Chapitre 16
Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
Chapitre 16
*** Idéale
Je ne voulais parler de mon voyage vers
Mayumba a personne, alors, j’ai pris un billet d’avion pour Laïka et Annélie,
en disant à mon amie Linda et ma sœur Brigitte, que je les emmène à Gamba pour
être près de Mark qui y va en mission.
Nous sommes dans un véhicule 4x4 qui
nous emmène de Gamba à Mayumba. La végétation est luxuriante. Annélie est fascinée
par les animaux que lui montre l’aide-chauffeur alors que la voiture brûle les
kilomètres dans la poussière. Dire que l’on pourrait se perdre ici des années
et être retrouvé en forme parce qu’il y a des arbres fruitiers ci et là, des
coins de rivières et des sangliers à manger !
Laïka s’est réfugiée dans le silence
depuis que je lui ai dit que nous allons au village et qu’au village là-bas, il
y a peut-être la télévision, mais aucune antenne pour capter les chaînes
internationales. Pas de Disney Channel en vie. Annélie demande le nom des
arbres, elle voit des lianes partout. À un moment donné, la voiture s’arrête
net, car une famille d’éléphants traverse la voix. Annélie tape dans ses mains
et dit d’une voix enthousiaste :
- Je vais raconter tout ça à mes amis à
l’école. Ils ne vont pas en croire leurs oreilles. Ils diront que je suis une
menteuse.
Ça me fait sourire. Quand je pense que
les animaux étaient mon quotidien quand, petite, j’accompagnais celle que je
considérais comme ma mère, aux champs ! Combien de fois, en allant à
l’école à pied, sommes-nous tombés sur un sanglier ou même un porc et pique !
C’était avant. On nous apprenait à vivre avec les animaux, en respectant la
nature. Cela pour mes filles, mes petites citadines, c’est de la science-fiction.
Quand enfin, nous arrivons dans le
village de mon enfance, c’est l’effervescence. Le village s’est rempli de
petites têtes venues en vacances chez les grands-parents. Enfin, pour ceux qui
n’ont pas honte de ce retour aux sources, envoyer les enfants en vacances est
naturel. D’autres personnes, dont je fais partie, ont quitté ces lieux pour ne
plus jamais y remettre les pieds.
L’on me reconnaît aussitôt lorsque je
dis mon nom. La rumeur de mon arrivée se répand dans le village. De vieilles
personnes qui ont fait mon enfance et sont encore en vie arrivent, certaines se
tenant encore bien droites sur leurs jambes, d’autres s’appuyant sur une canne.
On me salue longuement, demandant ce qui
m’emmène. On m’accompagne vers la concession de mon enfance. Je regarde autour
et les souvenirs sont intacts : le petit chemin de terre qui serpente
derrière la concession et mènent vers un ruisseau. Ce grand amandier qui
surplombe la cour sur le côté gauche. Cet arbre de fruit à pain dont les
branches étaient difficiles à couper. Mais plus que tout, derrière les cases,
cette bananeraie. Tout le décor est là, comme si rien n’est immuable.
Je dis alors à Laïka et Annélie :
- C’est ici que j’ai grandi !
Laïka est occupée à épousseter sa jolie
robe. Annélie lâche ma main pour courir après les poules et les coqs.
- Tu ne te souviens pas de moi, n’est-ce
pas ? me fait un grand mâle noir au corps sculpté comme un athlète.
Je le regarde. Il sourit de ses grandes
et belles dents. Il me dit :
- Combien de fois t’es-tu moqué de moi,
car j’étais toujours dernier de la classe.
- Rodrigue Makaya.
- Idéale Ma’Tondi ! Qu’est-ce qui
t’emmène ici ? me fait-il. Ma’Mouyissi est morte et personne ne t’a vu à
ses funérailles. La vieille avait pleuré des jours durant en disant :
« J’ai envoyé les nouvelles à Port-Gentil. J’ai dit aux messagers de dire
à Idéale de venir me voir avant que je parte ! » Tu n’es pas venue.
Elle a attendu et je crois qu’à force d’attendre, son cœur s’est arrêté de
battre pour ne pas être trop déçu par ton absence.
