Chapitre 15
Ecrit par Meyroma
- Docteur, la patiente bouge les paupières, je crois qu'elle reprend connaissance.
Voilà les premiers mots que j'entends d'une voix féminine, en ouvrant les yeux, à mon retour du fin fond des ténèbres. J'ouvre péniblement mes paupières qui semblent peser des tonnes et je suis éblouie par la lumière blanche d'une lampe torche fixée directement sur mes yeux.
Je referme les referme un instant.
Cette fois, c'est un homme qui répond, sans doute le médecin en question :
- Effectivement, par la grâce de Dieu elle est bien de retour parmi nous.
J'ouvre à nouveau les yeux et mon regard se pose successivement sur la chambre toute peinte en blanc, la jeune infirmière en blouse blanche, le vieux médecin avec sa paire de loupes aux yeux, Maître Djibril et ma mère qui me regardent comment s'ils viennent de voir un fantôme.
J'essaye de parler, mais je me sens encore très faible. Mes paroles sont à peines audibles.
- Comment ais-je atterri ici ? Balbutié-je après toute une gymnastique de la langue.
- Vous avez été heurtée par un chauffard. Heureusement, vous avez été transportée à l'hôpital et prise en charge rapidement.
Puis il se retourne vers ma mère et Maitre Djibril qui sont visiblement morts d'inquiétude.
- Je peux vous assurer qu'à présent, la patiente est hors danger. Elle reprendra des forces progressivement.
Il marque une pause, comme s'il s'apprête à annoncer une mauvaise nouvelle, et continue enfin d'un ton hésitant et moins rassurant :
- Malheureusement, nous n'avons pas pu sauver la grossesse. Quand elle est arrivée, elle saignait beaucoup déjà. Mais je peux vous certifier que ses organes n'ont pas été affectés et qu'elle peux retomber enceinte dès qu'elle le désirera. En règle générale, il est conseillé d'observer une période de trois mois avant de contracter une nouvelle grossesse suite à un avortement.
On aurait juré qu'une hécatombe vient de tomber dans la chambre. Nous le regardons tous, consternés, les yeux grandement écartés comme s'il parlait chinois.
Je ne sais par quel mouvement d'ensemble, nous posons tous les trois la même question en chœur.
- De quel grossesse parlez vous Docteur ?
A voir nos tête, il comprend immédiatement la situation. Il ferme doucement son bloc-note, rabaisse ses grosses lunettes sur son gros nez et nous regarde tour a tour droit dans les yeux. Puis se retourne vers moi, l'actrice principale.
Moi qui pouvait à peine bouger l'orteil tout à l'heure, me retrouve propulsée en position assise par le choc.
- Madame, vous n'êtes donc pas au courant que vous étiez enceinte de deux mois?
Je me retourne pour être sûr qu'il ne s'adresse à nul autre que moi.
- Docteur, ce n'est pas madame, c'est mademoiselle. Elle n'est pas encore mariée. Yasmine, comment as tu pu...?
Ce sont les seules paroles que ma mère a pu prononcer, avant de sortir de la chambre en sanglot.
- S'il vous plait Docteur, pouvez vous nous laisser seuls? S'enquit Maître Djibril à son tour.
Le vieux médecin semble soulagé par cette requête et se précipite pour sortir.
- Vous n'aurez qu'à appuyer sur la sonnette, si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous dit-il en indiquant un bouton rouge au mur, juste au chevet du lit.
A peine seuls, Maitre Djibril s'assied sur la chaise à côté de moi et me prend les deux mains qu'il embrasse de toutes ses forces que je sens mes articulations craquer. Jamais auparavant, il ne s'était exprimé avec autant de ferveur. Face à mon impassibilité, il soulève mon menton à l'aide de son index, m'obligeant ainsi à affronter son regard. A travers la vision floue que m'offrent des yeux remplis de larme, je découvre un Djibril effondré, décomposé, mais tenace.
- Yasmine ma dulcinée, je t'aime et je t'aimerai toujours. Dans n'importe quelle situation de la vie, je voudrais que tu trouve en moi une source de soutien et de réconfort. Sans vouloir exagérer, je serais capable de décrocher la lune pour toi. Tu n'es pas seule dans cette épreuve, nous sommes deux et nous le serons jusqu'au bout.
