Chapitre 13
Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
Chapitre 13
Un
mois plus tard,
*** Candice Rémanda
Il est 8h 45 ce samedi 14
septembre quand notre avion en provenance de Libreville atterrit à Port-Gentil.
Ma meilleure amie, Cyrielle, se marie cet après-midi, à la coutume et je suis
heureuse d’avoir l’homme de ma vie à mes côtés pour l’occasion. Je sais que Christian
est quelque peu stressé à l’idée de rencontrer les membres de ma famille. Il
fait tout de même bonne figure et me sourit lorsque je lui dis que nous sommes
arrivés.
Nous descendons de l’avion. J’active
mon téléphone pour m’enquérir de la position de mon grand frère Thierry, que
mon oncle a dépêché pour venir me chercher. J’ai voulu demander un véhicule de
location pour être libre d’aller et venir, j’ai même réservé une chambre d’hôtel
au Parthénon. Monsieur mon oncle, l’amour de ma vie, a carrément décrété qu’il
est hors de question que j’aille à hôtel tant qu’il n’aura pas vu le
« salaud » qui ose m’enlever à lui. Je sens qu’on va bien s’amuser ce
week-end. Mon oncle va s’en donner à cœur-joie.
- Enfin ! dis-je alors
que nous avons récupérer nos deux bagages.
- Dois-je t’embrasser
maintenant et te dire au revoir ou aurais-je le droit de te garder pour la
nuit ? me demande Christian.
- Il va te falloir payer une
amende si tu veux me garder, mon beau.
Je suis heureuse d’être là,
ici, avec lui. Loin de Libreville. Loin de ce diner de famille, qui a eu lieu
hier à la résidence Oyembo. J’aime beaucoup l’idée d’être entourée des frères, sœurs,
beaux-frères et belles-sœurs de Christian. Ils sont plein d’humours et
d’affection. On ne s’ennuie jamais en leur compagnie. Mais dès qu’il est
question de me retrouver face à ses mères, les choses se corsent. Je pense
qu’il me faudra encore du temps pour leur faire accepter l’idée que China n’est
plus là et qu’il faudra faire avec moi. Elle avait une touche avec les
belles-mères, que je n’ai pas, il faut le reconnaitre.
Par contre avec Mamie, c’est
le top. Cette femme est tellement adorable, que je ne perds pas une occasion
d’aller la voir dès que je le peux. Elle a toujours une astuce à partager. Et
ses petits secrets de cuisine. Cette idée de marier le riz à l’échalote et au
persil. Jamais je n’aurais imaginé que ce soit aussi bon ! Mais voilà,
j’ai observé, essayé et compris pourquoi on dit que ce sont les vieilles
casseroles qui donnent les meilleures sauces. J’ai beaucoup de chance d’avoir trouvé
une place dans le cœur de cette femme. Sa maison est mon havre de paix,
l’endroit où je me réfugie à chaque fois que j’ai l’impression que madame Alice
Oyembo me tolère plus qu’elle ne m’accepte.
Je ne sais pas combien de
temps il me faudra pour que ces femmes, Alice, Monique, Hortense, m’acceptent.
Seule la tante Alvirah, l’unique sœur de mon beau-père Ernest Oyembo, m’accepte
avec beaucoup de chaleur. Côté beaux-papas, il n’y a pas de soucis. Je peux
compter sur le sourire chaleureux et l’affection du père de Christian ainsi que
des oncles Oyembo. Bref, le temps est bon.
Sitôt que mon grand frère m’aperçoit,
il sourit. Il arrive vers moi et s’arrange à ignorer Christian alors qu’il me
prend dans ses bras. Quand il me repose, je lui dis :
- Thierry, ne me dit pas que
tu es aveugle !
Il sourit, regarde Christian
et dit :
- Toi et tes
cachotteries ! ça fait combien de fois que tu séjournes à Libreville, sans
même plus penser à venir passer un week-end à Port-Gentil ? Nanou, c’est
quand la dernière fois qu’on t’a vu ici ? D’habitude, quand tu travailles
à Libreville, tu passes le week-end à Port-Gentil, non ?
