Chapitre 1
Ecrit par Kaylee
LA SECONDE ÉPOUSE
Épisode 01: Mauvaise journée
*** Salewa Ali ***
Merde ! Merde ! Merde !
Les lacets de cette putain de chaussure me lâchent alors que je suis très en retard pour me rendre au boulot et le pire dans tout est que c'est mon deuxième jour de travail. Encore qu'il menace de pleuvoir.
Une mauvaise journée qui s'annonce. Rien de plus pour me faire perdre mon sang froid.
Après avoir errée une bonne dizaine de minutes, je vis enfin un taxi qui, après plusieurs détours et arrêts pour libérer d'autres clients me dépose enfin devant la boutique de parfumerie où je bosse.
Pourvue qu'on me comprenne.
Pourvue qu'on ne me chasse pas.
Pourvue que je reste.
Je répétais tout cela en monologue dans la tête. Je tiens trop à ce travail que j'ai peiné à obtenir.
Retenant mon souffle, j'ouvre doucement la porte en vitrine et directement, mes yeux croisent ceux de tata Oumie, la gérante de la boutique.
Rien que sa tête de marmite m'énerve déjà mais là, à voir ses yeux lançant mille feux, j'ai direct envie de disparaître sous terre.
Prenant mon courage à deux mains, je la salue poliment. C'est tout de même ma supérieure et ce travail m'aidera à payer mes fournitures scolaires et ceux de mes frères.
En plus, travailler ici est un honneur pour moi puisque c'est la seule boutique chic du coin.
Je me présente : Salewa Ali, Saly pour les intimes. J'ai vingt ans et j'ai eu le baccalauréat cette année avec une petite bourse qui assurera ma première année au campus. Je suis la cadette de mes parents. Ma grande sœur Kadija, vingt-cinq ans, est couturière, mariée et mère de deux enfants. Celle qui me suit , Oumou, dix-huit ans, est en classe de Terminal et les deux derniers qui sont jumeaux : Khader et Khalil qui ont quinze ans et font la Seconde. Je les aime tous et eux aussi me le rendent bien. Nos parents sont de modestes paysans qui font de leur mieux pour nous.
???: Bonjour mademoiselle.
Je sursaute légèrement à l'entente de la voix de dame Oumie et incline la tête.
Moi : Bonjour tantine
Dame Oumie ( grimaçant) : Bonjour tantine bonjour tantine. Quand est-ce que tu as commencé à travailler ici Saly?
Moi: Hier tantine mais je vous jure. Wallay ! Je n'ai pas voulu venir en retard. Seulement quelques imprévus et...
Dame Oumie : Tu es viré Salewa.
Moi (K.O): hein???
Dame Oumie ( froide) : J'ai dit : Tu es viré. A ton deuxième jours de travail, tu viens en retard. Qu'est-ce qui prouve que tu ne répéteras pas ça demain ?
Moi (difficilement) : Mais...
Dame Oumie : Je n'aime pas me faire répéter jeune fille. Nous avons de strict règle de travail ici et je ne fais que les respecter. Fin.
Moi : ...
Aucun mot n'arrive à franchir ma bouche. Tellement je suis abasourdi. Hein ? What ? Viré ? C'est comme cela que l'on renvoie ? Si facilement ? Moi qui avait déjà planifié tout ce que je ferai du salaire. C'est...
??? : Maman, je suis là. On m'a dit que tu as un poste pour moi.
Je me retourne lentement et qui vis-je ? Odile OTAH ! Une camarade de classe qui n'a fait que me provoquer et m'humilier durant toute l'année académique. Minute ! C'est la fille de Dame Oumie ? Ah ça alors !
Odile : Tiens tiens. Qui vois-je ? La blanche en personne ! Que fais-tu ici porcelaine ? Tu n'as jamais vu un tel luxe et tu viens admirer ?
Je lui lance un regard noir et essaie de partir mais elle m'empoigne par le bras, m'arrachant ainsi un petit cri de douleur.
J'ai une peau extrêmement fragile et claire. Une peau qui me cause beaucoup de problèmes et de moqueries. D'autres disent que je me suis dépigmentée tandis que d'autres accusent ma mère d'adultère.
Elle a longtemps souffert à cause de moi, a essuyé d'un revers de main plusieurs injures et humiliations. Nous sommes dans une campagne où la plupart des habitants sont analphabètes. Maman a essayé de leur expliquer pourquoi j'étais si différente de ma sœur à l'époque mais ils n'ont voulu rien comprendre, ni entendre. Comme elle n'était pas une musulmane, cela avait été source d'ennuis au temps de son mariage avec mon père. La famille paternelle avait tout fait pour empêcher l'union en vain donc, lorsqu'elle m'a mise au monde, ils n'ont rien trouvé de mieux à dire à part l'accuser d'adultère.
En réalité, maman est une Da Silva et dans leur famille, le métissage est courant, ce qui explique mon teint et mes cheveux.
J'essaye de retirer mon bras de l'emprise d'Odile mais elle la resserre. Ma faiblesse est que je n'aime pas la violence et que je me laisse marcher dessus.
Moi ( grimaçant de douleur) : Tu me fais mal Odile. Lâche-moi tout de suite.
