La rencontre

Ecrit par elsa

Chapitre 10 : La rencontre 


**Francine  MIKALA **


Maman ne sait pas que je suis à Cotonou et les triplés non plus d’ailleurs. J’avais demandé  à Yannick de garder notre arrivée confidentielle, chose qu’il avait faite.


Je préfère les informer de mon arrivée moi-même. Ils n’ont jamais vu Yasmine. J’aurai aimé leur présenter la petite avant. Mais bon l’heure n’est plus aux regrets.


Dehors le quartier était animé. Ça me faisait plaisir d’être à Cotonou même si la raison de mon retour était la maladie de Yasmine.


« Je vais avoir besoin d’une voiture. Ce sera beaucoup plus pratique de me déplacer avec mon propre véhicule plutôt qu’en taxi, surtout pour la petite »


En sortant du centre de cancérologie je suis allée chez un loueur de voiture. Une fois la paperasse remplie et le dépôt de garanti réglé je suis rentrée à la maison à bord du Hyundai X5.


Quand je suis arrivée à la maison, Yasmine était blottie dans les bras d’Aline. Elle était toute contente quand je lui ai montré la voiture à travers la baie vitrée.


(…)


Le temps est précieux. Si Maman et les triplés doivent faire des examens afin qu’on trouve un donneur parmi les membres de ma famille, il faut qu’ils soient au courant rapidement.

 J’ai donc décidé d’aller voir Maman. Mais seule. Je reviendrai avec Yasmine. Je vais lui annoncer les choses une par une. 


Lorsque je suis arrivée devant l’immense barrière qui abrite la propriété des MIKALA mon cœur se serra.


« Papa…Même si lui et moi n’avions pas les meilleurs rapports père-fille, j’avoue qu’ il me manque tout de même. Il ne méritait pas de mourir de cette façon».


Je pris une profonde inspiration et descendis de voiture. Je sonnai puis j’attendis qu’on vienne m’ouvrir .


Quand Nadine me vit elle lança un cri à ameuter tout le quartier avant de m’enlacer chaleureusement.


-Bonne arrivée Francine ! 


-Merci Tata ! 


Elle fit un pas en arrière et se mit à me scruter.


-Tu as maigri ! Tu ne manges pas assez à Libreville ou quoi ? Je vais te faire un bon plat avec de la pate de maïs ! 


Je me contentai de lui sourire. Nadine c’est la nounou qui m’a vue grandir elle est au service de notre famille depuis plus de vingt ans. Sa principale préoccupation était de nous gaver comme des oies.


-Je suis bien comme ça non Tata  ? 


Elle fit la grimace


-Tu n’es pas bien comme ça Francine ! Tu as la peau sur les os ma fille! Je vais te faire un bon plat avec de la pâte de maïs. Il faut que tu reprenne des formes !


Je souris.


Maman qui avait entendu Nadine parler à haute voix avait accouru à la quatrième vitesse.

Elle afficha une de ses têtes en me voyant.


-Tu n’embrasses pas ton unique fille ? 


Elle me toisa, avant de me serrer dans ses bras.


-Tu es arrivée quand ? 


-Hier…En fin d’après-midi.


- Pourquoi tu ne m’as pas prévenue ? Je serai venue te chercher à l’aéroport ! 


-Je sais...


-Ça c’est le côté de ton père ça !


-Pourquoi faut-il toujours que mes actes soient associés à Papa ? 


-Parce que tu es celle qui tient  le plus de lui ! 


-Je ne répondrais rien à cette attaque. Dis-je en me dirigeant à l’intérieur.


Maman m’avait suivie dans le salon. Nadine était repartie aux fourneaux avec une mission particulière :  engraisser Francine.


Maman s’assit à côté de moi, l’air grave.


-Qu’est ce qui ne va pas Francine ? Tu as maigrie ! Pourquoi viens-tu sans prévenir ? Je suis contente de te voir, mais depuis la mort de ton père tu n’as plus remis les pieds ici. Je suis surprise de te voir là. Surprise mais heureuse de voir  mon unique fille. Mais dis-moi, pourquoi viens-tu comme ça sans prévenir ta famille ?  Tu as de gros ennuis au Gabon et tu as pris la fuite  ? 


-Je suis aussi contente de te voir Maman.


Elle me serra dans ses bras.


- Moi aussi je suis contente de te voir, mais pourquoi es-tu venue sans prévenir ta famille ?  Tu as de gros ennuis au Gabon et tu as pris la fuite ou quoi ? Où est ma petite Yasmine ?


