Chapitre 16

Write by Lilly Rose AGNOURET

Chapitre 16

   

*** Idéale

 

Je ne voulais parler de mon voyage vers Mayumba a personne, alors, j’ai pris un billet d’avion pour Laïka et Annélie, en disant à mon amie Linda et ma sœur Brigitte, que je les emmène à Gamba pour être près de Mark qui y va en mission.

Nous sommes dans un véhicule 4x4 qui nous emmène de Gamba à Mayumba. La végétation est luxuriante. Annélie est fascinée par les animaux que lui montre l’aide-chauffeur alors que la voiture brûle les kilomètres dans la poussière. Dire que l’on pourrait se perdre ici des années et être retrouvé en forme parce qu’il y a des arbres fruitiers ci et là, des coins de rivières et des sangliers à manger !

Laïka s’est réfugiée dans le silence depuis que je lui ai dit que nous allons au village et qu’au village là-bas, il y a peut-être la télévision, mais aucune antenne pour capter les chaînes internationales. Pas de Disney Channel en vie. Annélie demande le nom des arbres, elle voit des lianes partout. À un moment donné, la voiture s’arrête net, car une famille d’éléphants traverse la voix. Annélie tape dans ses mains et dit d’une voix enthousiaste :

- Je vais raconter tout ça à mes amis à l’école. Ils ne vont pas en croire leurs oreilles. Ils diront que je suis une menteuse.

Ça me fait sourire. Quand je pense que les animaux étaient mon quotidien quand, petite, j’accompagnais celle que je considérais comme ma mère, aux champs ! Combien de fois, en allant à l’école à pied, sommes-nous tombés sur un sanglier ou même un porc et pique ! C’était avant. On nous apprenait à vivre avec les animaux, en respectant la nature. Cela pour mes filles, mes petites citadines, c’est de la science-fiction.

 

Quand enfin, nous arrivons dans le village de mon enfance, c’est l’effervescence. Le village s’est rempli de petites têtes venues en vacances chez les grands-parents. Enfin, pour ceux qui n’ont pas honte de ce retour aux sources, envoyer les enfants en vacances est naturel. D’autres personnes, dont je fais partie, ont quitté ces lieux pour ne plus jamais y remettre les pieds.

L’on me reconnaît aussitôt lorsque je dis mon nom. La rumeur de mon arrivée se répand dans le village. De vieilles personnes qui ont fait mon enfance et sont encore en vie arrivent, certaines se tenant encore bien droites sur leurs jambes, d’autres s’appuyant sur une canne.

On me salue longuement, demandant ce qui m’emmène. On m’accompagne vers la concession de mon enfance. Je regarde autour et les souvenirs sont intacts : le petit chemin de terre qui serpente derrière la concession et mènent vers un ruisseau. Ce grand amandier qui surplombe la cour sur le côté gauche. Cet arbre de fruit à pain dont les branches étaient difficiles à couper. Mais plus que tout, derrière les cases, cette bananeraie. Tout le décor est là, comme si rien n’est immuable.

Je dis alors à Laïka et Annélie :

- C’est ici que j’ai grandi !

Laïka est occupée à épousseter sa jolie robe. Annélie lâche ma main pour courir après les poules et les coqs.

- Tu ne te souviens pas de moi, n’est-ce pas ? me fait un grand mâle noir au corps sculpté comme un athlète.

Je le regarde. Il sourit de ses grandes et belles dents. Il me dit :

- Combien de fois t’es-tu moqué de moi, car j’étais toujours dernier de la classe.

- Rodrigue Makaya.

- Idéale Ma’Tondi ! Qu’est-ce qui t’emmène ici ? me fait-il. Ma’Mouyissi est morte et personne ne t’a vu à ses funérailles. La vieille avait pleuré des jours durant en disant : « J’ai envoyé les nouvelles à Port-Gentil. J’ai dit aux messagers de dire à Idéale de venir me voir avant que je parte ! » Tu n’es pas venue. Elle a attendu et je crois qu’à force d’attendre, son cœur s’est arrêté de battre pour ne pas être trop déçu par ton absence.

Cette révélation me tire une larme. Je regarde celui qui était mon voisin et compagnon de jeu. Je lui faisais la classe quand nous étions enfants. Nous allions ensemble dans la concession du père Matenzi pour chiper des papayes. Ça nous tirait des fous rires à chaque fois qu’on se faisait prendre.

Il insiste et me demande :

- Que fais-tu là, Idéale ? Pourquoi es-tu revenue ?

- Il fallait que je vienne, lui dis-je. Je suis partie trop longtemps. La vie est compliquée, parfois. Je…

- Quel âge as-tu aujourd’hui ? Trente-neuf ou 40 ans, c’est ça ? Tu avais 14 ans en partant, idéale. En 20 ans, jamais tu n’as trouvé le temps de revenir pour voir des gens qui t’ont tout donné ?

- Je suis là aujourd’hui et je crois que c’est le plus important.

