Chapitre 1
Ecrit par NafissaVonTeese
- Pour
terminer, la technologie Freet in Live
que nous vous proposons vous permettra d’optimiser vos déplacements avec une meilleure
gestion, et à distance de l’ensemble votre flotte grâce à une large gamme de
services sur mesure comme le contrôle de la vitesse, l’immobilisation à distance des véhicules ou
encore les alertes et rappels des dates de révision. Je vous remercie de votre
aimable attention. Si vous avez des questions, je serai ravie d’y répondre.
Fama avait marqué la fin de son discours de
plus de 30 minutes par un sourire de satisfaction et de fierté, lancé à
l’assistance. Celle-ci n’avait pourtant pas donné l’air d’avoir été convaincue
par sa présentation, en ne manifestant aucune réaction. Elle les regarda tour à
tour jusqu’à arriver sur le président SYLLA, qui hocha aussitôt la tête avant
de se redresser pour s’adosser sur son siège.
-
C’est impressionnant tout ce qu’il
est possible de faire de nos jours avec la technologie.
Quand j’ai fondé Transylla il
y’a de cela 23 années, tout ceci n’hésitait pas et jusque là, nous ne nous
sommes fiés qu’aux méthodes traditionnelles de travail, comme me l’a enseigné
mon père, pour en arriver là où nous en sommes aujourd’hui. Dites-moi alors Mademoiselle GUEYE, si vous occupiez mon
siège de président et que vous aviez sous votre responsabilité une cinquantaine
de véhicules de transport et 136 pères et mères de famille, surtout en période
de crise, auriez-vous adoptée le Freet in
Live ?
Cela
faisait au moins deux semaines qu’elle préparait cette rencontre qui pouvait
lui permettre de décrocher le CDI qu’elle espérait, mais elle n’arrivait pas à
trouver machinalement une réponse à cette question, car elle ne s’attendait pas
à ce qu’on lui demande son avis personnel. Elle présentait que c’était là que
tout allait se jouer alors il fallait qu’elle trouve vite ce qu’elle appelait
« la phrase qui tue » pour convaincre le big boss. Elle repensa à sa carrière, tout en pesant chaque mot
qui venait de lui être adressé. Après un court
silence, Fama ravala sa salive puis éteignit le vidéoprojecteur, avant de poser
la télécommande sur la grande table occupant presque toute l’espace de la petite
salle de réunion rafraichie à l’excès par la climatisation. Avec beaucoup
d’assurance et le plus de naturel possible dans la voix, elle avait calmement
répondu :
-
Je comprends très bien que toute
cette technologie et termes techniques utilisés puissent vous impressionner et
vous laisser perplexe, mais cette offre est et restera meilleure que toutes
celles similaires qui sont proposées en Afrique de l’Ouest, pour le secteur du
transport.
Aussitôt
sa phrase terminée, le président SYLLA s’était levé pour se diriger en dehors
de la salle de réunion sans y ajouter un seul mot, ce qui laissa Fama complément
déroutée. Son assistante spéciale, ses directeurs technique et exécutif ainsi
que l’administrateur délégué qui avaient suivis toute la présentation dans le
silence, firent de même.
« Et merde ! » s’était-elle
dite dans sa tête avant de fermer son mini ordinateur portable pour le ranger
dans son sac à main.
C’est
quand elle atteignit la baie vitrée qu’une jeune femme svelte à la démarche
rigide vint à sa rencontre.
-
Bonsoir Mademoiselle GUEYE. Je me
nomme Khady, l’assistante de Monsieur GUEYE. Ce dernier souhaite s’entretenir en
privée avec vous. Veuillez me suivre s’il vous plait.
Ceci
sonna comme le chant des anges dans ses oreilles. « Merci
Dieu » pensa-t-elle avant de presser le pas derrière la dame, avec sa pile
de dossiers dans les bras et son sac accroché à l’épaule. Elles avaient
ensemble traversé un long couloir avec d’un côté, un mur décoré d’une bonne
dizaine de tableaux d’art et de l’autre des portes en bois d’ébène soit
fermées, soit entrouvertes.