Cette question sur Yasmine a suffit pour me faire éclater en sanglots. Quand je fus calmée, je me lançais dans un récit sans fin. J’expliquais à Maman comment on a découvert la maladie de Yasmine. La chimio qui n’a pas marché. Yannick et moi qui ne sommes pas compatibles pour le don de moelle osseuse.


-Le Bénin c’est notre dernière chance Maman.


-Comment ça ?


-J’ai rencontré le spécialiste ce matin, il m’a dit que les garçons et toi devrez faire des examens le plus rapidement possible. Je marquai une pause. Vous êtes mes derniers espoirs…


Les yeux rougis, Maman me regardait avec cette tristesse profonde sur son visage.


-Depuis des mois tu traverses une telle épreuve et tu ne m’as rien dit ?


Il eu un long silence que je rompis.


-Je ne voulais pas t’inquiéter…


Maman poussa un soupir de désarroi.


-Quand devons-nous faire ces examens ? 


-Le plus tôt possible… 


-D’accord…Il faut informer Ryan, Bryan et Yoan tout de suite ! 


**Une semaine plus tard**


Le visage du Docteur OBAME avait une expression que je connaissais désormais.  Une petite voix au fond de moi me demandait de garder espoir.


Maman et les triplés étaient plus stressés que jamais. Un silence perturbant régnait dans le bureau du Docteur OBAME.


L’encologue se racla la gorge  à deux ou trois reprises avant de prendre la parole. Il aligna des termes médicaux pour essayer de faire passer la pilule en douceur. Mais je l’invitai à aller droit au but. 


-S’il vous plait docteur, parlez-nous dans des termes simples. Ce qui nous intéresse plus que tout est de savoir  si l’un de nous est compatible.


-Et bien…Commença t-il presqu’hésitant…Aucun de vous n’est compatibles.


Maman a lancé un cri. Mes frères n’ont rien dit, mais la tristesse et la désolation se lisaient sur leur visage. 


Bryan s’est levé et à conduit Maman à l’extérieur, histoire qu’elle prenne l’air.


Le docteur OBAME a demandé à Ryan et Yoan de me laisser seule avec lui.


Moi, je me sentais vidée. Je n’arrivais même plus à pleurer. C’est comme si mes larmes avaient tari.


-Que va-t-il se passer Docteur ? Ma fille va-t-elle mourir ? Le cancer ne fait que progresser…


-Et son père ?


-Pardon ?! Demandai-je décontenancée. 


-Où est le père de votre fille ? Avez-vous de ses nouvelles ?


-Non je n’ai pas de ses nouvelles.


Le médecin posa sur moi un regard surpris.


-Il ignore l’existence de Yasmine…


-Il faudra le contacter si vous en avez la possibilité, car,  il est peut-être celui qui pourra sauver la petite.


Une heure plus tard


(...)


**Alexiane AISSO**


J’ai sonné chez mes parents en soupirant. J’espère très sincèrement qu’il n’y a qu'eux à la maison mais vu le nombre de voitures garées devant le portail, je commence par en douter. La jeune fille qui est venue m’ouvrir m’a fait un large sourire me confirmant mes inquiétudes . Elle sait même qui je suis. Tandis qu’elle me saluait à force de courbettes, j’ai osé un regard vers William qui a affiché une mine impassible. Le silence était de mise durant tout le trajet,  nous n’avons pas échangé un seul mot.


-Maman est là ? 


-Oui répondit la jeune fille. 


-On y va chéri ? dis-je en lui tendant la main. 


Il l’a prise sans broncher. C’est avec le cœur rempli d’appréhension que je me suis dirigée vers le salon. Rien n’a changé par ici. On dirait que les années n’ont rien apporté de plus à cette demeure. Quand je suis entrée dans le salon, j’ai d’abord vu mon père assis devant la télé. Et d’un coup l’émotion m’a envahie. 


-Papa ? 


Il s’est tourné vers moi et son sourire qui m’avait tant manqué a éclairé son visage. Il s’est levé automatiquement et j’ai lâché la main de Will pour me précipiter dans ses bras. Il m’a serré tellement fort que j’ai eu du mal à respirer. 


-Floriane ta dernière est là lança-t-il à haute voix. 


-Je viens oh cria maman. 


-Tu as changé ma fille…tu es plus mûre et plus belle. (Me dévisageant) Tu me reviens mariée. 


Il a coulé un regard vers Will qui était resté en retrait. Il m’a lâché ce qui a poussé mon mari à venir vers lui. 


