Chapitre 2

Ecrit par WumiRa

Six mois plus tard...


- De toutes les façons, je savais que tu finirais par me sortir un truc du genre.


- Djibril... Arrête s'il te plaît, il y a du monde autour de nous. 


Il donna un grand coup sur la table et se leva, attirant automatiquement les regards. Ensuite, il obligea la jeune femme à se lever et à le suivre, ignorant ses protestations.


- Tu me fais mal... Tu es en train de me tordre le bras, insista Maya.


Il l'entraîna hors du restaurant. 


- Tu ne vas pas te payer ma tête aussi facilement, asséna t-il. Tu crois que je n'ai pas vu les photos de ce Xavier et toi ?


- Écoute Djib, je t'ai déjà dit que Xavier et moi étions dans le même établissement à Rabat. Maintenant lâche moi, tu me fais mal !


Elle réussit à libérer son bras et le gifla. 


- Salaud, ne t'avises plus jamais de me brutaliser. 


Perdant toute retenue, il la poussa contre le mur le plus proche dans l'obscurité régnante et déchira son haut. Elle faillit hurler, mais il plaqua la paume de sa main contre sa bouche.


- Essaie seulement, la menaça t-il. Tu as couché avec lui, dis moi ? Tu t'es envoyée en l'air avec ce blanc ?


Des larmes se mirent à couler sur les joues de Maya, tandis qu'elle se débattait pour l'empêcher de l'étouffer. Il remplaça bientôt sa main par sa bouche, mais elle lui mordit la lèvre, ce qui lui valut une gifle. 


- Ne t'avises plus jamais de...


Des pas résonnèrent derrière eux puis comme par enchantement, quelqu'un tira Djibril par le col de sa chemise et lui envoya un grand coup de poing dans le visage, à deux reprises. Il poussa un cri de surprise et se plia en deux, tandis que Maya tentait de voir l'homme qui venait de la sauver de son imbécile de petit ami. Qu'est-ce qu'elle avait été sotte de n'avoir pas écouté ses parents... Elle se massa sa joue devenue douloureuse ; il avait encore osé lever la main sur elle, alors qu'il lui avait promis de ne jamais recommencer. Elle cligna des yeux, pendant qu'il se faisait arranger le portrait par l'inconnu. N'arrivant plus à tenir sur ses jambes, elle s'adossa au mur ; la tête lui tournait tout d'un coup.


- Un homme ne doit jamais lever la main sur une femme !


Un autre coup accompagna cette phrase et Maya ferma les yeux. Puis sans comprendre pourquoi, elle les rouvrit. Cette voix... Elle l'avait déjà entendue quelque part, elle en était certaine. Alors qu'elle tentait de faire un pas en avant, elle trébucha et s'attendit à embrasser le sol, lorsqu'une main la retint.


Elle regarda autour d'elle et vit de loin Djibril qui s'éloignait, en proférant des menaces. Elle reporta alors son regard sur le visage de son "chevalier blanc", mais l'obscurité l'empêchait de distinguer ses traits. De plus, le choc lui nouait la gorge et donc, elle se laissa aller contre lui.


- La partie où l'homme des cavernes arrache la fille des mains du citadin, railla une voix à son oreille.


Elle se raidit. Il n'y avait plus de doutes.


- Monsieur Sylla, murmura t-elle avant de s'évanouir. 


***


Maya ouvrit les yeux et fût aussitôt prise de nausée. La tête lui tournait et elle avait mal à la gorge. Son premier réflexe fût de se précipiter dans la salle de bain pour vomir, mais elle fut stoppée dans son élan par la présence d'un homme assis dans l'un de ses fauteuils. Sa surprise s'agrandit lorsqu'il se leva et s'avança vers elle.


- Tu vas bien ? s'enquit-il.


Elle le dévisagea pendant de longues secondes, tentant malgré le vertige, de se souvenir de ce qui s'était passé pour que cet homme se retrouve chez elle, dans son fauteuil. Elle plissa les yeux. 


- Que faites vous là ? Qui vous a autorisé à entrer dans... ma chambre ?


Il la considéra avec amusement, puis il haussa les épaules. 


- Personne. Ce n'était pas la peine, j'entre où je veux. 


Pardon ?