Odile : Sinon ? Sinon quoi?
???: Ah ! Tu es là mon ange.
Odile ( relâchant mon bras) : Bonjour maman !
Dame Oumie ( me toisant) : Que fais-tu encore là toi ? Sors de la boutique. Tu as déjà une remplaçante.
Je tourne vite les talons et quitte cet endroit en me promettant d'en construire un de plus grandiose un jour. J'ai confiance. Je suis travailleuse et je prie. Je regarde le ciel qui s'assombrit peu à peu et me demande si je dois rentrer les mains vides, sachant la situation dans laquelle nous vivons.
Pesant le pour et le contre, je décide de passer de maison en maison pour laver du linge sale. Au moins, ça me rapportera quelque chose.
*
*
*
Comme le bon Dieu n'oublie personnes, j'ai pu trouver du linge sale à laver dans une maison de gens de bonne condition.
Avec un peu plus d'ardeur, je finirai dans un quart d'heure.
Moi : Aaaaah ! Aaaaah !
Je me retourne brusquement et me retrouve nez à nez avec Monsieur ATEO, le mari de la dame pour qui je fais la lessive.
Moi (rougissant) : Oh pardon. J'avais eu peur.
M. ATEO : Tu n'as pas à t'excuser ma jolie.
Je recule vivement lorsqu'il tendit sa main pour me caresser la joue.
Moi: Y a- t-il un problème ?
M. ATEO : Oui ma blanche. Le problème est que tu m'excites trop.
Il tendit une nouvelle fois le bras mais je l'esquive encore.
Moi: Écoutez-moi monsieur. Je suis ici pour travailler et non pour autre chose donc veuillez me laisser finir ma besogne.
M. ATEO : Quelle besogne chérie ! Tu peux avoir tout ce que tu veux avec moi ma belle. Tu n'auras même plus à faire la lessive ni autres choses. Tu me plais énormément tu sais.
Sans que je ne m'y attende, il se jette sur moi tel un fauve.
La surprise passé, je m'apprête à lui jeter mon poing à la figure lorsque la voix de sa femme surgit derrière nous.
Mme. ATEO (applaudissant) : Bien bien bien.
M. ATEO bondit sur pied tandis que je me relève avec difficulté.
Mme ATEO : Donc c'est ce que tu es, hein Saly ? Tu te fais passer pour une travailleuse pour séduire les maris d'autrui ?
Moi (la voix tremblante) : Tantine...
Mme ATEO : Si tu m'appelles encore, je vais te gifler. Tout ce qu'on raconte sur toi dans le village est donc vrai ?
Moi (pleurant) : Je vous jure être innocente. Je n'ai rien fait. Je...
Mme. ATEO : Sors de ma maison. Allez sors avant que je ne te blesse.
Prenant mes chaussures, je soupire, essuie du revers de la main mes larmes. Que m'arrive-t-il ? Pourquoi toutes ces vicissitudes ? À quand le bonheur ? Mon Dieu !
*
*
???: Aoh ! Mon Dieu ! Oumou m'a tué oh. Oumou m'a tué. Avec tous ces difficultés ? Hein ? Oumou ? Tchieeeééé!!!
À peine suis-je devant notre maison que les cris et pleurs de ma mère m'alertent. Que se passe- t- il ? La peur au ventre, je cours dans la maison où je vis maman assise à même le sol, criant et pleurant à chaude larme et mes frères , les visages tristes dans un coin de la cour tandis que ma cadette, Oumou est agenouillée devant notre mère, pleurant de même.
Moi (m'accroupissant devant mère) : Que se passe-t-il néné ?
Maman: C'est Oumou oh Saly. Oumou a signé mon arrêt de mort. Oumou m'a honni. Que vais-je dire à vos tantes et oncles ? Et encore moins à votre père ?
Sans que je ne sois au courant de ce qui se passe, les larmes se mirent à jaillir de mes yeux. J'aime tellement ma mère que la voir dans cet état m'ébranle.
Elle d'ordinaire si calme, si douce.
Moi: Néné lève-toi et rentre dans la chambre. Nous allons parler à l'intérieur okay ? Arrête de pleurer.
Maman : C'est ta sœur Saly.
Je l'aide tant bien que mal à rentrer dans la chambre. Qu'a pu bien faire Oumou pour qu'elle soit dans cet état ? Je lui donne un peu d'eau et m'assis devant elle.
Moi( calmement) : Maintenant, explique-moi tout néné.
Maman : J'ai tellement mal tu sais. Très mal. Tes tantes vont encore se liguer contre moi.
Moi: Je sais que tu as mal maman. Mais pourquoi ?
Elle prit une courte inspiration et lâche comme une bombe :
Maman : Oumou est enceinte.
Moi: Quoi ???
Maman (pleurant de plus belle) : Ta sœur est enceinte et ce qui me fais le plus mal est qu'elle ne sait même pas qui en est l'auteur. Tu m'entends ça ? Ta sœur m'a honni. N’est-elle donc pas consciente de tous nos problèmes ? A-t-elle une fois travaillé comme toi tu le fais chaque jour pour nous aider ? Oh !
Moi (les yeux humides) : Calme toi maman.