Chapitre 14 : DOUCEUR DE GRAND’MA

Ecrit par Marc Aurèle

 

Je me tenais à présent sur mon séant. Il sonnait déjà vingt heures du soir et les locaux de l’ELNASER BUILDING SA s’étaient entièrement vidés. A plusieurs reprises, j’avais essayé de joindre mon épouse qui s’était refusé de décrocher mes appels. J’avais pu parler avec grand’ma qui était parvenu à parler avec elle. A le savoir, j’en étais rassuré, je devais quand même aller vers la quadragénaire pour écouter des sagesses. Les sagesses de grand’ma sont mes douceurs à moi. Vous savez, certains s’empiffre de sucreries, de viennoiseries et autres, mais moi je n’en ai que pour les belles paroles de ma douce et tendre grand-mère.

Je jetai un coup d’œil à la ronde avant de me décider à partir. Dès que je sorti du bureau, je tombai sur Suzy, mon assistante qui était encore devant son bureau.

-          Je suis entrain de finir les corrections du dossier de l’ile de l’été, histoire de gagner du temps me lança t-elle

Je lui jetai un regard réprobateur et elle se leva aussitôt. Je la regardai arrêter le poste et ranger son sac à main. Elle fit mine de traîner encore un peu, mais quand elle se tourna vers mi, elle comprit qu’elle n’avait juste plus sa place en cet endroit. En a qualité de premier responsable des lieux, j’avais un point d’honneur sur le sujet. En effet, à moins d’être absent du territoire national ou empêché d’une quelconque manière, je veillais à être le dernier à quitter l’immeuble et à m’assurer de la mise en place des agents de sécurité. Le cas échéant, je me contentais de surveiller cette entreprise via les applications de vidéo surveillance que j’avais sur mon Smartphone.

 

Une heure de temps après j’étais assis avec grand’ma à papoter et faire le tour des sujets multiples qui depuis peu, avaient animés ma vie. Sa sagesse, n’avait pas que de nom, elle avait aussi des actes et tels les rosiers du jardin de la villa des hibiscus, elle portait de très belles fleurs dont le parfum embaumait tout autour de nous. Grace à la sagesse de grand’ma, je parvenais au-delà des conseils avérés de feu, à mener à bien la plupart de mes idées. Elle savait être les yeux qui voient loin et qui explorent mes visions dans leur globalité. Elle savait me dire les pour et les contres de toutes situations, et sans jamais me juger me révélait mes défauts et me relevait de mes chutes. C’est d’ailleurs grâce à elle que Solange et les garçons vivaient désormais dans la dépendance des parents. Elle continuait ainsi de se faire suivre au centre de santé de Mènontin. De toutes les façons, il lui suffisait de parcourir les quelques cent mètres qui séparent la villa de la voie pavée du CEG de VEDOKO. A partir de là, la distance n’était plus trop grande à franchir et elle le faisait en une course de taxi. Sa grossesse évoluait très bien et les triplés en étaient à leur cinquième mois d’existence. Le ventre de Solange était assez voyant et à y penser, je devais commencer à l’aider pour préparer le nécessaire pour l’accouchement.

Je pouvais me réjouir d’avoir cette grand-mère qui savait combler les vides de ma vie. Assis, à ses cotés dans le sofa, on parlementa encore et encore sur les moult points qui me préoccupaient afin d’avoir enfin l’issu qu’il fallait. On abordait enfin le sujet le plus brulant et juste à l’entame, je pouvais comprendre le malaise.

Roulement de tambour dirait l’autre, mais grand’ma savait prendre des airs graves et surtout jouer au mélodrame. Elle aligna les mots les plus durs sur le sujet et toucha le cœur du sujet. Dame Agnès me raconta alors la fameuse légende d’Abokpè.

 

Le conte roula roula et tomba hélas sur moi. Il me fit entendre en un laps de temps et coup sur coup une tonne de déclarations et de révélations sur le fameux hameau d’Abokpè que j’en avais le cœur totalement retourné. Mon cerveau fonctionnait à présent à près de deux cent cinquante kilomètres heure et pouvait se permettre des rotations à trois cent soixante degré. Je n’étais pas confus, non certainement pas, mais je ne voyais plus clair en ce qui se passait dans ma petite vie.

Mais dans cette tempête où bourrasques et vents violents s’enchainaient, j’entendis une voix des plus apaisantes. Telle une couverture qui vient se poser tout autour du corps du naufragé transit de froid que je suis, je sentis la chaleur de sa voix m’envelopper.

-          Ecoute fiston, ce n’est rien toutes ces choses. Il y a ces moments dans la vie où tous les éléments s’entendent pour vous vous foutre en l’air. Le vent vous fait valser, les vagues vont plus haut que l’ai prévu la météo et échouent violemment sur le sable de la plage. La terre s’ouvre et engloutie en elle tout ce qui traîne à sa surface et le feu vient poser sa couronne dans ce royaume de l’infernal.

-          ….

-          Tel un papillon, tu dois pouvoir voler de souffle en souffle. Et quand le vent violent te pousse et qu’au cœur d’un tourbillon tu te retrouves, comme l’a dit l’autre recommence. D’un battement d’ailes portes toi plus haut sort de là tu en es capable. Au plus profond de toi, retrouve ce que tu sais, car quand la vague viendra sur la plage, elle ne t’atteindra point.

-         

-          Abokpè est peut-être cette boule de feu qui te surprend, mais n’en oublie pas que la terre sait s’ouvrir et avaler tout ce qui traîne à sa surface. Ne soit juste pas posé dessus et tu verras qu’Abokpè disparaitra et tu continueras de virevolter et d’aller de souffle en souffle. Sache que tu sauras trouver après les tourments ce rayon de soleil qui dans la pénombre apparaîtra.

-         

-          Crois juste en toi, et sache que la vérité est différente de la réalité. Abokpè porte une réalité qui n’est point la vérité et toi tu es une vérité, une sublime vérité que j’ai porté trente cinq année durant. Sam, je sais que tu es à présent prêt pour regarder dans cette direction qui te sortira de l’ombre. Il est temps que tu te révèles, que tu cesses d’être larve, mais papillon. Ne reste plus à ramper en chenille, mais bats tes ailes et célèbre ta victoire.

-         

Ces paroles se voulaient douces et caressantes. Dame Agnès m’assommait délicatement me rappelant qu’un homme est un vase d’argile que la nature peut briser sans l’achever, tant qu’il demeure dans les mains du Potier de l’univers. Je me revis, enfant, grandissant et écoutant ses sagesses qui forgèrent ma personnalité.

Abokpè n’avait de mystères que sa case aux secrets et ses légendes. Mais, les faire découvrir au commun des mortels était juste pas permis. Et le commun des mortels, c’est tout simplement tous les humains qui n’appartiendront jamais à la l’ordre mystique d’Abokpè.

Rayons de soleil