Le
fond du couloir était marqué par une porte semblable aux autres, garnie d’un
plaque noire où il y avait inscrit en couleur or : « Bureau du
Président ». L’assistante avait toqué à la
porte avant de l’ouvrir, sans attendre une réponse. Elle se dégagea puis
indiqua à Fama par un geste de la main qu’elle pouvait entrer.
Elle
n’avait fait que deux pas quand la porte se referma derrière elle. A sa grande
surprise, elle n’aperçut personne dans le bureau. Fama avait pensé ressortir
pour rattraper la dame afin de lui en faire part, mais elle fut attirée par un
grand cadre photo accroché sur le mur juste devant elle. Elle s’avança jusqu’à
celui-ci pour regarder de plus près les trois femmes sur la photo. Leur
différence d’âge sautait aux yeux mais elles paraissaient si complices et joyeuses
en se serrant dans les bras.
-
Elles sont belles non ? Ce sont
les femmes de ma vie.
Fama,
prise par surprise, avait sursauté en voyant le président SYLLA debout à côté
d’elle. Il remarqua son embarra mais n’y prêta pas grande attention, puis
pointa son index sur la plus jeune des femmes sur la photo avant d’ajouter :
-
Elle, c’est ma fille. Vous devez
sans doute avoir le même âge.
Fama
ne savait pas comment réagir. Devait-elle lui dire qu’elle la trouvait
incroyablement belle car elle le pensait sincèrement ? Ou devait-elle
simplement lui répondre par un sourire ? Elle
n’eut pas le temps de faire un choix. Le big boss était allé rejoindre un
fauteuil en cuire blanc de deux places, à côté de son bureau, avant de lui
demander de bien vouloir prendre place sur celui d’en face. Elle s’exécuta, posa sa pile de dossiers sur petite
table en verre qui la séparait du président, et son sac par terre.
-
Je suis conscient des avantages de
vos services mais cela implique des changements conséquents dans notre système
de travail, en plus de la prise en charge de la formation de l’ensemble
l’équipe technique et des transporteurs pour l’utilisation et la maintenance
des équipements. Il faut aussi avouer aussi que le coût de cette nouvelle
technologie m’a un peu refroidi.
-
Sur le long terme, je peux vous
assurer que c’est un excellent investissement.
-
Je n’en doute pas. Nous étudierons
l’offre en interne le plus tôt possible, mais je peux déjà vous assurer que
même si nous ne sommes pas actuellement en mesure de vous demander d’équiper
l’ensemble de notre flotte des puces dont vous nous avez parlée, nous serons
ravis de faire le test sur une demi-douzaine de véhicules. Cependant, j’ai une
proposition à vous faire.
Le
sourire qu’affichait Fama en entendant cette promesse marqua sa satisfaction.
Son chef de service lui avait fixé l’objectif de convaincre Transylla de faire
le test sur un seul véhicule. Elle en avait déduit que son supérieur manquait
de confiance en elle, et lui avait certifiée qu’elle pouvait s’en tirer avec
une grosse commande. Son contrat été arrivé à terme mais grâce à cette
promesse, elle était convaincue qu’un CDI s’annonçait clairement pour elle. «
Une proposition » avait-il dit ?
-
Il n’y a nul doute que vous êtes une
excellente commerciale, alors que diriez-vous de rejoindre notre boîte ?
« Stupéfaite »
était le mot qui caractérisait le plus son état à cet instant. Elle avait lancé
en souriant « sérieux ? » avant de se rendre compte de sa
réaction et de mettre sa main sur sa bouche. Elle était sur le point de s’excuser
quand le monsieur en face d’elle reprit :
-
Nous manquons rudement de personnel
compétent dans notre équipe commerciale. Les jeunes de nos jours n’ont plus
cette argue, l’engagement dans le travail et la force de persuasion dont vous
avez fait preuve tout à l’heure. Je n’ai aucune
idée précise sur combien vous êtes payée, mais il est clair que les salaires
sont beaucoup plus intéressants ici à Dakar qu’à Saint-Louis. Il y’a aussi
beaucoup d’avantages et les primes sont aussi à prendre en considération. De plus, avec l’ancienneté de Transylla, je peux vous
assurer que cela donnera un bon coup de pousse à votre carrière. Alors qu’en
pensez-vous ?
