Chapitre 14 : Ma famille ? Peut-être.
Ecrit par Dalyanabil
Lexique :
Nabkweh (en bamoum) : Tante
Ouhkti (en arabe) : sœur
Eaziz : chérie
Chapitre 14 : Ma famille ? Peut-être.
Fadia,
Dire que je n’étais pas préparé à son retour serait un mensonge éhonté de ma part, le nombre de fois où j’ai rejoué notre dernière conversation dans ma tête. Le nombre de fois où je me suis demande pourquoi je n’ai pas eu de ces nouvelles ? Deux jours plutôt ‘’A’’ m’as fait appeler dans son bureau pour m’annoncer qu’il rentrait, j’étais tellement remplie de curiosité, un tas de question se sont bouscule dans ma tête : d’où ? Sa mission est-elle complétée ? c’était quoi d’ailleurs cette mission ? va-t-il vivre ici ? Avec nous ? Mais je n’ai osé poser aucune d’elle. Je reprends pour la énième fois ma robe bleu et la place devant moi… Entre la robe jaune et celle-là je ne suis séduite par aucune mais c’est les seules que j’ai qui soit à peu près convenable, je soupire dépiter j’aurais dû accepter la proposition de Maya de faire du shopping même si c’était à travers un écran. Décidément aucune des robes que j’ai ne fait l’affaire, il faut que je fasse bonne impression, durant les six mois que j’ai passés ici je n’ai jamais ressenti le besoin d’être belle, présentable oui. Avoir les dents propres, prendre une douche, mettre des vêtements propres, etc… Autant de choses qui font partir de l’hygiène quotidienne d’un être humain, autant de choses qui fait qu’on peut se présenter en public sans indisposer les autres. Pendant ces six mois c’est exactement ce que j’ai fait, pas seulement pour mon entourage aussi restreins soit-il mais pour moi. Ça faisait si longtemps que je n’avais pas eu le plaisir de prendre une douche juste pour moi, si longtemps que je n’avais pas eu la possibilité de sentir bon le propre juste pour moi que les premiers moments de crainte passé, sans que personne ne me toise, ne m’humilie, ne me maltraité, sans que les mots ‘’quel gaspillage !’’ accompagne de douleurs ne s’abattent sur moi, j’ai à nouveau réappris les bases même de l’hygiène corporelle avec un plaisir dont je ne me lasse pas.
Je me sens gagné par la frustration, je m’affale lourdement sur mon lit la tête entre mes mains, je suis prise par une énorme envie de pleurer. Je me sens bête de vouloir qu’il ne me remarque pas seulement comme la gamine effrayée qu’il a dû secourir mais comme une femme capable de … De quoi exactement ? Je suis prise de tremblement, ma frustration loin derrière moi elle est tout doucement remplace par la peur car s’il pense à moi comme une femme, il voudra aussi me faire les mêmes choses qu’ils m’ont faite, me toucher comme ils m’ont touché. Me faire mal de la même manière. La pensée en elle-même est tellement terrible que je suis prise convulsion, je tremble tellement fort que je m’affale lourdement sur le sol, la douleur dans mon ventre ne cesse de grandir, elle est maintenant tellement viscérale que je suis plie en deux. De ma main j’essaie d’étouffe les sanglots qui menacent de m’engloutir toute entière, d’envahir la pièce et comme un ras de marré de se répandre par vague sur la maison. Je cligne des yeux l’espace d’un instant, c’est tout ce qu’il faut à ma mémoire pour me ramener dans cette pièce sombre, un homme sur moi. L’image est flouée, elle n’est reste sous mes yeux qu’un millième de seconde peut-être moins, mon corps tout entier se crispe, le goût de bile dans ma bouche est plus présent que jamais, mon estomac se révulse, à tâtons je trouve le chemin vers la salle de bain j’ai à peine le temps de m’affaler devant le bidet que par vague j’y déverse le contenu de mon estomac. Après ce qui me semble dure une éternité je me laisse tombé sur le sol, vide de toute énergie j’ai trop peur de ce que je pourrais voir si je ferme les yeux, mes propres pensées me font frémir d’horreur. Six mois… je suis prise d’un rire qui sonne vide, mes larmes n’ont pas arrêté de couler je croyais vraiment que je commençais à aller mieux, j’étais même fière de moi. En six mois j’ai réappris les bases élémentaires sur le comment être une humaine, une femme, un compagnon de table, une amie aussi peut-être…
