Chapitre 13

Ecrit par Verdo


Je n’avais jamais imaginé qu’aimer quelqu’un pourrait me conduire dans une telle impasse. Quand Cynthia et moi fûmes convoqués de nouveau au bureau des ressources humaines, je savais que les choses allaient s’aggraver. Cette fois, nous étions reçus en présence du directeur des ressources humaines et du directeur général. Leur regard sérieux, presque accusateur, pesait lourd dans la pièce.


« Thierry, Cynthia, » commença le DRH en croisant les mains sur la table, « nous avons pris une décision concernant votre situation. Vous savez que l’entreprise ne tolère pas les relations amoureuses entre collègues. Nous vous donnons un ultimatum : soit l’un de vous deux démissionne, soit nous mettons fin à vos contrats à tous les deux. »


Je sentis un frisson glacial parcourir mon échine. C’était bien pire que tout ce que j’avais imaginé. Ils nous laissèrent une semaine pour réfléchir, mais je savais que ce délai n’adoucissait en rien leur décision.


Cynthia et moi sortîmes du bureau sans un mot. Une fois dans le couloir, elle prit ma main et me regarda. Je pouvais voir la tristesse dans ses yeux, mais aussi une détermination que je ne pouvais ignorer.



Ce soir-là, nous nous retrouvâmes chez moi pour discuter de ce que nous devions faire. L’atmosphère était lourde, presque étouffante.


« Thierry, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » demanda-t-elle en s’asseyant sur le canapé.


Je pris une profonde inspiration. « Écoute, Cynthia, je pense que je devrais démissionner. Tu as encore toute ta carrière devant toi, et moi… »


Elle m’interrompit avant que je ne puisse finir ma phrase. « Arrête. C’est hors de question, Thierry. Tu as trop de responsabilités. Tes enfants, ton logement, tes factures… Tu ne peux pas te permettre de perdre cet emploi. »


Je baissai les yeux. Elle avait raison sur ce point, mais je ne pouvais pas accepter de la voir sacrifier son travail pour moi.


« Et toi, Cynthia ? Tu es jeune, tu es brillante. Tu peux encore gravir les échelons ici. »


Elle secoua la tête, un sourire triste sur les lèvres. « Peut-être, mais je n’ai pas les mêmes contraintes que toi. Je n’ai pas d’enfants, pas de famille à charge. Si quelqu’un doit partir, ce sera moi. »


Je la regardai, partagé entre l’admiration que je ressentais pour elle et la culpabilité de la laisser porter ce fardeau.


« Dans ce cas… peut-être qu’on devrait arrêter, » dis-je à contrecœur. Ces mots me déchirèrent, mais je pensais que c’était peut-être la solution la moins douloureuse pour elle.


Elle me fixa, les yeux remplis de colère et de tristesse. « Arrêter ? Laisser Yawavi gagner ? Non, Thierry. Je refuse. Elle ne mérite pas cette victoire, et je ne suis pas prête à te perdre. »


Son refus m’ébranla. Cynthia était plus déterminée que jamais, mais moi, je voyais la tempête se former autour de nous.



Quelques jours plus tard, elle m’apprit qu’elle avait contacté un ami qui travaillait chez CIMCO, un concurrent de Scantogo et de Cimtogo.


« Je lui ai parlé de ma situation et nous avions discuté d'une possibilité d’embauche, » m’expliqua-t-elle. « Il m’a dit qu’il reviendra vers moi. »


Je voyais bien qu’elle essayait de trouver une solution pour alléger le poids de cette décision, mais l’incertitude rendait l’attente insupportable.


« Et si ça ne marche pas ? » demandai-je, presque à voix basse.


Elle haussa les épaules, mais je pouvais voir qu’elle se battait pour garder son calme. « On trouvera une autre solution, Thierry. Ce que je sais, c’est que je ne laisserai pas cette situation détruire ce qu’on a construit. »


Je restai silencieux, incapable de lui répondre. L’ultimatum planait toujours au-dessus de nous, et le temps filait.



Chaque jour qui passait, je sentais le poids des regards au bureau, les murmures des collègues qui semblaient tous être au courant de notre situation. Mais malgré tout, Cynthia restait forte. Elle me donnait l’impression que, quoi qu’il arrive, nous surmonterions cette épreuve ensemble.


