Chapitre 14

Ecrit par sokil

Chapitre 14 :

Je travaille chez les  Drouet depuis un mois déjà, tout va pour le mieux, je m’y sens à l’aise, j’ai vite pris  la main, d’ailleurs madame n’a pas fait beaucoup d’efforts pour m’expliquer comment ça se passe ; je m’occupe de tout ce qui la concerne elle, jusqu’à laver même ses sous-vêtements !!! Quels compromis ne faut-il pas faire lorsque l’on veut s’en sortir dans la vie. J’ai eu droit à mon premier salaire, mine de rien j’en suis contente ; je me suis arrêtée au super marché pour acheter quelques petites gâteries à mes enfants ; qu’est ce qu’ils grandissent ces deux là ! À onze et neuf ans, ils font plus que leur âge ; ils s’en sortent quand même assez bien, malgré les difficultés ; surtout Enzo ; Petit François à l’air perturbé, il est plus conscient de la situation qui prévaut, il n’a cessé de me demander où est parti son père ; alors un jour, je les ai fait assoir tous les deux et je leur ai dit la vérité, qu’ils ne le reverront pas de sitôt, sinon jamais ! Mais ils peuvent toujours garder espoir, on ne sait jamais ; je leur ai dit que  malgré tout, même si il n’est plus avec moi, il reste avant tout leur père, et qu’ils n’ont pas le droit de le rejeter.

Depuis ce jour là Petit François a commencé développé une attitude agressive, il ne supportait pas que l’on s’en prenne à moi ; il me voit souffrir, il m’a vue pleurer et il a finalement compris que c’est à cause de son père que je suis devenue ainsi, et que la vie n’est plus pareille ; il a compris qu’on n’aura plus de maison, il a compris que rien en sera plus comme avant, il a compris que nous allons passer le reste de notre vie dans la souffrance. Ce jour là, avant de s’en aller il m’a lancé cette phrase en langage des signes : «  Papa !!! Je le déteste, le jour où je le verrai, je me vengerai pour toi maman …. ». Toute cette nuit là j’ai été inconsolable, et je me suis juré de ne plus aborder ce sujet avec eux ; on devait tourner définitivement la page à propos de  Martin.

Je peux dire que au fond de moi, j’ai encore eu une petite lueur d’espoir, en espérant que Martin referait surface un de ces quatre, je me suis dit qu’il finirait par revenir au moins pour ses enfants ; je me suis sentie prête à lui pardonner, je me suis dit qu’il a sûrement agi ainsi sous l’emprise d’une possession diabolique, et qu’il devait être sauvé comme moi ; mais ma rencontre avec Solange le mois dernier m’a fait changer complètement d’avis ; il a organisé mes propres obsèques avec la complicité de sa famille !!! On m’a traité de sorcière et de tous les noms, mais c’est lui et tout son monde les vrais sorciers !!! Je me suis dit que lui et moi s’en était bel bien terminé ; si au moins j’avais une seule preuve de l’endroit où il pouvait être, mort ou vivant, j’aurai entamé la procédure de divorce. Même cette maison, je n’ai plus espoir d’y vivre un jour, trop des rumeurs ont commencé à circuler autour, ça me fait de plus en plus peur ! Ils ont simulé une sois distante fausse veillée entre eux, pendant que j’étais en Europe, même les miens n’ont pas été mis au courant, ni même nos amis, ils savaient ce qu’ils fomentaient, la vraie sorcellerie !!! De toutes les manières, pour moi il est mort et enterré.

