Chapitre 13

Write by Lilly Rose AGNOURET

Chapitre 13

 

Un mois plus tard,

 

*** Candice Rémanda

 

Il est 8h 45 ce samedi 14 septembre quand notre avion en provenance de Libreville atterrit à Port-Gentil. Ma meilleure amie, Cyrielle, se marie cet après-midi, à la coutume et je suis heureuse d’avoir l’homme de ma vie à mes côtés pour l’occasion. Je sais que Christian est quelque peu stressé à l’idée de rencontrer les membres de ma famille. Il fait tout de même bonne figure et me sourit lorsque je lui dis que nous sommes arrivés.

Nous descendons de l’avion. J’active mon téléphone pour m’enquérir de la position de mon grand frère Thierry, que mon oncle a dépêché pour venir me chercher. J’ai voulu demander un véhicule de location pour être libre d’aller et venir, j’ai même réservé une chambre d’hôtel au Parthénon. Monsieur mon oncle, l’amour de ma vie, a carrément décrété qu’il est hors de question que j’aille à hôtel tant qu’il n’aura pas vu le « salaud » qui ose m’enlever à lui. Je sens qu’on va bien s’amuser ce week-end. Mon oncle va s’en donner à cœur-joie.

- Enfin ! dis-je alors que nous avons récupérer nos deux bagages.

- Dois-je t’embrasser maintenant et te dire au revoir ou aurais-je le droit de te garder pour la nuit ? me demande Christian.

- Il va te falloir payer une amende si tu veux me garder, mon beau.

Je suis heureuse d’être là, ici, avec lui. Loin de Libreville. Loin de ce diner de famille, qui a eu lieu hier à la résidence Oyembo. J’aime beaucoup l’idée d’être entourée des frères, sœurs, beaux-frères et belles-sœurs de Christian. Ils sont plein d’humours et d’affection. On ne s’ennuie jamais en leur compagnie. Mais dès qu’il est question de me retrouver face à ses mères, les choses se corsent. Je pense qu’il me faudra encore du temps pour leur faire accepter l’idée que China n’est plus là et qu’il faudra faire avec moi. Elle avait une touche avec les belles-mères, que je n’ai pas, il faut le reconnaitre.

Par contre avec Mamie, c’est le top. Cette femme est tellement adorable, que je ne perds pas une occasion d’aller la voir dès que je le peux. Elle a toujours une astuce à partager. Et ses petits secrets de cuisine. Cette idée de marier le riz à l’échalote et au persil. Jamais je n’aurais imaginé que ce soit aussi bon ! Mais voilà, j’ai observé, essayé et compris pourquoi on dit que ce sont les vieilles casseroles qui donnent les meilleures sauces. J’ai beaucoup de chance d’avoir trouvé une place dans le cœur de cette femme. Sa maison est mon havre de paix, l’endroit où je me réfugie à chaque fois que j’ai l’impression que madame Alice Oyembo me tolère plus qu’elle ne m’accepte.

Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour que ces femmes, Alice, Monique, Hortense, m’acceptent. Seule la tante Alvirah, l’unique sœur de mon beau-père Ernest Oyembo, m’accepte avec beaucoup de chaleur. Côté beaux-papas, il n’y a pas de soucis. Je peux compter sur le sourire chaleureux et l’affection du père de Christian ainsi que des oncles Oyembo. Bref, le temps est bon.

 

Sitôt que mon grand frère m’aperçoit, il sourit. Il arrive vers moi et s’arrange à ignorer Christian alors qu’il me prend dans ses bras. Quand il me repose, je lui dis :

- Thierry, ne me dit pas que tu es aveugle !

Il sourit, regarde Christian et dit :

- Toi et tes cachotteries ! ça fait combien de fois que tu séjournes à Libreville, sans même plus penser à venir passer un week-end à Port-Gentil ? Nanou, c’est quand la dernière fois qu’on t’a vu ici ? D’habitude, quand tu travailles à Libreville, tu passes le week-end à Port-Gentil, non ?

