Chapitre 1

Ecrit par Lilly Rose AGNOURET

Chapitre 1

 

Mercredi 4 août 2011

   

Marie-Christine

 

 
     

- Il y a du sang de tortue, en signe de longévité. J’ai mis de la bave d’escargot, pour que cela colle. J’ai mis de l’huile de palme, pour que cela glisse. Le corps doit coller quand tu le prendras dans tes bras. Le sexe doit glisser en toi, lorsque tu le feras entrer dans ton vagin. L’amour durera toute la vie s’il jouit en toi. As-tu compris tout ce que je viens de dire ?

- Merci Baba Nathaniel. Merci.

- Fais très attention à cette mixture. Tu prends une bonne douche avant de la frotter sur l’avant de ton corps. Ensuite, tu auras simplement 2 heures pour agir. Si l’homme jouit en toi, le reste, tu viendras me le raconter ici avec le sourire.

- Merci Baba Nathaniel. Merci.

Je me retire après avoir déposé une enveloppe de cent mille francs à ses pieds. Il m’a dit que ce service me coûtera cinq cent mille, mais que les quatre cent mille restants, je ne les lui donnerai que si son travail porte ses fruits et que je suis satisfaite.

Je me retire tranquillement et prends le chemin du retour. La route est longue. Nous sommes loin de tout. L’endroit est retiré de la civilisation. Je suis partie pour une heure de marche dans le noir, car l’on ne sort de chez Baba Nathaniel qu’à la nuit tombée. Le vieux vient de me bosser le corps. Je suis restée chez lui pendant sept longs jours, sept longues nuits. Il fallait qu’il me prépare pour la suite. Je suis prête.

 

Je vais avoir 52 ans dans ce 25 octobre. Il n’y a aucun moyen que j’entre dans cette nouvelle année sans un homme dans ma vie. Il faut que je prenne ma revanche. Il faut que moi aussi, tout comme Idéale qui s’est très bien mariée à Mark, tout comme sa fille Irma qui dans une semaine va devenir l’épouse d’un enfant de riche, je dois briller dans une robe blanche et signer un papier à la mairie qui fera de moi l’épouse légitime de quelqu’un.

J’ai les atouts qu’il faut pour rendre un homme heureux au lit et dans la vie. Pourquoi dois-je rester sur le tapis ? Non, il faut que je brille. J’ai trouvé celui qui me faut. Il faut que je brille. Il le faut. Cet homme va m’emmener loin. Il est riche comme il n’est pas permis. Il faut que je brille.

 

Quand Georges m’a abandonnée il y a deux ans, je n’ai eu que mes larmes pour pleurer. Son épouse m’a fait sortir de la maison que j’avais toujours habitée. Un matin à 6h, un huissier a débarqué chez moi, à la cité Satom, et on m’a signifié que j’avais une heure pour vider les lieux. La maison que j’habitais et dont jamais je n’ai payé le loyer appartenait à George. Son épouse avait pour argument qu’ils sont mariés sous la communauté des bien, donc, son argent à elle avait contribué à acheter cette maison. Je me suis retrouvé SDF.

En plus de ça, cette femme a obligé Georges à aller devant le tribunal pour avoir la garde exclusive de nos deux garçons. Je ne sais pas comment tout ça a pu se faire avec autant d’aisance. La seule chose dont je suis certaine, c’est qu’elle m’a eue. ELLE M’A EUE ! pendant des années, j’ai été la maîtresse discrète qui ne se faisait pas remarquer. Et du jour au lendemain, j’ai tout perdu. TOUT ! Mes enfants vivent désormais avec leur père dans leur villa de cinq chambres à la route Ondimba. George a été promu Directeur financier de la CNSS. Son épouse à la Directrice Régional de la Santé, pour notre province. Ils roulent tous les deux en Prado, alors que je suis à pieds. Et si je suis à pieds, c’est parce que l’épouse de George m’a fait arracher ma voiture et l’a revendu.

Je n’ai jamais travaillé de ma vie. Elle savait donc que tout ce que j’avais, je le devais à son épouse. Cette femme m’a littéralement baisée !

Mais, je vais me relever. Je vais me relever, car j’en ai marre d’entendre ma grande sœur Brigitte me dire que je suis une maboule. Elle me fustige en me rappelant que j’ai passé pratiquement 20 ans de ma vie maîtresse d’un homme marié et que je n’ai pas eu l’intelligence de lui demander de me construire une maison, ou de m’ouvrir ne serait-ce qu’un magasin de prêt-à-porter. Elle me lance à tout va que j’ai de la chance qu’elle a bon cœur. Elle a en effet convaincu Idéale de me laisser vivre dans la maison de notre mère, celle dans laquelle idéale a vécu autrefois avec ses enfants. Idéale a dû mettre son locataire dehors. J’habite désormais les lieux et je dois encore compter sur la générosité de mes sœurs, pour me nourrir au quotidien. Idéale paie l’électricité et Brigitte me fait livrer chaque mois, des kilos de poisson, des régimes de bananes et des paquets de manioc.

