Chapitre 13

Ecrit par EdnaYamba

                                                           

 

 

Chapitre 13

Isabelle MOUKAMA

Je ne sais pas comment je me suis laissée convaincre par René d’accepter ce rendez-vous avec lui, me voilà en train de me préparer, sous les regards satisfaits de Mireille et Lydie. Elles peuvent être satisfaites, elles ont eu ce qu’elles voulaient et au fond, je ne suis pas aussi dégoutée que ça d’aller m’amuser un peu. Depuis que je sais pour BOUMI et Mélanie, j’ai envie de passer à autre chose définitivement. Je vais être Heureuse, s’il pensait que je resterais à terre après sa trahison, je ne vais pas lui donner l’occasion de se dire qu’il a réussi. Moi aussi, je peux être heureuse !

J’embrasse Grace, et je vais rejoindre René au carrefour.

-         Je ne suis malheureusement pas un gars nanti, pour t’éviter de prendre les taxis ! me dit-il souriant quand il me voit arriver.

-         On y va ou pas ?

-         On y va ! sourit-il

C’est dans un cadre sympa qu’il nous emmène. D’ailleurs je n’ai pas d’éléments comparatifs, c’est la première fois qu’on m’invite quelque part. Je ne suis pas très à l’aise, à presque 20 ans, je ne me suis jamais retrouvée avec un garçon avec les gens autour de nous. Avec BOUMI, on se voyait toujours aux heures tardives, loin des regards, mais avec René qui me parle de lui avec Humour, je me détends peu à peu. J’apprends qu’il est de l’OGOUEE IVINDO, issu d’un foyer polygamique dont sa mère est la deuxième, et qu’il a une pléthore de frères et sœurs, il évoque avec humour les bagarres entre les femmes de son père et son père.

-         S’il y a une chose dont je suis sûr c’est que je ne serais jamais polygame, je ne veux pas mourir de crise cardiaque ! si je t’épouse tu seras l’unique femme

Il éclate de rire alors que je fronce mes sourcils.

-         Il n’est pas question de relation, alors comment peux-tu parler de mariage !

-         Je rigole Isabelle, tu devrais te décoincer un peu. Et passer un bon moment en amis.

-         La dernière fois que j’ai essayée, il a essayé de me violer et ensuite il a lancé des paroles mensongères à mon sujet

 

René NGODET

Je relève. Il y a tellement d’amertume dans cette voix. Par quoi a-t-elle dû passer cette fille ?

-         Pourquoi ne t’es-tu pas plainte ? bien Si tu veux bien en parler, je t’écoute si tu ne veux pas aussi, c’est ton droit, lui dis-je pour ne pas la forcer.

Elle me regarde mais à ce moment son regard se teinte de tristesse.

-         Contrairement à toi qui a eu une enfance joyeuse, la nôtre n’a pas été ce qu’on peut dire très joyeuse, personne ne nous aimait dans le village, Mireille et moi, nous n’avions que notre grand-mère….

Je l’écoute me raconter pleine d’émotions  son histoire ; je ne m’attendais pas à ce qu’elle se confie à moi, mais je suppose que parfois quand le bol est plein, on a besoin de le vider. Je suis triste que sur son chemin, elle ait eu à rencontrer les gens malintentionnés, cet Antoine s’est comporté comme un vrai imbécile, et l’autre, le docteur, profite de sa faiblesse pour lui ajouter encore plus de peine. Je comprends pourquoi, elle semble si fermée.

-         Tu sais Isabelle, dans le parcours de la vie on rencontre plusieurs types de personnes, certains nous déçoivent profondément, d’autres apparaissent juste comme des anges tombés du ciel ; la première catégorie on la rencontre assez souvent maintenant il faut apprendre à ne pas les laisser affecter ta vie. Ton histoire est triste, mais la suite va dépendre de toi, vas-tu laisser cette histoire t’affecter ou vas-tu relever la tête et te rendre compte que tu es encore jeune et que tu auras de plus belles rencontres à faire. Tout dépend de toi et sous quel angle tu vois tout ça !

J’imagine qu’avec la déception qu’elle a endurée, il est difficile d’accorder du crédit à mes paroles.

-         Je ne suis pas Jonathan et je ne suis pas Antoine pour te briser le cœur. Je suis René NGODET, et si je t’écoute en ami aujourd’hui, ça n’exclut pas le fait que je te trouve jolie et que j’espère un peu plus. Au moins comme ça ! au moins comme ça c’est clair, je n’aurais pas à faire semblant.

-         Je savais que…

-         Je suis juste sincère Isabelle ! coupé-je, il est préférable que tu le saches pour que tu ne sois pas déçue.

Je n’ai pas l’intention de faire comme ce lâche de Jonathan, lui offrir mon amitié alors que j’en espère certainement plus et après tenter de la violer. Y a des hommes qui devraient avoir honte d’eux même.