Je lui tire la langue et lui dis :

- Il faut que je bosse mon avenir. Et mon avenir est face à toi. Alors, sois poli, mon petit ! N’oublie pas que je suis ta grand-mère.

Il me sourit puis tend la main à Christian en lui disant :

- Mon gars, je félicite ton coup d’œil.

Christian se détend et répond :

- Je n’ai fait que saisir ma chance !

- En tout cas, bonne arrivée à Port-Gentil, cher beau-frère. Je suis Thierry Onanga.

- Enchanté. Christian Oyembo.

- Content de te rencontrer enfin ! Je n’ai rien compris au comportement de Nanou ces derniers mois. Et je ne suis pas le seul !

Là, il me prend mon bagage des mains et nous indique le parking.

- Je te laisse ma voiture pour le week-end, ma belle. Je fonce au stade à SOGARA pour retrouver des collègues pour un match de football.

Nous nous séparons. Je monte en voiture, et prend le volant. A mes côtés, Christian me sourit en disant :

- ça doit être amusant d’être la petite dernière !

- Oh ! Disons que c’est amusant parce que l’on m’a donné le nom de ma grand-mère à la naissance. Tu vois ce que je veux dire.

Il se rapproche et m’embrasse. Là, il me dit :

- Et si on allait voir ton oncle que je me fasse égorger une bonne fois pour toute.

J’éclate de rire et réponds :

- Je l’ai menacé. Je lui ai dit que bien se comporter.

- Et tu penses qu’il t’écoutera ? me demande Christian en souriant.

- Il a intérêt !

Je conduis jusqu’à l’hôtel Parthénon. Là, j’accompagne Christian jusqu’à sa chambre. Quand nous arrivons là, il m’emprisonne dans ses bras et me dit :

- Est-on obligés de partir maintenant ?

Je souris l’embrasse en lui caressant la tête. Je finis par lui dire :

- Oui, il vaudrait mieux, sinon mon oncle aura de quoi se montrer désagréable.

- Ok ! On y va ! fait-il après m’avoir embrassé.

Quand nous remontons en voiture, Christian prends le volant en me disant :

- Tu n’auras qu’à m’indiquer le chemin.

Avant de démarrer, il me demande d’envoyer un sms à son frère Christopher, qui vit ici et travaille chez Addax Petroleum, une compagnie de la place. Son frère doit nous retrouver chez mon père. Il m’indique qu’il n’est pas loin et qu’on n’a pas de souci à se faire.

Je mets de la musique pour détendre l’atmosphère. Je tombe sur une station qui diffuse des chants religieux. Christian zappe en cherchant quelque chose de plus dansant. Quand nous arrivons au Château d’eau, je lui indique le grand portail vert, devant lequel il vient se gérer.

- C’est le moment de vérité ! me fait Christian.

- Tu sembles bien confiant ! lui dis-je. Tu ne voudrais pas me donner un peu de ton assurance.

Il me sourit, m’embrasse sur le revers de la main et me dit :

- Au pire, il me chasse de chez lui mais au moins, je sais que tu me courras après pour me supplier de ne pas te laisser tomber.

- Hey, beau gosse, tu n’as pas les chevilles qui enflent, non ? dis-je en riant.

Il s’approche, m’embrasse et me dit :

- Je ramperai sur les fesses, s’il me le demandait. Rien ni personne ne pourra me détourner de mon amour pour toi.

- Je comprends mieux pourquoi je t’ai dans la peau, monsieur Oyembo.

Nos lèvres se rejoignent et bientôt se séparent car quelqu’un cogne à la vitre, de mon côté. C’est Christopher qui nous lance :

- C’est devant la maison de monsieur le député que vous venez vous encanailler ?

Nous descendons de voiture. Je fais la bise à Christopher et son frère lui donne une accolade.

- Tu as trouvé ce que je t »ai demandé ? lui fait Christian.

