Chapitre 11
Ecrit par NafissaVonTeese
Précédemment
Fama
avait quitté l’hôpital, certaine qu’il ne restait plus que des formalités pour
que sa mère rentre à la maison. Cependant, Isabella qui l’avait suivie jusqu’à
chez elle, était convaincue du contraire. Elle lui avait assurée que si elle
restait avec son fils, l’état de sa mère allait se dégrader. Fama n’en crut
aucun mot et mit ses propos sur le compte de la folie.
Elle
avait tout avoué à Seydina, mais il n’y attacha aucune importance. Quelques
minutes plus tard, sa grand-mère l’avait appelée pour confirmer les dires de
Isabella. Sa mère était dans le coma.
***
Elle
avait cessé de compter les heures après s’être réveillée en sursaut au bon
milieu de sa deuxième nuit à l’hôpital. Cela faisait quatre jours que Fama
rodait dans les lieux, attendant que Hawa lui donne une bonne nouvelle sur
l’état de sa mère. Son père lui, avait perdu tout espoir avant de finir par se
terrer dans le silence. Il ne faisait même plus attention à la présence de
Seydina qui passait plusieurs fois par jour à l’hôpital pour prendre des
nouvelles.
A
peine les yeux ouverts, Fama s’était tournée vers son père. Comme elle s’y
attendait, il ne bougeait pas de sa chaise et avait le regard vide. Elle se
sentit affreusement coupable d’être capable de trouver le sommeil dans un tel
comment alors que lui, visiblement, restait en alerte. Fama avait toujours
connu son père impassible, parfois même insensible. Le voir complètement perdu
lui fendait le cœur.
A
force d’attendre, Fama commençait à étouffer dans cet endroit, quand elle
décida de sortir faire un tour.
Tout
était étonnement calme. Elle ne se souvenait plus de la dernière fois qu’elle
avait vu le rue Cormier comme ça, sans vie. Peut-être jamais. Elle eut aussitôt
l’impression d’être seule au monde.
Fama
se rappela quand elle était petite, après avoir fait une bêtise, elle allait se
cacher dans le petit espace séparant son lit du placard à vêtements de sa
chambre. Elle fermait alors les yeux, espérant qu’en les rouvrant, son père
allait tout oublier et passer à autre chose. Cela n’avait jamais marché mais
elle était toujours rassurée de savoir que sa mère n’était jamais loin et
toujours prêtre à prendre sa défense avec sa phrase emblématique qui lui
faisait souvent échapper aux punissions : « Ce n’est qu’un enfant. A son âge je faisais pire. »
« Pourquoi nous ? », se
demanda-t-elle en fermant les yeux.
-
Pourquoi pas vous ; dit une
voix qu’elle reconnaitrait parmi mille.
-
Isabella !
-
Surprise !
-
Epargne-moi s’il te plait ton
humour; fit amèrement Fama.
-
Si tu le demandes si gentiment… Alors
comme ça tu es maintenant disposée à discuter.
-
De quoi est-ce que tu parles ?
-
Mon petit doigt m’a dit que tu avais quelque chose à me dire, et je lui fais
entièrement confiance. Sinon, je ne me serais pas donnée la peine de faire 4
heures de route pour rien. Il n’est pas sûr que j’ais la patience de te laisser
cracher ton venin toute la nuit, alors je te conseille d’aller droit au but.
Cela
faisait deux jours que Fama n’arrêtait pas de passer en boucles les propos de
Isabella dans sa tête, et à chaque fois, elle finissait par se convaincre que
c’était de la folie. Une seule fois, quelques heures plus tôt, elle s’était
dite : « et si c’était vrai… »,
quand Hawa lui avait fait la faveur de la laisser voir sa mère. Elle n’avait pu
rester avec elle qu’une dizaine de minutes car c’était contre le règlement de
l’établissement, mais ce fut les plus longues de sa vie. Elle donnait l’impression
d’être juste entrain de dormir, qu’elle allait finir par se réveiller et tout
allait redevenir comme avant.
Quand
Hawa la supplia de sortir, Fama se dit que c’était peut-être la dernière fois
qu’elle voyait sa mère, et cette pensée lui glaça le sang.
Même
si elle était certaine que Isabella racontait des histoires juste pour
l’éloigner de son fils, mais au point où elle était, elle se dit qu’elle
pouvait étudier sérieusement l’éventualité qu’elle puisse tirer sa mère de là.
-
C’est avec moi que tu as un problème
Isabella. Pourquoi t’en prendre à elle ?
-
Attends un peu petite. Il ne faut
pas tout confondre. Je n’ai rien à voir avec ce qui arrive à ta mère. C’est
simplement une chose qui devait arriver. Prends cela comme un mauvais coup du
destin si tu veux.
-
Je suis censée te croire ?
-
C’est à toi de voir. Tu peux
quand-même demander à son père. Il ne me porte pas dans son cœur, ou du moins,
plus maintenant, mais il pourra te confirmer que je n’ai rien à voir avec cette
histoire. Encore mieux, il savait même à l’avance ce qui allait arriver à sa
pauvre petite femme.
-
Tu ne vas pas aussi mêler mon père à
tes délites.
-
Je peux t’assurer qu’il en sait
beaucoup plus qu’il ne veuille en dire, mais cela ne m’intéresse pas. Je veux
juste savoir une chose. Tu veux mon aide oui ou non ?
-
Supposons que tu puisses faire
quelque chose pour elle ; comment est-ce que tu comptes t’y prendre ?
-
Ça c’est mon problème.
-
Qu’est-ce qui me prouve que tout
cela n’est rien de plus qu’une ruse pour garder Seydina rien que pour toi ?
-
Rien. C’est un risque à prendre.
Fama
avait tourné le dos à Isabelle pour réfléchir. Sa mère respirait grâce à un
appareil depuis quatre jours et personne ne savait combien de temps elle allait
bien pourvoir tenir ainsi. C’était totalement insensée l’aide que Isabella lui
proposait, mais elle pensait sérieusement à l’accepter, même si cela voulait
dire qu’elle allait devoir tirer un trait sur Seydina.
-
Allez ! Un peu de courage ;
reprit Isabella. Je sais très bien ce que tu as décidé, je veux juste avoir le
plaisir de l’entendre de ta bouche.
-
Pourquoi est-ce que tu fais ça à ton
fils. Tu ne veux pas son bonheur ?
-
Son bonheur n’est pas avec toi.
-
Tu n’en sais rien.
-
N’en sois pas si sûre ; affirma Isabella. On a assez perdu de temps
maintenant. Ta mère ou mon fils ?
« Ta mère ou mon fils ? » Fama
venait de réaliser ce que Isabella lui demandait, faire un choix.
Ce
qu’elle ressentit la surprit. Jamais de sa vie elle n’aurait imaginé devoir
faire un tel choix, et encore moins hésiter. Sa mère était sa mère mais même si
elle faisait tout pour le cacher, elle aimait Seydina plus que de raison.
Fama
était consciente du fait qu’un jour ses parents, Seydina lui-même et encore
beaucoup de personnes auxquelles elle tenait, allaient la quitter. C’était la
raison pour laquelle elle priait tous les jours que ces moments n’arrivent
jamais.
Elle
avait respiré un grand coup avant de demander à Isabella d’un ton détaché :
-
On va tous finir par mourir un jour
non ?
-
Sans doute… ; fit Isabella
après courte réflexion.
-
Ravie que tu en sois consciente. Je
te laisse maintenant. J’ai quelqu’un à dire au revoir.