Tout ce qui importe dorénavant, c’est mon job, j’ai la chance de vivre sous un toit, chez mes parents, je contribue quand même tant que je peux, je leur donne dix mille frs comme modeste contribution, le reste je gère tant bien que mal, je n’ai pas la possibilité de me faire des économies, le salaire est bien trop maigre, je m’occupe des enfants et de moi-même ; j’ai beaucoup perdu, les kilos et de mon style, je souhaite m’y remettre le plutôt possible, je recommence à prendre soin de moi, de mon corps ; à l’époque j’avais beaucoup de vêtements, je n’achetais que ceux de grandes marques, maintenant obligée de rappliquer à la friperie !!! Je prends quand même le soin de bien choisir ce qu’il me faut, grâce aux goûts que j’avais à l’époque. Petit à petit, je me constitue une garde robe toute simple, avec les accessoires, produits de beauté de tout ordre, rien de vraiment luxueux, mais juste ce qu’il faut. Un jour, en plein marché de Mokolo, je suis dans une discussion avec le vendeur à propos du prix d’une chaussure qui m’a tapée à l’œil ; j’entends deux dames qui parlent derrière moi, je ne les connais pas, mais elles ont l’air de bien me connaître. Elles parlent de moi, je les entends bien mais je feints d’être occupée par les articles du vendeur. Elles se disent sûrement que je ne les entends pas.

-          L’une des dames : Ce n’est pas la femme qu’Olam a jetée là ??? Regarde un peu !!!

-          L’autre dame : Ehhhh ! Oui c’est elle !! ne parle pas fort elle va nous entendre…

J’ai tout entendu, je leur ai juste jeté un regard comme quoi je m’en fiche pas mal de ce qu’elles peuvent bien penser de moi. D’où sortent-elles ? De toutes les façons, cette histoire a fait jaser presque toute la république je peux dire ; je vis presque tout le temps ce genre de situation, c’est tantôt un ami qui me croise en route, surpris, et qui est au courant de l’affaire, tantôt une amie, n’en parlons pas de la famille ; et pire de l’entourage de Martin ; même ses neveux j’ai eu à les croiser, ils ont feint de ne pas me connaître, par contre ses frères, je ne n’ai plus jamais eu l’occasion jusqu’ici de les rencontrer, sauf par l’intermédiaire de nos avocats surtout concernant l’affaire de la maison. Cette histoire a fait du bruit même à l’international, tante Irma, et sa fille  en ont été désolées, elle m’a dit que cette histoire sentait le roussis, elle m’a  réconforté comme elle pouvait ; la pitié des gens j’en ai marre, parce que je lis parfois dans leur regard une certaine  hypocrisie, on sent bien lorsque quelqu’un compatis à ta cause, si il est sincère ou non ; je ne fais confiance qu’a mes parents et mes sœurs. Pour le reste j’essaie de transcender comme je peux.

A la maison, ma mère n’a plus fait de bruit, elle ne m’en veut plus sur mon choix d’avoir choisi de travailler comme bonniche chez les blancs ; elle fait avec et espère quand même qu’un jour je décrocherai un boulot assez digne, je l’espère aussi, mais pour le moment je fais avec. Je me plais dans ce que je fais, même si ce n’est pas facile tous les jours ; je me lève très tôt, j’apprête les enfants pour l’école ; papa n’a plus de voiture, elle a finit par le lâcher entre temps, tout le monde se débrouille en taxi. Je cours dans tous les sens dans la maison, je les accompagne à l’école, heureusement que les écoles des garçons sont côte à côte ; je les dépose et je file au boulot, j’arrive toujours presque pile poil à l’heure, je veux être une employée modèle.

Mais aujourd’hui ce n’est pas de chance il pleut abondamment, et les taxis sont difficile à trouver, je peine beaucoup, mais je finis par les déposer à l’école et j’arrive au boulot avec deux heures de retard ; la patronne est furax, elle me gronde, je m’excuse, elle ne veut rien entendre, surtout que la veille j’ai brûlé une de ses chemises, et en plus je suis entrée par mégarde dans leur chambre à coucher sans cogner, je suis tombée nez à nez avec son mari, il était  nu comme un ver ; elle a rouspété toute la journée, pensant que je l’ai fait exprès , je n’ai fait que me confondre en excuses ; et voilà que ce matin j’arrive en retard; pour elle l’excuse de la pluie ne tient pas, mon salaire sera réduit à la fin du mois ; pas grave je serre le cœur.

