Chapitre 15

Ecrit par leilaji

LOVE SONG

Tome II

(Suite de Xander et Leila + Love Song)


LEILA


Episode 15


Je suis allée rendre visite à Prince au Taj en plein tournage de l’émission de Gabriel. Ce que ce petit fou a fait de ce lieu est magnifique. J’en oubliais presque avoir déjà habité le Taj. Mon frère a été surpris de me voir. Je trouvais très étrange de pouvoir enfin dire : mon frère.

 Il ne pouvait pas quitter les lieux sinon je lui aurais proposé qu’on aille diner quelque part ensemble. On ne savait pas quoi se dire, on était très empruntée. Alors je lui ai demandé de me raconter sa vie, sa mère, ce qu’il savait de notre père et de notre grand-père. Quand on en est arrivé à ce dernier, il est devenu plus ironique. 


— Il a de très grands plans pour toi. Il radote presque dessus à longueur de journée. Il t’aime profondément Leila. Tu es comme un second souffle pour lui et je sais qu’il a l’air d’un vieux sorcier ou du méchant de service comme dans les comics et que ses manières abruptes t’ont vexée. Mais il t’aime sincèrement. Il a remplacé son fils par toi. Du coup, je ne suis pas d’un grand intérêt pour lui. La situation au final n’a pas tellement changé pour moi tu sais. Je continue à ne compter que sur mes amis et jamais sur ma famille, a-t-il dit en regardant le bout des ses all-star.


Ca m’a brisée le cœur. Parce que c’est ce que j’ai fait toute ma vie avant de rencontrer Elle, Xander, Denis, Lola, Gabriel… J’ai fait d’eux ma famille. 


— Ce sont les seules chaussures que t’as ? C’est quoi ces horreurs ? 


Je ne savais pas quoi dire d’autres et je me suis trouvée tellement gauche à m’occuper de ses chaussures au lieu de trouver quelque chose d’intelligent à dire. Il a rigolé avant de se gratter le haut du crane. 


— Avoue que tu ne sais pas comment être une grande sœur hein. 

— J’en ai aucune idée, j’avoue en lui souriant à mon tour.

— Je sais que t’as de l’argent que tu as gagné en bossant dur même si tout le monde ne pense qu’à la fortune de ton indien. Je sais qu’ici les gens mettent l’argent en avant. Mais l’argent ne m’a jamais intéressé. Ce qui compte pour moi c’est d’être bien dans ma peau. Et j’adore ces vieilles baskets.  

— Tu me rappelles tellement Mickael ! C’est dingue. 

— C’était un ami très cher. Sa mort m’a fait de la peine. 

— Ah le monde est petit. Je ne savais pas que tu connaissais les Valentine. Ca m’a fait de la peine aussi. Un accident stupide. 

— Ca m’étonne quand même venant de lui. 

— Pourquoi ? 

— Juste une intuition. 


Je lui ai aussi un peu parlé de moi.  Juste un peu. 


— Hé détends-toi Lei. C’est facile d’être grande sœur tu sais. 

— C’est toi qui le dis ! 

— Il suffit juste de savoir faire ça… a-t-il ajouté en prenant dans mes bras. 


J’ai fermé les yeux et souris comme une idiote pendant de longues secondes en me disant que finalement ce n’est pas si mal d’être grande sœur. Il m’a quittée peu de temps après pour retourner sur le tournage. J’ai profité de ma visite pour bavarder un peu avec Lola. Elle n’en revenait pas que je sois la demi-sœur de Prince. On l’a regardé toutes les deux bavarder avec une concurrente congolaise. 


— Il est beau gosse hein, j’ai fait remarqué à Lola. C’est normal qu’il ait les dents aussi blanches ? 

— Il doit se les brosser vingt fois par jour. 

— Comment va ton fils ? 

— Très bien. C’est toujours un petit génie et je suis toujours une maman fière donc ça va. On s’en sort. Denis s’occupe de tout. Je ne le remercierai jamais assez. 

— S’il faut quoi que ce soit d’autre tu sais où me trouver. 

— Je le sais. Mais on se débrouille très bien. Raphael est un gosse terriblement adulte tu sais. Il ne me demande quasiment jamais rien. 