Au moins elle sait que s’il y a une opportunité pour qu’il se passe quelque chose, je ne serais pas contre de la saisir.  Pour l’instant, on est peut-être pas sur la même longueur d’onde parce qu’on ne peut pas lui demander d’un coup  de masquer toute cette tristesse comme s’il elle n’avait jamais existé mais avec le temps, je suis sûre qu’elle comprendra.  Il n’est pas question de se précipiter non plus alors que je ne suis même pas sûre de ne pas être moi-même une source de tristesse pour elle, comme ceux que j’ai critiqués. Il vaut mieux y aller tranquillement, bien que maintenant elle me plait un peu plus.

Je change de sujet pour qu’on passe de cette note triste à un peu de joie, je préfère même encore la voir avec ses sourcils froncés contre moi que de voir ce voile de tristesse dans ses yeux. Je ne lui reparlerais plus de cette étape du passé, il vaut mieux qu’elle regarde à l’avenir, 19 ans c’est un peu jeune pour s’enfermer dans une cage de tristesse, il faudra lui montrer que l’avenir peut encore plein de belles surprises, si elle le veut.

Quand on finit, je la raccompagne chez elle et pour la première fois depuis que je l’ai rencontrée, elle m’offre son sourire en me disant merci.

On avance.

 

 

Antoine BOUMI

-         Ta famille, tu peux toujours t’en occuper depuis ici si c’est ça qui t’inquiète. Me dit Mélanie

Depuis la discussion avec nos amis sur le sujet, elle me rabâche les oreilles avec cette histoire. Je prends la taie d’oreillers pour me boucher les oreilles, qu’est-ce qu’elle peut être chiante par moment.

-         Tout le monde fuit LIBREVILLE et toi tu veux y retourner. Tu te trouves normal ?

-         Je ne suis pas tout le monde, dis-je en enlevant la taie alors que je me rends compte que madame la « pie » ne s’arrêtera pas de parler à apparemment.

J’ai essayé toutes les méthodes, l’ignorer, essayer de lui expliquer, ne pas l’écouter mais rien à faire, elle rappe, si y a un groupe de rap qui cherche un membre je leur la conseillerais bien. Elle m’emmerde.

Je me lève du lit.

-         Tu vas où BOUMI, je n’ai pas fini de parler !

-         Ecoute-moi Mélanie, tu m’emmerdes ! comprend une bonne fois pour toutes, je rentre au GABON après mes études, point trait. Si tu veux rester, tu restes. Mais vu que tu es ma copine, je te conseille de me suivre !

J’enfile mon tee-shirt et je vais trouver Alain dehors à qui je propose un petit footing, histoire de me déstresser un peu. Elle me fout un stress pas possible. Je l’aime mais la supporter, c’est une véritable épreuve. Je peux céder à tout ce qu’elle veut mais Rentrer au GABON , elle ne m’en empêchera pas !

Il n’y a rien qui ne m’empêchera de faire ce à quoi j’ai toujours rêvé depuis mon enfance. J’ai dit que je serais un grand Homme dans mon pays je le serais, vivre ici ne m’intéresse pas plus que ça, on ne m’y forcera pas !

-         Ma excuse-moi , me dit Alain, Mélanie est belle et tout, mais quand je vois bizarrement j’ai pas trop l’impression que vous êtes faits pour être ensemble.

-         Arrête Alain, c’est parce que déjà à la base vous ne vous entendez pas bien, que tu dis ça !

-         Et pourtant non, mais bon c’est ta life man, si tu dis que c’est la bonne c’est toi qui sait, je ne suis pas avec vous dans le noir après tout ! rigole-t-il

-         Fous le camp, lui dis-je riant. Mélanie est la fille avec qui je veux être !

La preuve je ne suis retourné vers aucune fille avec qui je la trompais, même pas la dernière. Je me suis réveillé un matin résolu, me rendant compte que je ne devais pas prendre le risque de la perdre, le sentiment qu’il me manque quelque chose est toujours là , je le ressens dans les profondeurs de mon cœur, mais je n’éprouve plus le besoin d’aller vers une fille pour le trouver, enfin ce n’est pas tant ça la vérité c’est que j’ai essayé d’appeler une , une fois mais quand j’ai raccroché j’ai senti un dégout, j’ai appelé une autre , même chose. Je me suis dit au bon d’un moment, c’était le signe qu’il fallait peut-être que j’arrête et essayer de combler ce vide avec Mélanie parce qu’au fond je l’aime, mais rien, ce vide me semble irremplaçable.

Qu’est-ce qui me manque ?

J’ai essayé de faire le tour.

Ma famille va bien, ils me manquent mais ce n’est pas eux le problème.

Je fais ce qui me plait, dans une école prestigieuse.

J’ai une petite amie aussi belle qu’intelligente.

A mon âge, j’ai ce qu’il faut, je peux dire.

Alors qu’est-ce qui me manque ? Je ne comprends pas !

