Chapitre 16

Ecrit par Djelay

Je l’observe longuement. Si je le tuais tout de suite, je serais libre et je pourrais enfin vivre une vie normale avec Lili. En huit ans, c’est la première fois que j’ai de telles pensées.

-         J’ai une mission pour toi au Botswana !

-         Tu plaisantes j’espère ? Lancé-je dans un rire amer.

-         Non. Et tu dois y aller demain.

-         Et en quoi consiste cette mission ? Demandé-je sans grand intérêt.

-         John, m’a doublé et a détourné la cargaison qui devait arriver hier. Alors…

-         Ce n’est pas mon problème. Ce n’était pas ma mission, pourquoi devrais-je nettoyer le bordel qu’a foutu Tiger ?

-         Tu es le seul capable de résoudre ce problème.

-         Je ne le ferai pas. Demande à Tiger d’arranger son foutoir.

-         S’il te plait Fiston, je ne te le demande pas en tant que ton boss…

-         J’ai ma boîte à gérer ici, je ne peux pas mettre tout ça en suspend juste parce cet imbécile de Tiger a foiré encore une fois dans une mission. Merde !

Furieux, je me lève brusquement, puis arpente de long en large la pièce.

-         S’il te plait Mike.

-         Ne m’appelle plus jamais par mon prénom.

Une tension s’installe aussitôt dans la pièce. Je garde le silence. Toutes mes pensées sont dirigées vers Lili.

-         J’y vais pour combien de jours ? Demandai-je sans motivation.

-         Cela dépendra du temps que tu mettras pour tout régler là-bas.

-         Putain ! Tu es conscient que ça peut me prendre au moins trois semaines ?

-         Oui je sais.

-         Putain Luc !

-         C’est la première fois que la durée d’une mission t’inquiète autant. Qu’est-ce qui te préoccupe réellement ?

-         Ne viens pas en plus me faire chier avec tes questions à la con.

Je lui tourne le dos, désirant mettre fin à cette entrevue. Alors que je m’apprête à sortir j’entends la voix de Luc.

-         C’est une femme n’est-ce pas ?

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Si l’existence de Lili venait  à être découverte, je ne me le pardonnerais pas. Gardant toute ma sérénité, je me retourne et le gratifie de mon sourire le plus sinistre.

-         Les femmes, je ne fais que les baiser. Ça tu devrais le savoir puisque j’ai baisé l’une de tes maîtresses. A ce qu’il parait, c’était ta préférée.

Je peux voir sa frustration. Bien ! Il l’aura cherché.

-         A plus ! Lancé-je avant de sortir.  

L’idée d’être séparé de Lili pour une si longue durée me met dans tous mes états. Surtout que ce Ricky lui tourne autour en permanence. Je ne peux pas non plus l’emmener avec moi. Ce serait la jeter dans la gueule du loup sans compter qu’il y a ses études. Merde ! Juré-je en tapant sur le volant de ma voiture. Il est seize heures lorsque j’arrive à Abidjan. Il me faut faire un détour à la banque. Je sors mon téléphone et compose le numéro de mon banquier.

-         Bonjour M. IBARA. Dit-il immédiatement après avoir décroché.

-         Bonjour M. Kouadio. Je suis en route pour votre agence j’ai quelques transactions à faire.

-         Je suis désolé monsieur mais l’agence est déjà…

-         Je m’en fiche. J’y suis presque alors vous avez intérêt à être là où je change de banque tout simplement.

-         Inutile d’en arriver là monsieur. Je vous attends.

-         Bien ! Répondis-je sèchement avant de raccrocher.

C’est autour de vingt-deux heures que j’arrive à mon appartement. Je présume que Lili est déjà rentrée chez elle. J’aurais pourtant aimé la voir avant mon départ. C’est peut-être mieux ainsi. Voir sa tristesse m’aurait transpercé le cœur et qui sait si j’aurais eu la force de partir. En sortant de l’ascenseur, je suis tout se duite frappé par le calme de l’appartement. En gravissant les escaliers, je me demande si c’est une bonne idée de garder Lili à mes côtés. Je me rends dans la chambre de Kevin prendre des nouvelles de son état de santé.

-         C’est Mike ! Puis-je entrer ? Demandé-je après avoir toqué.

-         Vous pouvez entrer monsieur.

-         Non, reste couché. Lui dis-je alors qu’il essaie de se lever. Comment te sens-tu ?

-         Très bien monsieur.

-         Tu en es sûr ?

-         Oui monsieur.

-         Tu m’envoies ravi. Je me rends au Botswana demain pour arranger la merde de Tiger.

-         C’est à propos des cargaisons qui étaient censés arrivées hier ?

