de lire le message dans son entièreté. La conclusion m’a arraché un cri de douleur. 


« Au vu de tous les bilans qui ont été faits et listés plus haut avec les résultats, nous pouvons affirmer sans aucun doute que le fait que vous ne puissiez pas concevoir provient de vos antécédents. L’examen gynécologique a permis de comprendre que vous aviez subi un avortement et on a noté une béance cervicale d’origine traumatique sûrement. Votre col est trop ouvert et l’embryon ne peut y survivre. C’est la cause de votre stérilité ». 


Les mots ont dansé devant mes yeux. Stérilité ? Béance du col ? Origine traumatique ? Donc c’est moi le problème ? Les larmes ont repris de plus belle. Je pensais avoir tourné la page. Je pensais avoir laissé ce passé derrière moi mais voilà qu’il ressurgit au moment où je m’y attends le moins. Une erreur de mon passé qui me coûtera mon mariage. 


**William**


Enfermé dans la seconde chambre, je vois les mots défiler à nouveau devant les yeux. Je l’entends me confirmer qu’elle avait effectivement effectué un avortement. Cette chambre était prévue pour servir de nursery quand elle accoucherait. J’avais espoir d’avoir des enfants de mon sang, de ma lignée mais Madame a oublié de préciser qu’elle avait un lourd passé. Je sens les larmes de déception et de frustration couler sur mes joues et tout d’un coup, c’est comme si une digue avait cédé en moi. Comme si on enlevait les murs de protection qui m’empêchaient de souffrir. J'ai laissé libre cours à ma détresse. 


La dernière fois que j’ai pleuré c’était lors de mes adieux à Francine. J’étais tellement en colère contre la vie en général, je l’aimais d’un amour passionnel et ravageur d’autant plus que cela s’était imposé à moi en peu de temps. 

Mais ni elle, ni sa famille n’aurait accepté une relation entre nous. Et depuis cinq ans, je n’ai plus jamais fait couler de larmes. J’ai toujours tout supporté mais là c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le besoin d’entendre à nouveau sa voix s’est fait sentir. Je me suis éloigné de la porte contre laquelle j’étais appuyé et j’ai pris mon portable que j’avais gardé en quittant la chambre. 

J’ai lancé à nouveau l’appel vers son numéro. Elle n’a pas décroché.

Jai dû insister à deux reprises pour qu’elle se décide à répondre. 


-Allô ? Ecoutez je n’ai pas le temps de m’amuser. Qui est-ce ? 


-Bonsoir Fran. C’est Will… Comment tu vas ?


Un silence s’est installé lourd et difficile à interpréter. Jusqu’à ce que j’entende une petite voix dire : « Mais maman ! Moi j’ai faim ! »


Mon cœur a raté trois battements. Maman ? Fran a des enfants déjà ? 


-Tu as une fille Francine ? Demandai-je en essuyant mes larmes. 


-Non...Non…C’est l’enfant d’une voisine à moi. Ma chérie va t’asseoir je te rejoins tout de suite.Dis-je à la petite. Je la garde de temps en temps dis-je à Will.


-Ok je vois. J'avais cru que…Comment tu vas ? 


-Comment as-tu eu mon numéro ? 


-Par Stella. j’ai demandé de tes nouvelles auprès d’elle. Tu n’as pas répondu à ma question. Comment vas-tu Fran  ? 


-Je vais bien et toi ? 


-Je vais bien aussi…Je voulais juste prendre de tes nouvelles. Et le Gabon ? 


-Oh le Gabon demeure un pays tu sais. 


J’ai souri…Elle a adopté un ton léger mais je sais qu’elle bouillonne autant que moi…


-Je vais te laisser aller retrouver la petite alors… 


-Chéri…ouvre cette porte s’il te plaît ! Laisse-moi t’expliquer lança Alex derrière la porte. 


Merde ! Pourquoi choisi-t-elle justement ce moment pour apparaître dans le tableau ? 


-Une ex en colère ? demanda Francine. 


-Non…C’est ma femme. Dis-je expéditif. 


-Ha….Fût sa réponse. 


-Bon je te laisse. Porte-toi bien. 


-Toi aussi. 


Elle a raccroché alors que c’est moi qui ai appelé. Pfff  j’ai rangé le portable et je suis allé ouvrir à Alex. Elle s’est habillée, et arrangée, mais on remarque encore les traces de larmes sur son visage. 


-Tu es prête ? 


-Pour ? demanda t-elle surprise. 


-On ne va plus voir tes parents ? dis-je en la dévisageant. 


-Euhhhh je pensais que….


-Comme tu es stérile, je n’aurais pas envie d’aller voir les tiens ? 


