Chapitre 1 : L'enfant du village
Ecrit par MTB
Un matin pas comme les autres, il s’est réveillé en sursaut
après que les premiers rayons de soleil l’eut frappé en plein visage. Que se
passait-il ? Avait-il dormi combien de temps ? Trop ou peu ? Car il lui
semblait s’être couché cette fois-ci plus vite que d’habitude, lui un acharné
du travail. Lui c’est Eric. Un haut cadre dans un cabinet d’expertise
comptable. La trentaine, issue d’une famille pauvre dans un village reculé de
la région centrale du pays. Aîné d’une famille de onze enfants, il se devait de
réussir pour aider ses parents qui avaient mis leurs maigres revenus des ventes
des produits agricoles dans les études de leurs enfants. Certes, cela ne
suffisait pas. Aussi étaient-ils tous obligés de se rendre aux champs les
samedis et dimanches pour aider à cultiver la terre. Comment s’était-il
retrouvé dans ce cabinet comptable était une autre histoire. Ce salut, il le
devait à cette ONG canadienne qui était passée dans la région pour faire une
sensibilisation et offrir des soins médicaux gratuits aux populations démunies.
Travailleur et se débrouillant tant bien que mal dans un
français maladroitement parlé avec précautions pour éviter des fautes d’accord,
Eric s’est vu confié la tâche d’assistant-traducteur pendant les après-midis
que duraient les consultations foraines. Pour le remercier de son dévouement,
l’ONG avait décidé de prendre en charge ses études et d’allouer une prime
mensuelle aux parents afin de subvenir aux besoins du reste de la famille. Il y
avait cependant une condition : l’aide était valable uniquement pour les sept
années d’études qui le séparaient du Baccalauréat dès qu’il obtiendrait son
certificat cette année-là. Eric ne mit pas longtemps à briller à l’examen et l’ONG
n’a pas dérogé à sa promesse.
C’est ainsi qu’il débarqua en ville pour la première fois. Quel
ne fût pas son dépaysement de voir que les gens marchaient sur des briques si
précieuses pour construire au village. Dans quel monde était-il donc ? Plus
tard, il apprendra que c’était des pavés et que la substance de base était de
toute façon le ciment. Le soir, il lui suffisait d’appuyer sur un bouton pour
que la lumière s’allume. Il se rappelle encore de ce premier jour où les autres
enfants du centre s’étaient moqués de lui. Au cours de 21ème siècle, il
ressemblait à l’homme des cavernes qui découvrait le feu. Mais très vite, il
s’adapta. Mais le plus dur était de rester concentré tant les enfants de la
ville étaient très rapide dans l’exécution des tâches et semblaient plus
intelligents que lui lors de ses premiers jours d’école dans ce collège public
situé dans un quartier périphérique de la ville ? Sa famille lui manquait déjà
après trois jours passés et personne ici ne s’exprimait dans sa langue
maternelle pour s’amuser avec lui. Il lui fallait donc faire des progrès afin
d’être au même niveau. Il ne pouvait pas se permettre d’être la honte de sa
famille pour une première fois qu’un enfant du village allait jusque dans la
capitale pour étudier alors que les autres qui obtenaient le certificat se
rendaient dans le village voisin mais ne réussissaient jamais à décrocher leur
Brevet. Il passait donc beaucoup de temps à la bibliothèque, le nez fourré dans
des livres dont il lisait les lignes sans pour autant comprendre réellement le
sens des phrases. Mais qu’importe ? Il continuait de lire. Le premier trimestre
fût dur et il s’en était sorti avec la moyenne juste. Au moins, il avait bien
travaillé, mieux que certains et était déjà fier. Au village, c’était
l’équivalent de la première place.
Le deuxième trimestre fût plus simple car les heures passées à
la bibliothèque à lire et relire les livres et manuels portaient leur fruit. Il
pouvait s’exprimer correctement et évitait maintenant de faire des fautes comme
au cours du premier trimestre. Très tôt, il devient le centre d’intérêt de ses
camarades. Qui donc est cet élève qui fonctionne au diésel ? C’est vrai qu’ils
n’avaient pas voulu s’afficher avec le villageois mais là, les choses ont bien
changé en l’espace de trois mois. Qui ferait le premier pas ? Lui aussi s’en
était bien rendu compte mais restait dans son coin. Peut-être que ses camarades
voulaient devenir amis avec lui et le distraire, qui sait ? Le troisième
trimestre fût le meilleur et il passa en classe supérieur en tant que major de
sa promotion. Quelle fierté ! Ses vacances au village furent célébrées comme si
le pays avait remporté la coupe du monde de football. Tout le monde s’’empressait
de lui demander comment la ville était et comment vivaient les gens. Il
suscitait l’admiration tant chez ses frères et sœurs que chez les filles du
village qui n’hésitaient pas à se trémousser devant lui pour qu’il puisse bien
voir leurs formes généreuses et le séduire. Après tout, quelle fille pouvait
lui résister ? Mais lui, semblait être fait de marbre et n’esquissait qu’un
léger sourire car ne comprenant pas encore à son âge ce que tout cela
signifiait. Puis le temps passa puis il se retrouvait enfin dans sa dernière
année d’étude pour l’obtention du baccalauréat. Le stress était à son comble.
Il n’avait jamais eu autant peur de sa vie. C’était la chance pour lui
d’obtenir le diplôme censé lui permettre de continuer les études universitaires
et de trouver un bon emploi afin d’aider sa famille au village. Mais son stress
n’était pas dû tant que cela à sa capacité à obtenir son diplôme mais à sa
capacité à financer ses études universitaires. Ses maigres économies réalisées
en faisant quelques petits boulots par-ci et par-là ne pouvaient même pas lui
permettre de louer une chambre.