Chapitre 12

Ecrit par NafissaVonTeese

Précédemment

Les jours passaient et Fama, avec du mal à se l’avouer, perdait de plus en plus espoir d’une amélioration de l’état de santé de sa mère. Isabella lui avait proposée son aide mais à un prix un peu cruel à son gout : se séparer de l’homme qu’elle aimait. Un choix s’imposait et elle était bien consciente du fait que quoi qu’elle ait décidée, elle allait perdre un être chair.

***

 

Le soleil ne s’était pas encore levé, mais la gare grouillait de personnes et de voitures qui allaient et venaient incessamment. Elle avait tiré le téléphone de la poche de son jean pour regarder l’heure. Il était 05:06.

 

Même si elle s’était mise au lit à 22h, Fama n’avait pas réussi à dormir, et elle n’était pas la seule à ne pas parvenir à trouver le sommeil. Son père avait passé la nuit dans sa chambre à lui raconter des histoires terrifiantes et saugrenues sur des personnes qui avaient quittées Saint-Louis pour vivre dans la capitale sénégalaise, pendant que sa mère arrangeait encore et encore sa valise qui était pourtant prête depuis deux jours.

Elle eut le cœur gros en quittant sa maison cette nuit là, même si elle avait toujours rêvé de ce moment.

En voyant son père encore plus nerveux que sa mère dans cette gare, Fama ne put s’empêcher de sourire. Les deux avaient fini par se rapprocher et même s’il arrivait qu’il fasse parfois preuve de quelques réticences, son père se donnait la peine de l’écouter et de prendre en compte son avis. C’était grâce à ses grands parents. Fama ne savait pas ce qu’ils avaient bien pu lui dire, mais après une longue discussion dans laquelle elle n’avait pas eu le droit d’assister, son père était tout simplement devenu plus souple, du jour au lendemain.

 

-         Vous pouvez y aller maintenant ; dit Fama à ses parents qui affichaient une mine inquiète.

 

-         Hors de question ; fit sa mère.

 

-         Le départ est prévu pour 6h. Papa je t’avais dit qu’on n’avait pas à venir aussi tôt.

 

-         On dirait que tu as hâte de te débarrasser de nous ; répondit-il. Et le proverbe dit bien : mieux vaut tôt que tard non ?!

 

-         On dit plutôt : mieux vaut tard que jamais. Je pense juste à Ma. Regarde, elle est épuisée.

 

-         Je suis plus en forme que toi Fama ; fit aussitôt sa mère. On attendra jusqu’à ce que tu partes.

 

-         Attendez alors. Je vais me chercher du café. Tu en veux papa ?

 

-         Oui.

 

-         Moi aussi ; dit sa mère.

 

Fama avait sourit avant de lancer à sa mère sur un ton ironique : « Tu ne bois jamais de café Ma. ».

   

En s’éloignant, Fama eut une sensation qu’elle n’avait jamais connue auparavant. Elle était à la fois anxieuse d’avoir à vivre loin de sa famille, et excitée à l’idée de commencer une nouvelle vie dans une autre ville. Elle s’était rapprochée de son père, sa mère avait quitté l’hôpital en pleine forme après un « miracle » comme avait précisé Hawa, et un CDI l’attendait dans une ville où aucun jour ne ressemblait au précédent. Tout allait comme il fallait. La seule tâche dans le décor, était sa rupture brutale avec Seydina.

Organiser son départ en moins de deux semaines lui avait permis de ne plus penser constamment à lui. Fama eut un pincement de cœur en repensant à leur dernière discussion. Elle lui avait exigée de sortir de sa vie en le regardant droit dans les yeux. Sa  froideur la surprît elle-même, mais il fallait qu’il cesse de la suivre et de lui demander des explications à longueur de journée.

 

« C’est fini maintenant », se rassura Fama en pressant le pas.

 

-         Vous avez du café ?

 

Fama avait posée cette question pour faire remarquer sa présence à la demi-douzaine d’hommes qui attendaient leur tour devant un kiosque occupé par un monsieur aux mouvements nonchalants. Sa  petite ruse ne lui servit à rien. Aucun d’eux n’avait pensé à la laisser passer devant ; et au rythme où allait le vendeur, elle était certaine de rester plantée là une éternité.

