Chapitre 12

Ecrit par Verdo


Ce matin-là, je venais de terminer de ranger quelques affaires dans ma maison à Lomé lorsque j’entendis un coup léger au portail. Intrigué, je m’approchai et ouvris. Akpedze se tenait là, visiblement nerveuse. Son visage, d’habitude si éclatant, était marqué par des traits de fatigue et d’inquiétude.


<<Thierry, je peux entrer ?>> demanda-t-elle d’une voix basse.


Je fus surpris. Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu de ses nouvelles. Malgré tout, je m’écartai pour la laisser passer.


<<Bien sûr, entre.>>


Elle pénétra dans la maison avec une lenteur calculée, jetant des regards autour d’elle, comme si elle cherchait quelque chose. Je l’invitai à s’asseoir dans le salon, et elle accepta avec un petit soupir.


<<Ça fait longtemps, Akpedze. Que me vaut cette visite ?>> demandai-je en m’asseyant en face d’elle.


Elle hésita un instant, triturant les plis de sa robe.


<< Je… je ne savais pas à qui en parler, alors je suis venue te voir,>> murmura-t-elle.


Je fronçai les sourcils, intrigué.

<<Qu’est-ce qui se passe ?>>


Elle releva les yeux vers moi, et je vis des larmes briller au bord de ses paupières.


<< C’est Sébastien…>> dit-elle finalement. Je suis au courant de tout.


Mon cœur rata un battement. Je savais que Sébastien menait une double vie en Italie, mais je ne m’attendais pas à ce qu’Akpedze découvre la vérité si tôt.


<<De tout ?>> répétai-je, feignant l’ignorance.


Elle hocha la tête.


<<Oui, Thierry. Je sais qu’il a une femme blanche là-bas. Et un enfant.>>


Son ton était calme, mais je pouvais sentir la douleur derrière ses paroles.


<<Comment l’as-tu appris ?>> demandai-je, bien que je devinasse déjà la réponse.


<<Sa famille m’a tout dit,>> répondit-elle, les yeux baissés. Ils m’ont parlé de cette femme, de l’enfant qu’ils ont eu ensemble. Au début, je ne voulais pas y croire. J’ai même pensé qu’ils inventaient des histoires pour me blesser. Mais quand j’ai appelé Sébastien pour lui demander directement…


Elle s’interrompit, étouffant un sanglot.


<< Qu’a-t-il dit ?>>


<< Il n’a rien nié, murmura-t-elle. Il m’a juste dit qu’il me parlerait de tout cela à son retour au pays.>>


Je poussai un long soupir, secouant légèrement la tête. Sébastien et ses secrets… Cela ne finirait donc jamais.


<<Thierry, je suis venue parce que je ne sais plus quoi faire. Je l’aime toujours, tu sais ? Malgré tout. Je veux sauver mon mariage, mais je ne sais pas comment m’y prendre.>>


Ses mots me prirent de court. Elle était assise là, vulnérable, cherchant désespérément une solution à un problème que seul Sébastien pouvait résoudre.


<< Et tu penses que je peux t’aider ?>> demandai-je doucement.


<<Oui, répondit-elle sans hésiter. Tu es son ami, Thierry. Peut-être qu’il t’écoutera si tu lui parles. Peut-être que tu pourras le convaincre de revenir à la raison.>> 


Je restai silencieux un moment, réfléchissant à ses paroles. Ce n’était pas la première fois que je me retrouvais pris au milieu des problèmes de Sébastien, mais cette situation était différente. Il avait un enfant avec cette femme. C’était une nouvelle vie qu’il semblait avoir choisie.


<<Akpedze, tu sais que je ferai de mon mieux pour t’aider, mais je ne peux rien te promettre, répondis-je finalement. Sébastien est un homme adulte. S’il a pris cette décision, c’est à lui d’en assumer les conséquences.>>


Elle hocha la tête, bien que son expression trahît sa déception.


<<Merci, Thierry. Merci d’essayer, dit-elle en se levant.>>


Je l’accompagnai jusqu’à la porte, et alors qu’elle s’apprêtait à partir, elle se tourna vers moi.


<<S’il te plaît, ne le juge pas trop durement. Je sais qu’il a fait des erreurs, mais il reste l’homme que j’ai épousé.>>


Je la regardai s’éloigner, un poids lourd sur la poitrine. Ce n’était pas la première fois que les choix de Sébastien me mettaient dans une situation délicate, mais cette fois-ci, je sentais que les choses allaient être bien plus compliquées.