— Donne-moi son numéro, je l’appellerai. 


Elle l’a saisi directement dans mon phone et me l’a rendu. Prince s’est tourné vers nous et a souri à Lola avant de continuer sa conversation avec le réalisateur de l’émission.


— Il a l’air de te trouver à son gout. 

— Apparemment. 

— En même temps ce n’est pas moi qui dirais non. J’ai des envies de petite belle-sœur en ce moment…

— Je n’en ai pas fini avec Valentine. 


Je n’ai rien ajouté d’autre. 

Ca a été une soirée très riche en émotion. Surtout que maintenant, je suis en plein dans les préparatifs du mariage. Elle m’aide à chaque étape. Elle m’explique tout ce qu’on devra faire cette fois-ci et qu’on n’a pas pu faire la première fois. C’est compliqué et je n’ai pas vraiment le cœur à la fête. Ma joie, je l’ai exprimé la toute première fois car j’étais entourée de personnes qui comptaient pour moi, de personnes qui pour moi représentaient ma famille. Refaire toute une cérémonie pour plaire à quelques uns, c’est un peu comme une perte de temps. Mais je m’y plie.


La cérémonie mise à part, je rencontre des personnes qui partagent un nom avec moi et ma mission c’est de sourire. En toute circonstance. J’ai fait plus d’effort ces deux dernières semaines que pendant toute ma vie d’adulte. Quand on a tellement l’habitude de fonctionner en orpheline, ce n’est pas évident d’être plongée dans une famille africaine, à la fois si chaleureuse et envahissante ! Le pire c’est que j’avais pris l’habitude de me retrancher auprès d’Alexander à chaque fois que je n’avais pas envie de faire l’effort d’être sociable. Sa grande taille, son regard peu engageant quand un homme s’approchait de moi, dissuadait les plus courageux de me faire la conversation. Mais il n’est pas là pour me servir de bouclier. Il me manque. A en crever. 


Il y a quatre jours de cela, un client est entré dans mon bureau. Il n’était pas particulièrement beau mais il avait cette odeur spécifique à la plupart des fumeurs qui portent un parfum de luxe. Oh my God, j’avais envie de le serrer fort dans mes bras parce qu‘il me rappelait mon mari. J’ai dû me forcer à être plus distante que d’habitude pour qu’il n’interprète pas mal mes regards insistants. Dès qu’il est parti, j’ai appelé Xander pour écouter sa voix. Il semblait sur les dents, de mauvaise humeur. Mais on a pu bavarder un peu avant que je ne raccroche. 


Ce n’est que parce que je sais qu’on sera bientôt ensemble que je supporte toute cette mascarade. En attendant, je garde l’œil ouvert et je me prépare. A partir du moment où le vieux Okili pense qu’il a l’avantage sur moi, je peux évoluer en douce. 


— On n’avance pas là ! dit Denis en claquant des doigts devant mes yeux pour me sortir de mes pensées.

— Pardon. On en était où ? 

— Qu’est-ce qui se passe ? Tu es ailleurs… Si tu ne veux pas de mon aide dis le moi pour que je ne perde pas mon temps ! Figure-toi que j’ai des affaires à faire tourner ! Une amie qui m’attend à 20 heures. Et là il est 17 heures. Il faut qu’on finisse et que je rentre chez moi me changer…

— Hé. Qui est-ce ? La femme de la dernière fois ? 

— Non. 

— Qui …

— Elle s’appelle : « ça ne te regarde pas. » 


Il n’a pas l’air content. Je souris pour le dérider mais il n’est pas dupe. Il faut que je me ressaisisse. Le problème c’est que je ne sais pas si je dois me méfier de Denis ou continuer à lui faire confiance.  Depuis qu’il a découvert mon lien avec Okili, il est très présent dans notre vie à tous les deux. Il pourrait sans le vouloir, sans même en être conscient donner des informations compromettante à mon grand-père. 


— J’ai du mal. 

— A quoi ? dit-il en se replongeant dans sa lecture de mes propositions. 

— Tout ce monde tout d’un coup, tous ces inconnus qui me sourient et m’acceptent comme ça sans poser de questions… Toute cette famille ! J’ai du mal. 