Je lui tire la langue et lui
dis :
- Il faut que je bosse mon
avenir. Et mon avenir est face à toi. Alors, sois poli, mon petit !
N’oublie pas que je suis ta grand-mère.
Il me sourit puis tend la main
à Christian en lui disant :
- Mon gars, je félicite ton
coup d’œil.
Christian se détend et
répond :
- Je n’ai fait que saisir ma
chance !
- En tout cas, bonne arrivée à
Port-Gentil, cher beau-frère. Je suis Thierry Onanga.
- Enchanté. Christian Oyembo.
- Content de te rencontrer
enfin ! Je n’ai rien compris au comportement de Nanou ces derniers mois.
Et je ne suis pas le seul !
Là, il me prend mon bagage des
mains et nous indique le parking.
- Je te laisse ma voiture pour
le week-end, ma belle. Je fonce au stade à SOGARA pour retrouver des collègues
pour un match de football.
Nous nous séparons. Je monte
en voiture, et prend le volant. A mes côtés, Christian me sourit en
disant :
- ça doit être amusant d’être
la petite dernière !
- Oh ! Disons que c’est
amusant parce que l’on m’a donné le nom de ma grand-mère à la naissance. Tu
vois ce que je veux dire.
Il se rapproche et m’embrasse.
Là, il me dit :
- Et si on allait voir ton
oncle que je me fasse égorger une bonne fois pour toute.
J’éclate de rire et
réponds :
- Je l’ai menacé. Je lui ai
dit que bien se comporter.
- Et tu penses qu’il
t’écoutera ? me demande Christian en souriant.
- Il a intérêt !
Je conduis jusqu’à l’hôtel Parthénon.
Là, j’accompagne Christian jusqu’à sa chambre. Quand nous arrivons là, il
m’emprisonne dans ses bras et me dit :
- Est-on obligés de partir
maintenant ?
Je souris l’embrasse en lui
caressant la tête. Je finis par lui dire :
- Oui, il vaudrait mieux,
sinon mon oncle aura de quoi se montrer désagréable.
- Ok ! On y va !
fait-il après m’avoir embrassé.
Quand nous remontons en voiture,
Christian prends le volant en me disant :
- Tu n’auras qu’à m’indiquer
le chemin.
Avant de démarrer, il me
demande d’envoyer un sms à son frère Christopher, qui vit ici et travaille chez
Addax Petroleum, une compagnie de la place. Son frère doit nous retrouver chez
mon père. Il m’indique qu’il n’est pas loin et qu’on n’a pas de souci à se
faire.
Je mets de la musique pour
détendre l’atmosphère. Je tombe sur une station qui diffuse des chants
religieux. Christian zappe en cherchant quelque chose de plus dansant. Quand
nous arrivons au Château d’eau, je lui indique le grand portail vert, devant
lequel il vient se gérer.
- C’est le moment de
vérité ! me fait Christian.
- Tu sembles bien
confiant ! lui dis-je. Tu ne voudrais pas me donner un peu de ton
assurance.
Il me sourit, m’embrasse sur
le revers de la main et me dit :
- Au pire, il me chasse de
chez lui mais au moins, je sais que tu me courras après pour me supplier de ne
pas te laisser tomber.
- Hey, beau gosse, tu n’as pas
les chevilles qui enflent, non ? dis-je en riant.
Il s’approche, m’embrasse et
me dit :
- Je ramperai sur les fesses,
s’il me le demandait. Rien ni personne ne pourra me détourner de mon amour pour
toi.
- Je comprends mieux pourquoi
je t’ai dans la peau, monsieur Oyembo.
Nos lèvres se rejoignent et
bientôt se séparent car quelqu’un cogne à la vitre, de mon côté. C’est Christopher
qui nous lance :
- C’est devant la maison de
monsieur le député que vous venez vous encanailler ?
Nous descendons de voiture. Je
fais la bise à Christopher et son frère lui donne une accolade.
- Tu as trouvé ce que je
t »ai demandé ? lui fait Christian.