Ce n’est que provisoire, tout ça. Je vais rebondir. Je ne serais plus la risée de mes fausses copines, qui font la fête avec moi et rient dans mon dos quand je m’éloigne. Elles verront, ce qu’elles verront. Elles viendront bientôt se prosterner devant moi pour mendier des sous !

 

Il est 21h quand j’arrive chez moi. Je mets la lumière et vais tranquillement dans la cuisine pour me préparer à manger. Je vais ensuite dans la douche. Je me place devant mon miroir et regarde mon corps qui est très bien conservé. Je n’ai eu que deux enfants. J’ai encore les mamelles bien fermes et bien juteuses. Même les jeunes de 20 ans me sifflent en route. Alors, pourquoi ne pas me trouver cet homme riche qui me fait envie ?

Couchée sur mon lit, il est minuit quand enfin je m’apaise pour lire les messages que j’ai reçu durant cette absence qui a duré 7 jours. C’est quand même terrible de ne plus avoir ni homme ni enfants dans sa vie. Je pars 7 jours et personne ne s’inquiète pour moi !

Je regarde le message envoyé via WhatsApp par ma sœur Brigitte, qui coordonne les préparatifs du mariage d’Irma, la fille aînée d’Idéale. Je lis ce qui est écrit. Le programme de la dernière réunion, le programme du mariage qui a lieu le samedi de la semaine prochaine. Hum, j’ai vraiment l’impression que le monde est injuste. Ou, c’est sûrement le sang de notre mère qui a été injuste. Comment se fait-il qu’idéale ait tout réussi ? Elle a de jolies filles. Ses filles sont intelligentes. Ses filles sont avec des garçons très bien. Il faut voir le jeune homme avec lequel Laïka est venu au Gabon, en vacances l’an dernier. Le type ressemblait à cet acteur américain qu’on voit à la télévision. Celui qui joue le rôle de Neal dans les feux de l’amour. L’enfant était beau on dirait un billet neuf tout droit sorti des caisses de la BEAC. J’étais carrément hypnotisée par son regard. Il lui suffisait de sourire pour que la pièce s’illumine. Ah, comment s’appelle-t-il encore ? Ah, quelque chose comme Taylor ou Trevor, je ne me rappelle plus. Quand le type m’a montré la photo de son père, un beau blanc de 50 ans, et celle de sa mère, une femme noire quelconque, j’ai compris que la beauté de cet enfant est due à l’amour. Il n’y a que l’amour qui donne des enfants aussi beaux.

J’ai bien pris la peine de discuter avec Laïka l’an dernier lorsqu’elle est venue à Port-Gentil. J’ai eu la chance d’aller dîner avec son chéri et elle. Là, pendant le dîner, elle m’a dit que cette année pour le mariage d’Irma, elle viendra avec son Trevor. Elle a ajouté qu’étant donné que le père de Trevor est le patron du fiancé d’Irma, il sera là aussi.

Oui, je n’avoue, c’est cet homme-là, Ce blanc-là, le père de ce Taylor ou Trevor, que je veux mettre dans mon lit. C’est lui que je rêve d’épouser. Il va m’épouser. Dès que je le vois, je lui tombe dessus et puis, dans même pas un mois, on entendra dans Port-Gentil, que moi, Marie-Christine, je me marie.

Je ne suis pas allée voir Baba Nathaniel pour rien !

 

Je réponds aux messages de Brigitte en disant que je serai présente à la dernière réunion, vendredi soir. Il est prévu que l’on mange tous ensemble ce jour-là. Tout le monde est invité, après la réunion, à un repas qui sera servi dans les jardins du domicile du couple Mark et idéale Ellison. Le couple possède en effet, une villa en étage du côté de SOGARA. La villa donne directement sur la plage. C’est comme ça qu’Idéale nous fait comprendre qu’elle a le « pognon ! » Oui, le pognon tombe sur elle comme une pluie en pleine saison. Pour nous autres, il n’y a que l’aridité de la sécheresse qui nous touche, tellement les temps sont durs !

C’est la deuxième fois en 5 ans que j’irai dîner dans cette villa. La dernière fois, j’avais dû faire un scandale à Idéale au téléphone, lui demandant pourquoi mes enfants était invités à la fête du 17 août chez elle et qu’elle n’avait pas daigner m’y convier alors que Brigitte, son époux et leurs enfants, y allaient. Bref, le chauffeur de Mark et Idéale était passé me chercher. J’avais mangé et bu comme une cochonne. Enfin, ce n’est pas tous les jours qu’on peut avaler autant de carpaccio de saumon !

 

Il est 1h du matin quand mon téléphone sonne. Je ne prends même pas la peine de vérifier qui est appelle. Je décroche avec le sommeil dans la voix.

- Allo quoi ? Marie-Christine Omanda, comment peux-tu dormir, un soir au mois d’août, à Port-Gentil ? Est-ce que ta vie est tranquille ? Tu as trouvé ce que tu cherchais ! me fait Laïka avant d’éclater de rire.