Plus j’y pense, plus ça devient flou.

J’en ai les mots de tête.

Isabelle MOUKAMA

Les vacances sont terminées, Mireille est repartie sur Mouila, les petit-fils de Mme Gisèle sont repartis en France, des enfants adorables, ils vont me manquer, avant de partir ils ont donné tout plein de cadeaux à Grace. Ça m’a émue et leur maman en venant les récupérer m’a dit :

«  merci d’avoir bien pris soin de mes enfants, ils ne parlent que de vous. Ils m’ont dit que vous avez une petite fille, tenez je l’ai apporté quelques petites tenues je crois bien qu’elle ira à la crèche n’est-ce pas ?

Quand elle a vu mon visage étonnée, elle a souri.

-         Je suppose que ma mère ne vous a rien dit, elle a inscrit votre fille dans une crèche. Elle n’aime pas qu’on sache qu’elle peut-être gentille.

J’ai pleuré de reconnaissance en leur disant merci. Quand Madame Gisèle est rentrée , je suis allée lui dire Merci, elle m’a tout simplement répondue :

-         Mes petits-fils adorent ta fille. Ils m’ont rabattu les oreilles avec mamie Grace doit aller à l’école. Je le fais pour eux.

Pour eux, pour moi, pour elle, qu’importe ! Je leur suis reconnaissante. Grace ira dans une école bien et je n’aurais rien à dépenser.

C’est René qui a raison, on rencontre tous types de personnes sur le chemin de notre vie. De bonnes comme de mauvaises personnes.

Fêtes de Fin d’année.

Isabelle MOUKAMA

Le 31 décembre, Libreville est en effervescence partout dans chaque maison, on prévoit comment va se dérouler ce passage d’une année à une autre, certains iront à l’église avant de rejoindre leurs parents et amis pour continuer la fête, d’autres poursuivront la fête qu’ils ont commencé 1 semaine plus tôt, d’autres resteront simplement à la maison comme moi à suivre les programmes de la télé. Grace ira avec les autres à l’église et moi je vais en profiter pour me reposer un peu, hier j’ai dû faire le grand ménage chez Madame Gisèle qui devait recevoir ses amis pour le réveillon. Elle n’a pas voyagé cette année car ses petits enfants sont allés avec leurs parents aux États-Unis. Ces gens-là parlent des voyages comme s’il s’agissait de faire Libreville-Mouila ou Libreville-Oyem.

-         Tu ne vas quand même pas rester toute seule à la bonne année, se plaint Lydie venue encore une fois me convaincre de sortir avec eux.

-         Si, allez-vous amuser !!! on se revoit demain.

-         Ok si tu le dis ! mais promets-moi que tu vas rester à prendre de nouvelles résolutions surtout les meilleures pour la nouvelle année, comme par exemple regarder un peu à René et accepter sa proposition.

Elle me fait un clin d’œil qui me fait sourire.

Il est vrai que les relations entre René et moi ont beaucoup évolué, on se dispute moins, on s’entend même plutôt bien, je le découvre autrement et même si je ne suis pas follement amoureusement, je ne vais pas cacher qu’il ne me laisse plus indifférente.

Tout le monde est prêt pour l’église, je les embrasse et leur dit de prier pour nous tous. Je vais m’allonger un peu quand une heure plus tard, j’entends frapper à la porte de la maison.

-         C’est qui ? demandé-je  en prenant un balai au cas où.

Je ne peux pas prendre le risque d’ouvrir sachant que la période des fêtes, c’est aussi la période de grands vols et braquages.

-         C’est René !

-         René, dis-je en ouvrant la porte, alors que je le vois là souriant.

-         Tu as eu peur c’est ça !

-         Bien sûr, entre mais qu’est-ce que tu fais là ?

-         Je suis venu passer le réveillon avec toi, tu n’allais quand même pas le passer toute seule. Regarde ce que j’ai apporté.

Il me montre un sachet et quand je l’ouvre je vois qu’il y a des choses à grignoter et des boissons.

Il rentre et nous mettons la télé et commentons les émissions qui passent.

-         Bientôt l’heure, me dit-il

-         L’heure de quoi ? lui demandé-je.

-         L’heure des feux d’artifices, viens.

Il m’entraine dehors en me disant qu’on les verra d’ici, les feux d’artifices lancés depuis la présidence. Et on se met à compter, jusqu’à ce qu’il me retourne et me dise :

-         Bonne année Isabelle

-         Bonne année René, lui dis-je alors qu’il dépose ses lèvres sur les miennes et que je n’oppose aucune résistance.

Et voilà une résolution pour la nouvelle année, me laisser la chance d’être heureuse et oublier BOUMI, l’étouffer dans mon cœur. Je ne l’aime peut-etre pas comme j’ai aimé Antoine mais je sais que je peux essayer de lui faire confiance.

Nouvelle année, nouvelles résolutions. Faire tout pour être Heureuse.

L'orpheline