Mais au fond de moi, une question restait : que nous réservait l’avenir ?



La semaine s’écoula plus vite que je ne l’aurais imaginé, et malgré toutes nos démarches, nous n’avions pas encore reçu de réponse positive de CIM METAL GROUP. Je tentais de garder espoir, mais au fond de moi, l’inquiétude ne cessait de croître.


Ce matin-là, à mon arrivée au bureau, les ressources humaines m’appelèrent immédiatement. Je fus surpris, pensant qu’il s’agissait d’une autre confrontation liée à notre situation. Mais rien ne pouvait me préparer à ce qu’ils allaient m’annoncer.


« Thierry, nous avons reçu la lettre de démission de Cynthia ce matin. Elle a décidé de quitter l’entreprise. »


Mon cœur rata un battement. Cynthia avait démissionné ? Sans même m’en parler ? Je sentis une vague d’émotions déferler sur moi : tristesse, colère, incompréhension. Pourquoi avait-elle pris une décision aussi radicale sans m’en avertir ?


Je n’attendis pas une seconde de plus et me précipitai vers son bureau. Quand j’y entrai, elle était là, silencieuse, en train de remballer ses affaires dans un carton. Son visage était calme, mais je pouvais voir dans ses yeux qu’elle portait le poids de cette décision.


« Cynthia, pourquoi ? Pourquoi tu ne m’as rien dit ? » lançai-je, ma voix trahissant ma douleur.


Elle posa lentement une pile de dossiers dans son carton et me regarda. « Thierry, je devais le faire. Pour toi. »


« Pour moi ? Mais… » Je secouai la tête, incapable de comprendre.


Elle s’approcha de moi et posa une main sur mon bras. « Écoute-moi. Je ne regrette rien. J’ai fait ça parce que je t’aime. Parce que je sais à quel point ton travail est important pour toi, pour tes enfants. Je ne pouvais pas supporter l’idée que tu perdes tout ça à cause de nous. »


Je la fixai, partagé entre l’admiration et la douleur. « Mais… tu n’avais pas à te sacrifier comme ça. On aurait pu trouver une autre solution. »


Elle sourit faiblement. « Thierry, notre amour est plus fort que tout. Je savais que quelqu’un devait partir, et je préférais que ce soit moi. »


Ses mots me frappèrent en plein cœur. Cynthia avait tout abandonné pour que je puisse garder ma place. Mais elle devait également quitter la cité, car sans son emploi, elle ne pouvait plus y rester.


« Tu n’as pas d’endroit où aller ? » demandai-je doucement.


Elle secoua la tête. « Non. Je vais chercher quelque chose à Lomé, mais pour l’instant… »


Avant qu’elle ne puisse terminer sa phrase, je lui proposai sans hésiter : « Viens chez moi. Reste le temps qu’il faudra. On trouvera une solution ensemble. »


Elle hésita un instant, mais finit par accepter. Je savais qu’elle aurait fait la même chose pour moi si les rôles avaient été inversés.


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Dans l’après-midi, Cynthia m'appela en panique. « Thierry… c’est… il y a du sang… beaucoup de sang, » sanglota-t-elle au téléphone. Mon cœur s’arrêta. Sans perdre une seconde, je quittai mon bureau et me précipitai à la cité. Je la trouvai recroquevillée sur le canapé, des larmes roulant sur ses joues. Sans attendre, je l’emmenai à la clinique. Les minutes dans la salle d’attente furent interminables. Quand le médecin sortit enfin, son expression grave confirma mes pires craintes : « Je suis désolé, Monsieur Thierry, mais madame Cynthia a fait une fausse couche. Nous avons fait de notre mieux, mais le fœtus n’a pas survécu. »


De retour à la maison, un silence pesant régnait. Cynthia était dévastée. Elle restait assise sur le lit, fixant le vide. Je m'approchai doucement, posant une main sur son épaule. « Ce n’est pas ta faute, Cynthia, » murmurai-je, retenant mes propres larmes. Mais elle secoua la tête, refusant mes mots. « Je n’ai pas pu protéger notre bébé, Thierry. Je suis une mauvaise mère… » Je la pris dans mes bras, la serrant fort contre moi. Nous pleurâmes ensemble ce que nous venions de perdre, partageant cette douleur immense, mais promettant de nous relever, un jour à la fois.