Ainsi, perdu dans ce qui me semble être un trou noir je n’entends pas May entrée « Fadi ? » Sa voix me dit qu’elle est inquiète, les larmes m’empêchent de distingue son visage je voudrais les essuyer avec ma main mais je suis trop fatiguée tellement fatiguée. « Allez viens tu dois prendre une douche. » En silence elle m’aide à me relever, quelques minutes plus tard je suis dans la baignoire je ne sais même pas quand elle a fait couler un bain, du coin de l’œil je la vois s’affairer dans la pièce, ses pas sont feutrés. Quand elle revient vers moi, elle me sa main je mets une éternité à la voir à travers mes larmes « tu vas te déshydrater si tu continues à pleurer comme ça »
J’ai envie de lui dire que je ne pleure pas, parce que si c’était le cas ça serait de colère, de rage, de haine pour toutes mes cicatrices pas seulement celle que porte mon corps mais celle de mon âme aussi. Si je pleurais, ça serait avec fracas, ça serait en criant au monde ma douleur. L’eau qui sort de mes yeux ne peut pas être considère comme des larmes, c’est juste mon corps qui proteste parce que le temps d’un instant j’ai perdu le contrôle, j’ai relâche la surveillance et mon cerveau leur à montre un aperçu de ce par quoi il était passé: Elle n’a rien dit devant mon corps mais je n’ai pas envie de lui donne une autre occasion de voir plus l’horreur que je suis devenu « ça va aller maintenant, je vais me rincer toute seule. Merci »
J’ai parlé à voix tellement basse que j’ai peur qu’elle ne m’ait pas entendue, c’est seulement quand elle parle que je me rends compte que si « ok je te ramène quelque chose à manger et de quoi t’aider à dormir. »
Le bain ensuite la douche m’a fait un bien fou, j’ai eu l’impression que l’eau emportait avec lui les derniers relents de ma terreur. Les tentures de ma chambre sont baissées, quand je sors de la salle de bains en short et t-shirt XXL je me dirige sur le lit, je suis à peine installé que May revient avec un chariot rempli de tout le nécessaire pour le petit-déjeuner. Je vais protester quand la dépassant en courant de leurs petites jambes entrent Elias et Farisa, ils ont à peine le salam qu’ils grimpent dans mon lit me faire un câlin « Nankweh May a dit que tu étais encore triste » dit Farisa en me regardant avec ces grands yeux gris. Toujours serré contre moi son frère réplique « alors on a décidé de venir te faire un câlin ».
Avec leurs minuscules bras autour de moi, quand Elias ajoute « Maman dit qu’il n’y a pas meilleur remède à la tristesse que l’amour de ceux qu’on aime. » Et quand je vois sa sœur acquiescée, je me laisse allez au dossier du lit, mes mains sur leurs bras je ferme les yeux et laisse échapper un sanglot que je ne savais même que j’avais encore en moi. May se joint à la partie mais je suis légèrement mal à l’aise quand je sens une quatrième personne. Je sais pertinemment que A ne laisserait entrer dans cette maison quelqu’un qui pourrait me faire du mal mais ça la partie rationnelle de mon cerveau le sait d’un autre côté ce que je ressens ne l’est pas alors j’ouvre les yeux pour voir vérifier qui est là. A se joins à ses enfants et sa sœur quand nos regards se croisent elle marque un temps d’arrêt, comme pour me demande la permission avant de se joindre au reste de la troupe. D’un hochement elle nous rejoins « tu nous as, et je sais qu’on ne te l’a peut-être pas dit assez souvent mais on t’aime et tu nous as, tu n’es pas toute seule. » L’entendre faire cette déclaration me fait apercevoir la lumière au bout du tunnel, je me rends compte que tout le temps où j’ai été là, à l’éviter parler un minimum avec elle, elle n’a rien fait d’autre que me donner le temps mais surtout l’espace dont j’avais besoin. J’étends mon bras jusqu’à elle et je les serre contre moi tout en inspirant, un sourire léger sur les lèvres. Je ne sais pas comment appeler ça, moi dans un grand lit au milieu de quatre personnes qui même sans me connaitre m’aime bien. Je ne sais pas vous mais moi je dis que c’est définitivement de la lumière, par bribe certes mais de la lumière quand même.