En d'autres circonstances cet homme à l'air trop sûr de lui l'aurait fait pouffer de rire, mais il se trouvait qu'elle n'était pas du tout d'humeur à rire. Aussi croisa t-elle les bras, d'un air de défi. 


- Vous n'êtes pas à l'aéroport de Rabat-Salé monsieur «j'entre où je veux», «je cogne sur qui je veux».


Sa remarque fit mouche, elle l'entendit jurer.


- Tu es encore plus mal élevée que je ne le pensais, fit-il avec froideur. En fait j'aurais dû laisser ce gamin terminer ce qu'il avait commencé.


Son sang se glaça. Djibril.


Sa joue douloureuse lui rappellait encore la gifle qu'il lui avait donnée, mais elle ne se souvenait même plus exactement de ce qui avait causé leur dispute. Seigneur... Qu'avait fait cet homme à son fiancé ?


- ... Qu'avez vous fait ? 


Il haussa les sourcils.


- Pardon ?


- Ne faites pas l'innocent, s'écria t-elle. Qu'avez vous fait à Djibril ?


- Ah, Djibril. C'est le nom du petit voyou qui t'a droguée ? 


Petit voyou ?


- Je crois lui avoir décrochée la mâchoire, rien de grave. Mais c'était avant de me rendre compte que le viol faisait partie de tes fantasmes.


Outrée, elle leva la main et le gifla de toutes ses forces. C'était la deuxième fois en une soirée, d'abord Djibril et maintenant cet homme aux propos vulgaires. Elle attendit qu'il réagisse. Esquissant un sourire, il demanda :


- Est-ce tout ?


Elle laissa échapper un petit rire nerveux. 


- Non, en fait je viens de me rendre compte qu'il faut que vous fichez le camp d'ici et tout de suite. Je ne vous connais pas et je ne tiens certainement pas à vous connaître, alors bon vent ! Ah oui j'oubliais, la prochaine fois évitez de vous mêler de ce qui ne vous regarde pas. J'ignore d'où vous sortez cette idée stupide de drogue et de viol, mais heureusement que tout le monde n'est pas comme vous.


Le sourire de son interlocuteur disparut instantanément. 


- Tu mérites vraiment la manière dont il te traite, si j'étais lui...


- Vous me frapperez ? Allez y ! Ne vous gênez pas.


- Dommage que je n'ai pas pour habitude de lever la main sur les femmes. Il existe beaucoup d'autres moyens de te faire payer ta gifle et ton insolence, des moyens dont tu n'aurais jamais soupçonnés l'existence.


Maya recula de quelques pas.


- La porte se trouve juste sur votre gauche, rendez moi service en la refermant derrière vous.


- Tu me mets à la porte.


Ce n'était pas une question, d'autant plus qu'il n'avait même pas l'air vexé.


- Mais nos chemins se recroiseront, miss...


- Non, je doute fort d'avoir de nouveau à faire avec vous monsieur. Nous ne nous reverrons jamais après aujourd'hui, soyez sans crainte. 


Sans lui laisser le temps de placer d'autres mots, elle alla lui ouvrir la porte.


- Bien le bonsoir à votre femme si vous en avez une. Dans le cas contraire passez une excellente nuit...


Il franchit le seuil de la porte.


- Et étouffez vous dans votre sommeil, espèce de bandit, ajouta t-elle plus bas. 


- À l'un de ces jours. 


L'instant d'après il avait disparu et le bruit d'une porte claquée permit à Maya de savoir qu'il était bel et bien parti.


***


- Pour une fois qu'on t'ait remis à ta place. Ton égo a dû prendre un sacré coup.


Malik foudroya son seul et meilleur ami du regard. 


- Non mais sérieusement, fit Umar en agitant le contenu de son verre. Une gamine et elle a réussi à te foutre à la porte au lieu de succomber à ton prétendu "charme" ? Je crois qu'à présent, je peux mourir en paix.


- Tu vas sérieusement mourir si tu ne la fermes pas.


Umar pouffa de rire avant de retrouver tout son sérieux, la minute qui suivit.


- À propos de Fall, quelles sont les nouvelles ? demanda Malik.


- Les mêmes qu'hier, répondit Umar d'un haussement d'épaule. Mais après toutes les années que tu as mis à concocter ce plan, je te trouve un peu trop désinvolte. 


Malik fixa le contenu de son verre durant de longues secondes, puis il déclara avec fermeté :


- Je ne suis pas pressé. 