— C’est normal qu’ils ne posent pas de questions. Ton grand-père a donné le mot d’ordre. Personne n’ira à l’encontre.

— Je n’ai pas besoin de … toutes ces personnes ! On pourrait y aller en douceur, les rencontrer les uns après les autres. La c’est presque un marathon, j’ai à peine le temps de réellement en connaitre un qu’on m’en présente un autre. Ca me stresse… C’est toujours ce foutu mariage coutumier qui veut ça ? Prendre les bénédictions et autres… Comment est-ce que des bénédictions de personnes qui ne m’ont jamais connu … peuvent marcher ? 


Il éclate de rire, croise ses doigts derrière sa nuque et regarde le ciel un moment. Mon regard suit le sien. L’azur de la voute céleste me fait cligner des yeux alors je baisse les yeux et le regarde lui. 


— Tu es tellement naïve Leila ! dit-il avec son sourire de requin qui me fait froid dans le dos quand il est en colère. 

— Pourquoi tu dis ça ? 

— Il faut que tu apprennes à décrypter ce qui se dit autour de toi. Pourquoi crois-tu que ton grand père met la pression pour que tu rencontres autant de gens ? Tu entres en politique, c’est de la compétition de haut niveau. Tu penses que ton job sera tout simplement de réformer le code du travail ou de trouver des solutions pour la formation des jeunes filles mères? Il va falloir aussi prouver que tu peux drainer des votes. Et toi-même tu n’auras pas le temps d’aller dans les bas quartiers rameuter un électorat. Ce sera aux membres de ta famille de le faire pour toi. Tout le monde doit être avec toi, tes oncles, tes tantes, tes nièces et neveux… Tu les mettras à la tête de certaines structures et pour te remercier, ils te viendront en aide quand il faudra mouiller le maillot pour prouver au parti que tu peux rassembler du monde derrière toi ! C’est comme ça que ca marche. Quand on te présente une nièce qui vient d’avoir un bébé et est infirmière diplômée, c’est le code pour te dire : débrouilles toi et trouve lui du travail. Que tu aies un cabinet qui n’emploie que des juristes, comptables et fiscalistes ne les regarde absolument pas. Ils s’en foutent. Ils te disent, on te soutiendra quand il le faudra mais en attendant trouve du travail à ta nièce. C’est comme ça que ça marche et plus tôt tu le comprendras, mieux tu t’en sortiras.  


Donc si je décrypte bien. Je ne compte pas. Seul compte le service que je peux rendre. 


— Et tout ce marchandage ne te gène pas ? je lui demande en soupirant

— Je suis né dedans, j’ai grandi dedans, je mourrai surement dedans. Je ne connais rien d’autre princesse ! 

— Je ne saurai pas faire ça Denis. Utiliser les gens comme ça ! Ca ne me ressemble pas. 

— Arrête Leila ! Arrête ! Je ne connais pas plus calculatrice que toi !

— Quoi ! Arrête, je m’insurge immédiatement. 

— Je ne le dis pas dans le mauvais sens du terme. 

— Comme si ce mot pouvait avoir un bon sens. Je trouve ça insultant.

— Quand Lola a eu son problème qu’as-tu fais ? 

— Je l’ai aidé…

— Tu as tout calculé. Tu as utilisé toutes les ressources des personnes de ton entourage pour la sortir du pétrin. Tu as utilisé les gens Leila. Tu as laissé Lola pensé que son enfant allait lui être arraché alors que tu avais un autre plan derrière la tête. Tu as utilisé sa peur de perdre son enfant pour dissimuler à ton adversaire ton vrai plan. Tu as demandé à Gabriel de sacrifier sa relation avec la fille d’Afrique du sud pour aller négocier avec la femme de mon neveu parce que tu savais qu’il saurait convaincre. Tu as laissé Mickael protéger Lola tout en sachant que c’était dangereux. Tu m’as appelé pour que je mette un holà aux menaces. Tu nous as tous utilisé. Tous. La seule personne que tu as refusé d’utiliser c’est ton mari. Lui, tu le protèges toujours. 


C’est un simple constat qu’il fait. Il parle sans amertume. 


