Chapitre 13
Ecrit par Annabelle Sara
Noura
Les ordres étaient
arrivés, je devais passer à l’offensive, Mme Nana devait enfin faire face à la
personne qui l’empêchait de dormir depuis des mois. Je sais que son sommeil
n’est plus paisible depuis que j’ai remarqué que des gens me suivaient et
posaient des questions sur moi. Donc elle se doute de se qui va lui tomber
dessus. Ce qui m’avait étonné depuis le début de cette histoire c’est qu’elle
ne soit jamais venue me confronter en face.
Connaissant sa
réputation de fonceuse, la façon dont elle a défoncé des portes pour faire une
face à son mari que ce soit dans son entreprise ou dans la société j’étais
surprise qu’elle ne m’ait pas encore agressée dans une rue de Yaoundé pour me
demander de laisser son mari tranquille.
Pendant trois mois j’ai
usé de son mari comme bon me semblait, le poussant à me faire passer avant sa
famille, mais depuis deux semaines je commençais à perdre du terrain. Paul
était devenu distant, méfiant, il ne cherchait à me voir que si je pleurais, si
je suppliais ce qui m’énerve au plus haut point, mais je n’avais pas le choix,
sans lui nos projets étaient à l’eau, alors je devais ramper pour avoir son
attention.
C’est donc pour
remédier à cette situation que j’avais reçu des ordres ce matin.
-
Il est temps de faire face à
Véronique !, m’avait dit la voix irritée au téléphone. Je ne comprends pas
comment Paul fait pour t’ignorer… Tu fais exactement ce que je t’ai dit ?
-
Il manque un peu et je lui lèche les
bottes… Peut-être que nous avons sous-estimé son attachement à sa femme !,
ai-je répondu.
-
Un homme digne de se nom ne
s’attacherait pas à une femme castratrice comme Véronique Nana !
-
Alors je fais quoi ?
-
Il faut que tu entres dans cette maison
aujourd’hui… Tu dois mettre le feu dans la demeure des Nana…
-
Je fais appel à l’autre ?
-
Oui… c’est elle ta garantie que tu
puisses entrer quoiqu’il arrive… Et une
fois là-bas tu sauras quoi faire !
-
Oui, j’ai les choses en main ! Mais
tu crois qu’elle ne s’attend pas à un truc comme ça ?
-
Qu’elle s’y attende ou pas ce n’est pas
là le problème, le problème est de marquer un point, me répondit mon mentor.
Je savais ce que
j’avais à faire et qui je devais aller voir pour réussir ma mission. C’est la
raison pour laquelle je suis assise dans le salon de la sœur ainé de Paul en larme,
suppliant pour qu’elle intervienne en ma faveur auprès de son petit frère.
Carine est mon pion
depuis un moment déjà, Paul me l’avait présenté même si techniquement je
l’avais manipulé pour qu’il m’emmène la voir là où elle logeait, pendant qu’elle
était de passage à Yaoundé, un soir où nous étions tous les deux. L’esprit
perfide et la haine que l’ainée de Paul nourrissait contre Véronique avait fait
qu’il avait été très facile d’en faire une alliée.
-
Michelle je dis hein tu pleures quoi
ici ? Je t’ai dit que tu ne peux pas dormir dehors … Ta maison brûle et
mon frère fait comme s’il ne sait pas qu’il doit te trouver un toit ?,
dit-elle énervée.
-
Tu veux qu’il fasse quoi ?, ai-je
demandé. Il va me prendre chez lui ?
-
Tu veux qu’il te loge où ? Tsuip
pardon ! Je ne vis pas à Yaoundé… D’abord même que chez moi là-bas à
Douala tu ne peux pas entrer ce n’est pas un endroit pour une femme enceinte…
Comme l’autre sorcière là a refusé que mon frère me construise une
maison !
-
Hum Tantine Carine, je ne veux pas moi
les problèmes avec sa femme…
-
Ah faut laisser, celle-là ne peut plus
rien dire à mon frère ! Il est déjà directeur, donc il peut faire ce qu’il
veut ! C’est avant qu’elle lui parlait n’importe comment, qu’elle le
rabaissait, maintenant c’est lui le patron de la maison donc il va seulement te
prendre là-bas…
Elle se leva du canapé
où elle était assise, la voir dans cette transe meurtrière, prête à en découdre
avec Véronique et son emprise sur son petit-frère m’amusa.
-
On va là-bas ! Lèves-toi !
Chez nous on ne laisse pas notre sang dehors… Et mon frère le sait, tu portes
son enfant donc il doit assumer les responsabilités de cette grossesse. En
commençant par donner un logement digne de ce nom à la femme qui porte son bébé !
-
Il ne se fait pas tard ?, lui ai-je
demandé.
-
C’est mon problème ? Tu as ta
voiture ?
