Chapitre 1
Ecrit par WumiRa
« La vérité est que tout le monde vous fera souffrir. »
Rabat (Maroc): Quatre heures et cinquante minutes...
Maya se réveilla en sursaut et jeta un coup d'œil à son réveil. Quatre heures. Il n'avait pas sonné et pourtant elle était sûre de l'avoir réglé la veille.
Après s'être levée, elle se dirigea aussi rapidement qu'elle pu vers la cabine qui lui servait de salle de bain. Elle était censée prendre l'avion à cinq heures et trente et seul un miracle allait lui permettre d'arriver à temps à l'aéroport international de Rabat-Salé.
C'était pathétique tout ce qui lui arrivait. Elle n'aurait pas dû s'endormir. Elle ne se rappellait même pas comment le sommeil s'était emparé d'elle ; après avoir rédigé un exposé de plus de trente page la veille, elle s'était allongée, c'était tout ce dont elle se souvenait...
Quelques minutes plus tard, elle sortit de la cabine, s'habilla précipitemment, s'empara du par-dessus dont elle ne se séparait jamais, et après un bref regard à ce qui avait été "son appartement" jusque là, elle s'en alla.
Une demi-heure plus tard...
Maya pressa le pas. Il ne lui restait pas plus d'une quinzaine de minutes, heureusement.
Elle fit un pas de côté pour éviter un groupe de touristes juste au moment où son portable se mettait à sonner. Tout en fouillant dans la poche de son pardessus à la recherche de son iPhone, elle eut vaguement conscience qu'un homme avançait dans sa direction. Et alors qu'elle faisait un nouveau pas de côté, pour le laisser passer, il lui rentra dedans. La violence du choc lui arracha un petit cri, tandis que son portable qu'elle avait sortit, tombait et se brisait sur le sol. Deux mains puissantes se refermèrent alors sur ses avant-bras, l'empêchant de perdre l'équilibre. Simultanément, des petits frissons la parcoururent.
Troublée, elle leva les yeux vers l'inconnu et en eut aussitôt le souffle coupé. La première chose qui attira son attention fut ses yeux. Ils les avaient noirs, très très noirs. Enfin presque toutes les personnes qu'elle connaissait avaient des yeux noirs, mais elle n'aurait su dire pourquoi, ceux de cet homme avaient quelques choses de très particulier. Ensuite son regard enregistra rapidement tous les autres détails. Cheveux coupés courts, nez droit, bouche... Elle s'attarda plus qu'il ne fallait sur ses lèvres et sursauta lorsqu'il s'éclaircit la gorge. Elle nota également que sa bouche était bordée d'une barbe naissante ; à moins qu'il ne se soit mal rasé...
S'efforçant de se ressaisir, elle renfrogna la mine.
- Pourriez-vous regarder où vous allez la prochaine fois ?
- Regarder où je... ?
***
Malik plissa les yeux, surpris par le ton de la jeune femme. Si on lui avait dit qu'un incident du genre allait se produire, alors qu'il ne lui restait qu'environ douze minutes pour quitter ce pays maudit, il aurait sans doute rit. Il était épuisé, affamé, pressé, et voilà qu'une gamine l'accusait de ne pas regarder où il allait ! Pour qui se prenait-elle ?
- Je regarde toujours où je vais, miss. Et je ne manipule pas mon téléphone en marchant.
Elle lui lança un regard assassin, avant de se baisser pour ramasser son portable dont l'écran était fissuré à plusieurs endroits. Allait-elle oser l'accuser ?
Lorsqu'elle se releva, ce fut pour répondre d'une voix agressive :
- Je me suis écartée pour vous laisser passer, et maintenant... Oh mon Dieu, vous avez cassé mon iPhone !
Il crispa la mâchoire malgré lui. Il aurait dû s'en douter, mais de toute façon ce n'était pas son problème. La prochaine fois elle ferait plus attention.
- Je n'ai rien cassé du tout, répondit-il avec hauteur. Maintenant si tu veux bien m'excuser, je suis pressé.