-Bonsoir papa. Je suis désolé de venir me présenter seul mais les conditions actuelles m’obligent à cela. 


-C’est déjà un plaisir de mettre un visage sur la voix que j’entendais par téléphone. Soyez le bienvenue. 


-Merci. 


Ma mère a déboulé suivi par mes frères. Ce fut une véritable cacophonie. On s’est embrassé à tour de rôle et les présentations ont suivi. Will était très calme et suivait mes faits et gestes avec attention. Ma mère m’a attirée à la cuisine. 


-Alex….ton mari là. Tu l’as pêché où ? 


-Ha maman…C’est quoi cette question ? Tu le connais à peine et déjà tu veux le critiquer ? 


-Est-ce que j’avais même fini ma phrase ? Il est trop…c’est une force tranquille que tu as ramenée dans la famille hein. Tu es sûre qu’il ne te trompe pas ? 


La question de ma mère m’a faite tiquer.


-Je te taquine. Mais il est trop mignon et physiquement il est au top. Les femmes de Cotonou sont méchantes. Il faut veiller au grain. 


-Il faut que je retourne au salon  maman. Il doit se sentir seul au milieu Papa et les autres.


- Laisse-le. Il doit faire connaissance avec les hommes de ta vie. Et comprendre que si jamais il agit mal, il aura affaire à tout ce beau monde. Sa famille à lui est où ? 


-Maman c’est compliqué. 


-Il y a quelque chose dans la vie qui ne l’est pas ? 


Je me suis mise à lui expliquer le passé de Will mais dans les grandes lignes. Elle m’a suivi sans m’interrompre. 


-Je comprends pourquoi il est venu seul. C’est déjà bien qu’il refuse de commettre les mêmes erreurs que son père. J’en parlerai à ton père. On a eu le temps de digérer le fait que tu l’aies épousé sans notre présence. 


-Je sais que la tradition exige qu’on fasse la dot et tout. J’en parlerai avec ton père lui. 


On a parlé encore de  faits divers un moment avant d’aller retrouver les autres au salon. Will arborait un faux sourire et était pensif. Quand j’ai pris place à côté de lui, papa a posé la question qu’il ne fallait pas. 


-Cela fait trois ans que vous êtes marié et pas un bébé en vue. Ce n’est pas encore dans vos objectifs ? 


-Papa… fis-je touchée et gênée en même temps. 


-On estime qu’on a encore un peu de temps devant nous, répondit Will me coupant dans mon élan. 


-Mais le temps passe si vite compléta maman.


Mes frères quant à eux se sont tus. Ils sont tous mariés et chacun a des enfants déjà. Mais ils ont compris que le sujet est sensible. 


-Maman, tu as déjà plein de petits-enfants à choyer. Dis-je en essayant de garder ma gène.


-Je veux aussi les tiens. C’est normal non ? 


-Tout à fait répondit Will. On le comprend aisément…


La conversation a dévié sur un autre sujet pendant près d’une heure puis on a demandé à reprendre la route. Je me suis séparée de mes parents le cœur gros. Ils se disent qu’ils auront bientôt des petits enfants alors que moi j’ignore même si mon mariage pourra tenir. J’ai attendu qu’on soit un peu éloigné de la maison pour rétablir le dialogue. 


-Merci bébé pour ce que tu as fait ce soir…j’ai été touchée. 


-…


-Will ? 


-Je ne vois pas pourquoi tu me remercies. Je t’ai épousée sans les voir donc la moindre des choses a été d’aller leur dire bonsoir tu ne crois pas ? 


-Will… Je sais que j’ai mis notre couple en danger. Je ne sais même pas comment faire pour cette histoire de grossesse et…


-Ce n’est pas pour te blesser Alex mais très franchement, que veux-tu faire ? Il a été scientifiquement prouvé que tu ne pouvais pas avoir d’enfant. Je ne suis pas médecin mais quand on parle de synéchies, c’est mauvais. 


-Je…On peut encore aller consulter demain matin ? S’il te plaît ! Il doit y avoir une solution. C’est une erreur que je paye chère Will. 


-On ira oui….


-Merci….


Il n’a plus rien ajouté. Et je n’ai pas jugé bon de poursuivre. Une question me taraude pourtant l’esprit. J’ai envie de lui demander quel serait l’avenir de notre couple si on n’arrivais pas à avoir  d’enfants. Will adore les enfants. Il était fils unique et n’a pas connu la joie de vivre avec des frères et sœurs. La première des choses qu’il m’ait dite après m’avoir demandée en mariage était qu’il désirait avoir au moins quatre enfants. Et il n’a pas cessé d’en parler en trois ans de mariage. Est-ce alors trop poussé que d’imaginer que mon mariage pourrait prendre fin si jamais je ne parvenais pas à concevoir ? 