-         Oui.

-         N’est-ce pas à lui de s’y rendre ?

-         Luc n’a pas confiance en ses compétences.

-         Comme toujours ! Remarque Kevin visiblement mécontent.

-         Tu ne t’imagines pas à quel point j’ai envie de buter cet enfoiré de Tiger.

-         Je peux m’en charger personnellement si vous m’en donnez l’ordre monsieur.

Ah Kevin ! C’est la raison pour laquelle il est mon bras droit.

-         Il n’en vaut pas la peine.

-         Très bien monsieur. Alors à quelle heure irons-nous demain ?

-         Te sens tu assez bien pour faire partie de la mission ?

-         On ne peut plus bien monsieur. Dit-il un sourire en coin.

-         Parfait, le vol est pour onze heures demain.

-         Et qu’est-ce qu’on fait de Serge ?

-         Ce connard restera dans la cave jusqu’à notre retour. Abou s’en occupera…Aussi délègue un de nos hommes pour veiller sur Lili. Je veux qu’il me fasse un rapport complet de tous ses faits et gestes.

-         Je m’en charge monsieur.

-         Merci Kevin. Repose-toi maintenant.

Je suis tenté d’appeler Lili, mais j’hésite. Elle dort peut-être et je ne voudrais pas la réveiller. J’attendrai donc demain. Décidé, j’entre dans ma chambre. J’allume ensuite la lumière puis referme la porte. Je me dirige vers la salle de bain lorsque qu’une masse me saute sur le dos. Je n’ai pas besoin de la voir pour savoir qu’il s’agit de ma p’tite poupée. Elle est restée tout ce temps pour m’attendre.

-         T’en as mis du temps ! Murmure-t-elle à mon oreille.

Je suis surpris d’un tel accueil. Non habitué à ce genre de complicité avec une femme, je ne sais pas comment réagir. Ce pendant je dois avouer que j’apprécie ce moment.

-         Viens là toi ! Dis-je en la faisant passer à l’avant.

Elle ne perd pas de temps. A peine est-elle accroché à mon tronc quelle m’enlace le cou et m’embrasse à pleine bouche.

-         Tu m’as manqué tu sais. Dit-elle contre mes lèvres.

-         Pourquoi n’es-tu pas encore au lit ?

-         T’aurais pu répondre « Tu m’as manqué aussi ».

Elle a l’air déçu. Je ne suis pas habitué à tout ça ; Déclaration d’amour, expression des sentiments et tout. Et ça je ne le lui ai jamais caché.

-         Ne commence pas Lili s’il te plait.

Je l’oblige à descendre puis entame de me déshabiller. Ma poupée a mis l’un de mes tee-shirts. Je suppose donc qu’elle a déjà pris sa douche.

-         Je vais me doucher. Lancé-je avant de m’enfermer dans la salle de bain.

Lorsque j’en ressors, Lili est assise sur le bord du lit.

-         Qu’est-ce qui ne va pas ? Tout allait bien avant que tu ne sorte.

Je me débarrasse de ma serviette et enfile mon pyjama tout ça sous le regard fasciné de ma p’tite poupée. Je la rejoins ensuite dans lit, m’allonge et l’attire vers moi. Elle pose sa tête sur mon torse et moi je caresse tout doucement son corps.

-         Je dois m’en aller.

-         Quoi ! S’affole-t-elle.

-         Non, calme-toi mon ange. Je reviendrai.

-         Mais tu pars où ? Pour quoi faire? Et pour combien de temps ?

-         C’est pour le travail poupée. Je pars demain…

-         Demain ? Si vite ?

Elle tente de se relever mais je la maintiens fermement contre moi.

-         J’en ai pour un mois maximum.

-         Un mois ? Dit-elle en levant brusquement sa tête.

-         Oui mon ange. ça passera vite tu verras. Ne sois pas triste. Ajouté-je pour la réconforter.

C’est exactement ça que je voulais éviter.

-         Je te téléphonerai tous les soirs si ça peut te consoler.

-         Vraiment ?

-         Oui p’tite poupée.

-         Ok.

-         Dormons maintenant.

Lili se blottit contre moi et me serre très fort comme si elle craignait que je ne m’échappe. Je la berce doucement jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Ce soir-là nous ne faisons pas l’amour. J’ai fini par accepter qu’avec Lili nous ne baisions pas mais faisons l’amour.  Je la regarde dormir presque la moitié de la nuit avant de sombrer dans le sommeil moi aussi.