Mes mots l’ont frappé de plein fouet. Et je m’en fous. Elle aurait dû me dire la vérité plutôt que de me laisser comme ça dans le doute. Parfois je me suis demandé si j’étais stérile mais c’est elle qui subi les conséquences d’un avortement illicite. 


-Je n’avais pas le choix Will….


-On a toujours le choix Alex. Toujours...Tu aurais pu garder ta grossesse et aujourd’hui tu n’aurais aucun souci de procréation. 


-Tu vas me quitter alors ? Parce que je sais que tu veux des enfants autant que moi.


-On part chez tes parents, lançai-je sèchement avant de tourner les talons.


**Francine MIKALA**


Je regardais défiler le paysage. En cinq ans beaucoup de choses avaient changé. Il y avait désormais des panneaux publicitaires partout. 


« Ça a poussé comme des champignons dis-donc ! »


La place de l’étoile rouge, connaissait toujours autant d’affluence.


-Regarde Maman ! La statue ! 


-Oui ! C’est la statue qui représente le béninois, travailleur et brave.

 

-C’est joli ! S’émerveilla Yasmine. 


« C’est plaisant d’entendre Yasmine s’émerveiller ainsi. »


-Moi aussi j’ai du sang béninois, donc moi aussi je suis brave !


À la déclaration de Yasmine, on éclata tous de rire dans la voiture . 


« Ça fait plaisir de voir ma petite Yasmine,  si fière de ses origines. Elle est vraiment espiègle et très intelligente ma princesse… » 


Je continuai de jouer à la guide touristique pour le plaisir de la demoiselle. Je regardais par la fenêtre et au même moment, je crus reconnaitre au volant d’un 4X4 noir un visage familier. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et mon estomac se noua automatiquement .


« William SACRAMENTO ? Il est de retour au Bénin ! »


Quand il m’a appelée la dernière fois le numéro était masqué.


Tous mes souvenirs remontèrent à la surface avec une précision étonnante. Cinq bonnes années s’étaient écoulées et elles n’ont rien emporté avec elles.

Comme de vieux dossiers classés en lieu sûr, tout me revenait avec une précision déconcertante.


 Le soir où j’ai donné ma virginité à Kendrick alias Will. Le mariage annulé de Stella. L’assassinat de mon père. La fausse couche de Stella...


J’avais réussi à ensevelir au fond de moi, tous ces souvenirs douloureux. 

Et la forteresse que j’avais réussi à dresser venait de s’effondrer tel un château de cartes. J’étais perdue…


-Pourquoi tu ne ris plus Maman ?


La voix fluette de Yasmine me ramena à la réalité.


-Tout va bien Tantine ? 


« Si Aline s’en mêle aussi, c’est que je dois avoir un air à faire peur. Il faut que je me ressaisisse vite car je risque de ne pas sortir de l’auberge de si tôt ! »


-Oui…Oui...Tout va bien. C’est juste la pression qui retombe d’un coup. Je suis juste un peu fatiguée. C’est rien…Ça passera après une bonne nuit de sommeil.


J’affichai un sourire figé que je voulais convainquant.


(…)


-Ça y est nous sommes arrivées ! 


Je réglai ma course au chauffeur de taxi, qui nous aida à déchargé la voiture avant de disparaître.


Debout devant le portail, les valises à nos pieds, Aline portait Yasmine sur son dos. Tandis que moi je cherchais le trousseau de clefs qui s’était visiblement noyé parmi toutes les affaires que contenait mon sac à main.


-Ah ! Voici enfin ces satanées clefs  ! 


J’ouvris grand le portail, et laissa entrer Aline et Yasmine. Puis je revins chercher les valises une par une.


« Heureusement que Feu mon père MIKALA Daniel avait investi dans l’immobilier, car c’est dans l’une des maisons qu’ils avaient laissées que je séjournerai avec les filles »


Le jardinier n’était pas passé depuis des lustres. Les nombreuses fleurs colorées essayaient de maintenir la beauté des lieux malgré les hautes herbes envahissantes.


À l’intérieur une odeur de renfermé se battait en duel avec un vieux parfum d’intérieur senteur vanille qui datait de mathusalem. Yasmine éternua automatiquement.


-À tes souhaits ma princesse ! En même temps cette odeur de renfermé a vite fait de nous agressé les sinus. Tu as raison d’éternuer. Je vais aérer les pièces.


-C’est notre nouvelle maison Maman ? Me demanda Yasmine qui venait de quitter les bras d’Aline et s’aventura curieuse, dans l’exploration des lieux.


-Oui ma princesse, c’est ici que nous allons habiter. Nous sommes chez nous.