— Est-ce que tu veux dire par là que je suis responsable de la mort de Mickael. Que j’aurai pu le protéger mais que je ne l’ai pas fait…

— En sachant que la seule personne que tu voulais réellement protéger c’était Lola et son fils. Si tu avais su que ca finirait ainsi aurais-tu changé tes plans pour autant ? 

— Evidemment que oui…

— Tu en es sure ? A cent pour cent ? 


Mon cœur bat à cent à l’heure. Je suis complètement chamboulée par ce portrait que Denis dresse de moi. 


— Estime-toi heureuse Leila. Moi j’ai dû apprendre à le faire. Parce que je me suis rendu compte très tôt que c’était ce que les gens faisaient avec moi. Toi tu n’auras même pas besoin de l’apprendre. C’est inné chez toi. Il a raison. Tu lui ressembles. Et moi j’aime ça. 


Il le dit avec un petit sourire désabusé. Et je me rends compte que c’est un miracle qu’il soit comme il est avec moi, s’il pense ça de moi. Il me tend ses annotations et je l’en remercie. 


— Il va continuer longtemps comme ça à vouloir me macquer avec toi ? 

— Il avait vraiment quelque chose à faire. Il reviendra avant qu’on s’en aille. 

— Pourquoi tu le défends toujours ? Pourquoi tu m’aides ? Qu’est-ce que tu as à y gagner ? Ce n’est pas comme si tu voulais être avec moi, alors pourquoi tu fais tout ça ? 

— Pourquoi ? 

— Oui pourquoi… je ne vais pas t’épouser, on el sais tous les deux. On n’est pas intéressé l’un par l’autre, alors pourquoi tu m’aides quand même à entrer en politique. Qu’est-ce que tu y gagnes ? 

— …

— Réponds Denis. 

— Le jour où je te répondrais… tu ne m’adresseras plus la parole alors vaut mieux pas que tu saches…

— Quoi c’est pour l’argent ? Tu as toujours dit que c’était ce qui t’importait le plus. 

— Oui. C’est ça. C’est pour l’argent. T’es contente ? 

— Bah tu vois. Tu me l’as dit et je te parle toujours… Tu ne pourras rien me dire qui m’empêchera à jamais de te parler Denis. 

— Hum. 


Je vide mon verre et m’excuse auprès de lui en prétextant aller aux toilettes. Il m’indique la dernière porte à la gauche dans le couloir du fond. J’y vais. Le cœur battant. Avec tout ce que Denis vient de me dire, je ne m’étonne même pas d’être en train de faire ce que je fais. Je profite de ce moment où il m’a mise mal à l’aise pour opérer en douce. Il pense que je suis encore troublée par ses paroles alors que je suis déjà passée à autre chose. 


J’ai en tête le mot de passe de l’adresse mail d’Okili obtenu grâce au fils de Lola, Raphael. Il a été bien surpris de recevoir un message de moi. Je sais que ce bonhomme est bien plus malin et doué en informatique qu’un ingénieur ayant deux fois son âge alors je l’ai contacté après avoir reçu de mon grand père par e-mail, ses observations sur l’acte de cession que j’ai préparé. 


C’est exactement ce pourquoi je lui ai demandé de m’envoyer des informations par mail. Parce que je sais à quel point on peut-être vulnérable grâce à cet outil. Surtout quand on est d’une génération qui n’en maitrise pas tous les contours. Raphael m’a demandée si je connaissais les centres d’intérêt de la personne dont je voulais pirater la boite e-mail. Le whisky m’est venu à l’esprit instantanément. De toute manière, je ne savais pas grand-chose d’autre sur lui. Raphael  a donc envoyé à l’adresse e-mail, une fausse publicité sur une vente privée de whisky très rare. En ouvrant la publicité sur son ordinaire, Okili a permis à Raphael de se connecter à ses données. 

Raphael m’a rendu ce service sans même me demander ce que je voulais faire exactement de toutes les informations qu’il allait me transmettre. Il ne m’a pas dit c’est illégal, je ne veux pas être mêlé à ça ou je vais demander à maman si je peux t’aider. Non. Il s’est exécuté parce que je les ai sauvés précédemment. Et je savais qu’il m’aidera sans discuter parce qu’il se sentirait redevable envers moi. 

   

Suis-je vraiment comme Okili ? 


