Chapitre 15

Ecrit par Nifêmi


« Le bonheur n’était-il pas dans l’inconscience ? »


Camille Blondeau



A cet instant précis, j’avais juste envie de tourner les talons et d’aller me réfugier dans le bureau. Mais impossible. Une connaissance s’approche de moi pour me saluer et me souhaiter les vœux. J’avais l’air embarrassé. Je sens les yeux de Banjoko sur moi. Après les salutations d’usage avec certains clients et connaissances, je pus enfin rejoindre la table sur laquelle Banji est. Il se lève et voulant me faire la bise que j’ai esquivée sans faire exprès. Pour effacer la gêne, je lui tends mes jours pour deux bises qui me font frémir. Je m’assois en regardant ailleurs tantôt, tantôt je le regarde. On a passé un moment interminable sans parler.

Le serveur apporte le plat qu’il a commandé, foutou banane et sauce d’aubergine avec de l’agouti, bon choix. Il buvait de la bière locale. Cela se voit qu’il a eu le mal du pays, mais pas pour autant. Après le départ du serveur je pus enfin l’ouvrir pour lui dire :

Bon appétit

Merci

Comment tu as su que tu allais me trouver ici ? questionna-je

Excuse-moi mais je ne parle pas la bouche pleine

Si tu finis de manger, mon assistante te conduira dans mon bureau, lui dis-je en le toisant.

Bien reçu madame.

Quel toupet ! il a l’air si détendu, il m’énerve par la même occasion. Je vais dans mon bureau. J’arrange rapidement les papiers qui trainent et je fais de l’espace sur le sofa de mon bureau. Je mets un peu de déodorant pour rafraîchir l’air. Je rejoue Céline DION depuis le début ; pour un air assez romantique. Pourquoi romantique, alors que je suis en quête de vérité. J’éteins tout simplement la musique. Je vais prendre place derrière mon bureau pour l’attendre. Je suis impatiente.

Une trentaine de minutes plus tard qui m’a paru plus longue que prévue, on m’annonce la présence de Banji. Je demande à ce qu’on le fasse entrer et qu’on nous laisse seule. Il reste debout le temps que je l’invite à s’assoir :

Assieds-toi s’il-te-plaît, lui dis-je en lui indiquant le sofa.

Merci Folake, répond-t-il. C’est très confortable et ton bureau est bien rangé et bien décoré.

Merci. Que fais-tu ici ? questionnai-je en croisant les bras sur la poitrine.

Les filles m’ont dit demandé de te faire des bisous et de te remettre ce colis.

Il se lève et s’avance vers moi pour déposer le paquet sur mon bureau et retourne s’assoir. J’aurais bien voulu qu’il vienne me provoquer ; qu’il vienne me titiller un peu. Je m’étire pour prendre le colis à l’autre bout de la table. Je l’ouvre. Je vois parfum Guerlain de Paris Habit Rouge, une montre en or de Cartier et un collier fin de Bulgari. Ces filles sont juste incroyables. Elles ont dépensé une fortune pour m’acheter tout ceci. Au fond du sac je découvre une carte :

« Merci de nous aimer et d’être toujours là pour nous. Nous t’adorons plus que tout maman ».

Une petite larme roule du coin de mon œil, je redresse ma tête pour regarder Banji ; il était debout devant le bureau et me tend coffret de chocolat Lindt :

De moi !

Tu n’as rien perdu de ta beauté Folake.

Comme je ne répondais pas ; il fait le tour du bureau pour me déposer le coffret de chocolat sur mes cuisses et se met à genoux :

Folake je suis heureux très de t’avoir retrouvé. Tu ne peux imaginer combien de fois j’ai été heureux de t’avoir revu à la St Sylvestre. Désolé pour la dernière fois dans la douche…

Banjoko, retourne t’assoir s’il-te-plait. Quelqu’un pourrait rentrer et je compte garder mon intégrité devant mon personnel. Maintenant explique-moi ce que je veux savoir.

Il retourne s’assoir dans le sofa et prend une profonde inspiration avant de commencer :