-
Oui !
-
Viens on va…
Nous étions sur la
route et je conduisais avec ce sentiment de victoire qui donne des ailes.
J’aimais ce que je faisais, c’est dans ce style de scène de vie que je trouve
du plaisir. Voir des gens se déchirer et mettre en avant le caractère sauvage
et primitif de l’être humain.
C’est jouissif !
Véronique
Depuis deux semaines
j’avais réussi à canaliser mon homme, à lui prouver avec patience et amour que
je pouvais lui donner ce qu’il avait cru trouver en cette femme dehors. Cette
femme qui chaque jour avait gagné du terrain dans notre quotidien mais que
j’ignorais pour ne pas finir par faire n’importe quoi.
Depuis deux semaines,
Paul mangeait à la maison, il rentrait tôt, il ne s’isolait plus avec son
téléphone et surtout, surtout il me refaisait l’amour, avec passion et envie
comme avant.
Le comble dans cette
histoire c’est que c’est un autre homme qui m’avait donné la meilleure astuce
pour reprendre du terrain dans le cœur et la tête de mon homme.
Oluwa !
Parfois je me dis que
cet homme est un ange qu’on a envoyé pour moi. C’était notre dernier
rendez-vous et je reprenais mon souffle tout en me demandant si je réussirais à
le quitter cette nuit-là.
-
La première fois qu’on s’est vu tu étais
partie tellement vite que je m’étais demandé si j’allais encore te revoir et
maintenant tu es là et je me demande si ça n’aurait pas été mieux qu’on ne se
revoit plus après cette fois là!
Nous étions allongés
tout les deux dans le lit nous observant comme si nous cherchions à emmagasiner
le maximum d’information possible, pour nous rappeler de cette rencontre, de
nos ébats.
-
J’aurais surement dû annuler les autres
rendez-vous !, ai-je répondu.
-
J’ose croire que ton mari sait qu’il a
un diamant dans sa maison !
J’ai fais la
grimace !
-
Un diamant qui lui est infidèle ?,
ai-je demandé. Si tu apprenais que ta femme fait parti d’un club comme celui-ci
serait tu complaisant ?
-
Si j’avais le même état d’esprit que les
autres hommes non ! Mais je n’ai pas le même état d’esprit qu’eux… Je
chercherais à comprendre ce qu’elle trouve là-bas ! Ensuite je pourrais
décider…
-
C’est-à-dire ?
-
Si ma femme avait des expériences extraconjugales
dans le seul but de trouver un sentiment précis, je n’en ferais pas une
tonne ! S’il y avait une case vide que je ne peux pas remplir pour qu’elle
soit équilibrée alors j’aurais laissé quelqu’un d’autre le faire pour qu’elle
reste à mes côtés…
-
Avais ? Ta femme est… ?
-
Morte ? Oui depuis 6 mois…
J’étais choquée !
-
Tout ce que nous demandons nous c’est de
sentir que vous allez bien ! Montre lui que tout va bien et il saura la
chance qu’il a de t’avoir ! Mais si tu ne lâche pas prise et que tu
continues de te battre contre et envers tous oui il aura du mal à voir que tu
lui es précieuse !
-
Puisque je peux me défendre toute
seule ?!
-
Voilà !
J’avais mis ce conseil
en pratique, en commençant par me tourner vers Paul, remettant certaine chose
que je prenais en main à sa charge, décision comme action.
Il n’a jamais autant
été à mon service, s’occupant de moi pendant que je m’occupais de nous.
Je savais que la partie
n’était pas gagnée, mais je pouvais me féliciter au moins d’avoir réussi à
mettre ma nature dominatrice de côté pour me réconcilier avec mon mari.
Ce soir ma sœur Armelle
est venue nous rendre visite, nous avons l’habitude de nous retrouver comme
ceci pour discuter lorsque nous avons simultanément déposées les enfants chez
notre mère pour le week-end.
Elle a passée la soirée
à nous raconter à Paul et à moi comment leurs congés de fin d’année dans sa
belle-famille avait été infernale pour elle.
-
Ma petite-sœur tu as beaucoup de chance
je ne te le dirais jamais assez… Tu n’as pas de belle-mère ! Tu es une
femme bénie.
Paul éclata de rire.
-
Il faut lui rappeler sa chance
Armelle !, lança-t-il en se moquant de moi.
-
Tu as une belle-mère moi j’ai une belle
sœur… Carine et un neveu par alliance…
-
Chérie ne sois pas injuste, ils ne
t‘agressent plus depuis un moment noooon ?
-
Et donc tu crois que pour elle c’est
fini ?
-
Mais attends son problème avec toi c’est
quoi même ?, demanda Armelle en buvant sa bière en canette.