 

-         La patience n’est pas le point fort de certaines personnes.

 

Fama avait bien entendu la remarque, et vit même de qui elle venait, mais se décida de faire comme si de rien n’était. Le jeune homme déterminé, refusa de laisser tomber.

 

-         Par contre moi, je l’ai toujours été mais cela ne m’a pas servi à grande chose. J’ai alors décidé de changer. Désormais je prends mon destin en main. Qu’est-ce que tu en penses Fama ?

 

-         Seydina… ; eut-elle juste le temps de dire, avant que celui-ci ne l’interrompe en posant délicatement ses doigts sur sa bouge.

Comme à chaque contact de sa peau sur la sienne, Fama ressentit des frissons lui parcourir tout le corps en une fraction de seconde. Elle ne comprenait pas comment est-ce qu’il arrivait à lui faire ressentir cela. « De l’amour », elle s’était dite plusieurs fois au cours des derniers mois, mais à chaque fois, elle faisait tout pour chasser très vite cette idée de sa tête. Cette fois encore, la petite voix dans sa tête lui dit qu’elle était folle amoureuse de cet homme en face d’elle, mais elle lui ordonna aussitôt de se taire. Elle avait préparé une phrase pour se genre de situation, mais elle ne parvint pas à s’en souvenir. Seydina, son regard gris intense, la chaleur de ses doigts contre ses lèvres, tout la troublait au plus profond d’elle, qu’elle espéra disparaitre de la surface de la terre avant qu’il ne remarque l’effet qu’il avait toujours sur elle.

 

-         Je sais très bien ce que tu vas me dire. J’ai assez entendu la chanson pour la connaitre par cœur.

 

-         Qu’est-ce que tu veux alors ?

 

-         Toi ; dit Seydina d’une certitude déconcertante.

 

Fama reçut cette affirmation comme un coup en plein cœur. Tous ceux qui étaient près d’eux leur prêtaient toute leur attention et cela gêna encore plus la jeune femme. Il fallait qu’elle réagisse, qu’elle reprenne le dessus sur ses sentiments, sur Seydina, avant qu’elle n’entende quelque chose qui allait la pousser à ne pas prendre son bus. Isabella avait été claire avec elle. La vie de sa mère dépendait uniquement de sa volonté à se tenir loin de son fils. Elle n’y croyait aucunement au début, mais en voyant se mère sortir du coma comme l’avait prédite Isabella, sans que personne ne puisse expliquer comment, elle comprit qu’il valait mieux qu’elle ne prenne pas le risque de vérifier les propos de la vieille folle, en mettant la vie de sa mère en danger.

 

Changer de sujet, faire diversion et vite, voilà ce qui pouvait marcher mieux que lui répéter qu’elle ne voulait plus de lui dans sa vie.

 

-         C’est ma mère qui t’a dit que je partais aujourd’hui ?

 

-         Non, ton père. Il pense qu’il serait mieux qu’on se parle avant que tu ne partes.

 

-         Mon père a dit ça ?

 

-         Ça et encore beaucoup de choses… Il a raison. Il va falloir qu’on parle.

 

-         Je n’ai plus rien à te dire Seydina alors s’il te plait, vas-t-en.

 

-         Moi si, et ne t’en fais pas, je ne vais pas être long ; dit-il avant de détacher la chaîne qui ne quittait jamais son cou, et qui supportait un pendentif sur lequel il y avait gravé des signes dont il n’avait jamais connu la signification.

 

Seydina s’était rapproché de Fama jusqu’à coller son corps au sien. Il lui passa le pendentif au coup, le cœur battant si fort que Fama parvenait à l’entendre. Sans aucune hésitation dans la voix, il lui dit les yeux dans les yeux :

 

-         Je n’ai pas de bague mais cette chaîne fera l’affaire.

 

Ce fut comme si l’oxygène qui planait autour d’eux avait subitement quitté la terre. Fama ne parvenait plus à respire. Elle était entrain étouffer.

 

-         Qu’est-ce que tu fais ? ; arriva-t-elle à prononcer avec toutes les peines du monde.

 

-         Épouse-moi Fama.

Nafissa Von Teese

Du bout des lèvres