Prologue

Ecrit par NafissaVonTeese

Sur la grande place du village Kumasi, les jeunes hommes habillés de leur tenue de combat, se tenaient en chaîne et  se passaient main à main, les ravitaillements qu’ils chargeaient sur leurs chars artisanaux. Ils étaient prêts à se battre, non pour chasser l’ennemi, mais pour retrouver leur fierté et réunifier leur peuple séparé par une dizaine d’années de conflit causé par l’or qui abondait pourtant sous leur terre.

 

Ils étaient enfin prêts, fiers et décidés, mais l’idée du départ sans la certitude d’un retour, leur fendait le cœur en secret. Aucun n’avait daigné jeter le moindre retard à sa famille se tenant pourtant juste devant lui.

Toutes les femmes étaient venues poser un dernier regard sur leurs  frères, maris et enfants. Elles n’avaient pas le droit d’exprimer leur amertume en ce solennel moment des adieux. Certaines se tenaient la main pour s’empêcher de pleurer car oui, verser la moindre larme devant tout une assistance était indigne d’un Ashanti. Leur présence suffisait à leurs hommes, se disaient-elles ; et elles étaient toutes présentes, toutes excepté la petite Ama.

 

Personne n’avait remarqué son absence, pourtant elle avait autant de raison que tout le monde d’être là. Son bien aimé Annan, avait rejoint la veille, le bataillon des Ashantis de Kumasi. Il lui avait annoncé la mauvaise nouvelle au petit matin, tout en sachant qu’elle allait être dévastée par son départ. Il avait 17ans, elle 16, mais savaient déjà tous deux ce qu’ils voulaient faire de leur vie : la passer ensemble jusqu’à leur dernier soupire.

 

Ama avait refusé de quitter la case familiale pour une raison que seule elle connaissait.

Elle avait coupé un morceau du tissu que Annan lui avait laissé en guise de souvenir après s’être revêtu de sa tenue de combat, et elle le jeta quelques secondes dans de l’eau bouillante pour enlever les dessins peints dessus à la main. Avec un brin de paille qu’elle trempa sur un mélange de plantes dont elle était la seule à connaitre la recette, elle se mit à griffonner des mots. Elle était la seule à savoir faire cela dans tout le village, mais le cachait jalousement, même si tout le monde savait qu’elle était un peu différente des autres jeunes filles.

Quand elle eut enfin terminé, elle essaya ses larmes, puis relut ses mots.

  

« 7 Novembre 1674,

 

Annan de mon cœur,

 

Il est peu probable qu’un jour ces mots arrivent à toi, car je sais des choses que tout le monde ignore sur nos terre.

Tu t’en vas, pour quelques jours, pas plus, d’après tes dires et ceux du grand chef Osei, mais je sais que jamais tu ne reviendras dans nos bras, et cela me laisse dans une immense peine.

 

Cela m’est une torture de le voir dans mes rêves depuis  huit nuits, bien avant que tu ne saches toi-même que tu rejoindrais le bataillon.

 

Je te laisse partir sans un seul mot car, malgré la grandeur de mon amour pour toi, il m’a été soufflé que ce sera grâce à ton courage et la force de ton poignard qui transpercera le cœur du roi de Denkyéra, que nos frères Ashanti seront à nouveau réunis.

 

Vas donc mon tant aimé accomplir ta destiné, mais quand tu seras sur d’autres cieux, rappelle-toi que nous avons aimés,  rêvés et faits mille projets.

 

Le sentiment qui nous incline d’un vers l’autre est plus fort que le temps, plus fort que l’espace. Il nous a lié dans cette vie et continuera à nous lier jusqu’à ce que nous nous retrouvions.

 

Je suis affreusement triste et mon cœur te réclame déjà alors que tu n’es pas encore parti. Sache que où tu puisses être, mon âme et mes pensées seront toujours avec toi.

 

Je t’attendrai, 1000 ans s’il le faut, mais je t’attendrai mon très cher combattant de l’union.

 

A. »

  

Ama avait creusé au milieu de la case, puis roula le bout de tissu sur lui-même avant de l’enterrer aussi profond qu’elle pouvait, sous la terre.

NafissaVonTeese


Du bout des lèvres