Après le départ d’Akpedze, je m’assis longuement dans mon fauteuil, perdu dans mes pensées. Cette situation entre Sébastien et elle était un véritable casse-tête. Pourquoi venait-elle à moi ? Pourquoi me demander de résoudre un problème dont la source était si loin de mes compétences ? Je savais que Sébastien était un homme complexe, mais cela n’excusait pas tout.


***************************************************


Le soir, Cynthia me trouva pensif. Elle s’assit à mes côtés, un regard interrogateur sur son visage.


<<Tu es silencieux ce soir. Qu’est-ce qui te tracasse ? demanda-t-elle doucement.>>


Je lui expliquai brièvement la visite d’Akpedze et sa demande. Elle hocha la tête, absorbant chaque détail.


<<Elle veut que tu sauves son mariage ? murmura-t-elle, presque incrédule.>>


<<Oui. Et franchement, je ne sais pas par où commencer. Sébastien a déjà choisi une autre vie.>>


Elle réfléchit un moment avant de répondre.


<<Peut-être que ce n’est pas à toi de porter ce fardeau, Thierry. Mais si tu décides d’intervenir, fais-le avec honnêteté. Parle à Sébastien, mais ne te mêle pas trop de leur histoire.>>


Ses paroles me touchèrent. Cynthia avait une façon de m’apaiser, de rendre les choses plus claires. Je décidai de suivre son conseil et de parler à Sébastien, mais sans m’impliquer émotionnellement.



Le lendemain, je pris mon téléphone et composai le numéro de Sébastien. Il répondit après quelques sonneries, sa voix détendue trahissant sa bonne humeur.


<<Thierry ! Ça fait un bail, mon frère ! Comment tu vas ?>>


<< Sébastien, on doit parler, dis-je d’un ton sérieux.>>


Il se tut un instant, sentant que ce n’était pas une conversation ordinaire.


<< Je t’écoute.>>


Je pris une grande inspiration avant de poursuivre.


<<Akpedze est venue me voir. Elle sait tout, Sébastien. Ta relation avec la blanche, l’enfant… tout.>>


Un silence pesant s’installa de l’autre côté de la ligne. Finalement, il soupira.


<< Je m’y attendais.>>


<<Elle m’a demandé de t’en parler, de l’aider à sauver votre mariage. Mais, Sébastien, je dois être franc avec toi : que veux-tu vraiment ?>>


Il hésita avant de répondre.


<< Thierry, je suis dans une situation compliquée. La blanche ne sait pas que je suis marié au Togo. Elle me met la pression pour que nous venions voir mes parents. Et maintenant, avec l’enfant… Je suis coincé.>>


Je secouai la tête, bien qu’il ne puisse pas me voir.


<<Tu te rends compte que tu as mis deux femmes dans des situations impossibles ? Akpedze t’aime encore, mais combien de temps tiendra-t-elle avant de tourner la page ?>>


<<Je sais, murmura-t-il. Mais je ne peux pas abandonner mon fils ici non plus. Ce qu'Akpedze n'a pas pu me donner.>>


<< Alors, sois honnête, Sébastien. Tu ne peux pas continuer à mentir à tout le monde. Prends une décision, une bonne fois pour toutes.>>


Il promit d’y réfléchir, mais je savais que ce n’était pas gagné. Sébastien avait toujours eu du mal à affronter les conséquences de ses actes.



Je me souviens encore de cette conversation avec Cynthia, un soir où le soleil se couchait lentement, teintant le ciel d’une couleur orangée presque irréelle. Nous étions assis sur le balcon de mon appartement, un verre de vin à la main. L’ambiance était paisible, et pourtant, je sentais qu’elle avait quelque chose de sérieux à me dire.


« Thierry, écoute-moi bien, » commença-t-elle en posant son verre sur la table basse. « Je tiens à toi, mais je pense qu’il est important qu’on prenne le temps. Tu es encore en train de te reconstruire, et je veux que tu sois en paix avec toi-même avant qu’on ne se lance dans quelque chose de plus sérieux. »


Ses paroles m’avaient touché. Elle avait raison. Mon passé pesait lourd sur mes épaules, et bien que j’aie tenté de tourner la page, il y avait encore des blessures invisibles, des doutes qui me hantaient parfois.