Il s'arrête un instant, apparemment pour bien choisir ses mots. Puis me lance la phrase fatidique.
- Yasmine, je t'en supplie à genoux, épouse moi.
Cette fois, je sursaute de stupéfaction et il continue :
- Je ne t'epouse par pour les circonstances, mais par amour. Crois moi Yasmine, ces événements ne font qu'accélérer une demande en mariage qui florissait déjà dans mon esprit et qui n'attendait que le moment opportun. De toutes les façon, je t'avais d'office choisie pour être la femme aux côtés de qui je veux vieillir, la mère de mes enfants, la grand mère de mes petit enfants, l'arrière grand mère de mes arrières petits enfants, l'arrière arrière...
Le voyant tourner en rond dans sa spirale à bout de stress et de nervosité, je l'arrête en m'efforçant de sourire, le visage embaumé d'un cocktail de larmes de joies et de tristesse.
- J'accepte d'être l'arrière arrière arrière...
Sans me laisser terminer, il se lève et m'enlace amoureusement.
- Je te laisse une minute ma chérie, je vais réconforter ma future belle mère, lui demander pardon d'avoir anticiper les choses, la persuader de la sincérité de mon amour pour toi et lui demander ta main, en espérant qu'elle me l'accorde.
- Woah ça t'en fait pas mal de boulot, bonne chance champion !
Il pose affectueusement un baiser sur mon front avant de partir accomplir sa mission.
Stressée au plus haut point, je croise les doigts pour que ma mère soit tolérante à notre égard.
Je n'ose même pas imaginer sa déception et je lui donne entièrement raison.
J'étais supposée être sa fierté et l'ambassadrice de sa bonne éducation. Je devais refléter chacune des valeurs qu'elle a consacré chaque jour de sa vie à nous inculquer.
Mais quand je fais un bilan personnel, je réalise que avec amertume que j'ai failli sur toute la ligne.
A quel moment ais-je perdu le contrôle ?
Un flot de larmes chaudes jailli de mes yeux et coulent tout le long de mon corps.
A ce moment, je sens la porte s'ouvrir et je me retourne, espérant découvrir Djibril et ma mère.
Non, mais je rêve ou quoi?
- Tu ne rêves pas, imbécile. C'est bel et bien moi. Oui, moi, ton pire cauchemars qui te hantera jusqu'à l'agonie.
Comme vous l'avez deviné, c'est Fati qui fait son entrée en scène. Déguisée en une sorte catwoman pour passer inaperçue, elle porte de grosses lunettes noires qui lui cache tout le visage et me jette un regard noir à donner la chaire de poule.
- Tu n'as encore rien vu. Je t'avais prévenus, mais tu ne m'as pas écouté. Pleure, oui si ça peut te soulager un peu, mais économise tes larmes, ne gaspille pas tout. Tu en aura besoin pour la suite, ceci n'est qu'un avant goût.
Puis elle éclate d'un rire sadique et terrifiant dont les écho résonnent au plus profond de mon esprit.
Sous l'effet du choc, je reste figée, hypnotisée, incapable de la moindre riposte. Soudain, je me rappel du bouton rouge accroché au mur. Dès que j'appuie dessus, elle sort en courant comme une fugitive.
Maintenant, tout me revient comme un flash dans la mémoire!
Je n'étais pas victime d'accident, mais d'un acte criminel bien prémédité. Je me souviens effectivement avoir vu cette petite Toyota noire discrète, aux vitrines fumées, stationnée un peu plus loin quand je marchais, puis foncer droit sur moi dès que je me suis engagée dans la petite ruelle déserte qui menait chez mon oncle Mallam Habou.
Oh mon Dieu ! Qu'est ce qui m'arrive ?
Prise de panique, je sens ma tête vaciller et le tensiomètre auquel je suis branchée accélérer le rythme de ses bips. Peu à peu, ma vision se trouble et je me sens m'effondrer dans les ténèbres d'où je venais à peine de m'échapper.
Je crois que je suis entrain de m'évanouir.