- Oui. J’ai chargé Florence d’acheter les tissus. J’ai trouvé les deux liqueurs et les deux bouteilles de vin demandées. Tout est là dans ce sac.

- Merci, p’tit frère ! lui dit Christian.

Je pousse ce grand portail et entends le chien aboyer. Il se calme en me reconnaissant. Je vais vers lui et le caresse. Nous avançons tranquillement dans la cours. Quand deux de mes neveux, qui y jouent, nous voient arriver, ils arrivent vers moi en criant : « Maman Nanou, maman Nanou ! »

Ils me sautent dessus. Et comme à cet âge, c’est-à-dire moins de 1 ans, ils sont très bavards, c’est en me racontant leur vie qu’ils m’entrainent vers la porte d’entrée. Cette porte est ouverte et de là où je me trouve, j’aperçois mon oncle assis dans son fauteuil préféré, lunettes relevées au-dessus de la tête, un journal en main. Quand il pressent ma présence, il lève la tête, la tourne vers moi. Il garde le silence alors que je m’essuie les pieds sur le paillasson, suivie par Christian et Christopher. Sans crier gare, mon oncle lève son verre et boit une gorgée. Sans crier gare, le type se met à crier en omyènè :

- Jeanine ! Apporte-moi ma carabine, s’il te plait. Il y a des voleurs à ma porte.

A la façon dont il a élevé la voix, mon cœur a raté un battement et me voilà figée sur le pas de la porte, incapable de dire mot.

Son épouse arrive de la cuisine, tambour battant, réajuste son pagne autour de sa taille, regarde son époux, regarde la porte et lance :

- Onanga ! Tu as quel problème ? Tu me fais sortir en courant de la cuisine, où sont les voleurs ?

Mon oncle répond alors :

- Mais ils sont là devant la porte ! Tu ne les vois pas.

J’ai l’impression de me décomposer jusqu’au moment où ma tante répond à son époux :

- Je n’aime pas tes choses, tu comprends ! Tu ne vas pas faire le malin aujourd’hui. Je t’ai dit que tu ne vas pas faire le malin aujourd’hui. Tu ne vas traumatiser personne, tu entends. Onanga, je t’ai à l’œil !

- Oh ! Comment peut-on me menacer dans ma propre maison ??? Mais, laisse-moi regarder de plus près ! Ah, mais c’est ma fille ça ! Les autres, peuvent partir. Je ne les connais pas. Je ne parle pas aux inconnus.

Mon cœur s’est arrêté de battre. Je garde tout de même la tête debout. Tu as beau savoir que tu as un oncle qui est un sacré numéro, qui sait se jouer de tout le monde, mais le vivre personnellement fait un effet meurtrier.

J’avance vers lui le regard suppliant. Il se lève alors que j’arrive à sa hauteur. Il ouvre grand ses bras et me lance :

- Oh, mais c’est ma femme ça ! L’amour de ma vie. Viens dans mes bras, ma chérie.

Je me blottie dans ses bras, et tout bas le supplie :

- S’il te plait, papa, ne fous pas la honte. Pas aujourd’hui. S’il te plait !

Le type me sert fort puis, me lâche et éclate de rire en disant :

- Mais dis donc ! puis*je savoir qui est ce couillon qui ose menacer ma fille de mort si je ne le reçois pas dans ma maison ? C’est quoi cette histoire. Il est où le type qui a osé voler les clés du cœur de ma fille ?

Ma tante intervient alors et lance :

- Onanga, pardon ! Laisse les gens vivre.

Là, de nouveau, je supplie tout bas mon oncle et lui dis :

- Papa s’il te plait.

Il éclate de rire et dit :

- Ah ça ! si mon avocate est prête à porter plainte contre moi, ça veut dire que j’ai intérêt à la fermer. Femme, laisse entrer ces inconnus-là ! Je suis de bonne humeur aujourd’hui.

Je respire un grand coup et prends la main de cet homme qui m’a élevée et qui est mon père, mon rocher, le moteur de ma vie, le carburant de ma vie. Je fonds à nouveau dans ses bras et lui dis :

- Merci papa.