- Ma fille, oooh, il n’y a que toi pour penser à moi dans des moments comme ça ! tu es de quel côté de la ville !

- Disons que je suis arrivée de Libreville ce matin même. Et si tu n’as pas envie de mourir vieille et belle, sors tes fesses de ton lit et retrouve-moi à la route. Tristan et moi, nous t’attendons.

- C’est qui Tristan ? dis-je bêtement.

- Habille-toi, maquille-toi, parfume-toi et viens nous rejoindre. La fête n’attend pas.

- J’arrive, ma fille ! J’arrive.

Je me lève prestement du lit et me dépêche d’aller me brosser les dents. Je reviens dans la chambre, ouvre mon placard et cherche un slip un peu sexy. Ah ! Je crois que je vais devoir essayer les strings que j’ai achetés au marché, sinon, Laïka va bien se moquer de moi. Cette fille n’a rien de commun avec sa mère. Contrairement à Annélie et Irma qui sont trop gentilles, trop polies, trop bien éduquées, Laïka est différente. C’est la seule, d’ailleurs qui m’appelle, se soucie de moi, m’envoie des western union en me disant que je dois tout faire pour rester beau et me trouver un mari. Cette fille, oui, je l’ai dit, est différente d’autres. J’ai beaucoup de chance d’ailleurs qu’elle ne me zappe pas comme le font Irma et Annélie, qui sont restés butées sur le fait qu’un jour, j’ai couché avec Fulbert Poulangoye. Oui, j’ai couché avec lui. Oui, j’ai été bête, cupide et sans cœur. Mais la vérité c’est que, tout comme aujourd’hui encore, hier et avant-hier, j’enviais la chance d’idéale !

Brigitte me répète que c’est parce que j’étais occupée à jalouser la vie d’idéale, que je n’ai pas vu passé mon bonheur lorsqu’il me tendait les bras.

Brigitte, qu’est-ce qu’elle sait de la vie ? Elle n’a connu qu’un homme dans sa vie. Il l’a épousé, ils ont eu leurs trois enfants. C’est le seul homme à avoir visité son intimité. Brigitte ne peut donc pas comprendre les problèmes de nous autres les multirécidivistes de la vie sentimentale… Bref ! il y a une voiture qui m’attend dehors. Il faut que je sois belle.

J’ai mis ce string et même si j’ai du mal à marcher avec, je vais tenter de le garder pendant toute la nuit. Avant de refermer la porte de la maison, je fais le veux que le fameux Taylor ou Trevor, soient venus au Gabon avec son père.

 

Ma vie va changer !

 

Quand j’arrive en bordure de route, je remarque la magnifique voiture de location dans laquelle m’attendent Laïka et son ami. Ils sont dans une Hyundai Santa Fé de couleur bleu nuit. Ça sent le luxe. Quand je m’installe sur la banquette arrière, je me laisse embrasser par le confort de ce siège. Je ferme les yeux avant de saluer :

- Bonsoir les jeunes.

L’ami de Laïka éclate de rire et lance :

- Cela fait longtemps que nous sommes sortis de l’adolescence, Marie-Christine !

- Nous nous sommes déjà vus, jeune homme ?

Il se retourne. J’ai du mal à reconnaitre le garçon que m’a présenté Laïka l’an dernier. Le jeune homme sourit et me dit :

- On s’est envoyé des shoots de vodka au Club Sogara il y a un an. Tristan, c’est moi !

L’enfant a changé. Il est beau on dirait que chaque soir, Dieu sculpte à nouveau son corps et parfait les traits de son visage. Seigneur ! Si j’avais encore trente ans, je n’hésiterais pas à glisser sur le sol pour que ce petit me rattrape.

Tristan se retourne et je fais de grands signes à Laïka pour lui dire qu’elle a tiré le bon numéro avec ce jeune homme !

 

Nous arrivons au Millenium. Là, Laïka me dit :

- Les amis sont là ! Tu verras. On entre, on fait la fête et on va voir ailleurs par la suite. Si je veux te trouver l’homme de ta vie, il vaudrait mieux que l’on brosse aussi un tour au Pacha !

- Tu connais vraiment les bonnes choses, Laïka ! Merci de me réveiller. Je dors quand tu n’es pas là !

Je sais qu’avec elle, j’ai ma boisson assurée pour toute la nuit. Laïka sait que je ne bois que des liqueurs. Elle connaît très bien mes gouts.

Quand nous entrons là, je comprends que la boîte est remplie de vacanciers et que ce n’est pas pour mon âge. Mais comme j’ai mis un string qui me fait sacrément souffrir, j’ai intérêt à bouger sur la piste. Je m’envoie de vodka orange et là, je laisse mon corps se trémousser sur cette piste comme si j’avais encore trente ans. Je n’écoute pas la voix qui me dit : « Marie-Christine, tu es ridicule dans cette minirobe ! » JE DANSE !

Les filles d'Idéale...