« Depuis ce jour où on s’était vu la dernière fois ; ce jour où tu es venue m’annoncer ta réussite au BEPC on a eu à faire… bon bref ! ce jour j’ai réalisé que j’étais ton premier homme, que je suis ton premier. J’ai été profondément touché et j’ai pris la décision de m’ouvrir une source de revenue pour pouvoir faire le poids devant tes parents. Effectivement je suis allée en mer avec les anciens pêcheurs. Malheureusement un grand vent imprévu nous a balayer de la surface de l’eau. On n’a pas pu être sauvé. Je rends grâce à Dieu pour ma vie. Je me suis réveillé dans un hôpital 1 an après l’accident au Togo. Et les sept mois qui ont suivi ont été très dur car j’avais perdu la mémoire. Enfin la mémoire retrouvée j’ai entrepris de retrouver ma mère et toi mon unique amour. Une gentille dame suisse m’est venue en aide en me nourrissant et en me donnant l’argent afin que je puisse revenir au Bénin vous retrouver. Le premier choc est d’apprendre le décès de ma mère. Je suis allée te chercher ensuite, mais j’apprends que tu me n’as pas attendu et que tu t’es mariée. Je suis ; jusqu’à venir dans la maison de ton mari, un nigérian. Il m’a dit que tu es au Nigéria et que tu ne reviendras plus au Bénin car tu es son épouse désormais et que tu étais heureuse. Sans réfléchir je suis allée au Nigéria où j’ai passé cinq mois sans succès. J’avoue que j’étais déboussolé et sans repaire. Alors je suis reparti au Togo avec le peu de liquidité que j’avais. Et aussi j’avais perdu tout espoir de retrouver un jour. J’ai retrouvé la dame suisse ; j’étais devenu son garçon à tout faire pendant un an. Ensuite je l’ai suivi pour la Suisse où j’ai rencontré sa fille ainée qui est la mère de mon fils. Folake, je peux te jurer que j’aimais la mère de mon fils juste quand je pose les souvenirs de ton doux visage sur elle. J’étais désespéré. Elle savait que je ne l’aimais pas, se disait que son amour pourrait nous suffire. Je n’ai connu qu’elle jusqu’à son décès. Je l’avais toujours respecté ; c’est le moindre que je puisse faire. Elle a laissé un héritage colossal à notre fils et moi je continue de tenir centre commercial de poissonnerie et de produits frais. J’ai multiplié les aventures mais jamais je n’ai été heureux. Maintenant que je te retrouve ; je ne veux plus jamais partir »

Banjoko ; ne pars jamais… ai-je éclaté en sanglots. Mais tu es parti me laissant dans une douleur indescriptible.

Il se lève et vient me serrer dans ses bras.

Ne pelure pas ! c’est du passé ! j’aurais pu t’en vouloir lorsque tu t’es remarié sans avoir patienté. Mais non !

Banji, j’ai été violé et mon père m’a marié à mon violeur car je portais le fruit issu du viol.

Ce n’est pas possible !

Je ne suis jamais allée au Nigeria, j’ai toujours été sous le joug de cet infâme personnage.

J’ai du mal à te croire.

C’est ainsi que je lui raconte à mon tour mon calvaire avec Afoaka et ses femmes, de la naissance de mes filles à la fugue, et de mes activités jusqu’à présent. Nous deux on pleurait comme si on était des enfants. La vie nous a pas fait cadeau. Même à présent nous souffrons de cet amour qu’on éprouve l’un pour l’autre car nos enfants se marient bientôt. Allons-nous saisir cette chance et vivre notre amour ou se parer et souffrir encore ?

Folake je t’aime toujours et je ne voudrais plus te perdre. Je ne veux plus souffrir de ton absence. Donne nous l’opportunité de vivre enfin notre destiné.

Tu parles de quelle destiné Banji ? tu oublies nos enfants !

Ils ont leur vie et nous la nôtre. Tout compte fait ma chérie je ne te quitterai plus.

Sans attendre ma réponse il m’embrasse et je réponds à son baiser sans me faire prier. Ce fut le début d’une histoire d’amour. On a continué à s’aimer là où on avait laissé notre amour du passé. Je voyage entre le pays et la suisse juste pour me retrouver dans les bras de Banji. Je gérais mes restaurants à distance avec mon assistante. Et Banji est toujours celui qu’il a été, je ne me suis jamais trompée sur lui. Il est doux, gentil, courtois, serviable et surtout amoureux. On se voyait se fréquentait à l’insu de nos enfants. Jusqu’à la veille du mariage de nos enfants. Il restait juste dix jours pour leur mariage, lorsque je découvre que je suis enceinte de Banjoko. Je l’informe en même temps de mon état :

Banji !

Oui mon amour ?

Je suis enceinte et ce n’est pas normal !

Quoi ?

Tu vois non ?

Non ! je ne vois rien. Pourquoi crois-tu que ce n’est pas normal. Je veux cet enfant et on va l’avoir.

Tu es fou ! nous ne sommes plus jeunes pour être parents hein ?

Toi tu n’es plus jeune, mais moi si !

Que va penser les enfants de notre inconscience.

En son temps on avisera, fin de discussion. Merci de me faire père à nouveau !

Ce n’était pas rassurant.

Effectivement le mariage a eu bien lieu entre nos enfants et je n’étais qu’à trois mois de grossesse. Même si je ne le dis pas ça va se savoir forcément.



(À suivre)

BANJOKO ne part jama...