Je m’assois tranquillement dans le canapé face à son fauteuil. C’est l’œil rieur, qu’il reçoit Christian et Christopher en leur demandant en omyènè :

- Que venez-vous faire ici ?

C’est Christopher qui réponds de façon rituelle :

- Papa, nous passions par-là ! Nous avons bordée ton jardin et remarqué de jolies fleurs. C’est la curiosité qui nous a mené ici.

Les hommes restent à s’échanger d’autres mots, plus énigmatiques encore. Je calme mon impatience en répondant aux questions de ma tante qui veut savoir si tout va bien. Elle me dit alors :

- Vien avec moi. Laissons-les tranquilles.

Je suis ma tante dans la cuisine. Quand j’arrive là, elle me sourit et me demande :

- Nanou, lequel des deux est ton homme.

Je souris et réponds :

- Celui qui porte la veste et la chemise bleue ciel.

Elle me regarde longuement et me dit :

- C’est un bel homme. S’il parle aussi bien qu’il est habillé, monsieur le député ne pourra rien dire.

Je souris et lui réponds :

- Si papa trouve à dire c’est qu’il est fort. Mon chéri est une perle, un prince !

- Tu es radieuse, ma fille ! S’il te rend heureuse, c’est une bonne chose.

Là, elle sort une bouteille d’eau minéral e m’offre à boire. Puis, elle me dit :

- J’ai commencé à faire la cuisine. Tout ce que tu aimes. J’ai pris des gambas que je ferai flamber, pour ton chéri. Alors, raconte. Où vous êtes-vous rencontrés ? Et pourquoi nous l’as-tu caché ? Il parait que ça fait de longs mois que vous êtes ensemble.

Je lui souris, m’appuie sur le congélateur et réponds à ses questions. Elle finit par me d ire :

- Ton oncle fait le malin alors qu’au fond, il est très fier de toi. Il s’est renseigné sur ton homme dès que ton frère lui a parlé de lui. Il vous attendait avec impatience.

- Pourtant, j’ai cru qu’il allait me faire mourir de honte.

Elle sourit et dit :

- Tu sais comment il est. S’il peut embarrasser quelqu’un avec ses mots et ses attitudes, il le fait. C’est de bonne guerre. Ecoute, laisse-moi aller servir à boire à ces hommes. Tu peux gouter ses beignets de crevettes en attendant.

Elle regarde dans le réfrigérateur, en sort une bouteille d’eau fraîche et un bac à glace. Elle met les glaçons dans un sceau, pose le tout sur un plateau et s’en va. Je reste là, goute les beignets de crevette dont il est question, et vais vers la passoire posé dans l’évier. Il y a du poisson frais à l’intérieur. Le poisson est déjà coupé en morceau. Je sors donc une marmite pour en faire un bouillon. Je suis en train de découper les légumes et les mettre dans la marmite posée sur le feu, quand ma tante revient et me dit :

- Hu, la fille là ! Tu n’as vraiment pas mal aux yeux.

Je souris et lui demande :

- Pourquoi dis-tu cela ?

- Je veux dire que cet homme-là est vraiment un très bel homme. Ma foi, Dieu t’a mis sur la bonne route le jour où vous vous êtes rencontrés !

Je souris et réponds :

- C’est l’homme de ma vie c’est normal. Prépare ta belle robe pour mon mariage. Ça ne va pas tarder.

- Je suis contente pour toi. Je vois déjà ta mère pleurer de joie. Encore elle-même !

- Que font-ils dans le salon ?

- Ils sont en train de parler entre hommes, en buvant de vin. Tu sais comment ça se passe.

Je souris, l’esprit plus léger.