« Tu sais, Cynthia, je t’apprécie énormément. Et même si je ne suis pas encore guéri, je veux que tu saches que je suis prêt à faire des efforts. »


Elle me sourit doucement, ce sourire qui avait le pouvoir d’illuminer même mes journées les plus sombres. « Je le sais, Thierry. Et c’est pour ça que je suis là. Mais pour l’instant, je veux qu’on avance à ton rythme. »



Quelques semaines plus tard, elle organisa une soirée d’anniversaire qui dépassait tout ce que j’aurais pu imaginer. Je n’étais pas habitué à ce genre d’attention. La journée avait été banale, jusqu’à ce que j’arrive chez elle ce soir-là. La porte s’ouvrit sur un décor féérique : des bougies illuminaient la pièce, une douce musique jouait en fond, et l’odeur d’un délicieux repas flottait dans l’air.


« Joyeux anniversaire, Thierry, » dit-elle en m’accueillant avec un baiser.


Je fus submergé par l’émotion. Elle avait pensé à tout, des détails les plus infimes aux grandes surprises. Après le dîner, elle me tendit un petit paquet. À l’intérieur se trouvait une montre gravée avec ces mots : « Pour chaque instant où tu avances. »


Ce fut une soirée magique, marquée par des rires, des discussions profondes et des instants de pure tendresse. Plus tard, cette nuit-là, nos corps se rapprochèrent comme jamais auparavant. Ce fut un moment d’une intensité que je ne saurais décrire avec des mots.



Le week-end suivant, elle me proposa de dîner dans un restaurant chic à Lomé. Je n’avais aucune idée de ce qu’elle préparait, mais comme toujours, je lui faisais confiance.


Lorsque nous arrivâmes, je remarquai qu’elle semblait nerveuse, un peu plus réservée que d’habitude. Au dessert, elle posa sa main sur la mienne et plongea son regard dans le mien.


« Thierry, je dois te dire quelque chose d’important. »


Mon cœur battait la chamade. « Quoi donc ? »


Elle sourit, cette fois avec une pointe d’émotion qui fit briller ses yeux. « Je suis enceinte. »


Les mots résonnèrent dans ma tête comme une douce mélodie. Je restai sans voix pendant un instant, cherchant à comprendre si je rêvais ou si tout cela était réel.


« Enceinte ? » répétai-je bêtement, comme si je voulais m’assurer de ne pas avoir mal entendu.


Elle hocha la tête. « Oui, Thierry. Tu vas être papa. »


Un mélange d’émotions m’envahit : la joie, la surprise, et même une pointe d’appréhension. Mais au fond, je savais que cet enfant serait le symbole de notre amour, de cette connexion unique qui nous unissait.



********************************************************


La journée avait été longue. Je rêvais déjà de me poser dans mon canapé et de laisser les tracas de la journée derrière moi. Cependant, ce soir-là, en franchissant le seuil de mon appartement à la cité, je tombai nez à nez avec Yawavi.


Elle se tenait là, droite comme un i, les bras croisés, son regard dur me fixant. Je fus pris de court. Ce n’était pas une visite prévue, et encore moins une que j’aurais souhaitée.


« Yawavi ? Qu’est-ce que tu fais ici ? » demandai-je, encore sous le choc de sa présence.


Elle sourit, mais ce n’était pas un sourire chaleureux. Non, c’était un sourire chargé de quelque chose que je n’arrivais pas tout à fait à cerner : de la colère, de la jalousie peut-être.


« J’avais besoin de te parler, Thierry. C’est important. »


Je fis un pas en arrière, essayant de garder mes distances. « À cette heure-ci ? Tu ne crois pas que ça aurait pu attendre demain ? »


Elle secoua la tête, son sourire s’effaçant pour laisser place à une expression plus sombre. « Non. Ça ne peut pas attendre. »


Je la laissai entrer à contrecœur. Elle pénétra dans mon appartement avec une assurance déconcertante, comme si elle connaissait déjà les lieux.



« Écoute, Thierry, je vais aller droit au but, » commença-t-elle, s’asseyant sur le bord de mon canapé. « Je sais pour toi et Cynthia. »


Ces mots me firent l’effet d’une gifle. Je tentai de garder mon calme, mais je sentais déjà mon cœur battre plus vite.


« Je ne vois pas de quoi tu parles, » répondis-je, sur la défensive.