- Oui. J’ai chargé Florence
d’acheter les tissus. J’ai trouvé les deux liqueurs et les deux bouteilles de
vin demandées. Tout est là dans ce sac.
- Merci, p’tit frère !
lui dit Christian.
Je pousse ce grand portail et
entends le chien aboyer. Il se calme en me reconnaissant. Je vais vers lui et
le caresse. Nous avançons tranquillement dans la cours. Quand deux de mes
neveux, qui y jouent, nous voient arriver, ils arrivent vers moi en
criant : « Maman Nanou, maman Nanou ! »
Ils me sautent dessus. Et
comme à cet âge, c’est-à-dire moins de 1 ans, ils sont très bavards, c’est en
me racontant leur vie qu’ils m’entrainent vers la porte d’entrée. Cette porte
est ouverte et de là où je me trouve, j’aperçois mon oncle assis dans son
fauteuil préféré, lunettes relevées au-dessus de la tête, un journal en main.
Quand il pressent ma présence, il lève la tête, la tourne vers moi. Il garde le
silence alors que je m’essuie les pieds sur le paillasson, suivie par Christian
et Christopher. Sans crier gare, mon oncle lève son verre et boit une gorgée.
Sans crier gare, le type se met à crier en omyènè :
- Jeanine ! Apporte-moi
ma carabine, s’il te plait. Il y a des voleurs à ma porte.
A la façon dont il a élevé la
voix, mon cœur a raté un battement et me voilà figée sur le pas de la porte,
incapable de dire mot.
Son épouse arrive de la
cuisine, tambour battant, réajuste son pagne autour de sa taille, regarde son
époux, regarde la porte et lance :
- Onanga ! Tu as quel
problème ? Tu me fais sortir en courant de la cuisine, où sont les
voleurs ?
Mon oncle répond alors :
- Mais ils sont là devant la
porte ! Tu ne les vois pas.
J’ai l’impression de me
décomposer jusqu’au moment où ma tante répond à son époux :
- Je n’aime pas tes choses, tu
comprends ! Tu ne vas pas faire le malin aujourd’hui. Je t’ai dit que tu
ne vas pas faire le malin aujourd’hui. Tu ne vas traumatiser personne, tu
entends. Onanga, je t’ai à l’œil !
- Oh ! Comment peut-on me
menacer dans ma propre maison ??? Mais, laisse-moi regarder de plus près !
Ah, mais c’est ma fille ça ! Les autres, peuvent partir. Je ne les connais
pas. Je ne parle pas aux inconnus.
Mon cœur s’est arrêté de
battre. Je garde tout de même la tête debout. Tu as beau savoir que tu as un
oncle qui est un sacré numéro, qui sait se jouer de tout le monde, mais le
vivre personnellement fait un effet meurtrier.
J’avance vers lui le regard
suppliant. Il se lève alors que j’arrive à sa hauteur. Il ouvre grand ses bras
et me lance :
- Oh, mais c’est ma femme
ça ! L’amour de ma vie. Viens dans mes bras, ma chérie.
Je me blottie dans ses bras,
et tout bas le supplie :
- S’il te plait, papa, ne fous
pas la honte. Pas aujourd’hui. S’il te plait !
Le type me sert fort puis, me
lâche et éclate de rire en disant :
- Mais dis donc ! puis*je
savoir qui est ce couillon qui ose menacer ma fille de mort si je ne le reçois
pas dans ma maison ? C’est quoi cette histoire. Il est où le type qui a
osé voler les clés du cœur de ma fille ?
Ma tante intervient alors et
lance :
- Onanga, pardon ! Laisse
les gens vivre.
Là, de nouveau, je supplie
tout bas mon oncle et lui dis :
- Papa s’il te plait.
Il éclate de rire et
dit :
- Ah ça ! si mon avocate
est prête à porter plainte contre moi, ça veut dire que j’ai intérêt à la
fermer. Femme, laisse entrer ces inconnus-là ! Je suis de bonne humeur
aujourd’hui.