 

Une heure et demis plus tard, je sors dans le salon et vais vers la salle à manger pour dresser la table. Je peux entendre les hommes parler de football. Je fais semblant de ne pas écouter et me concentre pour faire correctement la table. Je repars dans la cuisine pour aider ma tante à ramener les plats dans la salle à manger. Bientôt, nous nous retrouvons assis autour du repas qui réveillerait un mort. Christian, assis à ma droite, me prends la main, sous la table. Je le regarde et lui souris. Ses lèvres sont tellement belles qu’elles me donnent envie de les croquer. Je me rappelle alors que mon oncle est là et que j’ai intérêt à éviter les faux pas.

Mon oncle se saisit d’une des bouteilles de vin blanc apporté par les Oyembo. Il l’ouvre et va vers le pas de la porte d’entrée en disant :

- On va donner à boire aux ancêtre.

C’est ce qu’il fait en versant quelques gouttes de vin en remerciant les ancêtres. Il revient à table et sert un verre à son épouse, s’en serre et nous en propose. Ensuite, c’est au tour de ma tante, de présenter chacun des quatre plats préparés qui sont posés sur la table. Quand Christopher voit un plat de sardine frites, il ne peut s’empêcher de remercier la cuisinière. Christian, lui, se dit touché par l’attention de ma tante qui lui a réservé ce plat de gambas fumées au miel et au gingembre.

Il est 14h moins le quart quand nous prenons congés de mon oncle et ma tante. Le paternel me tire dans un coin et me dit :

- Je suis fière de toi, ma fille. C’est enfant est très bien é levé. Tu as fait un bon choix !

- Merci papa, fais-je en le prenant dans mes bras. Merci pour tout.

- Tu lui diras que s’il touche ne serait-ce qu’à un de tes cheveux, il ne me reconnaitra pas.

Je le rassure en disant :

- Cet homme ne me fera pas de mal, papa. Il est doux comme un ange.

Là, il me regarde longuement et me dit :

- Pourquoi n’a-t-il plus voulu de la femme qui partage la vie de ton frère aujourd’hui ?

Je réponds :

- Parce que la femme de sa vie, c’est moi !

Il respire un coup puis me saisissant les deux poignets, il lève mes bras à trois reprise, les pose sur ses hanches et les lâche ensuite en me disant :

- Rendà n’ogandaga n’amendjè ! (La bénédiction et la paix t’accompagnent ! )

 

Le soir, alors nous avons passé l’après-midi au mariage à la coutume de ma meilleure amie, j’accompagne Christian à son hôtel. Nous avions rendez-vous chez ma mère. Comme il est déjà 20h, je me vois obligée de l’appeler et de lui dire que je vais rentrer et que Christian viendra lui dire bonjour demain. Là, dans la chambre, je reste longtemps dans les bras de cet homme que j’aime plus que tout. Il me dit dans l’oreille :

- Si tu savais le bonheur que j’ai ressenti lorsque ton oncle m’a appelé « fils » ! C’était incommensurable.

Je me détache de lui, le regarde dans les yeux et l’embrasse du bout des lèvres. A cet instant, j’ai envie de ne plus me soucier de rien d’autre que de construire mon bonheur avec lui, ses enfants. Imaginer l’avenir à ses côtés est mon plus beau chantier !

 

*** Flavie.

 

Il est 10h ce dimanche matin, quand j’arrive chez la mère de Kéyan. Elle m’a gentiment demandé de lui préparer des tartelettes à la pomme pour des invités qu’elle reçoit à déjeuner ce midi. Le gardien me sourit en me demandant s’il peut m’aider à sortir mon panier du coffre de ma voiture. Je réponds oui et le suis dans la cuisine.

Là, j’y retrouve l’une des nièces de Kéyan, qui me dit :

- Oh, bonjour Flavie. Tata Alice a demandé que je te conduise dans le petit salon, à ton arrivée.

C’est ce qu’elle fait. J’entre dans cette grande pièce magnifiquement meublé de fauteuils en cuir. Celle que j’appelle tante Alice, est assise là, les yeux dans un magazine de tourisme.

- On prépare son prochain voyage, madame Oyembo !