-Mais c’est sale ici ! Il y a plein de poussière partout ! Je préfère notre maison de Libreville.


-Ne t’inquiète pas je vais m’occuper de ça.


-Non Tantine, laisse, je vais nettoyer ! Protesta  Aline qui estimait que ce n’était pas à moi de faire le ménage.


-Bon on s’y met à deux pour que ça aille plus vite ! Coupai-je.


(…)

         

  Les rayons de soleil essayaient de se frayer un chemin à travers les rideaux épais de ma chambre. Yasmine dormait encore. Ses petites mains frêles m’agrippaient le bras. Elle avait dormi tout contre moi, comme lorsqu’elle était bébé.


Je détachai délicatement ses doigts de mon bras en faisant de mon mieux pour ne pas la réveiller puis je sortis de la chambre.


Comme d’habitude Aline s’était levée très tôt. Elle mettait dans les placards nos vêtements qui étaient encore dans les valises. Après l’avoir salué et avalé un café rapidement. Je me préparais rapidement.


«C’est ce matin que j’ai rendez-vous avec l’oncologue qui va suivre Yasmine ».


Une fois prête, je pris le dossier médical de ma fille, direction le centre de cancérologie de Cadjehoun. 


(…)


« Le centre de cancérologie de Cadjehoun, a l’allure d’un hôpital moderne il est doté de matériel médical de dernière génération.

À force de passer du temps dans les hôpitaux, j’avais désormais l’œil pour remarquer ce genre de détails »


Je me présentais à la secrétaire, qui confirma que j’étais bien attendue ce matin par l’encologue.


-Le Docteur OBAME est actuellement en consultation, il vous recevra dans quinze minutes au trop.

-OBAME ? Mais c’est un nom gabonais.


-Oui le Docteur OBAME est gabonais, dit-elle en souriant. Veuillez vous assoir je vais vous annoncer.


-Merci Madame.


-Je vous en prie. 


Je pris place en salle d’attente. Il n’y avait pas grand monde.

 « Tant mieux. Je n’en n’aurai pas pour longtemps » Pensai-je


Sur la table, des magazines étaient soigneusement disposés parmi eux il y avait plusieurs numéros  d’un magazine que j’aime bien :

« On dit Quoi Magazine ».

À peine partie du Gabon que je voulais rester connectée, en m’informant sur les derniers événements et les nouveaux entrepreneurs. 

« J’aime bien cette jeune femme Rita Verdavaine. Elle est bosseuse, humble, vraie. Elle appartient à cette race de femme que j’affectionne ».


-Madame MIKALA ?


Je fermai précipitamment le mensuel féminin et me retournai en direction de la voix grave qui venait de m’appeler.


Je failli m’étrangler en voyant l’Apollon  en blouse blanche qui se tenait à quelques mètres de moi.

Décontenancée, je me raclai la gorge et répondis d’une voix que je voulais naturelle. 


« Voyons Francine, ce n’est pas la première fois que tu vois un bel homme, quand même ! Comporte toi donc comme une femme mature ».


-Oui c’est moi, dis-je en m’avançant vers lui.


Il me serra automatiquement la main. Sa paume était chaude et douce.


-Je suis le Docteur OBAME


-Bonjour Docteur


-Si vous voulez bien me suivre.

(…)


Je pris place dans l’un des deux sièges en face du médecin. Le docteur FAUBERT lui avait transmis tout le dossier médical de Yasmine par mail. Il était au courant de tout ce qui avait été fait. La chimio qui avait échoué. Yannick et moi qui n’étions pas incompatibles pour le don de moelle osseuse.


-Que va-t-il se passer docteur ? Demandai-je inquiète. 


-Avez-vous votre famille proche ici à Cotonou ?


-Oui. Ma mère et trois de mes frères  vivent ici.


-Bien, il faudra qu’on leur fasse des examens pour vérifier s’ils sont compatibles.


Des larmes que j’avais retenues pendant trop longtemps, se mirent à couler le long de mes joues. Le Docteur OBAME me tendit un mouchoir. Je le pris et m’essuyais les yeux.


-Je suis désolée. De craquer comme ça devant vous. J’ai tellement peur pour ma fille…


-Madame MIKALA, ne vous excusez pas parce que vous pleurez devant moi. C’est tout à fait normal que vous exprimiez votre inquiétude pour votre fille. Nous allons faire le nécessaire pour sa guérison.


Je restais encore un moment dans le bureau du docteur OBAME qui essayait de m’expliquer avec des termes simples les différentes méthodes mises en place pour une rémission totale. Puis je partis du centre de cancérologie les idées sens dessus dessous.


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Course contre la mor...