Sans me décourager, je prends le couloir et ouvre chacune des portes jusqu’à entrer dans une pièce qui fait office de bureau. J’ai passé la veille à lire des tonnes de documents sans queue ni tête jusqu’à tomber sur un document scanné sur lequel était regroupé des noms de banques, des numéros de compte, des codes. Les vieux, leur mémoire défaillante et leur manie de tout vouloir noter quelque part! 


S’il y a bien une chose que je sais sur les vrais riches, c’est qu’il planque toujours un coffre fort chez eux. J’observe la pièce. C’est un bureau tout ce qu’il y a de plus classique. Un fauteuil, une immense table en bois, des dossiers, un ordinateur et une lampe de travail  sur ladite table, une bibliothèque qui court le long du mur droit… La plupart des coffres forts sont encastrés dans les murs derrières des tableaux. Il y a deux tableaux au mur. Celui d’une femme d’un certain âge. Je devine qu’il s’agit de sa femme donc de ma grand-mère paternelle. Je ne m’attarde que très légèrement sur son portrait. Le second tableau c’est mon père. Je passe un doigt sur le tissu rêche du tableau qui expose son visage souriant. Malheureusement pour moi, derrière ces deux tableaux, il n’y a absolument rien. Il faut que je fasse vite. 

Je m’assois sur l’immense fauteuil en cuir abimé par des années de service. Où est son putain de coffre ? Je passe un doigt sous le plateau du bureau et bingo. Il y a un bouton. Ce pourrait aussi bien être une alarme. J’inspire. Appuie en fermant l’œil  d’appréhension. Pas de bruit. Ouf ce n’était pas une alarme. A moins que ce soit un dispositif silencieux. J’arrête de réfléchir et continue d’observer la pièce. Je remarque que des livres bougent. Ils ne sont pas situés à hauteur d’yeux mais presque au sol.


Je me lève rapidement et découvre que le coffre était dissimulé dans la bibliothèque. Malin. Je ne suis pas au bout de ma peine. J’ai encore une vingtaine de mot de passe à essayer sur ce foutu coffre. Dix mots de passe plus tard, le coffre est toujours aussi verrouillé que les cuisses d’une nonne. J’ai mal au doigt et au dos. Le stress irradie presque de mon corps. Je sursaute en entendant un bruit de chaise qui racle le sol à la terrasse.  Soit Denis s’est levé, soit le vieux est rentré de son petit tour. Mais je ne n’ai pas entendu le portail s’ouvrir.  


Deux minutes plus tard, à peine je ferme la porte que Denis apparait dans le couloir. 


— Ca va ? demande-t-il inquiet. Tu en as mis du temps.


Je ne bouge plus. Le temps de maitriser le tremblement de mes doigts. J’ai failli me faire prendre dans le bureau. 


— Cette maison luxueuse m’est ouverte aujourd’hui alors qu’enfant je vivais avec ma mère dans un deux pièces où un coin du salon faisait office de cuisine. Ca chauffait la dedans parce qu’on n’avait pas de climatiseur. Tu as grandi dedans, Xander aussi… je suis la seule pièce rapportée.

— Hé tu es autant à ta place que nous. 

— Oui je le sais. Mais ce que je veux dire c’est que contrairement à vous tous, ma place je l’ai gagnée n’est-ce pas. Je l’ai gagnée…


Je parle, je parle, histoire qu’il ne se questionne pas sur ce que je fais devant la porte du bureau. Mais son regard glisse vers le pommeau en métal doré de la porte avant de revenir vers mon visage. A-t-il compris ? 


— On y va Leila. 

— Ok. 


A-t-il compris ? 


*

**


La famille de Xander est arrivée. Elle les a reçus à l’africaine avec certaines de mes tantes dont je ne connais toujours pas le nom. Elle leur a expliqué que c’était nos coutumes qui allaient être respectées et non les leurs. La mère d’Alexander n’a pas bronché expliquant que leur fils leur avait déjà dit comment les choses allaient se passer. Il leur a interdit de s’opposer à toute demande de ma famille aussi loufoque soit-elle. Consigne stricte à respect sous peine de subir sa colère. Et personne n’aime les colères de Khan parce que quand il commence, on ne sait pas jusqu’où il peut aller. 


