Chapitre 15
Ecrit par Meritamon
La nuit suivante alors que la maison était
baignée dans le silence, Serena descendit dans la cuisine. La lune était ronde
dans le ciel et ses pâles rayons filtraient à travers les volets fermés. Assoiffée,
elle chercha à tâtons la jarre en terre cuite qui contenait de l’eau fraîche et
y plongea un gobelet.
La jeune femme venait de faire un cauchemar. Elle
se retrouvait dans une voiture qui roulait à tombeau ouvert. Son père se trouvait
dans la même voiture, ainsi que son Oncle Charles. Cette fois, le rêve avait
été plus long, plus éprouvant. Elle but une gorgée d’eau pour se rafraîchir.
-
Pas encore au
lit? Fit une voix qu’elle pouvait reconnaître entre mille autres. Elle faillit
s’étrangler de travers et fit volte-face, surprise.
« Désolé, je ne voulais pas vous faire
peur » ajouta Tahaa avec un léger sourire moqueur.
La haute taille de l’homme encadrait le seuil de la cuisine. Il était seulement vêtu de son pantalon de pyjama. Les yeux de
Serena effleurèrent son puissant torse nu alors que son cœur s’emballait,
follement. La jeune femme se sentit soudain fragile face à l’homme qui
s’approchait d’elle avec une nonchalance calculée. Elle se donna une contenance
en dissimulant sa nervosité.
-
J’ai fait un
mauvais rêve. Vous êtes debout aussi?
-
Je travaillais.
J’avais de la comptabilité à terminer.
-
Vous travaillez
beaucoup. Vous ne vous reposez jamais? Constata-t-elle.
-
Je voudrais bien
prendre du temps pour moi, mais je n’en ai pas le loisir.
L’ayant vu à l’œuvre, elle savait qu’il était
un travailleur acharné, à pied d’œuvre sept jours sur sept, toute l’année. Il
était debout aux aurores et se couchait bien après tout le monde. Serena avait
du respect pour cette qualité. Son père Malick, workaholic assumé, lui
avait appris que la valeur d’un homme était dans l’abnégation à son travail.
Tahaa remplissait cette qualité.
Aussi, Serena lui demanda, pour être polie, s’il
désirait boire quelque chose.
-
De l’Eau.
Elle le servit et remarqua que sa main
tremblait un peu. L’eau déborda du verre comme ses yeux à lui étaient rivés sur
son corps harmonieux que la simple chemise de nuit en satin recouvrait à peine.
Consciente de sa semi-nudité et de l’effet que cela produisait chez Tahaa, une
chaleur monta aux joues de Serena. Elle se sentit soudain vulnérable face à son
désir. Elle lui tendit son verre d’eau en évitant de le regarder.
-
Je vais me
rendormir à présent, lui adressa-t-elle le plus fermement possible alors qu’il
se désaltérait en la dévorant des yeux.
Il lui barrait le passage, debout à quelques
centimètres d’elle, la dominant de toute sa stature.
Comme il ne lui répondait pas, la jeune femme
eut peur malgré elle de ce qu’il ferait, de ce qu’il pensait faire.
-
Bonne nuit,
Tahaa.
-
Attendez… Restez
un peu avec moi… demanda-t-il d’une voix rauque.
L’homme
déposa le verre sur le comptoir près d’elle. Sa main ne manqua pas de la frôler
légèrement.
-
Que me
voulez-vous, Tahaa?
Il sourit, amusé, parce qu’elle connaissait la
réponse.
-
Vous voulez
vraiment le savoir? Pourtant, c’est évident. Je veux la même chose que tous les
hommes qui vous regardent. Et vous êtes incroyablement désirable, Serena.
-
Je ne sais pas de quoi vous parlez,
s’entêta-t-elle de lui répondre.
Elle tressaillit quand il lui saisit le menton
entre l’index et le pouce et qu’il l’obligea ainsi à ne pas ôter son regard du
sien.
-
Pourquoi
continuer à ignorer notre attirance réciproque?
Elle écarta ses doigts.
-
Épargnez-moi
Tahaa, je vous en prie. Je ne serais à vous ni ce soir, ni jamais.
Il rit, amusé.
-
Je n’ai encore
rien demandé. Seulement, ce soir, je voudrais vous embrasser, Serena. J’en
meurs d’envie. Je me contenterais de cela.