Cette révélation me tire une larme. Je
regarde celui qui était mon voisin et compagnon de jeu. Je lui faisais la
classe quand nous étions enfants. Nous allions ensemble dans la concession du
père Matenzi pour chiper des papayes. Ça nous tirait des fous rires à chaque
fois qu’on se faisait prendre.
Il insiste et me demande :
- Que fais-tu là, Idéale ? Pourquoi
es-tu revenue ?
- Il fallait que je vienne, lui dis-je.
Je suis partie trop longtemps. La vie est compliquée, parfois. Je…
- Quel âge as-tu aujourd’hui ?
Trente-neuf ou 40 ans, c’est ça ? Tu avais 14 ans en partant, idéale. En
20 ans, jamais tu n’as trouvé le temps de revenir pour voir des gens qui t’ont
tout donné ?
- Je suis là aujourd’hui et je crois que
c’est le plus important.
Il garde ses bras croisés autour de sa
poitrine et me dit :
- Je m’occupe de Pa’Maximilien depuis la
mort de Ma’Mouyissi. Tu ne le sais peut-être pas, mais j’ai suis allé à l’école
de santé à Libreville. J’ai fait un cursus pour devenir infirmier. Depuis plus
de 10 ans, je suis affecté par le département, au dispensaire de la localité.
Cela me permet de vivre tranquillement sans les tracasseries de la ville. Et je
peux ainsi veiller sur mes vieux parents. Mais, trêve de bavardage, lave-toi
les mains et entre. Et dis à cette petite blanche de venir prendre des grains
de riz pour appâter les poules, si elle veut les caresser.
J’appelle Annélie et la présente à Rodrigue.
Il lui sourit et dit :
- Je vais t’apprendre quelques petits
secrets pour attraper les animaux.
C’est comme si on lui avait dit qu’elle
allait rencontrer le Père-Noël. Laïka, qui est restée en retrait, demande à
manger. Rodrigue lui répond :
- Je vous donnerai à manger dans
quelques minutes. Asseyez-vous sous le manguier. J’arrive.
J’entre dans la maison principale. Les
persiennes sont ouvertes et laissent pénétrer la lumière du jour. Mes pieds nus
s’habituent à ce sol froid. Je regarde les reliques et bibelots posés ci et là
pour décorer la pièce principale. Rodrigue m’introduit dans la chambre dans
laquelle dort Pa’Maximilien. Ce dernier est couché sur un lit d’une place,
recouvert d’un drap et d’une couverture. Il ouvre les yeux à mon approche. Il reste
longtemps les yeux fixés sur moi, comme s’il devait décider quoi me dire.
Là, je l’entends qui me lance :
- Idéale, ma fille, tu es là ?
C’est tout ! Comme si on s’était
quitté la veille. Il ferme les yeux, les ouvre à nouveau et fait signe à
Rodrigue de l’aider à se redresser sur son lit. Rodrigue me dit alors :
- Approche et assieds-toi là si tu veux
vraiment entendre tout ce qu’il dira. Donne-lui à boire quand il le réclame. Je
vous laisse.
Je m’assois sur la chaise indiquée et
prends la main gauche de Pa’Maximilien. Je la porte à mes lèvres et lui
dis :
- Je suis là. Je te demande pardon
d’avoir pris autant de temps pour revenir à toi.
Le silence nous enveloppe pendant de longues
minutes. Bientôt, il me dit :
- Ta mère disait que lorsque tu
deviendrais adulte, tu retrouverais toi-même le chemin de notre village. En
fait, c’est aujourd’hui que tu es devenue adulte. Tu as certes e u des enfants,
tu as le travail et sûrement une maison, mais ce n’est qu’aujourd’hui que tu es
devenue adulte.
Il se tait, comme pour se reposer, puis
me dit :
-J’ai envoyé plusieurs fois des
nouvelles là-bas à Port-Gentil. Ta génitrice a renvoyé systématiquement mes
messagers, elle les chassait même en soulevant son pagne et en les insultant
copieusement. Peut-être pensait-elle vivre éternellement pour t’empêcher de
revenir ici. La vie nous a appris à mon épouse et moi, que le plus dur n’est
pas d’avoir d’enfant. Le plus dur c’est d’être accusé à tort de tout et de
rien !
Là, durant près de trois heures, je vais
rester à écouter cet homme me parler comme s’il y avait urgence, comme s’il
disait ses mémoires avant le grand départ.