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Je décidai d’agir. Je savais que nous avions besoin d’aide, alors je pris mon courage à deux mains et allai voir Monsieur Gervais que je considérais presque comme un mentor.


Je lui racontai tout, depuis le début : ma relation avec Cynthia, les menaces de Yawavi, l’ultimatum de l’entreprise, et enfin le sacrifice de Cynthia. Monsieur Gervais m’écouta attentivement, son regard sérieux mais compatissant.


« Thierry, tu aurais dû venir me voir plus tôt, » dit-il après un moment de réflexion.


« Je sais, mais je ne voulais pas t’impliquer dans mes problèmes… »


Il leva une main pour me couper. « Assez. Maintenant, on va essayer de régler ça. »


Il prit son téléphone et composa un numéro. « Je vais appeler le directeur de Togo Terminal. C’est un ami de longue date. On va voir s’il peut aider Cynthia. »


Je restai assis là, le cœur battant, tandis que Monsieur Gervais parlait au téléphone. Il lui expliqua brièvement la situation, mettant en avant les qualités professionnelles de Cynthia. Après quelques échanges, il raccrocha et se tourna vers moi avec un sourire.


« Il lui accorde un entretien. D’ici quelques jours, elle sera fixée. »


Je ne savais pas comment le remercier. « Merci, Monsieur Gervais. Merci pour tout. »


Il posa une main sur mon épaule. « Thierry, fais en sorte que cette histoire ait une fin heureuse. Vous le méritez tous les deux. Après tout ce que tu as traversé avec Sena, c'est la moindre des choses qui puisse t'apaiser émotionnellement. »



Lorsque j’annonçai la nouvelle à Cynthia, elle fut émue aux larmes. Elle se sentit soulagée, comme si un poids immense venait de disparaître.


« Thierry, je ne sais pas comment te remercier… » murmura-t-elle.


« Tu n’as pas à me remercier, Cynthia. On est ensemble dans cette histoire. »


Elle me proposa alors une idée qui me surprit, mais qui me toucha profondément. « Puisque j’habite ici maintenant, pourquoi ne pas ramener Trinidad et Koffi ? Je pourrais m’occuper d’eux pendant que tu travailles. »


Ses mots me bouleversèrent. Cynthia ne cessait de prouver qu’elle était prête à tout pour moi et ma famille. Je contactai ma mère. Cette idée le l'enchanta pas mais elle finit par accepter après l'avoir convaincue.


Quelques jours plus tard, Trinidad et Koffi arrivèrent chez moi. Cynthia les accueillit avec une tendresse et une chaleur qui me confirmèrent que j’avais fait le bon choix.


Cette période fut difficile, mais elle renforça notre lien. Malgré les sacrifices, malgré les défis, nous étions plus unis que jamais. Et dans mon cœur, je savais que nous trouverions une issue à cette tempête.


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Tout semblait enfin prendre un tournant positif. Cynthia et moi avions traversé tant d’épreuves pour arriver là, et maintenant, les choses allaient bien comme sur des roulettes. Pourtant, au début, ma mère était sceptique. Elle avait des doutes sur elle, surtout lorsqu’il s’agissait des enfants. « Thierry, tu es sûr qu’elle saura s’occuper d’eux comme il faut ? » m’avait-elle demandé un soir. Je lui avais répondu que oui, mais je voyais bien que son cœur de mère restait méfiant.


Avec le temps, cependant, Cynthia parvint à gagner sa confiance. Elle s’occupait de Trinidad et Koffi avec une telle tendresse et une telle attention que même ma mère fut conquise. Un jour, alors qu’elle était venue à la maison pour leur rendre visite, elle me prit à part et me dit :


« Thierry, tu as trouvé une perle rare. Elle est formidable avec les enfants. Tu devrais vite la doter avant qu’un autre ne te la vole. »


Je souris, mais je lui répondis que nous n’étions pas pressés. Cynthia et moi voulions prendre notre temps pour savourer chaque étape de notre relation. Malgré tout, je voyais bien que ma mère l’appréciait sincèrement. Elles étaient même devenues de très bonnes amies, et cela me réchauffait le cœur.