La jeune femme écarquilla les yeux, surprise
par son culot pendant qu’une chaleur inexplicable était en train de l’envahir.
-
Laissez-moi
passer Tahaa, menaça-t-elle en prenant une profonde inspiration. Il lui fallait
garder son calme.
-
Non, rétorqua-t-il,
d’une voix enrouée par le désir.
« Je n’aime pas qu’on me refuse ce que je
désire ».
-
Vous êtes un
prétentieux et votre demande est complètement absurde. Laissez-moi passer, je
meurs de sommeil. Qu’est-ce qui vous prend, bon sang? Vous avez bu?
Alors qu’elle esquissait le mouvement de partir,
elle fut stoppée par le grand corps aux muscles bien définis. La jeune femme
eut un mouvement de recul.
-
Vous n’allez pas
oser… le défia-t-elle.
-
Je vais me gêner.
Serena était convaincue qu’il mettrait sa
demande en application. L’intensité dans son regard, cette impatience qu’elle y
lisait ne pouvaient tromper sur le désir ardent de l’homme.
-
Vous êtes fou, murmura-t-elle,
le cœur battant, en priant que quelqu’un, n’importe qui, vienne les interrompre
et la sortir de cette situation embarrassante.
-
Sans doute. Pourtant mon marché est le suivant: je vous embrasse, je vous tiens dans
mes bras pendant un moment et enfin vous vous en allez.
Serena n’en revenait pas de son effronterie.
Pour qui se prenait-il pour lui proposer un marché aussi ridicule?
-
Je vais crier
Tahaa! Je vais ameuter tout le monde. Vous serez moins sûr de vous quand je
raconterais…
-
Vous n’oserez
pas, coupa-t-il. Vous serez aussi concernée que moi … Et votre réputation
est la première chose à laquelle vous tenez.
Serena était cernée. Elle ferma les yeux,
exaspérée, alors qu’elle sentait en elle le désir qu’elle tentait obstinément de
refouler.
Seigneur! Elle n’était pas indifférente à cet
homme. Son regard sensuel posé sur elle ne contribuait qu’à éveiller des
sensations inconnues, elle qui n’avait jamais été embrassée ni fait l’expérience
du plaisir de la chair. Elle, qui croyait avoir été taillée dans un glaçon.
Voilà que l’idée d’embrasser cet homme attisait son traître de corps.
Et si elle succombait au seul effleurement de
ses lèvres à lui?
-
Ce n’est pas une
demande compliquée. Nous sommes deux adultes qui se désirent. Pourquoi cette
hésitation? Je sais que je te plais, comme tu me plais.
Serena se sentit paniquée et bénit la
pénombre. Il était capable de la mettre dans un tel état de gêne.
Et si elle tentait de le repousser et de
s’enfuir? Ou encore l’assommer avec la casserole à portée de sa main? Comme
s’il avait deviné sa pensée, Tahaa précisa ses exigences.
-
N’essaye surtout
pas de me doubler. Je ne te laisserai pas passer.
La jeune femme émit un juron entre ses dents.
Merde! Comment faisait-il pour lire dans ses pensées?
Soudain, une idée jaillit dans son esprit.
Elle la repoussa, mais cette dernière s’imposa dans toute sa clarté. Elle
savait comment gagner au change. En prenant son courage à deux mains, elle lui
dit qu’elle acceptait de l’embrasser.
-
À une condition… Et je suis en mesure de vous demander ce que
je veux.
L’homme soupira, exaspéré qu’elle puisse tenter
de se dérober ainsi.
-
Tu n’es pas en position
de marchander, Serena.
-
Pourtant si. Cela
sera gagnant-gagnant pour tous les deux.
Tahaa était irrité. Il pouvait avoir
à la minute toutes les femmes qu’il voulait. Il lui suffisait même d’aller voir
Zeinab pour avoir une nuit torride de sexe, et cette fille était en train de
lui faire un chantage pour un simple baiser? Intrigué, il voulait voir où cela
le mènerait.
-
Que veux-tu
exactement?
Serena se redressa, consciente de pouvoir retourner la situation à son profit, bien qu’elle fût honteuse des modalités du
marché.
-
Il y a ce concert
que votre frère organise dans un bar de la localité voisine. Vous ne l’avez
jamais vu performer et je voudrais que vous y assister.
C’était donc cela son chantage? Pensa l’homme.