Pa’Maximilien me dit :
- Tu pourras toujours raconter ton
histoire et dire qu’en arrivant à Port-Gentil, tu as connu d’autres choses plus
belles et que peut-être, connaissant le cœur de Joseph Omanda, il t’a tellement
chérie que tu en as oublié que tu venais d’ici. Tu pourras tout dire, mais il y
a une chose dont tu dois absolument te rappeler quand tu raconteras tout
ça : Si ma femme t’a prise dans ton berceau quand tu avais trois mois,
c’est parce que ton père, Joseph Omanda, avait peur pour ta vie. La femme qui
t’a mise au monde ne te nourrissait pas. Elle n’a jamais voulu de toi, ma
fille. Jamais ! Sinon, jamais Joseph ne t’aurait confié à mon épouse.
Il se tait longtemps puis me réclame de
l’eau. Là, il continue et me dit :
- Joseph Omanda a su que tu étais un
enfant venu d’ailleurs, que tu n’étais pas de lui. Il a su dès le jour de ta
naissance que tu es l’enfant d’un adultère. Ta génitrice le lui a confessé sous
la contrainte. Il était absent au moment de ta conception. Il avait été envoyé
pendant des mois, en pleine brousse du côté de Mandji Ndolou. Il ne pouvait avoir
fécondé son épouse à ce moment-là. S’il t’a appelé Ma’Tondi, c’était sa façon à
lui de t’accepter et de dire à tout le monde qu’il tenait à toi comme à la
prunelle de ses yeux. C’est parce qu’elle était mouillée par la honte que ta
génitrice voulait t’affamer et te laisser mourir dans ton berceau !
Je n’ai même pas le courage de m’étonner
par rapport à cela. Il fallait bien qu’il y ait une raison au fait que cette
femme ait fait une dépression après ma naissance ! Il fallait bien qu’il y
ait une raison au fait qu’elle ne me montrait de l’intérêt que lorsque je lui
tendais des enveloppes de cent mille francs. Bref…
- Nous t’avons mise à l’école. Ton maître
n’arrêtait pas de venir nous voir pour nous dire que tu serais une grande dame.
Il s’arrête de nouveau. Respire et tout
en regardant droit devant lui, il continue :
- Quand tu as eu le BEPC, les nouvelles
sont parties vers Port-Gentil et ta génitrice a commencé à nous harceler. Elle
faisait dire à tout le monde que mon épouse était une sorcière qui lui avait
volé son enfant. À la fin de l’année suivante, elle est apparue et elle t’a
enlevée à nous. Je ne savais pas qu’on pouvait supplier un être humain comme
l’on supplie Dieu de nous venir en aide. Mon épouse était sur les rotules en
demandant à cette femme de ne pas t’enlever à nous. Mon épouse s’est roulée sur
le sol, en suppliant. Je ne savais pas que je ferais tomber ma fierté, ma
pudeur, en pleurant les larmes de mon corps, en suppliant qu’on ne nous enlève
pas l’enfant qui était notre rayon de soleil. Pourtant, aucune larme n’a
suffi ! Aucun mot n’a eu de l’effet sur cette femme dont je n’ai plus
jamais prononcé le nom depuis ce jour-là ! Mon épouse a ensuite fait de nombreux voyages
à Port-Gentil pour tenter de faire entendre raison à sa sœur. Cela s’est à
chaque fois terminé en bagarre. La dernière bagarre a eu lieu entre trois
copines de ta génitrice et mon épouse. Elles lui ont cassé une jambe. Mon
épouse a passé deux semaines à l’hôpital général de Port-Gentil. Elle a ensuite
boité durant le reste de ses jours. Quand Joseph a su qu’il ne pouvait plus
supporter cette situation, il a simplement quitté la maison et est allé finir
sa vie dans son village, à Wezet !
Le silence à nouveau nous embrasse. Je
crois que je suis en larmes, incapable d’arrêter le fleuve de regret qui coule
de mes paupières. Quand il reprend la parole, il me dit :
- Le jour où tu es partie, mon épouse a
recommandé à cette folle qui t’a mise au monde, de te transmettre un
message : elle voulait que tu reviennes la voir au moment où tu allais
avoir ton premier enfant. Elle avait diverses choses à te transmettre. Des
connaissances, sur la vie, les plantes médicinales et bien d’autres choses.