Je respire un grand coup et
prends la main de cet homme qui m’a élevée et qui est mon père, mon rocher, le
moteur de ma vie, le carburant de ma vie. Je fonds à nouveau dans ses bras et
lui dis :
- Merci papa.
Je m’assois tranquillement
dans le canapé face à son fauteuil. C’est l’œil rieur, qu’il reçoit Christian
et Christopher en leur demandant en omyènè :
- Que venez-vous faire
ici ?
C’est Christopher qui réponds
de façon rituelle :
- Papa, nous passions par-là !
Nous avons bordée ton jardin et remarqué de jolies fleurs. C’est la curiosité
qui nous a mené ici.
Les hommes restent à
s’échanger d’autres mots, plus énigmatiques encore. Je calme mon impatience en
répondant aux questions de ma tante qui veut savoir si tout va bien. Elle me
dit alors :
- Vien avec moi. Laissons-les
tranquilles.
Je suis ma tante dans la
cuisine. Quand j’arrive là, elle me sourit et me demande :
- Nanou, lequel des deux est
ton homme.
Je souris et réponds :
- Celui qui porte la veste et
la chemise bleue ciel.
Elle me regarde longuement et
me dit :
- C’est un bel homme. S’il
parle aussi bien qu’il est habillé, monsieur le député ne pourra rien dire.
Je souris et lui réponds :
- Si papa trouve à dire c’est
qu’il est fort. Mon chéri est une perle, un prince !
- Tu es radieuse, ma
fille ! S’il te rend heureuse, c’est une bonne chose.
Là, elle sort une bouteille
d’eau minéral e m’offre à boire. Puis, elle me dit :
- J’ai commencé à faire la
cuisine. Tout ce que tu aimes. J’ai pris des gambas que je ferai flamber, pour
ton chéri. Alors, raconte. Où vous êtes-vous rencontrés ? Et pourquoi nous
l’as-tu caché ? Il parait que ça fait de longs mois que vous êtes
ensemble.
Je lui souris, m’appuie sur le
congélateur et réponds à ses questions. Elle finit par me d ire :
- Ton oncle fait le malin
alors qu’au fond, il est très fier de toi. Il s’est renseigné sur ton homme dès
que ton frère lui a parlé de lui. Il vous attendait avec impatience.
- Pourtant, j’ai cru qu’il
allait me faire mourir de honte.
Elle sourit et dit :
- Tu sais comment il est. S’il
peut embarrasser quelqu’un avec ses mots et ses attitudes, il le fait. C’est de
bonne guerre. Ecoute, laisse-moi aller servir à boire à ces hommes. Tu peux
gouter ses beignets de crevettes en attendant.
Elle regarde dans le réfrigérateur,
en sort une bouteille d’eau fraîche et un bac à glace. Elle met les glaçons
dans un sceau, pose le tout sur un plateau et s’en va. Je reste là, goute les
beignets de crevette dont il est question, et vais vers la passoire posé dans
l’évier. Il y a du poisson frais à l’intérieur. Le poisson est déjà coupé en
morceau. Je sors donc une marmite pour en faire un bouillon. Je suis en train
de découper les légumes et les mettre dans la marmite posée sur le feu, quand
ma tante revient et me dit :
- Hu, la fille là ! Tu
n’as vraiment pas mal aux yeux.
Je souris et lui
demande :
- Pourquoi dis-tu cela ?
- Je veux dire que cet homme-là
est vraiment un très bel homme. Ma foi, Dieu t’a mis sur la bonne route le jour
où vous vous êtes rencontrés !
Je souris et réponds :
- C’est l’homme de ma vie
c’est normal. Prépare ta belle robe pour mon mariage. Ça ne va pas tarder.
- Je suis contente pour toi.
Je vois déjà ta mère pleurer de joie. Encore elle-même !
- Que font-ils dans le
salon ?
- Ils sont en train de parler
entre hommes, en buvant de vin. Tu sais comment ça se passe.
Je souris, l’esprit plus
léger.