Il fallait que ça concerne son frère Idy. Qu’est-ce qu’elle pouvait lui
trouver?
-
Je suis au
courant pour ce concert. Idy m’en a parlé. Mais je n’ai pas le temps pour ces
petites soirées oisives.
Tahaa s’éloigna d’elle pour mettre fin à ce
débat inutile. Si elle pensait le faire plier par du chantage, elle se
trompait. Serena continua de plaider, inflexible.
-
C’est important pour Idy. Ça fait des semaines
que votre frère prépare ce concert et je sais que ça lui brisera le cœur si
vous n’y assistez pas. La musique est tout ce qu’il aime!
-
Idy n’est pas
musicien! Il a du sang d’agriculteur dans ses veines. Nous avons une
responsabilité pour ce domaine. Tu ne comprends pas cela? Il faut qu’il arrête
de se bercer d’illusions. Par ailleurs, j’ai été assez permissif ces derniers
temps, il va retourner dès demain aux plantations.
-
Il n’est pas
obligé de choisir la même voie que vous. Il est différent.
-
Ça suffit. Tu crois
vraiment m’embobiner avec ça? Et puis, arrête de me vouvoyer, ça m’énerve!
Tahaa perdait son calme. Quelle effrontée!
-
Venez à son
concert et je vous donne ce que vous voulez, conclut Serena.
La jeune femme n’avait pas le choix. Idy était
suffisamment malheureux comme ça, il avait besoin de s’épanouir dans sa musique
et elle le soutiendrait, parce que sa douleur à lui faisait écho à la sienne. Elle
se reconnaissait en lui puisque son père a passé sa vie à la forger, à tracer
un chemin qu’elle ne voulait pas nécessairement emprunter, tout comme le
faisait Tahaa.
Tahaa la regarda, méfiant, comme si elle était
sur le point de brandir une vipère dans sa face. Cette sorcière qui lui faisait
déjà perdre la tête.
-
Répète ce que tu
as dit?
Il pensait avoir mal entendu.
-
Je vous donne ce
que vous voulez, Tahaa, répéta-t-elle. Mais en échange, je veux votre parole pour
Idy. Vous allez faire un effort et venir
à sa fête.
-
Si je vais à ce
concert, c’est comme si je validais les choix de mon frère. Je ne peux pas
faire ça.
Quel foutu orgueil, pensa Serena, exaspérée.
-
Il n’en sera
rien, je vous promets. Je voudrais seulement que vous découvriez son talent, le
voir sous un nouveau jour, plaida-t-elle encore, pendant qu’elle le sentait
réticent.
Puis, la gorge nouée par l’émotion, Serena
essaya d’user de persuasion et de charme. Elle le fixa dans les yeux, commença
à enlever un par un les boutons de sa chemise de nuit, du haut vers le bas,
afin de l’aider à vite prendre une décision, à conclure leur étrange
transaction avant qu’il ne change d’avis.
Un éclair d’intérêt passa dans les yeux de l’homme
à la vue de son corps qu’elle découvrait pour lui. Il mordait à l’hameçon.
Il l’avait dit, sa faiblesse c’était les femmes et Serena allait utiliser ce
jeton-là.
Elle s’avança vers lui pour initier, sans trop
savoir comment s’y prendre, le premier pas.
Heureusement, ses doigts à lui
s’affranchirent de sa retenue. Tahaa effleura
ses cheveux, ses tempes, son petit nez aquilin pendant qu’elle le fixait de ses
grands yeux noirs de biche effarouchée. Il dévoila la chemise de nuit et
apprécia la vue de ses seins.
-
C’est quoi ce
corps de charmeuse?
Impossible de se limiter à un baiser. Même un saint ne le pouvait devant cette diablesse avec ses seins aux tétons arrogants qui se dévoilaient à présent et qui feraient damner n’importe quel homme.
-
Je sais que vous
êtes un homme de parole, murmura la jeune femme avec appréhension.
-
C’est cher payé
pour un simple baiser, Serena. Je veux plus, exigea-t-il alors que son pouce traçait
le contour de ses lèvres. « Montons dans ma chambre… »
-
Non. Je ne peux
pas vous donner plus.
Il soupira, au bord de l’excitation. L’homme
se convainquit que ça valait peut-être le coup d’essayer. Bien que ce marché
entre eux fut ridicule, bien que le gain fut minime.