Elle disait que cela t’aiderait pour l’avenir. Ta génitrice lui avait répondu
qu’elle pouvait garder ses fétiches pour elle. Cette femme était tellement
folle ! Elle avait craché sur le visage de sa sœur en la traitant de terre
aride, de voleuse d’enfants, d’ovaires atrophiés. Il n’y a que femme pour se
montrer aussi dure avec sa semblable ! On aurait dit que ces deux-là
n’avaient rien en commun, même pas le sang et la chair. Pourtant, elles étaient
nées du même père et de la même mère. Mais, la haine et la jalousie ont
toujours coulé dans les veines de celle qui t’a mise au monde. Je ne sais pas
quelles idées elle a infusées en toi pour te garder loin de nous. Sache
simplement une chose : mon épouse est morte avec ton nom dans la bouche.
Je ne suis plus qu’un ruisseau de larmes
quand je finis par lui dire :
- Elle nous a appris à avoir peur de
vous. Elle allait de nganga en nganga et ramenait à la maison, des amulettes
sensées nous protéger de la sorcellerie. Ensuite, elle est allée se réfugier
dans une église passait son temps à voir le mal partout, même chez son époux
qu’elle accusait de pratiquer l’inceste sur moi, tellement il m’adorait. Elle
nous a parlé de malédiction. J’ai sombré dans l’alcoolisme après la naissance
de ma fille aînée. Elle me disait que cela venait d’une malédiction de la part
de Ma’Mouyissi. Elle disait que le jour où je suis partie d’ici, Ma’Mouyissi
m’a maudit en disant que les hommes défileront dans ma vie et me couvriront
d’or et déposeront une bouteille de whisky sur ma table avant de partir. C’était
difficile de se battre contre tous les démons qui me torturaient. C’était
d’autant plus difficile, que ma sœur la plus proche en âge, Marie-Christine,
croyait fortement à tout cela et s’assurait que je n’ai plus de contact avec
vous. Elle rapportait mes moindres gestes à notre mère et entretenait ce climat
de suspicion. C’était difficile. Alors, je me concentre sur ce que je maîtrisais.
Là, Pa’Maximilien me dit :
- Il n’y a jamais eu de malédiction.
Jamais ! La seule et unique chose qu’a demandée mon épouse quand on t’a
enlevée à nous est que tu reviennes nous voir quand tu aurais eu ton premier
enfant. C’était tout. Jamais elle n’aurait proféré de malédiction. Cette femme
aurait donné sa vie pour toi.
Joseph Omanda est décédé un an avant la
naissance d’Irma. Ma’Mouyissi est décédée deux mois avant la naissance de
Laïka. Ma génitrice est décédée quand Annélie avait deux ans. Tout le monde est
parti, excepté Pa’Maximilien. Est-ce que là-haut, ils se sont retrouvés pour
régler leurs comptes ? Est-ce que ma génitrice est arrivée au
paradis ? Va savoir ce que Dieu avait prévu pour elle !
Ils sont partis trop tôt. D’autres
vivent jusqu’à 90 ans. Ils n’ont pas eu cette chance. Pa’Maximilien qui doit
avoir 76 ans, si mes comptes sont bons, tient le coup. Je pense que s’il se
sent aussi faible, c’est peut-être parce que son épouse lui manque.
Je me lève, vais vers le sac que j’ai
posé à l’entrée. Je le fouille et en sors le petit album photo que j’ai
concocté pour Pa’Maximilien. Je reviens à lui et lui tends les photos récentes
des enfants en lui racontant quelques anecdotes sur chacun d’eux. Quand il
tombe sur la photo de mon petit Maximilien, il me dit :
- Ce sera un grand homme !
- Comme toi ! lui fais-je. Il est
doux et très affectueux.
Il finit par me dire :
- Dis aux petites femmes que tu as
emmenées de s’approcher. Je veux les voir !
Je sors et vais dans la cour. Là, je
trouve Annélie en train de nourrir une chèvre, à laquelle elle a tendu une
branche de feuille de manioc. Elle sourit et me dit :
- J’ai vu des cochons, maman ! Ils
sont gros !
Vu l’état de sa robe, je suppose qu’elle
a l’intention de continuer son exploration du monde animal pendant le reste de
la journée. Laïka est assise sur une chaise et semble prendre bien soin de ne
pas se salir.