Elle lève la tête, me sourit et me dit :

- J’ai l’impression d’avoir déjà fait le tour du monde, pourtant, je me refuse toujours d’aller dans certains pays d’Asie.

- Et l’Amérique Latine ? lui dis-je.

- Mon époux et moi somme allée en Argentine, Au Brésil et au Venezuela. Bref, comment vas-tu ?

- Tout va bien pour moi. J’ai fait 40 tartelettes.

- Merci, ma fille.

Elle se tait un moment, me demande ce que je souhaite boire et appelle sa petite-fille. Cette dernière finit par me préparer une tasse de thé vert.

Là, madame Oyembo me demande :

- Tout va bien entre Jeffrey et toi ?

- Oui. Et je me suis doutée que si vous me demandiez de préparer des tartelettes c’était pour me retenir ici pour discuter.

- Hum ! En effet. Gwenola est passée me voir il y a deux jours pour me remettre un faire-part en m’annonçant que Ralph et elle ont décidé de la date de leur mariage.

- Je suis contente pour eux. On s’y attendait un peu.

Elle me regarde et me dit :

- Je m’attendais à ce que Jeffrey et toi s oyez les premiers à m’annoncer votre mariage. J’attends cet évènement depuis la première fois que je vous ai vus ensemble.

Je souris et réponds :

- Je suppose que les choses viendront avec leur temps. Je suis confiante en l’avenir. Le plus important est que nous voyions bien ensemble.

Je me tais, bois une gorgée de thé et regarde un tableau fixé au mur devant moi. Elle me dit sur le ton de la confession :

- Que se passe-t-il, Flavie ? Pourquoi ai-je l’impression que tu ne me dis pas tout ? Je sens un blocage ou alors, je dois cesser de faire confiance à mon flair.

Je savais que je ne pouvais pas la flouer alors, je lui dis tout bas :

- Il y a un souci. En fait, je… Euh ! C’est compliqué.

Elle pose son magazine sur la table basse face à elle puis me dit :

- Que peut-il y avoir de compliqué entre vous ?

Je lève la tête, la regarde et lui dis simplement :

- Je… Nous… Bon, j’essaie d’avoir un enfant, sans y parvenir. Je… Nous avons passé des examens pendant notre séjour en Afrique du sud il y a quelques semaines.

- Et qu’est-ce que ces examens ont donné !

- Je suis passée par plusieurs cycles de kystes ovariens, sans conséquence. Et la dernière fois, le médecin m’a remise sous pilule contraceptive alors, j’y suis encore. Bref, voilà. Je n’ai pas vraiment envie de me marier sans savoir si oui ou non j’aurai un enfant.

- Et moi qui pensais que vous préfériez vous marier avant de penser à tout ça.

- Jeffrey, peut-être. Pour moi, c’est différent, même si je n’en parle pas. Je… J’aimerais au moins savoir que je peux tomber enceinte et que de ce côté-là, il n’y a pas de souci. Le fait est que jamais je n’ai eu ne serait-ce qu’un retard. Je… Je n’ai jamais eu recours à un avortement, non plus.

- Dans ce cas, il faut espérer le meilleur.

- Apparemment, c’est ça. Espérer. Dis-je en hochant la tête.

Elle me regarde longuement et me dit :

- Finis-en avec ce qui t’embête actuellement. Et n’attends pas trois mois pour revenir me voir. Il n’y a pas de question sans réponse.

- Hum ! D’accord. Merci. Je n’aurais jamais pensé en parler avec quelqu’un d’autre que Jeffrey. Même à ma mère, je n’ai rien dit.

- Pour le moment, il n’y a pas de quoi s’affoler. Inutile d’en faire une affaire. Certaines situations se résorbent d’elles-mêmes.

- Je l’espère ! fais-je confiante.

- je boirai le champagne à votre mariage. J’en ai déjà quelques bouteilles.

Je souris et dis :

- Vous aviez parié sur nous. Mamie avait parié sur Kenya et Ellroy. Voilà que Gwenola et Ralph se marie en premier.