(...)


Le lendemain matin 


**Francine MIKALA**


-Je ne vais pas tarder à rentrer. En attendant si elle se réveille, donne lui à manger et distrais-la. Fais attention à ce qu’elle ne se goinfre pas. 


-Oui Tantine. J’y veillerais. 


J’ai raccroché. Bien que j’ai confiance en ma nounou, j’ai quand même du mal à laisser Yasmine seule avec elle. Je vis avec la peur d’apprendre qu’elle pourrait mourir  à tout instant. J’ai l’impression que ma vie s’est arrêtée depuis qu’on a découvert la maladie de Yasmine. La belle preuve est que j’ai perdu près de dix kilos depuis que la nouvelle est tombée. Les nuits passées à l’hôpital à la veiller ont été très éprouvantes. 


-Ma chérie…pourquoi la petite ne vient pas s’installer avec moi à la maison ? demanda ma mère qui me fixait les yeux remplis de tristesse.


-Non maman. Elle est très fragile sur le plan immunitaire et je dois préserver son cadre de vie en attendant qu’on retourne à l’hôpital pour d’autres séances de chimiothérapie. 


-Tu fais allusion à tes neveux et nièces ? 


-Oui maman. Ils sont plein de vie, alors que ma fille est très affaiblie. Les microbes pourraient facilement l’achever. 


Elle a pris l’une de mes mains dans la sienne. J’ai failli fondre en larmes. 


-Maman je suis fatiguée. J’ai besoin de prendre une pause mais en même temps elle n’a que moi.


Tu ne peux pas savoir ce que j’ai vécu au Gabon. On m’interdisait d’être près d’elle pendant les séances de chimio et je devais porter des vêtements de protection pour la toucher. Je l’ai regardé souffrir le martyr, vomir pendant des heures, perdre ses cheveux. C’est atroce. J’ai fondu en larmes. 


On se trouve dans un restaurant pour déjeuner. J’ai eu honte d’être si mal alors que c’est la petite qui souffre mais qu’est-ce que j’y peux ? Je me sens si impuissante. 


-Je ne sais pas comment on fera. Commença Maman. Son père est mort et tu ne sais pas où se trouve sa famille sinon on pourra leur demander de faire le test aussi. 


Je me suis raidie…C’est une solution à laquelle je pense. Le père de ma fille n’est pas mort…il est temps d’arrêter de mentir. William est bien vivant. Mais je risque de déclencher une guerre entre les deux clans si jamais je dis la vérité et ce sera mon enfant qui devra payer pour tous mes mensonges. Non je dois être plus intelligente et agir autrement. 


-L’oncologue dit qu’il doit y avoir cent pour cent de compatibilité sinon, Yas pourra rejeter le greffon et retour au point de départ. 


-Pourquoi tu ne l’envoies pas hors du pays ? 


-Les mêmes causes produisent les mêmes effets Maman. Il lui faut un donneur compatible. C’est tout. Tu ferais mieux d’y aller. Tu seras en retard à ton rendez-vous. 


-On se voit ce soir ? 


-Non je ne pense pas. Je vais rester avec Yasmine à la maison. Mais je serais de tout cœur avec vous. 


Ma mère m’a embrassée avant de disparaitre. J’ai nettoyé mes larmes et j’ai bu une gorgée de mon jus. Je pense que je dois contacter Will et essayer d’avoir son aide sans lui parler de ma fille. L’idée m’a traversée l’esprit quand on se parlait au téléphone mais j’ai entendu la voix de cette femme qui est finalement son épouse. Je n’ai pas envie de lui parler de mon enfant. J’ai failli disjoncter quand il m’a dit que c’était lui. Il ne m’a donc pas oubliée... La honte m’a assailli quand j’ai dit que je n’avais pas de fille et j’ai touché du bois priant qu’il n’arrive rien à Yasmine à cause de mon mensonge.


-Francine ? murmura une voix masculine que je reconnaitrais entre mille. 


Quand j’ai levé les yeux, mon cœur a failli s’arrêter de battre. Ma gorge s’est asséchée et j’ai vu des étoiles. William se tenait en face de moi plus beau que jamais vêtu d’un costume qui lui allait à merveille. J’ai posé mon verre pour cacher le tremblement de mes doigts. 


-William ?! Fis-je choquée. 


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PLUMES 241 ET ELSA


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Course contre la mor...