Quelqu’un racle sa gorge, et de manière complètement involontaire mon cœur à un raté « je dois botter les fesses de qui pour ces larmes ? » quatre pairs de yeux se retournent vers moi, qu’est-ce que je dis que c’est un jeune métis avec des yeux gris et dont la beauté me rappelé celle de Yusuf (asl) ? j’hausse légèrement les épaules avant de répondre « des cauchemars ? » Je n’ai pas du tout l’impression de mentir parce que c’est vrai, Farid n’est pas la cause de mon état, il n’a pas l’air très convaincu alors j’ajoute « c’est juste que… » je marque une pause pour mieux choisir mes mots « les casseroles que je traine sont tellement lourdes que parfois je me sens submergé. » Sur son visage je lis de la compassion mais aussi de la pitié, j’ai envie de ferme les yeux très forts juste pour ne pas la voir. Je ne veux pas que les gens aient pitié de moi, le silence dans la pièce s’alourdit, s’étire. « Moi je ne vois pas de casseroles ? » dit Farisa avec l’innocence bien caractéristique des enfants de cette âge en me regardant l’air confuse, son frère rajoute « donne les nous on t’aidera n’est-ce pas maman ?» Sa remarque nous fait tous éclater de rire, les regards des enfants passent maintenant d’un adulte à un autre totalement perdus, A resserre ses bras autour de nous « je vous aime mes chéris ».
Toujours souriante, son regard sur moi « oui donne les nous, on t’aidera. »
« Juste au cas tu ne l’aurais pas encore remarque, tu es de la famille » May dit en se joignant à mon comité d’aide, appuyant ces mots d’un câlin.
Tout cette attention me met mal à l’aise, je ne veux pas de leur pitié. « Ce n’est pas de la pitié Fadia » la voix de A est tombé comme un couperet, je me rends compte que j’ai pensé à voix haute je voudrais que le sol s’ouvre sous mes pieds et m’engloutisse tellement je me sens mal. « Je… Je… Je… » tête baissé j’ai envie de m’excuse pour mon manque de gratitude, mais je n’arrive pas à trouve les mots nécessaires, ils ont le droit de ressentir de la pitié, si j’étais à leur place c’est ce que je ressentirais. Perdue dans mes pensées je suis surprise quand A m’encadre le visage de ces mains « de la compassion pour toutes les épreuves que tu as eu à traverser toute seule certainement, de l’admiration devant ton courage, ta bravoure et ta force ? Oui de la pitié ? certainement pas. »
Maintenant mes larmes coulent librement sur mon visage, je ne sais pas toujours quoi répondre à ça « je sais que tu ne dois probablement pas le voir maintenant de cette façon cependant ce sont les faits. Tu as survécu, maintenant tu dois juste apprendre à vivre avec ton passé comme une part de toi sans pour autant le laisser te définir ou définir ton futur. »
« Mais je n’ai rien fait pour mériter ça. » Ma voix est off même à mes propres oreilles elle sonne comme celle d’une petite fille qui pleurniche, qui est à la fois remplie d’espoir que malgré toutes ces bêtises elle ne sera pas punie. J’ai tellement envie de croire que juste parce que, ces gens merveilleux m’ont choisie moi, cependant la vie s’est chargé de m’enseigner que tout avait un prix même les choses qui en apparence semblait ne rien coûter.
« C’est qui est géniale avec la famille, même quand on pense ne pas la mérité elle est l’as. » dit A avec un air légèrement absent.
« Et par expérience je sais que la famille c’est plus que les liens de sang. » Mon regard se pose sur Majid, il a l’air triste, la tristesse qui se dégage de lui est tellement intense qu’elle me frappe par vague. Je jette un coup d’œil subtil à Maya, du coin de l’œil, je souris parce que May le mange des yeux, tout son être à envie d’être hors de ce lit et dans ces bras en train de le consoler. Le temps d’un instant leur regard se croise et juste comme ça on dirait que le temps s’arrête, qu’ils sont seuls. Se rendent-ils compte de ça ? En tout A elle oui, elle regarde sa sœur et Majid un sourire à la fois bienveillant et triste, quel est l’histoire derrière autant de tristesse ?