Elle sourit et répond :

- Comme quoi, parier sur les outsiders ça peut rapporter gros.

 

En partant de là, j’ai l’esprit plus léger. Je décide de passer à L’Escale, prendre un tutti frutti et rentrer à la maison. Jeffrey et les autres ont dansé toute la nuit. Il est rentré à 4h du matin. Il est encore au lit avec l’intention de ne pas mettre le pied de la journée. Il a gardé l’appartement qu’il partageait avec Ralph. Il a besoin de son espace vital parfois, pour s’y réfugier quand il a envie de se reposer et de réfléchir. Nous n’avons pas encore parler de nous retrouver dans un seul logement car pour lui, la priorité est de voir finir, ce logement de trois chambre avec deux salles de bains, que nous avons entrepris de construire tous les deux. J’avais le terrain, nous avons tous deux miser les fonds après avoir signer des papiers auprès d’un notaire. Tout, absolument tous les sous qu’il gagne, y passe car c’est un projet qui lui tient à cœur.

Je sais que c’est un pari que nous prenons sur l’avenir. Je sais qu’on pourrait penser que nous avons tous les deux pris un risque, mais au moins, avoir vu ce projet sortir de terre et prendre forme, a donné un coup de boost à nôtre couple. Keyan nous appelle « le duo dynamique » ! ça me fait sourire à chaque fois.

Monsieur Jeffrey Abessolo est l’homme qu’il me fallait. Je me lève chaque matin en me disant, que je suis à la bonne place, là, dans son cœur.

Quand j’arrive chez lui, je passe la clé dans la serrure et vais dans la cuisine déposer tout ce que j’ai apporté. Je le retrouve dans le lit. Je viens tranquillement me coucher là, et pose un baiser sur sa joue. Il grogne, ouvre un œil et le referme. Il me lance :

- Hum ! Pas avant 18h. J’suis HS !

Je reste là sans bouger et me contente de sourire avant de sortir du lit pour aller dans la cuisine pour nettoyer et faire à manger.

Il est 14h quand Kenya m’appelle pour me demander si je suis disponible. Elle aimerait faire un tour à la mer.

- J’suis dispo. Laisse-moi quelques minutes et je suis à toi. Je vérifie que tout est ranger dans la cuisine. Je vais dans le saloon et laisse un mot sur la table, avant de m’en aller en refermant soigneusement la porte à clé. Quand je retrouve Kenya, je l’aide à prendre les affaires de Daisy. Nous partons tranquillement. Je lui demande alors :

- Où se trouve Ellroy ?

- Il avait une affaire de famille à régler. Il n’a pas voulu m’en parler dans les détails histoire de ne pas m’inquiéter. J’en saurai plus tout à l’heure.

- Je vois. A part ça, tout va bien, n’est-ce pas ?

Elle me répond :

- Tout va bien pour lui. Il a eu une promotion au travail alors qu’il ne s’y attendait pas. Cela a suscité des jalousies dans sa famille. Il ne veut pas m’embêter avec tout ça mais j’ai entendu des bribes de conversation avec sa mère. Disons que le père d’Ellroy colporte plein de bêtises et de ragots sur lui. Bref, mon cancer, c’est ma mère. Le sien, c’est son père. Et nous sommes là au milieu avec notre enfant.

Je la rassure en lui disant :

- Personne ne lance de pierre vers les branches d’un arbre sans fruit.

Elle me regarde et me demande ce que je veux dire par-là. Je lui réponds :

- Si les gens de part et d’autres de vos familles regardent votre couple, c’est parce qu’ils savent d’instinct, que votre union sera fructueuses. Vous êtes beaux, jeune, intelligents et en bonne santé. L’avenir vous appartient. Ne perdez pas votre temps et votre énergie pour regarder ailleurs que devant vous.

- Merci Flavie ! fait-elle en me posant une main sur mon épaule gauche. 

LOUBEV...