Il la vit secouer la tête d'un air ahuri, puis alors qu'il s'éloignait les mots «odieux», «macho» et «irresponsable», parvinrent distinctement jusqu'à ses oreilles.
Irresponsable ? Cette pimbêche osait le traiter d'irresponsable alors que s'il y'avait bien une qualité dont il pouvait se vanter c'était son sens irréfutable des responsabilités ? Il fit volte-face.
- Tu veux bien répéter ? demanda t-il d'une voix dangereusement calme en la rejoignant.
Nom de Dieu, il risquait vraiment de rater son vol...
Les lèvres de la jeune femme se mirent à trembler. Il secoua la tête.
- Tu as perdu ta langue ?
Ensuite, il s'interrompit et la regarda plus attentivement. Où avait-il déjà vu ce visage qui lui paraissait tout à coup familier ? Mais non, il ne la connaissait pas et n'avait aucune envie de la connaître. Cependant il devait reconnaître qu'elle était d'une beauté saisissante. Elle avait peut-être des yeux un peu trop grand, mais elle avait un corps...
Allons Mal...
Il refoula les pensées qui lui venaient à l'esprit et sortit son portefeuille de sa poche.
- Combien ?
- Quoi ?
- Ton iPhone, il a prix je suppose.
Elle comprit et le toisa.
- Vous êtes désagréable de nature, c'est ça ?
- Oh tu ne penses pas si bien dire.
En effet, il était tout sauf agréable. Enfin dans un sens.
Il reprit.
- Écoute, je ne sais pas si tu es une touriste fauchée où un truc dans le genre, mais moi j'ai un vol très important à prendre. Pourquoi ne vas-tu pas bousculer quelqu'un d'autre pour ensuite essayer de l'escroquer ? Ta mine de chaton blessé attendrirait plus d'un, tu sais.
Elle écarquilla les yeux de plus belle et il se demanda si elle n'allait pas le gifler.
Ah, non elle semblait se raviser. Sage décision. Sans un mot de plus, il jeta le portefeuille à ses pieds et s'en alla. Il ne lui restait que cinq minutes avant que l'avion ne décolle et il avait assez perdu de temps avec cette fille.
Il la dépassa et se dirigea d'un pas furieux vers la file des passagers. Il ne pouvait pas se permettre de rater de vol ; il avait attendu pendant plus de vingt-deux ans, une opportunité pour faire payer l'homme qui avait envoyé son père en prison. Et maintenant que cette opportunité se présentait à lui...
***
Bouillonnant de rage, Maya marcha jusqu'à un siège et s'assit. Moins un, elle aurait raté le vol et tout ça par la faute d'un espèce de... fou furieux qui prenait l'aéroport pour un champ de courses. Le seul fait de penser qu'elle aurait pu manquer l'unique occasion d'aider Djibril la mettait hors d'elle. Lorsqu'elle lui avait parlé au téléphone il semblait si malheureux qu'elle avait décidé sur un coup de tête de manquer les examens finaux et de rentrer à Dakar. Ses parents seraient furieux lorsqu'ils la verraient, mais il était hors de question qu'elle reste les bras croisés pendant que son fiancé avait d'aussi graves problèmes.
La voix d'une hôtesse la tira de ses réflexions et elle se redressa pour mettre en place sa ceinture de sécurité. Puis elle colla son visage à la vitre et se remit à rêvasser. Que fesait Djibril ? Avait il déjà trouvé l'argent ? Non, elle en doutait. Où allait-il pouvoir trouver cinq millions alors qu'il était au chômage ? La vie était injuste. Elle, était née et avait toujours vécu dans le luxe, tandis que lui vivait dans la plus grande misère lorsqu'elle l'avait connu. Au début Maya avait placé tout ses espoirs en la personne de son père, mais il avait fallu que ce dernier n'approuve pas sa relation avec le jeune homme. Pour Henri Fall, Djibril était trop vieux, alors qu'ils n'avaient que trois ans d'écart ! Elle n'était pas dupe et soupçonnait son père de ne pas l'aimer parce qu'il n'avait pas autant de moyens qu'eux. Ce qui l'empêchait de le dire était simplement le fait que lui aussi avait vécu dans la misère autrefois. Il était parti de rien.