Le charme est rompu par Elias qui s’impatiente « On mange ? » Je détourne le regard pour le posé sur les jumeaux
« Oui j’ai faim moi » je ne peux que sourire devant tant de candeur de la part de Farisa. « Ne bouge pas je te fais une assiette, » Maya s’est reprise et d’un coup d’œil m’a cloué au lit sans vocaliser à voix haute le fait que je sois dans un piteux état. Elia et Farisa sont sorti du lit et sont maintenant debout devant le chariot les yeux brillants un plat à la main attentant impatiemment d’être servi par Malick qui regarde partout sauf dans la direction de May comme si le regard furtif échangé plutôt lui brulait encore la peau. A est reste un peu en retrait, observant avec amour ce beau petit monde, je profite de l’instant pour lui murmure « mille merci pour tout oukhti. » J’ai la gorge noue, je lui suis redevable de tellement que je ne sais toujours pas comment je pourrais de m’acquitter de ma dette morale vis-à-vis d’elle. Alors j’espère que ces quelques mots convergés tous ce que je ne dis pas. La surprise se lit sur son visage quelques instants mais elle se contente d’hoche la tête, l’émotion que je lis dans ces yeux me réconforte plus que je ne l’espérasse. Elle tend son bras droit vers moi et d’une pression de la main hoche plusieurs fois la tête les yeux embués de larmes avant de murmure « Oukhti. »
Nous avons pris le petit-déj dans ma chambre, sur mon lit avec Majid assis sur une chaise au pied de celui-ci. Entre les pitreries des jumeaux, les coups d’œil langoureux de Maya et Majid et le rire de A. En les observant, je me rends compte que Majid à probablement raison, même si je ne me sens parfois comme un imposteur, en me sauvant ce jour-là A à fait de moi un membre de sa famille. En me suivant cette nuit-là dans cette Allée Farid aussi est devenu une part de ma famille. En m’accueillant sans jugement avec amour, patience et compassion Maya aussi, aussi bien que les jumeaux Farisa et Elias avec leur éternelle joie de vivre, leur amour tout innocent, leur rire. Ces derniers mois ont été le baume dont mon cœur avait besoin pour commencer à envisager de guérir.
Ça faisait des mois que je n’avais pas eu de crise aussi sévère que ce matin, en y repensant je me dis que c’était peut-être un mal pour bien car grâce à elle, ici dans mon lit j’ai la preuve que contrairement à tout ce que j’ai pu imaginer ou croire quand il est parti ces six derniers mois je ne l’ai jamais été seule, que ces personnes qui ne me connaissaient pas il y’a encore six mois m’ont choisi, même si je n’ai rien fait de particulier pour mériter autant. Je promets qu’a compte d’aujourd’hui je vais être un membre à part entière de cette petite tribu. Que quoi qu’il arrive je vais m’ouvrir plus parce qu’assise ici dans mon lit au milieu de rires, d’amour je réalise seulement maintenant qu’ils sont ma famille et qu’il est temps que je commence à guérir. Pour eux.
Mon silence a du se remarque car, avec douceur Maya pose la main sur moi pour attirer mon attention ils sont tous à nouveaux calme l’air inquiets. « Tati Fadia t’est encore triste. » De sa petite voix Farisa vient de demander à voix haute la question qu’ils se posent surement tous intérieurement. Je lui fais un câlin avant de répondre « non ma habibi je suis juste… » l’émotion que je ressens est tellement forte que je marque une pause avant de répondre par peur de pleurer au lieu de parler « très reconnaissante. Ça fait tellement longtemps que je vis avec mes démons que je n’ai pas vu la grâce que me faisait Allah. IL M’A DONNE UNE FAMILLE ».
Après avoir mangé, avec l’aide des jumeaux nous avons débarrassé, finalement j’ai enfilé un bas de jogging noir sur un t-shirt. Je sais que je ne ressemble à rien mais je n’en ai cure, c’est moi je ne sais pas encore à quelle heure exactement il va arriver mais avant de le revoir je dois encore faire une chose. A travaille dans son bureau quand je donne le salam. « Entrez, » quand elle voit que c’est moi son sourire est plus accueillant « dit-moi. »
Je me sens nerveuse en m’asseyant, elle n’essaye pas de me pressée et semble me donner l’espace nécessaire pour lui parler alors j’inspire profondément avant de lancer « Je veux me faire aider ».