-
J’ai dû rappeler à Paul que sa priorité
et ceux pour qui il doit se sacrifier sont ses enfants et sa femme, je suis devenue
une sorcière !
-
Bébé…
-
Je suis sérieuse… ta sœur profitait de
toi et de ta générosité, résultat elle a rendu son enfant paresseux ! Je
suis même surprise qu’il tienne de cette façon dans un club de foot.
Nous discutions en
riant lorsque le téléphone de Paul sonna et qu’il se leva pour aller répondre
dehors.
Armelle m’observa
pendant que je guettais l’expression sur le visage de mon mari.
-
Tu sais qui appelle ?,
chuchota-t-elle une fois qu’il fut hors de la maison.
-
A ton avis !, ai-je répondu. Je ne
t’ai pas dit qu’il a une aventure ?
-
Euille Véro… Paul a une aventure et tu
ne me dis pas… à quand le rendez-vous de bagarre pour remettre cette voleuse de
mari à sa place ?
J’ai sourit en
l’entendant parler.
-
Armelle, si je te dis qui est la
maitresse de Paul tu ne me croiras pas !
-
C’est-qui je la connais ?,
demanda-t-elle perplexe.
-
C’est ta copine Michelle… !
-
Hein ?
Armelle était plus que
surprise elle était choquée.
-
Attends tu parles de quelle
Michelle… ?
-
Celle que tu as ramenée chez moi pour me
parler de bébé…
-
Non !, fit Armelle. Ce n’est pas
vrai ! Elle ne m’a jamais parlé d’un homme marié…
-
Elle ne t’a jamais dit la vérité !
Ce dont elle avait besoin c’était de me voir… Elle voulait juger la taille de
la proie avant de lancer la chasse !
-
Je ne comprends pas !
-
Quand je te dis de faire attention à ce
que tu racontes aux gens tu ne comprends pas…
Je me suis arrêtée
parce que Paul était en train de revenir dans le salon, son air avait changé,
mais il fit genre tout va bien en entrant, Armelle et moi avons échangé un
regard entendu.
J’allais encore devoir
jouer les infirmières ce soir avec Paul pour calmer sa mauvaise humeur.
-
Alors ? Vous parliez de quoi ?
-
Je disais à ma sœur que si elle perdait
un peu de poids sa belle-mère ne lui manquerait plus de respect…
Nous avons tous éclaté
de rire, ma sœur décida d’aller au petit coin avant de nous quitter, elle était
encore dans la salle de bain lorsqu’on sonna à la porte principale.
-
C’est surement le mari de ma sœur qui
vient la chercher, ai-je dit en me levant pour aller ouvrir la porte.
-
Surement !, fit Paul alors que
j’allais ouvrir.
En ouvrant la porte, le
sourire que je portais depuis quelques jours s’évapora. Je n’avais pas vu ce
mouvement venir, je m’attendais à tout sauf à ce que j’avais sous les yeux.
Ne jamais sous-estimer
son adversaire, je ne l’ai pas sous-estimé mais j’avais sous-estimé la taille
et la nature de l’adversité. Donc en plus de cette femme qui sortait de nulle
part j’allais retourner à cette bonne vieille guerre avec Carine Nana ?
La grande sœur de Paul
venait de faire irruption dans ma maison avec le serpent qui chaque jour s’enroulait
autour de mon couple pour mieux l’étouffer, valise et sac en main.
-
Bonsoir madame ! Où est ton
mari ?, fit Carine en me bousculant pour entrer.
La maitresse de Paul la
suivit de près, lorsqu’elle passa devant moi, elle me regarda droit dans les
yeux.
Le chant funeste des
oiseaux de mon rêve se mit à raisonner dans ma tête. J’entendais la voix de
Carine et de Paul de loin, comme s’ils étaient dans une pièce et moi dans une
autre.
En voyant la noirceur
du regard de Michelle, je comprenais que cette femme venait pour foutre le
bordelle, elle n’est pas là pour me caresser.
-
Si tu m’avais construit une maison je
serais parti avec elle à Douala ce soir même !, lança Carine à son
petit-frère qui était complètement paniqué.
-
Carine qu’est-ce que tu me fais comme
ça ?
-
Je t’ai fais quoi ? Je veux que tu
prennes tes responsabilités… Cette jeune femme n’a pas où dormir… Elle porte
ton enfant et tu dois la protéger, la nourrir, subvenir à ses besoins !,
répondit Carine en hurlant sur son frère.
Paul leva un regard
paniqué sur moi.
-
Pourquoi tu regardes ta femme ?
-
Carine tu es mauvaise, lança Paul à sa
sœur. Tu viens me faire ça chez moi ?
-
Si ta femme avait pris soin de toi comme
il se doit tu ne serais jamais allé voir dehors si l’herbe est plus verte et
plus fraiche ! Mais comme c’est une sorcière, voici la conséquence de ses actes…
-
Je ne te permets pas de manquer de
respect à ma femme, lui répondit Paul.