- Par ici, monsieur Sylla, dit une autre hôtesse, d'une voix mielleuse. Ce qui fit automatiquement tourner la tête à Maya.
Simple curiosité, évidemment. Elle se doutait bien qu'on allait installer ce monsieur Sylla dans le siège avoisinant le sien ; il était resté inoccupé.
Cependant lorsqu'elle vit de qui il s'agissait, ses yeux s'agrandirent comme des soucoupes. L'odieux macho ?! N'en croyant pas ses yeux, elle continua de le regarder jusqu'à ce qu'il se soit assis. Il avait parlé d'un vol à prendre, mais elle avait directement pensé qu'un homme de sa trempe devait voyager en première classe, que faisait-il là ?
Comme s'il lisait dans ses pensées, il tourna son regard noir vers elle.
- Un problème ? s'enquit-il avec le plus grand naturel, comme s'ils ne s'étaient jamais parlé avant et que leur dispute d'il y a un moment n'avait jamais eu lieu.
- Oui, vous, répondit la jeune femme.
Après avoir posé sur elle un regard qui avait l'air de signifier « ferme-la », il sortit plusieurs documents d'une enveloppe et se mit à les étudier, ignorant complètement sa présence.
Il y avait quelque chose de vraiment louche chez lui et bien entendu il se croyait tout permis, même dans un avion ! Il fallait absolument qu'il lui présente des escuses, c'était la moindre des choses à faire après avoir cassé son iPhone 7. Elle prit une profonde inspiration.
- Avez-vous songé qu'en temps normal, vous me devez des escuses ?
Il ne broncha pas.
- Mais je suppose qu'un homme des cavernes est loin de savoir ce que j'appelle «des escuses», vous avez...
- Je suis d'accord avec toi sur un point, l'interrompit-il sans relever la tête, celui de l'homme des cavernes. J'ignore comment tu as fait pour deviner que je suis sauvage mais si tu ne fermes pas ta petite bouche, je jure de te balancer par dessus cette vitre.
Il se redressa la tête.
- Cela te tente ?
Maya n'eut pas besoin de plus de précisions pour savoir qu'il était sérieux. Tout en lui était inexplicablement dangereux ; ce qui aurait dû la repousser, mais comme par hasard le fait de savoir qu'il y'avait quelque chose d'interdit en cet homme, l'attirait.
- Vous ignorez à qui vous parlez.
- À moins que tu ne sois la nouvelle reine d'Angleterre et quand bien même, je ne vois pas en quoi je serais intéressé.
- Buvez de l'eau, vous n'êtes pas non plus mon genre, se défendit-elle, vexée.
L'envie de le gifler devenait de plus en plus tentante, mais ils étaient dans un avion et même si celui ci n'avait pas encore décollé, il y'avait plein de monde autour d'eux. Elle l'entendit secouer la tête, l'air cynique.
- Quel âge as-tu, au fait ? Dix-neuf ans ? Tes parents sont-ils au courant que tu importunes des hommes, de cette façon ?
Involontairement Maya se mit à rire, à gorge déployée, avant de se ressaisir très vite pour ne pas attirer l'attention sur eux.
- Vous êtes cinglé, monsieur. En plus de quoi vous vous surestimez un peu trop. D'abord vous me tordez la cheville et me faites perdre mon portable et maintenant... Bref je vous laisse dans votre aigreur et je vous souhaite vraiment de vous étouffer avec durant le vol. Salut !
De nouveau elle se tourna vers la vitre. L'instant d'après, l'avion décollait et Malik fut soulagé de ne plus l'entendre. C'était la première fois qu'une femme lui tenait ouvertement tête, mais il mettait cela sur le compte de sa jeunesse. C'est vrai qu'à cet âge, lui aussi avait le goût du risque. Seulement, avec l'âge, il avait mûri ; plus qu'il n'en fallait.