- Vraiment ? J'aurais cru le contraire. J'aurais même parié que tu avais l'air plus impatient d'entrer en action. 


- Si j'ai​ pu attendre pendant plus de vingt ans, quelques semaines de plus ne me feront pas de mal. 


- Bon, vu comme​ ça...


Un sourire éclaira son visage.


- Après tout, c'est peut-être moi qui aie du mal à contenir mon impatience. Tu as toujours été la personne la plus méthodique et la plus patiente que je connaisse.


Malik ne le contredit pas. Il savait combien faire preuve de patience pouvait être bénéfique. L'orphelinat où Umar et lui avaient grandit, avait tôt fait de le lui apprendre.


- Peut-être suis-je en train de me rendre compte que la vengeance est un plat qui se mange froid ?


Quand son ami émit un son incrédule, Malik rit puis sirota son whisky. 


En effet, sa vengeance serait froide, aussi amèrement froide que la prison dans laquelle son père était mort. Aussi cruellement lente que le temps qui s'était écoulé depuis. Aussi sombrement inexorable que la haine qu'il avait nourrie durant toutes ces années, à l'encontre du seul responsable de son malheur.


- Tu repenses au passé ? 


Il n'y avait que Umar pour pouvoir lire en lui, avec une précision déroutante. Leur amitié remontait au jour où des gaillards plus grands qu'eux avaient eu l'idée de les jeter tous les deux dans un puits sec, pour les intimider et les faire plier à leurs​ exigences. Ils étaient restés enfermés pendant toute une journée et le lendemain, les bonnes soeurs les avaient retrouvés, morts de faim et assoiffés. Depuis ce jour, ils étaient devenus plus que des frères et un an plus tard, avant de s'échapper de l'orphelinat Malik avait réussi à battre en duel le plus grand des gaillard qu'il avait ensuite enfermé dans le puit. Ça avait été sa première revanche et il avait juré que plus personne ne le brimerait.


Même après leur fugue, Umar et lui ne s'étaient pas perdus de vue, ils étaient parti de rien et chacun avait réussi à rejoindre le rang des jeunes millionnaires du pays. L'un avait choisie la voie du pétrole tandis que l'autre, Malik, était devenu un magnat de la finance. Il achetait, investissait, cassait et reconstruisait... Et c'est ce qu'il avait décidé de faire. Il allait acheter, puis détruire, mais cette fois il ne serait pas question de reconstruire quoi que ce soit. En ce qui concerne Fall, tout allait être différent. 


- Je pense au bon vieux temps, oui, maugréa t-il. 


- Alors quand vas-tu abréger les souffrances de cet homme ?


- Je ne serais pas étonné que tu parles au sens propre. 


Umar roula des yeux. 


- Avoue que c'est très tentant.


- Sauf que je ne souhaite pas avoir le sang d'un vieux porc sur les mains. 


- Alors ? 


Malik haussa les épaules.


- Tu sais que les tortures substiles et prolongées sont les meilleures. Mourir étouffé dans une cellule de prison par exemple. 


- Selon moi une approche distante serait la meilleure. Ce serait le piège parfait s'il ignorait d'où pleuvent les coups. Mais c'est la logique qui parle, or en l'occurrence il n'y a pas de logique en jeu. Tu as besoin de la satisfaction de regarder cette​ ordure dans les yeux quand tu lui porteras le coup de grâce. 


Umar lui avait d'abord déconseillé de revoir Fall, mais ensuite il avait compris que pour pouvoir fermer ce chapitre, pour de bon, certaines pendules devraient être remises à l'heure. Alors, seulement, tout sera fini, la soif de vengeance s'en irai en même temps que cet homme croupirait en prison. Il allait donner à Henri Fall tout ce qu'il avait toujours desiré, l'unique chose qui avait toujours compté pour lui... avant de tout lui reprendre. Et il serait aux premières loges, quand ce dernier apprendrait sa trahison et plongerait dans le désespoir. 


Posant son verre, il se leva. 


- Tu as raison. Il est temps que j'aie cette satisfaction. Fall semble convaincu que je suis l'homme de sa situation et en effet il n'imagine pas à quel point. 


- Mais... ? Puisqu'il y'a bien un "mais" ?


- Non. Le plan demeure le même.


Sensuelle Ennemie