-
Parce qu’elle m’a respecté un
jour ? Je ne lui dois rien… C’est une arriviste qui a profité de toi pour
devenir quelqu’un et aujourd’hui elle monte sur ta tête comme sur un âne !
Je les écoutais parler
mais mon esprit était ailleurs, ce qui est en train de se jouer ici et
maintenant est fatidique pour moi, mes enfants, ma famille, ma vie.
-
Pourquoi tu es venue ici Michelle ?
-
Je ne savais pas où aller Paul… je n’ai
personne d’autre…
L’entendre parler ainsi
à mon mari fit monter la rage en moi, mais je devais me contrôler !
-
Tu voulais qu’elle aille où ?,
intervint une fois de plus Carine. Monsieur je te rappelle que ce que cette
pauvre fille vit aujourd’hui ta mère l’a vécue avec toi ! Mais chez nous
on ne crache pas son sang et tu le sais !
-
Carine laisses moi ça !
-
Ah bon ? Si mon père avait réagi
comme toi là… En reniant la maitresse et son enfant, où serais-tu
aujourd’hui ? Nulle part ! Errant sans nom sans famille rien !
Nous t’avons tout donné, mon père, ma mère et moi si aujourd’hui tu as oublié
je te le rappelle !
Paul était nerveux il
évitait mon regard, je sentais qu’il allait céder et essayer de me convaincre,
de me pacifier. Je voulais le laisser gérer, j’allais le laisser gérer lorsque
je vis la lueur triomphante dans les yeux de ma belle-sœur. Elle était
heureuse, de savoir que j’allais souffrir, que j’avais une rivale digne de ce
nom.
Je suis une femme
évoluée mais je connais les attaches, les coutumes de certains et je les
respecte souvent toutefois s’il y a une chose que je déteste c’est qu’on me
tente et teste mes limites comme ces deux femmes étaient en train de le faire.
-
Paul…
En m’entendant parler,
il leva les yeux sur moi. J’avais la rage mais j’avais aussi peur.
-
Bébé je vais tout t’expliquer !,
dit-il en venant vers moi. Mon cœur…
-
Expliques lui !, lança Carine.
Pendant ce temps Michelle va s’installer quelque part ! Ma’a
Josiane !
Paul prit mes mains me
regarda droit dans les yeux. Je le sentais perdu, dépassé, irrité mais je
connaissais la nature de mon mari, ce n’est pas un guerrier, mais un exécuteur,
quelqu’un pour qui on construit et à qui on donne les rennes.
-
Je suis désolé…
Au même moment ma sœur
sortait de la salle de bain, elle croisa immédiatement le regard de sa copine.
-
Michelle ? Qu’est-ce que tu fais
chez ma sœur ?, lui demanda-t-elle.
-
Vous vous connaissez ?, s’étonna
Carine.
Paul avait les larmes
aux yeux je voyais qu’il souffrait à l’idée de me faire souffrir et cela me
planta un couteau dans le cœur. Parce que tout ceci est de ma faute, si je
n’avais pas fait ce que j’avais fait dans le passé, nous n’en serions pas là
aujourd’hui.
J’ai levé les yeux un instant
et mon regard croisa celui de Ma’a Josiane qui venait de sortir de sa chambre
et qui comme moi semblait dépassée par le spectacle que Carine avait monté dans
ma demeure.
-
Voilà Ma’a Josiane, prends les affaires
de la deuxième femme de ton patron tu mets quelque part dans une chambre…
Dorénavant elle vivra ici avec vous…
-
Ça n’arrivera jamais !, ai-je
coupé. Cette fille ne va pas s’installer ici !
J’arrivais à maitriser
mon ton et ma voix mais j’avais encore
besoin de prendre une bouffée d’air.
-
Je suis désolée la reine mère, me fit
Carine. Mais elle est enceinte de ton mari donc… Elle reste ici piang !
-
Si elle est enceinte… ce n’est pas de
Paul !
Cinq paires d’yeux
choqués se posèrent sur moi.
-
Véro…
Armelle me rappelait à
l’ordre, elle comme moi savions que si je continuais de parler tout allait s’écrouler
autour de moi comme dans un château de carte. Mais je me voyais m’enfoncer dans
ce sable mouvant et plus je me débattais plus vite je m’enfonçais.
Alors je me suis
tournée vers Paul et je l’ai regardé droit dans les yeux, espérant qu’il puisse
y lire tout l’amour que j’ai pour lui et surtout qu’il devine la peine que
c’était pour moi de lui annoncer ce que j’allais lui annoncer.
-
Elle ne peut pas être enceinte de toi
parce que tu es stérile Paul !