La famille de Xander est arrivée sans Xander parce que mon grand-père a avancé la date comme s’il craignait qu’on change tous d’avis à la dernière minute s’il nous laissait encore poireauter. Ca ne risque pas d’arriver ! Je suis décidée et Xander aussi. Il avait pris des engagements pour ses sociétés et il a dû rester les remplir. Au téléphone, il était mal à l’aise et très en colère. Sa mère et les autres membres sont donc partis, sans lui, tout préparer pour son arrivée à Libreville. Mon mari a essayé d’aller récupérer Karisma dans son internat. Sauf qu’en s’y rendant, la direction l’a informée qu’elle était en voyage découverte à Londres avec l’ensemble de sa classe. J’ai été peiné de savoir qu’elle ne pourra pas être là. Déjà qu’elle nous en voulait de l’avoir envoyé en pensionnat, les choses ne vont pas s’arranger quand elle apprendra pour la cérémonie. 


Le mariage c’est demain. Il doit prendre l’avion aujourd’hui et courir nous rejoindre. Ca va être serré mais je sais qu’il sera là. A chaque fois que je pense à la journée de demain j’ai envie de vomir. A chaque fois que je pense au regard de Denis sur la poignée de la porte, j’ai des sueurs froides. Je suis sure et certaine qu’il a compris ce que je venais de faire et je veux m’assurer qu’il n’en dira rien. 


J’appelle Elle et je lui explique ce qui me tourmente. Je lui fais confiance. Je sais  qu’à elle, je n’ai pas besoin de cacher mes plans. 


— Il faut que j’aille chez lui, le sonder. Je n’aimerai pas avoir une mauvaise surprise demain. Mais il va bientôt faire nuit et je ne peux pas aller chez lui toute seule… Accompagne-moi s’il te plait. 

— Premièrement, tu es folle. Deuxièmement, tu es folle et troisièmement…

— Oui je le sais. 

— Tu es folle. On n’est pas dans un film ma petite. C’est dangereux et illégal de fouiller les affaires d’autrui, d’entrer par effraction et …

— Ah… tout de suite les grands mots ! Je cherchais  juste des toilettes et je me suis perdue. C’est tout !

— Tu t’es perdue jusqu’à ouvrir un coffre fort ? 

— Pour ouvrir un coffre il aurait fallu que j’aie le code. 

— Arrête tes bêtises Leila. Au fond t’aime ça hein… 

— Quoi ? 

— Tout ce qui se passe autour de toi. Toute cette passion qui te réveille à coup de coup de pieds au cul… Si Alexander avait été un indien basique, sans drame, sans vent qui souffle contre toi tu ne te serais même pas intéressée à lui… Mtchrrrrr ! 

— Elle ? 

— Oui. 

— Tu m’aides ou pas ? 

— Pffff. Attends je vais voir si Adrien peut garder les enfants. 

— Merci, je lui dis soulagée par sa manie de toujours vouloir m’aider. 

— A charge de revanche hein ! Le jour où Adrien va en faire des siennes avec une jeunette là et qu’il me faudra enquêter, tu viendras avec moi. 

— C’est toi la vraie folle. Ce mec t’aime depuis qu’il est dans le ventre de sa mère ! Jamais il ne te trompera. 

— Madame Kahn ! Tous les hommes trompent. Tous ! Un jour où l’autre. 


Avant qu’elle ne me plombe le moral, je raccroche et je vais la chercher chez elle. Nous prenons sa voiture. Je n’ai pas envie que le GPS qu’Alexander a fait installer sur mon véhicule lui révèle que je suis chez Denis, la veille de mon mariage coutumier. Je conduis comme une folle et brule quelques feux au passage. Une fois chez Denis, on se fait escorter par l’homme chargé de la sécurité. 


— Et quelle est la raison officielle de notre venue ? me demande –t-elle quand on est juste devant la porte d’entrée. 


Je n’ai même pas le temps de lui répondre que Denis nous ouvre. Il a une tête d’enterrement. Mais vraiment une tête d’enterrement ! Comme si le ciel lui était tombé sur la tête. D’ailleurs il n’est pas habillé, il porte juste un vieux jean élimé. Il devait sortir pourtant. Il me fixe en faisant tressauter les muscles de sa mâchoire. Ok. Il sait. Il sait forcément.  