- Mesdemoiselles, venez ! Votre
grand-père veut vous parler, leur dis-je.
La nuit est tombée sur le visage. Autour
d’un feu dans la cour, Laïka, Annélie et moi, écoutons Rodrigue nous raconter
des histoires, comme avant quand j’étais petite. Jamais encore je n’ai accepté
que mes filles aillent au village avec ma sœur Brigitte. Chaque année, elle se
rend du côté d’Omboué, dans le village de César, son époux. Je lui confie les
garçons, sans souci. Mais jamais je n’ai eu le déclic pour laisser Irma, Laïka
ou Annélie y aller. Je préférais les savoir à Port-Gentil.
Nous passons encore la journée de
mercredi sur place. Et le jeudi matin, à 4h, nous prenons la route en direction
de Gamba. Le soir à 17h, l’avion qui nous ramène, atterrit à Port-Gentil. Dès
notre arrivée à la maison, je prends mon téléphone et demande à Irma de
rentrer. Je vais ensuite chez ma sœur Brigitte. Elle m’accueille avec le
sourire, me demandant si le voyage à Gamba était beau. Je lui avoue
alors :
- J’étais à Mayumba ! Je te
raconterai le séjour plus tard.
Là, j’appelle les garçons. Nous passons
un long moment au salon. Les jumeaux sont très excités et volubiles, car
demain, à 4h du matin, ils prendront une pirogue à destination du village en
compagnie de ma sœur Brigitte, mon beau-frère César et leurs trois enfants.
À 19h, une voiture massive se gare
devant le portail. C’est Théodore Riyogot, qui en personne est là pour venir
chercher mon petit Van. Je prends le petit dans les bras et le serre très fort
avant de lui souhaiter de bonnes vacances. Je lui mordille l’auriculaire gauche
et l’embrasse à nouveau. Il s’en va, accompagné par ses frères, qui le conduisent
jusqu’à la voiture de son père, qui dehors discute avec Brigitte. Bientôt
arrivent le moment où je prends congé des jumeaux en prenant le petit Maximilien
avec moi. Je recommande à Joël et Joseph d’être bien sages et d’écouter leur
oncle César quand ils seront au village.
Je quitte ma sœur et mon beau-frère en
leur souhaitant un très bon voyage.
Quand j’arrive à la maison en compagnie
de Max, Irma, Laïka et Annélie, sont devant la télévision. Je les laisse là,
vais dans ma chambre pour appeler Mark. Il me rassure en me disant qu’il a bien
pris son billet d’avion pour nous accompagner en France. Quand je raccroche,
mon téléphone sonne. Au bout du fil, c’est Fulbert Poulangoye qui me dit :
- Idéale, j’attends le petit à
Libreville, samedi matin, comme convenu.
- Bien sûr, Fulbert. J’ai bien reçu le
billet d’avion de Max. Il sera chez toi samedi à 10h.
- D’accord. N’oublie surtout pas de
mettre son carnet de santé dans ses affaires !
- C’est déjà fait ! dis-je pour le
rassurer.
Tu parles ! S’il y en a deux qui vont
se foutre les doigts dans le cul samedi matin, ce sont Fulbert Poulangoye et Émile
Boussougou. Cet imbécile de Boussougou qui pense que sa fille sera au
rendez-vous samedi à 9h, pour prendre un bateau à destination de Lambaréné,
puis la route à destination d’un village du côté de Tsamba Magotsi !
Jamais ! il n’emmènera pas ma fille dans son village. Il est hors de
question qu’Irma reste au Gabon.
Ces ceux-là, pourront admirer mon dos
samedi quand ils sauront que j’ai fait un coup de magie pour partir avec leur
enfant, sans prévenir… Aucun enfant ne sort du territoire gabonais sans
l’autorisation parentale signé par leur père. Mais vu qu’il s’agit juste de
signer un document, ne me demandez pas qui a imité la signature de Poulangoye
et celle de Boussougou, sur ce document permettant à Max et Irma, de me suivre
à l’étranger.
Chut ! J’ai besoin de respirer.
Je regarde mes placards vidés, dont le
contenu a été mis dans quatre malles, que j’ai demandé à deux des neveux de
Martine, d’enterrer profondément dans ma cour, moyennant une enveloppe de
trente mille francs à chacun.