-
Waouh ! C’est direct…
La
température dans la pièce ne faisait pas plus de 18 degrés mais elle sentait
tout son corps picoter de chaleur. Ses idées étaient tout d’un coup confuses.
-
Bien entendu, vous n’avez pas à
répondre tout de suite. Prenez le temps d’y réfléchir mais s’il vous plait,
donnez-moi une réponse le plus vite possible.
Il
s’était levé pour prendre une carte de visite sur son bureau avant de la lui
tendre. Elle la prit sans hésitation et lui, se dirigea aussitôt vers la porte
puis l’ouvrit. Fama avait ramassé son sac et ses dossiers avant de le
rejoindre.
-
Tout se passe dans la capitale
mademoiselle GUEYE. Les opportunités sont biens plus grandes ici que dans
n’importe quelle autre ville du pays ; lui avait-il adressé avant de lui
lancer un petit sourire et de refermer sa porte.
« Waouh »
s’était-elle dite en jetant un coup d’œil sur la carte.
C’est
sur son petit nuage qu’elle avait quittée les lieux. Fama était menacée de chômage
quelque minutes plus tôt puis deux opportunités d’offrirent à elle comme par
magie.
Tout
son enthousiasme se réduisit au néant quand elle quitta l’ascenseur et vit à
travers la grande porte d’entrée de l’immeuble qui était en verre, que le soleil avait presque complètement
disparu. Elle jeta un coup d’œil sur sa montre accrochée au poigné et se rendit
compte qu’il était déjà 19h12. Elle avait passé près de deux heures dans les
locaux de Transylla, et il ne lui restait plus que huit petites minutes avant
le départ du bus qui devait la ramener chez elle à Saint-Louis. Après un rapide
calcul, elle réalisa qu’il n’y avait aucune chance qu’elle puisse faire le
trajet Fann Résidence - Cambérène en si peu de temps, d’autant plus qu’elle
avait en face d’elle une ribambelle de voitures prises dans les bouchons, à
perte de vue. Elle tenta quand-même sa chance avec le premier taxi sans
passager qu’elle trouva en demandant au chauffeur s’il était possible d’arriver
à destination en si peu de temps. La réponse était évidemment non.
Comme
à chaque fois qu’elle butait sur une impasse, elle appela sa mère afin de lui
expliquer la situation. Celle-ci avait toujours été douée pour lui indiquer la
meilleure voie à suivre. A la cinquième sonnerie, elle décrocha.
-
Allo !
-
Oui allo Ma. Tout va bien à la
maison ?
-
Oui très bien. Et ton
rendez-vous ?
-
Un truc de malade mais très bien
grâce à Dieu. Je te raconte tout une fois à la maison. Là j’ai un petit souci
Ma. J’ai raté mon bus de retour.
-
Oh ! Qu’est-ce que tu faisais
pour le rater ? Je t’avais dit de ne pas traîner et de bien veiller sur
l’heure. Tu n’es plus un bébé Fama, tu devrais être capable de faire un petit
voyage sans problème !
-
Tchiiii Ma c’est bon là! Je
suis assez dans la merde comme ça pour que tu m’en rajoutes.
-
Hey surveille ton langage. Tu passes
une journée à Dakar et tu perds toute ton éducation.
-
Désolée Ma, mais là j’ai un sérieux
problème alors je suis censée faire quoi ?
-
Le prochain bus part quand
est-ce ?
-
Je ne sais pas ! Demain matin
je suppose.
-
Il n’y a pas mille solutions, tu
rentres demain à la première heure alors. Ta tante Astou habite à Grand-Yoff.
Tu peux passer la nuit chez elle. Je l’appelle dès que je termine avec toi.
-
Quoi Ma ? Mais je ne l’ai vue
qu’une seule fois.
-
Et alors ? Tu veux dormir sous
les ponts ? Tu sais que cette ville est bourrée de criminels alors vas le
plus vite possible chez elle et passe la nuit là bas.
-
Je crois que j’ai une meilleure
idée. J’ai une copine qui habite à Cambérène. Khady ! Ce n’est pas loin de
là où je prends le bus. Ca va me faciliter les choses.