— Denis ça va ? demande Elle en me poussant à entrer pour couper le charme car lui et moi ne nous sommes pas quittés des yeux. 

— … Il … faut que j’aille m’habiller rapidement. Je reviens. Attendez là. 

— Il y a un problème ? Avec le mariage ? 

— Non. Pourquoi tu demandes ça ? 

— Bah tu fais une drôle de tête, constate Elle.


 Il disparait, nous laissant plutôt confuse. Son téléphone est resté sur la table de la salle à manger. Je pousse de l’épaule Elle, et lui montre le téléphone en souriant. 


— Okili communique beaucoup avec lui. Je vais juste vérifier s’il a reçu ou émis un appel vers le numéro d’Okili après notre rendez-vous chez le vieux. 

— Leila… Il peut revenir d’un instant à l’autre. 

— Tu surveilles alors.

— Quoi ?! 


Avant qu’elle ne m’en empêche, je me dirige vers la salle à manger et m’empare du téléphone de Denis. Merde. Il est verrouillé. Je tente son anniversaire comme code. Pfff. Ce n’est pas ça. Un message whatsapp s’affiche sur l’écran et me fait sursauter. Ce n’est pas tellement le contenu du message plutôt que l’expéditeur qui me semble complètement improbable. Je me dis que j’ai peut-être lu trop vite et continue de tenter tout ce qui me passe par la tête comme code de déverrouillage. Le même expéditeur envoie un second message. Puis un autre et encore un autre et je me rends compte que je suis tombée en plein dans une conversation que je n’aurais jamais dû lire: 


« Tu me dis que tu ne me connais pas que tu n’as pas à me répondre mais tu ferrais mieux de bien écouter ce que j’ai à dire »

« Tu dis que je mens mais je t’ai envoyé les photos, les lettres des avocats. »

« Il passe beaucoup de temps avec sa fille et on a appris à se connaitre parce que j’ai muri et qu’il s’est calmé. Il s’est rapproché de sa fille qui le réclamait. Les rares fois où il a parlé de sa vie à Libreville, ton nom est toujours sorti du lot. C’est pour ça que je te contacte. J’ai pris ton numéro dans son téléphone. »

« J’ai parlé à sa mère. Elle dit qu’elle ne veut plus aller à l’encontre de la volonté de son fils. Elle a peur qu’il lui tourne encore le dos. »

« Je sais qu’il t’écoute beaucoup. Parle-lui parce que je ne me laisserai pas faire. Je ne suis plus la jeune fille naïve. J’ai appris à être une mère et jamais je ne lui laisserai mes enfants. Je le répète jamais. »   

« On a signé le divorce mais il n’a pas été entériné par un juge. Donc officiellement nous sommes encore mariés. Ce qui veut dire que tout ce qui a été fait à Libreville est nul. Demande le lui il te le confirmera.»

«Je suis enceinte. On est toujours marié donc il a des droits sur les enfants. Il veut me les arracher. Je ne le permettrais pas. »

 « Tous les voyages qu’il faisait, je pensais que c’était pour se rapprocher de Puja et moi. Mais en réalité c’était pour récupérer mes enfants après m’avoir mise enceinte?» 

« Parle-lui. Ce n’est pas parce qu’elle ne fait pas d’enfant qu’il doit prendre les miens.»

« Je suis enceinte, je ne vais pas leur donner mon bébé. Pas cette fois-ci. Si c’est la solution qu’il a trouvé pour la rendre heureuse, ça ne marchera pas. Je suis enceinte et il rentre refaire un nouveau mariage ? S’il insiste, je vais détruire sa vie avec elle. Je vais tout lui dire à elle. Tout.  »


Tous les messages sont de Neina. 

Et je ne sais pas pourquoi tourne dans ma tête la phrase d’Elle : Tous les hommes trompent. Tôt ou tard et la phrase de Neina : je suis enceinte ! 


A bientôt 

Leilaji. 


On aime (pour me faire plaisir), 

On commente (pour débattre avec les autres et donner son point de vue), 

On partage (pour faire découvrir l’histoire).

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