Elle éclata de rire, un rire sans joie. « Ne joue pas à ce jeu avec moi. Je sais tout. Et je vais te dire une chose : cette relation, elle n’ira nulle part. Je vais m’assurer que ça n’arrive pas. »


Je la fixai, abasourdi. « Pourquoi est-ce que tu fais ça, Yawavi ? »


Elle se pencha légèrement en avant, ses yeux brûlant de quelque chose que je n’avais jamais vu chez elle auparavant. « Parce que je t’aime, Thierry. Je suis tombée amoureuse de toi dès le premier jour où je t’ai vu. C’est pour ça que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour éloigner ma sœur Sena de toi. Et maintenant, c’est Cynthia. »


Ses mots me laissèrent sans voix. Tout prenait un sens, les regards, les comportements étranges de Yawavi, et même les tensions avec Sena.


« Tu es sérieuse ? » réussis-je enfin à dire.


Elle hocha la tête. « Très sérieuse. Et laisse-moi te prévenir : si tu persistes dans ta relation avec Cynthia, je ferai tout pour vous détruire tous les deux. »


Mon sang se glaça. « Tu me menaces, là ? »


Elle se redressa, les bras croisés. « Appelle ça comme tu veux. Mais personne ne t’aura, Thierry. Pas ma sœur, pas Cynthia, personne. »


<<Si je me souviens, tu es mariée et tu as même des triplés ! Pourquoi toujours cette fixation sur moi?>>


<<Mon mariage est arrangé. C'est pour clouer le bec à ma famille qui me harcèle tout le temps. >>


Je pris une profonde inspiration, tentant de rassembler mes pensées. « Est-ce que Sena sait ce que tu fais ? »


Elle haussa les épaules, un sourire narquois sur les lèvres. « Ça m’est égal.>>


Je restai silencieux, incapable de trouver les mots. Finalement, elle se leva et se dirigea vers la porte. Avant de partir, elle se retourna pour me lancer un dernier regard. « Souviens-toi de ce que je t’ai dit, Thierry. Personne ne t’aura. J'ai beaucoup de relations dans cette entreprise. Si tu t'obstines, tu auras des problèmes.»



Le lendemain, je me rendis au travail avec une boule au ventre. Je savais que cette situation avec Yawavi n’allait pas s’arrêter là, mais je ne m’attendais pas à ce qui allait suivre.


Vers midi, je fus convoqué par les ressources humaines. L’atmosphère était tendue dès que je pénétrai dans le bureau. Deux responsables m’attendaient, assis derrière un large bureau.


« Thierry, asseyez-vous, » dit l’un d’eux, d’un ton formel.


Je m’exécutai, essayant de rester calme malgré l’anxiété qui montait en moi.


« Nous avons été informés que vous entretenez une relation avec votre collègue Cynthia, » commença-t-il.


Mon cœur s’arrêta un instant. Je savais que quelque chose comme ça arriverait, mais je ne pensais pas que ce serait aussi rapide.


« Et alors ? » répondis-je prudemment.


Le deuxième responsable intervint. « Thierry, vous savez que c’est strictement interdit par la politique de l’entreprise. Les relations amoureuses entre collègues sont formellement proscrites. »


Je restai silencieux, incapable de répondre.


« Nous avons des preuves, Thierry. Nous avons reçu des informations qui nous confirment cette relation. Et si cela s’avère exact, des sanctions pourraient être prises, allant jusqu’au licenciement. »


Mon esprit tournait à plein régime. Je savais que Yawavi était derrière tout ça. C’était elle qui avait parlé.


« Avec tout le respect que je vous dois, je ne vois pas en quoi ma vie privée regarde l’entreprise, » dis-je finalement, tentant de défendre ma position.


« Ce n’est pas une question de vie privée, Thierry. C’est une question de règles. Vous devez choisir entre votre poste ici et votre relation avec Cynthia. »


Ces mots résonnèrent dans ma tête comme une condamnation.


Lorsque je sortis du bureau, je me sentis étouffé. Tout ce que j’avais construit ici semblait être sur le point de s’effondrer. Cynthia et moi allions devoir faire face à une tempête que je n’avais pas prévue.


Dans la soirée, je lui racontai tout ce qui s’était passé. Elle était bouleversée, mais pas surprise.


« C’est Yawavi, » murmura-t-elle.


Je hochai la tête. « Elle fera tout pour nous séparer. »


Cynthia me regarda droit dans les yeux. « Alors, on ne la laissera pas faire. »


Son assurance me donna une lueur d’espoir. Mais au fond de moi, je savais que le combat ne faisait que commencer.


À suivre…


Écrit par Koffi Olivier HONSOU. 


blogdeverdo.wordpress.com


Muswada : Verdo 


WhatsApp : 00228 90509882


Amazon Kindle : Koffi Olivier HONSOU. 


Copyright : 11 mars 2025


Tous droits réservés 




Pour le pire