Sans hésitation, Tahaa se pencha pour saisir
ses lèvres pareilles à des pétales de rose.
Serena sentit un éclair fuser en elle au
contact de ses lèvres. Inconsciemment, elle entrouvrit la bouche et noua ses
bras autour du cou de l’homme.
Sa bouche était un délice, ses lèvres
pressantes, sa langue aventureuse. Et ses mains…. Ses mains rugueuses qui
caressaient son corps, entrouvraient la chemise de nuit et effleuraient ses
seins contractés par le désir.
Serena se sentit pousser vers le mur sur
lequel Tahaa la plaqua. Les lèvres de l’homme abandonnèrent sa bouche et
descendirent sur sa gorge, puis ses seins qu’il pétrit entre ses mains comme s’il
avait toujours eu ce droit-là.
-
Tahaa,
murmura-t-elle, affolée de voir les choses se précipiter. Tahaa… arrêtez, je
vous en prie.
Il ignora ses suppliques et se saisit
brusquement de ses lèvres pour étouffer les dernières résolutions de la jeune
femme. Elle gémit quand elle sentit sa virilité se tendre sous le tissu du
pyjama et qu’il la souleva par les fesses jusqu’à sa hauteur en maintenant une
pression entre ses cuisses ouvertes pour lui faire sentir l’urgence de son
désir à lui.
-
Tahaa…
continuait-elle de supplier, affolée, par cette passion dangereuse qu’elle ne
contrôlait plus.
Il caressa ses cuisses fuselées, remonta pour
effleurer la mince petite culotte de dentelle qui devenait un barrage dérisoire
face à lui.
Il soupira et abandonna avec frustration le
projet de la lui arracher, pour la pénétrer sans attendre, de l’entendre gémir
et crier, soumise à lui.
Il se résigna difficilement à abandonner son
projet puisqu’elle le suppliait qu’il la laisse partir. Il la gardait dans ses bras,
son front collé au sien.
-
Comment veux-tu
que je m’arrête? Avec ce corps… cette bouche… Je veux te baiser, murmura-t-il.
-
Non… on ne peut
pas faire une chose pareille.
-
Pourquoi pas? Tu
en as envie, ton corps est fait pour l'amour, il est fait pour moi. Essaye-moi et tu ne le regretteras pas.
Tahaa lui mordilla le menton, le lobe de son
oreille en la serrant contre lui afin qu’elle sente son désir à la fois
douloureux et violent qui lui faisait perdre la tête.
-
Ça ne fait pas
partie du marché.
Dans un grand effort, la jeune femme réussit à
le repousser. Elle le fixait de ses grands yeux brillants en reprenant son
souffle.
-
Ça suffit Tahaa.
Vous devez, à présent, respecter votre parole et me laisser partir.
Sa voix tremblait un peu, ses lèvres étaient
gonflées par les baisers fougueux. Avec beaucoup de peine, elle remit les boutons
de sa chemise de nuit, en soupirant de regret. Qu’est-ce qui lui avait pris de
se laisser ainsi entraînée dans cette folie?
-
Tu ne peux pas
nier l’évidence : je te désire Serena comme j'ai rarement désiré une
autre femme. Et il m’est impossible d’ignorer ce fait ou de faire semblant.
Tahaa se pencha et l’arrêta par un baiser au
moment où elle ouvrait la bouche pour protester.
-
Tu vois, je ne
peux plus m’arrêter, je ne peux plus m’en passer….
Elle inspira fort. Il devait cesser de la
regarder de la sorte. Qui sait, elle pourrait encore succomber.
-
Vous compliquez
les choses… Ce n’est pas ce baiser qui va changer mes considérations à votre
égard. J’ai respecté ma parole, tâchez de faire de même. Venez au concert
d’Idy.
Enfin, elle le contourna prudemment pour se diriger vers
la sortie et avant de partir, elle lui fit comprendre que tout ce qui venait d’arriver
ne se répétera pas. Ce que lui Tahaa doutait fortement. Il se promit de la
faire sienne avant la fin de son séjour. Il se promit de la marquer de telle
sorte qu’elle ne puisse plus se passer de lui.
Il engloutit un verre d’eau
pour apaiser le feu en lui. Il venait
d’avoir un ticket gratuit pour une nuit d’insomnie.
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Et voilà :-). J'espère que vous aimerez.