Le lendemain Lili dort encore tandis que je finis de faire ma valise. Il est à peine huit heures du matin et nous devons quitter la maison exactement à dix heures. Je sors de mon portefeuille la carte de crédit que j’ai mis au nom de Lili la veille. Je veux qu’elle s’achète tout ce dont elle a besoin sans compter. Avec de doux baisers sur les lèvres, je tente de la réveiller. Ça marche. Elle ouvre les yeux.

-         Bonjour la marmotte. Lui dis-je.

-         Bonjour. Répond-elle d’une voix ensommeillée, un sourire aux lèvres.

-         Tiens ça ! Je lui tends la carte. C’est pour toi.

-         Qu’est-ce que c’est ? Questionne-t-elle en prenant la carte.

-         Une carte de crédit. Tu pourras l’utiliser pour retirer de l’argent et t’acheter tout ce que veux. Des vêtements, des dessous, des nuisettes, des produits de beauté… tout ce dont tu as besoin p’tite poupée.

-         Mais c’est trop Mike…Je ne peux pas accepter…

-         Oh que si tu peux accepter. Je ne te demande pas la permission.

-         Combien y-a-t-il sur le compte ?

-         Assez pour acheter une ville tout entière donc ne t’en fait pas, dépense sans compter.

-         Mais…

-         Rien du tout Lili. Je t’ai dit que je prendrai soin de toi et c’est ce que je compte faire. Ok ?

-         Ok ? Insisté-je.

-         Ok. Répond-elle.

-         Tu veux bien descendre me faire mon petit déjeuner s’il te plait ? J’ai viré ma servante et je n’en ai pas encore trouvé.

-         Bien sûr.

Elle saute du lit et disparait dans la salle de bain. Elle en sort au moment où  je ferme ma valise.

-         Tu pars donc vraiment ?

-         Ne commence pas s’il te plait.

-         Comme tu veux.

Et elle quitte la chambre. Dans la cuisine, je la retrouve derrière le comptoir en train de faire une omelette.

-         Hum ça sent bon. La complimenté-je en m’asseyant sur la petite table à manger.   

-         C’est presque prêt.

-         Ne sois pas triste Lili. Je ne m’en vais pas pour toujours.

-         Qui sait ? Tu y vas pour quel travail au juste ? C’est légal ? Ce n’est pas dangereux au moins? Son ton est mordant.

-         Tu m’arrêtes ça maintenant Lili ! Grondé-je en tapant sur la table.

Elle tressaille de frayeur.

-         De mes affaires, tu ne t’en mêles pas ok ? Et merci, je n’ai plus faim. Je vais tout de suite prendre ma valise et m’en aller.

J’attendais une réaction de sa part mais rien. Elle n’a même pas daigné me faire face. C’est mieux ainsi. Les ‘’au revoir’’ attendrissants sont généralement difficiles à supporter. Sans ajouter un mot, je sors de la cuisine. Quelques minutes après, Kevin et moi sommes sur le chemin de l’aéroport. Je n’ai cessé de penser à ma poupée depuis que nous avons quitté l’appartement. Elle est surement retournée chez elle comme je le lui ai ordonné avant de quitter la maison. Ce voyage tombe peut-être à pic. Cette distance nous permettra à Lili et à moi de nous remettre de nos émotions. En ce qui me concerne, ce qu’il y a entre nous chamboule complètement ma vie. Je ressens depuis peu des sentiments étranges et je n’aime pas du tout la tournure que prennent les choses. Si je dois continuer avec Lili, il va falloir prendre une décision qui pourrait sans doute me coûter la vie. Ce pendant n’en vaut-elle pas la peine ?

Il est dix-huit heures et trente minutes au Botswana lorsque notre avion atterrit à l’aéroport de Gaborone. Heureusement, nous évitons les contrôles douaniers grâce à Seth, un vieil ami qui y travaille. Ce dernier m’a trouvé une voiture et un appartement pour mon séjour. D’ailleurs la voiture nous attendait déjà à la sortie de l’aéroport.

-         This is Azuel, your driver.

 Steh me présente le chauffeur qui me salue d’un hochement de tête.

-         Thanks Steh. You are a good friend. Le remerciai-je en lui faisant une accolade.

-         You’re welcome. I hope we will have the opportunity to meet during your stay.

-         I hope too. Thanks again brother.

-         See you Mike.

Nous montons dans la voiture après que Seth et moi nous soyons dits au revoir. Azuel, nous conduit prudemment à notre appartement. Durant le trajet, toutes mes pensées sont dirigées vers Lili. Que fait-elle présentement ? Sûrement dans son appartement. L’idée de la laisser toute seule là-bas m’inquiète. Et ce Ricky ! Elle a intérêt à rester sage jusqu’à mon retour.  Il nous a fallu quarante-cinq bonnes minutes pour arriver à notre appartement. Entre le voyage en avion et celui en voiture, je suis crevé au point où je me laisse tomber comme un sac à patate sur mon lit douillet. Deux heures plus tard, je me sens comme un nouvel homme. Inutile d’attendre le lendemain pour rendre une petite visite amicale à notre cher John. En sortant de ma chambre je croise Kevin dans le couloir.

