Chapitre 12 : En proie au doute

Ecrit par Auby88

"Quand le doute se glisse dans l'âme, l'enthousiasme se convertit en affliction.

Henri-Frédéric Amiel ; Journal intime"


Dans l'ombre, Richmond sirote un cocktail en admirant la vue panoramique devant lui. Sandra le rejoint à l'étage. Elle l'enlace par derrière. Il se retourne.

- Tu m'as terriblement manqué, Sandra, poursuit-il en caressant ses cheveux. J'ai eu une journée très stressante aujourd'hui.

- Relaxe, mon cœur. Tu voudrais qu'on en parle ?

- Non, je veux mieux.

Il colle ses lèvres contre les siennes, s'imprègne de son haleine qui sent la rose puis l'embrasse, la dévêt à moitié et la possède avec fougue.

Ils s'allongent ensuite sur le carreau de la terrasse. Elle passe les doigts dans ses cheveux ébouriffés. Ils rient aux éclats.


Elle aimait la brute qu'il était dans leur intimité. Il savait comment la faire brûler de désir, rien qu'en la touchant. A chaque fois, il la comblait énormément. C'était qu'elle aimait toujours avoir une vie sexuelle bien pimentée, bien remplie. La routine rendant le sexe ennuyeux, elle investissait dans tous les gadgets sexuels dernier cri. Richmond y trouvait pour son compte, même si les prix exorbitants lui faisait d'abord écarquiller les yeux. De toute façon, ce soir, ils n'ont eu besoin d'aucun de ces objets.


Le mobile de Richmond sonne. C'est Fabrice, le propriétaire du studio 8. Sandra écoute attentivement la discussion, tout en se rhabillant.

- Il y a un problème ? finit-elle par demander.

- Pas vraiment, Sandra. Ce matin, je me suis défait de la chanteuse de notre groupe.

- Pourquoi ? s'enquiert-elle.

- Je n'ai pas envie d'en parler actuellement. Retiens juste qu'elle n'est plus là.

- Ça veut donc dire qu'une autre la remplacera ?

- Oui, dès demain, nous testerons trois candidates. C'est d'ailleurs pour cela que Fabrice m'a contacté.  

- Zut alors ! laisse échapper Sandra.

Elle paraît inquiète.

- Tu ne changeras jamais toi ! J'étais sûr que tu avais une idée derrière la tête. Si tu soutenais mon choix entre temps, c'était juste parce que tu savais que je ne m'intéresserais jamais à la fille de l'orphelinat. Ta jalousie devient pathologique, Sandra !

- Bah ! fait-elle. En tant que femme amoureuse, je suis en droit de protéger mon territoire.

- Je te rappelle que je ne t'appartiens pas !

Il l'abandonne sur la terrasse. Malgré les remarques de son fiancé, Sandra reste bien décidée à en apprendre plus sur cette audition improvisée.


Avec impatience, Richmond attend que le jour se lève. Le lendemain, il s'empresse de se rendre au studio 8. Les candidates sont attendues pour dix heures. Pourtant, seules deux sont présentes à l'heure. La troisième s'amène quinze minutes​ plus tard avec des talons dont le bruit contre les carreaux pourrait irriter le plus tolérant des humains, et en mettant son retard sur le compte​ d'un embouteillage sur la voie. Elles passent l'une après l'autre, selon leur ordre d'arrivée. Les hommes délibèrent ensuite, écartant celle venue en retard et une autre qui leur a paru plus intéressée par la rémunération qu'elle recevra que par ses prestations.

Au final, le choix se porte sur Edith. Elle est une habituée de la scène, des orchestres béninois, sous-régionaux et connaît quelques rudiments du jazz. C'est une professionnelle hors pair, un peu trop finalement. Car l'écouter interpréter un titre connu, c'est comme avoir le sosie de l'artiste devant soi. Elle n'a aucune personnalité propre dans la voix...


Ils en sont, à présent, à trois séances de répétition avec elle. Mais le même constat demeure. Richmond espérait pourtant un changement. Le vieux jubile intérieurement en voyant le visage déchanté de Richmond à chaque répétition. Décidément, ce garçon ne sait ni ce qu'il veut, ni ce qu'il perdait en laissant partir Cica.


Richmond part un peu plus tôt, avant la fin de la répétition en invoquant un mal de tête. Avec sa bagnole, on le voit s'introduire dans un quartier très modeste de Cotonou. Il se perd quelque peu et se résigne à demander des renseignements aux passants. La voiture se gare devant une cour commune. Des enfants curieux s'approchent. Il se renseigne à nouveau près d'eux. Il met ses lunettes de soleil et entre à l'intérieur. A l'une des portes, il frappe.

- Vous ! s'exclame la femme qui vient ouvrir.

- Il faut que nous parlions, Cica !

Au nez, elle lui claque la porte.



Retour en terre nata...