Une heure et demis plus tard,
je sors dans le salon et vais vers la salle à manger pour dresser la table. Je
peux entendre les hommes parler de football. Je fais semblant de ne pas écouter
et me concentre pour faire correctement la table. Je repars dans la cuisine
pour aider ma tante à ramener les plats dans la salle à manger. Bientôt, nous
nous retrouvons assis autour du repas qui réveillerait un mort. Christian,
assis à ma droite, me prends la main, sous la table. Je le regarde et lui
souris. Ses lèvres sont tellement belles qu’elles me donnent envie de les
croquer. Je me rappelle alors que mon oncle est là et que j’ai intérêt à éviter
les faux pas.
Mon oncle se saisit d’une des
bouteilles de vin blanc apporté par les Oyembo. Il l’ouvre et va vers le pas de
la porte d’entrée en disant :
- On va donner à boire aux
ancêtre.
C’est ce qu’il fait en versant
quelques gouttes de vin en remerciant les ancêtres. Il revient à table et sert un
verre à son épouse, s’en serre et nous en propose. Ensuite, c’est au tour de ma
tante, de présenter chacun des quatre plats préparés qui sont posés sur la
table. Quand Christopher voit un plat de sardine frites, il ne peut s’empêcher
de remercier la cuisinière. Christian, lui, se dit touché par l’attention de ma
tante qui lui a réservé ce plat de gambas fumées au miel et au gingembre.
Il est 14h moins le quart
quand nous prenons congés de mon oncle et ma tante. Le paternel me tire dans un
coin et me dit :
- Je suis fière de toi, ma
fille. C’est enfant est très bien é levé. Tu as fait un bon choix !
- Merci papa, fais-je en le
prenant dans mes bras. Merci pour tout.
- Tu lui diras que s’il touche
ne serait-ce qu’à un de tes cheveux, il ne me reconnaitra pas.
Je le rassure en disant :
- Cet homme ne me fera pas de
mal, papa. Il est doux comme un ange.
Là, il me regarde longuement
et me dit :
- Pourquoi n’a-t-il plus voulu
de la femme qui partage la vie de ton frère aujourd’hui ?
Je réponds :
- Parce que la femme de sa
vie, c’est moi !
Il respire un coup puis me
saisissant les deux poignets, il lève mes bras à trois reprise, les pose sur
ses hanches et les lâche ensuite en me disant :
- Rendà n’ogandaga
n’amendjè ! (La bénédiction et la paix t’accompagnent ! )
Le soir, alors nous avons
passé l’après-midi au mariage à la coutume de ma meilleure amie, j’accompagne
Christian à son hôtel. Nous avions rendez-vous chez ma mère. Comme il est déjà
20h, je me vois obligée de l’appeler et de lui dire que je vais rentrer et que
Christian viendra lui dire bonjour demain. Là, dans la chambre, je reste
longtemps dans les bras de cet homme que j’aime plus que tout. Il me dit dans
l’oreille :
- Si tu savais le bonheur que
j’ai ressenti lorsque ton oncle m’a appelé « fils » ! C’était
incommensurable.
Je me détache de lui, le
regarde dans les yeux et l’embrasse du bout des lèvres. A cet instant, j’ai
envie de ne plus me soucier de rien d’autre que de construire mon bonheur avec
lui, ses enfants. Imaginer l’avenir à ses côtés est mon plus beau
chantier !
*** Flavie.
Il est 10h ce dimanche matin,
quand j’arrive chez la mère de Kéyan. Elle m’a gentiment demandé de lui
préparer des tartelettes à la pomme pour des invités qu’elle reçoit à déjeuner
ce midi. Le gardien me sourit en me demandant s’il peut m’aider à sortir mon
panier du coffre de ma voiture. Je réponds oui et le suis dans la cuisine.
Là, j’y retrouve l’une des
nièces de Kéyan, qui me dit :
- Oh, bonjour Flavie. Tata
Alice a demandé que je te conduise dans le petit salon, à ton arrivée.
C’est ce qu’elle fait. J’entre
dans cette grande pièce magnifiquement meublé de fauteuils en cuir. Celle que
j’appelle tante Alice, est assise là, les yeux dans un magazine de tourisme.
- On prépare son prochain
voyage, madame Oyembo !
