Luminosa. Une fois tous les siècles, le peuple nelcalien offrait à la lune des pétales de roses blanches qui portait chacun une partie de leurs personnes. Les milliers de créatures ayant invité les humains à les rejoindre se tenaient dans les plus grandes cours du village. Chacun d'eux, y compris les humains, tenait en main un pétale dont la luminosité blanche accentuait la beauté; les pétales aussi transparents que le cristal scintillait dans leurs mains. Ils espéraient que la lune viendrait à leur secours pour empêcher le danger qui planait au-dessus de leurs têtes.

 Le peuple nelcalien entama de longues mélodies, au rythme desquels mouvait en harmonie chaque être. Dame lune, de toute sa pureté, se dressait au-dessus d'eux, prête à bénéficier de toute louange possible. Lysga se tenait prêt de ses parents et de Solenna qui souriaient à pleine dents. À la fin des chansons, ils lâchèrent tous les pétales. Ceux-ci s'envolèrent lentement dans le ciel, l'illuminant de mille éclats de blancheur puis prirent une teinte grise, une teinte jaune, et chacune des 104 couleurs nelcaliennes.

 23 étoiles prirent place autour de la lune : les 23 autres gardiens de la lune. Nalu fit un petit signe de main, larmes aux yeux et un grand sourire flanqué au visage. Au fil de la soirée, les pétales montaient toujours. Certains continuaient de les observer, d'autres retournaient à leurs occupations. 

— C'était merveilleux, n'est-ce pas? commença énergiquement Solenna lorsque Brad les rejoignit.

— Oui, répondit celui-ci en esquissant un petit sourire. 

Il ne comprenait pas pourquoi ce n'était pas plus facile d'oublier la mort de Lohita en connaissant ses réelles intentions. Il n'y arrivait pas, il se contentait juste de vivre, d'espérer que le temps ferait un miracle. 

— Oui, c'était top, enchaîna Lysga. 

Ils posèrent d'abord des regards surpris sur lui, mais lui adressèrent des sourires. Il tenta au fil de la soirée de paraître le mieux possible, d'effacer de leurs mémoires ce qu'il avait été... ce qu'il était. À la fin de la soirée, tandis que les pétales se rapprochaient à vive allure de la lune, il s'isola près de la rivière de la forêt du village. Il s'installa sur une roche pour observer le mouvement régulier de l'eau. Il fit soulever un bout de terre du sol avec son regard puis fit apparaître une flamme qui le consuma. Il répéta le même manège plusieurs fois. Lorsqu'il entendit du bruit derrière lui, il fit rapidement disparaître toute trace de magie. Solenna s'installa près de lui. Un puissant sentiment d'apaisement se déchaina en lui, comme la fois où sa seule présence avait réussi à faire fuir les ombres. 

— Comment tu fais? articula-t-il faiblement en fixant l'étendue d'eau. 

— Quoi? l'interrogea-t-elle en posant sur lui un regard interrogateur. 

— Pour être toi, souffla-t-il si faiblement qu'elle du tendre l'oreille pour l'entendre. 

            Elle prit tendrement sa main dans la sienne en souriant. 

            — Être en harmonie avec soi-même. Quand tu prends des décisions qui ne sont pas en harmonie avec ton for intérieur, tu le sais toujours Lysga, lui apprit-elle doucement. Il y aura toujours cette voix, cette sensation en toi qui signalera que tu es sur une mauvaise voie. Demain, on commencera des activités pour t'aider. 

            — Je n'ai pas été capable de passer le premier cap de Luna luminosu. 

            — Donne toi du temps cher gilma, il faut savoir donner du temps au temps pour mieux vivre son temps.

            Elle retira doucement sa main en souriant toujours. Lysga hocha légèrement la tête. 

            — Ziegra (Merci), Solenna. 

            —  Je t'en prie, gilma. 

            Elle se leva enfin.

— J'aurais aimé passer plus de temps avec toi, mais je dois y aller. À demain. 

— À demain. 

Puis elle s'en alla. Il pouvait la sentir s'éloigner, trop rapidement à son gout. Il les sentait revenir. Une brûlure intense à son avant-bras lui fit grincer des dents. Il releva rapidement le manche de sa combinaison pour voir les écritures à nouveau s'implanter dans sa peau. Une douleur vive éclata sa tête, il retint fortement sa tête dans ses mains pour contenir la douleur, pour ne pas crier. Lorsque les effets s'estompèrent enfin, il se leva. 

Un regard lancé aux environs, il croisa celui de Fiona qui l'observait depuis les arbres. Pour une fois, ni l'un, ni l'autre n'affichait de l'arrogance. Ils ressemblaient plus à deux chiens battus qui communiquaient par leurs regards l'intensité de la sévérité de leurs châtiments. Lysga détourna vivement son regard. Que faire de cette longue nuit? Dormir n'était pas une option. Plus jamais, il ne pourrait dormir, il le savait. Dormir était pour les vivants. Lui était mort depuis, depuis sa naissance.

****

J'espère que vous avez aimé le chapitre. N'hésitez pas à commenter. Le chapitre 13 est aussi posté.