-         Es-tu prêt ? Lui demandai-je alors qu’on se dirigeait vers le salon.

-         Oui boss.

-         Bien. Notre John ne sera certainement pas ravi de nous voir mais qu’est-ce que nous en avons à foutre ?

-         Absolument rien à foutre. Réplique Kevin un sourire en coin.

L’appartement que nous a déniché Seth n’est pas des plus luxueux. C’est une petite trois pièces au deuxième étage d’un immeuble dans l’un des quartiers les plus huppés de la capitale. Connaissant mes goûts de luxe, il m’a tout de suite fait comprendre qu’en cette période de l’année, il y a une pénurie d’appartements en raison du tourisme. Ce qui est très embêtant. Mon Dieu que je déteste ma chambre. Non seulement, elle est minuscule mais aussi la salle de bain n’a pas de baignoire. La seule bonne chose, c’est le lit assez confortable. Vivement que cette histoire se règle au plus vite.

-         Ta chambre te convient-elle ? Demandé-je à Kevin.

-         Elle n’est pas mal.

-         Pas mal ? Tu plaisantes ? Elle est affreuse ! Enfin si elle est pareille que la mienne.

Nous descendons les escaliers de l’immeuble. Azuel nous attends déjà dans la voiture. En nous voyant sortir, il se précipite de la voiture pour venir nous ouvrir la portière. Selon Seth, C’est un homme de confiance en plus d’être une tombe. C’est parfait.

-         Dumela borra. Nous dit-il, un large sourire aux lèvres.

-         Dumela Azuel.

Kevin et moi répondons en chœur avant de monter à l’arrière de la voiture. Le tswana est une langue assez compliquée. Tous mes séjours dans ce pays et je ne sais dire que « bonjour ». Pathétique non! Ce qui est marrant, c’est que c’est moi qui l’ai appris à Kevin. Cette idée m’arrache un sourire.

-         Where are we going borra ?

-         FREEDOM CASINO

-         Alright. Répond Azuel avant de démarrer.

En poussant les portes du casino, je suis toute de suite assailli par l’odeur nauséabonde des jeux. J’ai toujours détesté les jeux de hasard. Cependant, voir  ces belles serveuses se déhancher en tenues aguichantes me fait immédiatement oublier l’endroit dans lequel je me trouve. Je vais même jusqu’à claquer les fesses de l’une d’entre elles qui passait juste devant moi. Ayant l’air d’avoir apprécié, celle-ci me fait un clin d’œil avant de disparaître dans la foule. Putain, elle vient de réveiller mes vieux démons cette meuf super craquante. Concentre-toi Mike ! D’abord John, ensuite les pétasses !

-         Je crois qu’il doit être dans son bureau monsieur.

-         Je le crois aussi. Allez, on y va !

A l’étage, où se trouve le bureau de John, quatre gardes sont postés. Il est sérieux là ? Qui s’intéresserait à la vie d’un raté tel que lui ! Franchement, c’est fou l’importance que peuvent se donner certaines personnes.

-         Hey ! Where are you going like that? Nous stoppe l’un des gardes.

-         Nous sommes venus voir John ! Réponds calmement Kevin en français.

-         Ce n’est pas un moulin ici ! Rétorque le garde dans la même langue. Si tu veux voir le boss, tu prends rendez-vous.  

-         Le problème c’est que mon boss à moi n’a pas besoin de prendre rendez-vous pour voir qui que ce soit.

-         Hé, tu te fiches de moi là ? S’emporte le garde en brandissant son arme sur Kevin. Cassez-vous tout de suite d’ici avant que je ne m’énerve.

Sentant la catastrophe arriver, je décide d’intervenir. Par ailleurs je ne voudrais pas m’éterniser ici.

-         Je suis caméléon et je suis venu voir John alors libère le passage crétin.

Le garde et ses collègues, paniqués se morfondent en excuses. Des fois, je suis moi-même surpris de l’effet qu’a mon pseudonyme sur les gens du milieu.

-         Heu… Excusez-moi…monsieur, je … c’est un honneur pour moi, enfin pour nous de vous rencontrer en personne. Veuillez pardonner mon indélicatesse. Sachez que…

-         Ça suffit ! Ouvrez-moi cette putain de porte !

-         Bien entendu monsieur.

 
Fin du seizième chapitre. Bizbi.
Facette obscure