Elle lève la tête, me sourit
et me dit :
- J’ai l’impression d’avoir
déjà fait le tour du monde, pourtant, je me refuse toujours d’aller dans certains
pays d’Asie.
- Et l’Amérique Latine ?
lui dis-je.
- Mon époux et moi somme allée
en Argentine, Au Brésil et au Venezuela. Bref, comment vas-tu ?
- Tout va bien pour moi. J’ai
fait 40 tartelettes.
- Merci, ma fille.
Elle se tait un moment, me demande
ce que je souhaite boire et appelle sa petite-fille. Cette dernière finit par
me préparer une tasse de thé vert.
Là, madame Oyembo me
demande :
- Tout va bien entre Jeffrey
et toi ?
- Oui. Et je me suis doutée
que si vous me demandiez de préparer des tartelettes c’était pour me retenir
ici pour discuter.
- Hum ! En effet. Gwenola
est passée me voir il y a deux jours pour me remettre un faire-part en
m’annonçant que Ralph et elle ont décidé de la date de leur mariage.
- Je suis contente pour eux.
On s’y attendait un peu.
Elle me regarde et me dit :
- Je m’attendais à ce que
Jeffrey et toi s oyez les premiers à m’annoncer votre mariage. J’attends cet
évènement depuis la première fois que je vous ai vus ensemble.
Je souris et réponds :
- Je suppose que les choses
viendront avec leur temps. Je suis confiante en l’avenir. Le plus important est
que nous voyions bien ensemble.
Je me tais, bois une gorgée de
thé et regarde un tableau fixé au mur devant moi. Elle me dit sur le ton de la
confession :
- Que se passe-t-il, Flavie ?
Pourquoi ai-je l’impression que tu ne me dis pas tout ? Je sens un blocage
ou alors, je dois cesser de faire confiance à mon flair.
Je savais que je ne pouvais
pas la flouer alors, je lui dis tout bas :
- Il y a un souci. En fait, je…
Euh ! C’est compliqué.
Elle pose son magazine sur la
table basse face à elle puis me dit :
- Que peut-il y avoir de
compliqué entre vous ?
Je lève la tête, la regarde et
lui dis simplement :
- Je… Nous… Bon, j’essaie d’avoir
un enfant, sans y parvenir. Je… Nous avons passé des examens pendant notre
séjour en Afrique du sud il y a quelques semaines.
- Et qu’est-ce que ces examens
ont donné !
- Je suis passée par plusieurs
cycles de kystes ovariens, sans conséquence. Et la dernière fois, le médecin m’a
remise sous pilule contraceptive alors, j’y suis encore. Bref, voilà. Je n’ai
pas vraiment envie de me marier sans savoir si oui ou non j’aurai un enfant.
- Et moi qui pensais que vous
préfériez vous marier avant de penser à tout ça.
- Jeffrey, peut-être. Pour moi,
c’est différent, même si je n’en parle pas. Je… J’aimerais au moins savoir que
je peux tomber enceinte et que de ce côté-là, il n’y a pas de souci. Le fait
est que jamais je n’ai eu ne serait-ce qu’un retard. Je… Je n’ai jamais eu
recours à un avortement, non plus.
- Dans ce cas, il faut espérer
le meilleur.
- Apparemment, c’est ça.
Espérer. Dis-je en hochant la tête.
Elle me regarde longuement et
me dit :
- Finis-en avec ce qui t’embête
actuellement. Et n’attends pas trois mois pour revenir me voir. Il n’y a pas de
question sans réponse.
- Hum ! D’accord. Merci.
Je n’aurais jamais pensé en parler avec quelqu’un d’autre que Jeffrey. Même à
ma mère, je n’ai rien dit.
- Pour le moment, il n’y a pas
de quoi s’affoler. Inutile d’en faire une affaire. Certaines situations se
résorbent d’elles-mêmes.
- Je l’espère ! fais-je
confiante.
- je boirai le champagne à
votre mariage. J’en ai déjà quelques bouteilles.
Je souris et dis :
- Vous aviez parié sur nous.