Je prends le sac à main neuf, que je me
suis acheté en vue de ce départ. J’y fourre impeccablement, une enveloppe
contenant tous nos documents de voyage, ainsi que mon portefeuille tout neuf.
Je sors la valise neuve dans laquelle j’ai mis deux tenues pour chacun des
enfants, ainsi qu’une paire de chaussures pour chacun. Là, je regarde le ciel,
invoquent les anges et l’âme de la femme qui m’a élevée, leur disant combien je
suis heureuse et fière de pouvoir vivre ce moment. J’ai l’impression, depuis
bien trop longtemps, qu’enfin, toutes les planètes sont alignées pour me
permettre le grand saut vers l’avenir qui m’était destiné depuis le début.
Je reste là, me souvenant des paroles de
Pa’Maximilien : « Il n’y a pas de malédiction ! Ce sont les
vivants qui inventent des mensonges pour emprisonner les autres et les empêcher
de briller. »
À quatre heures du matin, mon téléphone
sonne. Au bout du fil, c’est Brigitte qui me lance :
- Idéale, nous sommes au port. On s’en
va dans moins de 30 minutes. Au revoir et on se voit à la rentrée, en
septembre.
- Bon voyage, Brigitte. Passez de bonnes
vacances !
Je raccroche. ET dès lors, je n’ai plus
sommeil. Je reste là à lire le Nouveau Testament.
Il est 5h30 quand mon téléphone sonne.
C’est Mark qui appellent pour me dire que son chauffeur sera devant mon portail
à 6h pille pour nous prendre. Je sors du lit et vais rapidement me laver. Je
vais ensuite dans la chambre des filles. Je les secoue vigoureusement pour les
sortir du sommeil. Je vais m’occuper de Max, que j’habille alors qu’il est
encore endormi. Même lorsque je lui enfile ses chaussettes et ses chaussures,
il ne se réveille pas. Je reviens trouver Irma, Laïka et Annélie et les conduits
au pas de cours dans la douche pour qu’elles se lavent le visage, se brosses
les dents et s’habillent en quatrième vitesse en portant des vêtements neufs.
Les voilà sapées et endormies dans le salon.
Quand le chauffeur de Mark arrive, je
soulève Max pour aller l’installer dans la voiture. Je demande à Irma d’emmener
ses sœurs. Je fais une dernière fois le tour de la maison, puis ferme en
prenant, notre bagage à main et mon sac à main. Rien d’autre. Nous montons en
voiture. C’est dans le plus grand calme que nous arrivons à l’aéroport. Dès que
nous avons enregistré, mon cœur se calme. Laïka me demande où nous allons. Je
lui réponds qu’elle le saura bien vite. Irma me dit alors :
- Est-ce que je serai de retour demain
pour aller au village avec les autres ?
Je la regarde et lui dis :
- Vous êtes vraiment bavardes, ce
matin !
Et c’est tout !
Quand nous arrivons à Libreville, Mark
nous emmène prendre un petit-déjeuner à l’hôtel Le Tropicana. Nous revenons et
à 10h, sommes tranquillement installées dans ce vol Air France qui nous enlève
à notre terre. Les yeux de Laïka sortent alors de leurs orbites quand elle
apprend que nous allons en France. Irma me murmure alors dans l’oreille :
- Papa va dire que j’étais complice avec
toi !
Je lui souris et dis :
- Mais, non, tu inquiètes ! Je me
charge de ton père.
Annélie n’a pas de mot. Je ne parviens
pas à lire l’expression sur son visage. Je pense qu’elle suit simplement le
mouvement. Quant à Max, du haut de ses 5 ans, il s’est endormi sitôt que nous
l’avons installé côté hublot, dans l’avion.
C’est la première fois que mes quatre
enfants quittent le Gabon. Je crois que Fulbert Poulangoye ne m’en voudra pas
si Max n’est pas du voyage vers les USA avec ses autres enfants ! Quant à Émile
Boussougou, il pourra toujours m’insulter mes aïeux avec, mais jamais il n’aura
le courage de me dire quoi que ce soit, en face !
Mes trois filles sont assises l’une à
côté de l’autre. Max est assis côté hublot. Je suis au milieu entre Mark et
lui. La vie est belle ! Le reste suivra.
A SUIVRE…