-
Quelle Khady ?
-
Bah Khady… Khady NDIAYE ! Ma,
ne me dit pas que tu l’as oubliée !
-
Khady NDIAYE tu dis ?
-
Oui elle. Tu la connais très bien. Bon,
il faut que je te laisse. Dès que j‘arrive chez elle, je t’appelle. A plus tard
Ma.
Avant
même qu’elle n’ait eu le temps de donner son avis, Fama avait raccroché. Elle
n’avait en réalité aucune amie du nom de Khady vivant à Cambérène. Son projet
était de se trouver une chambre d’hôtel au plus vite pour passer tranquillement
la nuit au lieu d’aller chez une amie à sa mère à qui elle n’avait rendue
visite qu’une seule fois des années plus tôt.
C’est
sur le trottoir qu’elle ouvrit son navigateur web et entrai le lien
booking.com. Elle avait tellement de fois vu la publicité passer à la télé et
rêva tant de fois de dormir dans une des chambres luxueuses dont les photos
passaient en boucle en arrière plan, qu’elle se sentit aussitôt spéciale.
A
sa grande surprise, toutes les chambres affichaient « complet » exceptée
la suite présidentielle du King Fahd Palace Hôtel. Elle ressentit comme une
paire de gifles en voyant le prix de la nuitée. 2.454.520 Francs FCA ! Même
deux années de salaires économisés ne lui permettaient pas de la payer. Elle se
résigna à appeler le 12 12.
-
Service de renseignement Orange,
bonsoir. En quoi puis-je vous aider ?
-
Bonsoir, j’aurais besoin qu’on me
recommande un hôtel, pas très cher s’il vous plait ; avait-elle répondue à
la voix féminine qui avait raisonnée dans son oreille.
-
Dans quelle zone madame ?
-
Euh… Dakar s’il vous plait.
N’importe où sur Dakar, pourvu que ça soit du low cost.
-
Bien noté. Veuillez patienter s’il
vous plait.
Après
quelques secondes de silence, la voix était de retour.
-
Je suis désolée de vous informer
madame que tous les hôtels de la capitale sont complets en raison du Festival
des Arts Nègres.
-
Non non non ! Vous pouvez
regarder à nouveau s’il vous plait ? Je suis vraiment dans le besoin là ?
-
Bien sûr madame. Veuillez patienter
à nouveau.
Cette
fois, la voix avait disparu un peu plus longtemps, avant de refaire apparition.
-
Malheureusement, je n’ai rien pu
trouver pour vous. A moins que…
-
A moins que quoi ? Cela me va
parfaitement si ça rentre dans mon budget.
-
Le seul qui semble avoir des
chambres libres est L’exil. Enfin, on dirait qu’ils ont cessés toutes activités
et leur numéro de téléphone a été remplacé par un mobile, mais je peux vous le
communiquer afin que vous vérifiiez vous-même. Cela vous va ?
-
Parfaitement. Vous me sauvez la vie.
Fama
n’avait attendu pas une seule seconde avant d’appeler sur le numéro qu’on
venait de lui donner. Elle eu un homme qui lui affirma qu’il y avait une
chambre libre et qu’elle pouvait l’occuper de suite si elle le souhaitait. Elle
sauta sur un taxi pour se rendre à l’adresse indiquée à Yoff-village.
25
minutes plus tard, elle était accueillie par un jeune homme d’à peine 1m65 de
taille, devant un bâtiment affreusement délabré. Rien ne démontré au premier
abord que c’était un hôtel mais elle ne pouvait pas, dans sa situation, se
permettre de se faire des chichis.
Il
lui a été proposé les trois chambres de la petite maison qui était en réalité
une auberge. Elle avait choisi la plus grande puisqu’elles étaient toutes au
même prix : 10.000 Francs la nuitée, qu’elle paya en liquide. Comparé à ce
qu’elle avait trouvé sur internet, elle remercia de tout cœur la dame du
service de renseignement.
-
Je vous laisse maintenant vous
installer. Si vous ne croisez pas la femme de ménage demain en partant, vous
pourrez laisser les clés au boutiquier d’en face.
-
Ha vous ne restez pas ? Je
serrai toute seule ici ?
-