Mamie avait parié sur Kenya et Ellroy. Voilà que Gwenola et Ralph se marie en
premier.
Elle sourit et répond :
- Comme quoi, parier sur les
outsiders ça peut rapporter gros.
En partant de là, j’ai l’esprit
plus léger. Je décide de passer à L’Escale, prendre un tutti frutti et rentrer
à la maison. Jeffrey et les autres ont dansé toute la nuit. Il est rentré à 4h
du matin. Il est encore au lit avec l’intention de ne pas mettre le pied de la
journée. Il a gardé l’appartement qu’il partageait avec Ralph. Il a besoin de
son espace vital parfois, pour s’y réfugier quand il a envie de se reposer et
de réfléchir. Nous n’avons pas encore parler de nous retrouver dans un seul
logement car pour lui, la priorité est de voir finir, ce logement de trois
chambre avec deux salles de bains, que nous avons entrepris de construire tous
les deux. J’avais le terrain, nous avons tous deux miser les fonds après avoir
signer des papiers auprès d’un notaire. Tout, absolument tous les sous qu’il
gagne, y passe car c’est un projet qui lui tient à cœur.
Je sais que c’est un pari que
nous prenons sur l’avenir. Je sais qu’on pourrait penser que nous avons tous
les deux pris un risque, mais au moins, avoir vu ce projet sortir de terre et
prendre forme, a donné un coup de boost à nôtre couple. Keyan nous appelle « le
duo dynamique » ! ça me fait sourire à chaque fois.
Monsieur Jeffrey Abessolo est
l’homme qu’il me fallait. Je me lève chaque matin en me disant, que je suis à
la bonne place, là, dans son cœur.
Quand j’arrive chez lui, je
passe la clé dans la serrure et vais dans la cuisine déposer tout ce que j’ai
apporté. Je le retrouve dans le lit. Je viens tranquillement me coucher là, et
pose un baiser sur sa joue. Il grogne, ouvre un œil et le referme. Il me lance :
- Hum ! Pas avant 18h. J’suis
HS !
Je reste là sans bouger et me
contente de sourire avant de sortir du lit pour aller dans la cuisine pour
nettoyer et faire à manger.
Il est 14h quand Kenya m’appelle
pour me demander si je suis disponible. Elle aimerait faire un tour à la mer.
- J’suis dispo. Laisse-moi
quelques minutes et je suis à toi. Je vérifie que tout est ranger dans la
cuisine. Je vais dans le saloon et laisse un mot sur la table, avant de m’en
aller en refermant soigneusement la porte à clé. Quand je retrouve Kenya, je l’aide
à prendre les affaires de Daisy. Nous partons tranquillement. Je lui demande
alors :
- Où se trouve Ellroy ?
- Il avait une affaire de
famille à régler. Il n’a pas voulu m’en parler dans les détails histoire de ne
pas m’inquiéter. J’en saurai plus tout à l’heure.
- Je vois. A part ça, tout va
bien, n’est-ce pas ?
Elle me répond :
- Tout va bien pour lui. Il a
eu une promotion au travail alors qu’il ne s’y attendait pas. Cela a suscité
des jalousies dans sa famille. Il ne veut pas m’embêter avec tout ça mais j’ai
entendu des bribes de conversation avec sa mère. Disons que le père d’Ellroy colporte
plein de bêtises et de ragots sur lui. Bref, mon cancer, c’est ma mère. Le
sien, c’est son père. Et nous sommes là au milieu avec notre enfant.
Je la rassure en lui disant :
- Personne ne lance de pierre
vers les branches d’un arbre sans fruit.
Elle me regarde et me demande
ce que je veux dire par-là. Je lui réponds :
- Si les gens de part et d’autres
de vos familles regardent votre couple, c’est parce qu’ils savent d’instinct, que
votre union sera fructueuses. Vous êtes beaux, jeune, intelligents et en bonne
santé. L’avenir vous appartient. Ne perdez pas votre temps et votre énergie
pour regarder ailleurs que devant vous.
- Merci Flavie !
fait-elle en me posant une main sur mon épaule gauche.