-          Mme Drouet : J’vais débiter tout ça sur ton salaire !!! mais ça va pas non ? Tu t’crois où là ? Tu peux entrer comme tu veux à ton aise dans notre chambre, et maintenant tu t’permets de venir à ton aise au boulot à n’importe quelle heure ?

Je l’ai subie toute cette semaine, en six mois j’ai tout fait pour être une employée modèle, j’essaie de mériter mon salaire, j’ai fini par comprendre les difficultés de la vie, j’ai fini par comprendre que rien n’est facile ; mon ancienne vie de princesse m’avait aveuglée, je ne réalisais pas tout ça, et je me rends compte maintenant de beaucoup de choses, de ce dont me sœurs me parlaient, et surtout de ce que me disait ma mère.

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Je me revois à 19 ans, mon bacc en poche, je viens d’entrer à l’université, en faculté de droit, je rêve de devenir une grande avocate ! Plus tard j’ouvrirai mon cabinet ; oui j’ai de l’avenir devant moi qui m’attends !!! J’étudie mes leçons comme toujours, je suis passionnée de droit. Aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi maman n’arrête pas de me commissionner, « Va faire ci, va faire ça…. » Je ne respire pas et tout ça pourquoi ? Parce qu’elle et papa attendent un invité très important, un ami précieux à papa comme ils s’appelaient chaque fois qu’ils se voyaient !!!

-          Mon père : Alors !!!! Mon ami très précieux !!!!

-          Etienne : Oui !!! mon ami très précieux !!!!!

Je n’ai jamais su comment ils se sont connus, sûrement ils ont eu à travailler ensemble comme fonctionnaires, avant que papa ne sois muté ailleurs. Bref,  ils se sont toujours fréquentés. Maman apprécie aussi ce monsieur Etienne qui est constamment  fréquent à la maison, il a toujours le mot pour rire, et il est au courant de tout, de toute l’actualité, mes parents adorent l’écouter. Maman en fait un peu trop je trouve, pour une seule personne elle fait tout un festin, hors d’œuvre, ndole, poulet, sanga, porc épic !!!! Je suis abasourdie et tellement énervée ! Elle me gronde et me remet à ma place, elle m’explique que cet Etienne arrive avec son frère rentré fraîchement d’Europe et alors ????

Je finis toute la corvée, je file dans ma chambre me reposer ; avant l’arrivée des Olam, je reçois la visite d’une camarade de la fac, elle veut qu’on se promène un peu, je lui dis ok, on va dans ma chambre, je me lave et je  m’apprête ; je veux respirer un peu d’air pur, sortir de cette maison pour quelques heures, ma mère m’agace ! On sort et on prend le taxi, direction le centre ville …..

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J’y pense et repense presque tous les jours, voilà comment aurait été mon destin si j’étais sortie avec ma camarade ce jour là, je n’aurai pas rencontré Martin, je n’aurai pas fait sa connaissance à cette table ; ma vie aurait été tout autre, j’avais un avenir plus prometteur, j’aurai eu mes diplômes et j’aurai peut être réussis ma vie ; je suis plein de regrets et j’ai la nostalgie de ce temps perdu.

-          Monsieur Drouet : A quoi tu penses ?

Je n’ai pas entendu Monsieur Drouet derrière moi, je suis entrain de repasser les vêtements de sa dame, et je suis en même temps plongée dans mes pensées. Il s’est placé jusqu’à mon niveau, il faut avouer qu’il est grand de taille, mince, l’âge ne la pas épargné non plus, il est dans la soixantaine. Je sens sa respiration près de moi, sur mon cou, je sursaute, je me retourne brusquement, je panique. Il me tient par la taille.

-          Moi : Ecoutez Monsieur…. Svp !!!!

-          Monsieur Drouet : Noooon …. N’aies crainte j’te ferai pas de mal d’accord ? laisse toi faire tout simplement…. J’te désire tellement…. J’ai envie de toi….Et si on f’sait l’amour ?

Au Coeur de la Tourm...