Cependant, je n’avais jamais raconté à ma mère que c’était Yawavi qui était derrière tous les tumultes que j’avais traversés. Je ne voulais pas l’effrayer inutilement ou la plonger dans des histoires compliquées. Cette bataille-là, je préférais la gérer seul.


Quelques semaines après avoir quitté son poste, Cynthia reçut enfin l'appel tant attendu de Togo Terminal. L'entreprise lui proposa un nouveau poste.


Notre quotidien allait changer à nouveau. Cynthia aurait un emploi, et cela signifiait qu’elle aurait moins de temps pour s’occuper des enfants. Je voulais lui montrer à quel point j’appréciais ses sacrifices et ses efforts, alors je décidai de lui faire une surprise.


Je la conduisis jusqu’à un concessionnaire automobile. Elle me regarda, perplexe. « Thierry, qu’est-ce qu’on fait ici ? » demanda-t-elle.


Je souris en lui tendant les clés d’une voiture. « Pour toi, Cynthia. Pour que tu puisses aller au travail plus facilement. »


Elle resta bouche bée, les larmes aux yeux. « Thierry, tu n’aurais pas dû… »


« Si, je le devais. Après tout ce que tu as fait pour moi, pour nous… C’est le moins que je puisse faire. »


Elle me serra dans ses bras, et à ce moment-là, je sus que tout valait la peine.


Quant aux enfants, nous décidâmes d’engager une domestique pour s’occuper d’eux pendant nos heures de travail. Cynthia veilla personnellement à choisir quelqu’un de fiable et attentionné.


Mais malgré tout, Cynthia me manquait parfois. Lorsque je me rendais à Tabligbo pour le travail, je ne pouvais m’empêcher de penser à elle. Chaque fois que je rentrais à la cité et que je voyais son ancien appartement fermé, un vide immense me submergeait.


Je n’aurais jamais imaginé qu’elle deviendrait cette femme capable de défendre mon bonheur avant tout. Comme on le dit souvent, l’habit ne fait pas le moine, et Cynthia avait prouvé qu’elle était bien plus que ce qu’elle laissait paraître.



Un soir, alors que je rentrais à la cité après une longue journée de travail, je tombai nez à nez sur Yawavi. Elle m’attendait devant ma porte, son regard insistant, presque provocateur.


« Thierry, on doit parler, » dit-elle en s’approchant.


Je soupirai, fatigué de ses jeux. « Yawavi, je n’ai rien à te dire. »


Elle posa une main sur mon bras, mais je me dégageai aussitôt. « Écoute-moi, Thierry. Tu sais que je t’aime. Je t’aime depuis le premier jour. Pourquoi tu ne veux pas me donner une chance ? »


Sa voix était douce, mais ses intentions étaient toujours les mêmes. Je savais qu’elle cherchait encore à semer le chaos dans ma vie.


« Yawavi, arrête. Je ne suis pas intéressé, et je ne le serai jamais. »


Elle me fixa, furieuse. « Si tu crois que cette histoire est terminée, tu te trompes. Je vais détruire ce que vous avez construit, toi et Cynthia. Je te le promets. »


Cette fois, j’étais prêt. Pendant qu’elle parlait, j’avais discrètement activé l’enregistreur vocal de mon téléphone. Je capturai chaque mot, chaque menace.


« Très bien, Yawavi, » dis-je calmement en rangeant mon téléphone dans ma poche. « Maintenant, pars. Je ne veux plus jamais te voir ici. »


Elle resta figée un instant, mais je pouvais voir la colère dans ses yeux. Finalement, elle tourna les talons et partit, mais je savais qu’elle n’en avait pas fini.


J’étais fatigué de cette guerre qu’elle menait, mais cette fois, j’avais une arme. Si elle revenait à la charge, j’avais des preuves pour me défendre.

Je ne savais pas à quoi elle pensait justement. Sa sœur, son mari, sa famille, qu'allaient-ils penser? De toutes les façons, ils ne sont pas assez différents d'elle. 


À suivre…


Écrit par Koffi Olivier HONSOU. 


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