Les rues pavées de Paris brillaient encore sous l’averse qui s’était abattue un peu plus tôt. L’air était chargé de cette odeur de pluie et de pierre mouillée, une fragrance familière qui enveloppait Jean-Philippe alors qu’il remontait la rue en direction de la galerie. Il n’avait pas l’habitude de fréquenter ce genre d’événements mondains, mais un ami collectionneur l’avait convaincu de venir. Dès qu’il franchit la porte de la galerie, un bourdonnement feutré de conversations et le tintement délicat des verres de champagne l’accueillirent. La lumière tamisée sublimait les toiles suspendues, projetant des ombres mouvantes sur les murs d’un blanc immaculé. Jean-Philippe, en bon observateur, se laissa porter par l’atmosphère, naviguant entre les œuvres avec la curiosité prudente de quelqu’un qui cherche à comprendre un langage qu’il ne maîtrise pas encore. Son regard s’arrêta sur une peinture qui tranchait avec les autres. Des touches de bleu profond et d’orange brûlé se mêlaient en une danse vibrante, formant une ville suspendue entre rêve et réalité. Il y avait dans cette toile un chaos structuré, une harmonie née du désordre, comme si chaque coup de pinceau avait été guidé par une émotion brute plutôt que par une volonté de perfection.Il resta là, immobile, absorbé.

— Vous aimez ?La voix, douce et empreinte d’un léger accent, le tira de sa contemplation.Jean-Philippe se retourna et découvrit une femme d’une élégance naturelle, ses longs cheveux bruns ondulés reposant sur ses épaules comme une cascade indomptée. Ses yeux sombres brillaient d’une intensité presque troublante, et son sourire, à la fois réservé et malicieux, semblait cacher un secret.

— C’est… intriguant, répondit-il après une courte hésitation. J’essaie d’en comprendre le message.

Elle esquissa un sourire amusé.

— Parfois, il n’y a rien à comprendre, seulement à ressentir.Jean-Philippe inclina légèrement la tête, intrigué par cette réponse. Il était un homme de logique, d’angles droits et de plans précis. L’idée de ne pas chercher à analyser, mais simplement à se laisser porter, lui semblait à la fois séduisante et déroutante.

— Vous êtes l’artiste ? demanda-t-il, bien qu’il devinait déjà la réponse.

— Oui. Mariana. Elle tendit la main, et il la serra avec une certaine retenue. Sa peau était chaude, contrastant avec la fraîcheur qui régnait encore sur ses propres doigts.

— Jean-Philippe. Architecte.

Elle haussa un sourcil, l’air intéressé.

— Alors vous êtes habitué aux lignes droites et aux structures bien définies. Peut-être que mes couleurs chaotiques vous perturbent un peu.Il sourit, amusé par cette analyse pertinente.

— Peut-être bien. Mais il y a quelque chose de captivant dans cette toile. Comme si vous aviez voulu peindre une ville suspendue entre deux mondes, hésitant entre s’effondrer et s’envoler.Mariana le regarda avec intensité, comme si elle évaluait son degré de sincérité. Puis, elle hocha lentement la tête.

— C’est exactement ça. Je l’ai peinte après un voyage à Lisbonne. Une ville pleine de contrastes, oscillant entre la mélancolie et l’exubérance, entre l’histoire et la modernité. Un peu comme moi, je suppose.

Il sentit une connexion naître, fugace mais indéniable. Il ne la connaissait pas encore, et pourtant, il devinait en elle une profondeur qui l’attirait.

— Je n’ai jamais été à Lisbonne, confessa-t-il. Mais j’ai toujours été fasciné par les villes qui portent en elles un passé aussi vivant que leur présent.

— Alors, vous devriez y aller, dit-elle en haussant légèrement les épaules. C’est le genre d’endroit qui ne laisse personne indifférent. Leur conversation fut interrompue par un groupe de personnes qui s’approchaient pour féliciter l’artiste. Mariana lui lança un dernier regard, mi-curieuse, mi-joueuse.

— J’espère que mon chaos vous fera revenir, monsieur l’architecte.Jean-Philippe la regarda s’éloigner, sentant en lui une agitation inhabituelle. Il n’était pas homme à se laisser troubler facilement, mais quelque chose lui disait que cette rencontre, aussi improbable soit-elle, marquerait un tournant dans son existence.Et pour la première fois depuis longtemps, il se demanda si ce n’était pas une bonne chose.A bientôt pour un nouveau chapitre plus captivant