Il garde ses bras croisés autour de sa poitrine et me dit :

- Je m’occupe de Pa’Maximilien depuis la mort de Ma’Mouyissi. Tu ne le sais peut-être pas, mais j’ai suis allé à l’école de santé à Libreville. J’ai fait un cursus pour devenir infirmier. Depuis plus de 10 ans, je suis affecté par le département, au dispensaire de la localité. Cela me permet de vivre tranquillement sans les tracasseries de la ville. Et je peux ainsi veiller sur mes vieux parents. Mais, trêve de bavardage, lave-toi les mains et entre. Et dis à cette petite blanche de venir prendre des grains de riz pour appâter les poules, si elle veut les caresser.

J’appelle Annélie et la présente à Rodrigue. Il lui sourit et dit :

- Je vais t’apprendre quelques petits secrets pour attraper les animaux.

C’est comme si on lui avait dit qu’elle allait rencontrer le Père-Noël. Laïka, qui est restée en retrait, demande à manger. Rodrigue lui répond :

- Je vous donnerai à manger dans quelques minutes. Asseyez-vous sous le manguier. J’arrive.

J’entre dans la maison principale. Les persiennes sont ouvertes et laissent pénétrer la lumière du jour. Mes pieds nus s’habituent à ce sol froid. Je regarde les reliques et bibelots posés ci et là pour décorer la pièce principale. Rodrigue m’introduit dans la chambre dans laquelle dort Pa’Maximilien. Ce dernier est couché sur un lit d’une place, recouvert d’un drap et d’une couverture. Il ouvre les yeux à mon approche. Il reste longtemps les yeux fixés sur moi, comme s’il devait décider quoi me dire.

Là, je l’entends qui me lance :

- Idéale, ma fille, tu es là ?

C’est tout ! Comme si on s’était quitté la veille. Il ferme les yeux, les ouvre à nouveau et fait signe à Rodrigue de l’aider à se redresser sur son lit. Rodrigue me dit alors :

- Approche et assieds-toi là si tu veux vraiment entendre tout ce qu’il dira. Donne-lui à boire quand il le réclame. Je vous laisse.

 

Je m’assois sur la chaise indiquée et prends la main gauche de Pa’Maximilien. Je la porte à mes lèvres et lui dis :

- Je suis là. Je te demande pardon d’avoir pris autant de temps pour revenir à toi.

Le silence nous enveloppe pendant de longues minutes. Bientôt, il me dit :

- Ta mère disait que lorsque tu deviendrais adulte, tu retrouverais toi-même le chemin de notre village. En fait, c’est aujourd’hui que tu es devenue adulte. Tu as certes e u des enfants, tu as le travail et sûrement une maison, mais ce n’est qu’aujourd’hui que tu es devenue adulte.

Il se tait, comme pour se reposer, puis me dit :

-J’ai envoyé plusieurs fois des nouvelles là-bas à Port-Gentil. Ta génitrice a renvoyé systématiquement mes messagers, elle les chassait même en soulevant son pagne et en les insultant copieusement. Peut-être pensait-elle vivre éternellement pour t’empêcher de revenir ici. La vie nous a appris à mon épouse et moi, que le plus dur n’est pas d’avoir d’enfant. Le plus dur c’est d’être accusé à tort de tout et de rien !

 

Là, durant près de trois heures, je vais rester à écouter cet homme me parler comme s’il y avait urgence, comme s’il disait ses mémoires avant le grand départ.

Pa’Maximilien me dit :

- Tu pourras toujours raconter ton histoire et dire qu’en arrivant à Port-Gentil, tu as connu d’autres choses plus belles et que peut-être, connaissant le cœur de Joseph Omanda, il t’a tellement chérie que tu en as oublié que tu venais d’ici. Tu pourras tout dire, mais il y a une chose dont tu dois absolument te rappeler quand tu raconteras tout ça : Si ma femme t’a prise dans ton berceau quand tu avais trois mois, c’est parce que ton père, Joseph Omanda, avait peur pour ta vie. La femme qui t’a mise au monde ne te nourrissait pas. Elle n’a jamais voulu de toi, ma fille. Jamais ! Sinon, jamais Joseph ne t’aurait confié à mon épouse.

 

Il se tait longtemps puis me réclame de l’eau. Là, il continue et me dit :

- Joseph Omanda a su que tu étais un enfant venu d’ailleurs, que tu n’étais pas de lui. Il a su dès le jour de ta naissance que tu es l’enfant d’un adultère. Ta génitrice le lui a confessé sous la contrainte. Il était absent au moment de ta conception. Il avait été envoyé pendant des mois, en pleine brousse du côté de Mandji Ndolou. Il ne pouvait avoir fécondé son épouse à ce moment-là. S’il t’a appelé Ma’Tondi, c’était sa façon à lui de t’accepter et de dire à tout le monde qu’il tenait à toi comme à la prunelle de ses yeux. C’est parce qu’elle était mouillée par la honte que ta génitrice voulait t’affamer et te laisser mourir dans ton berceau !

Je n’ai même pas le courage de m’étonner par rapport à cela. Il fallait bien qu’il y ait une raison au fait que cette femme ait fait une dépression après ma naissance ! Il fallait bien qu’il y ait une raison au fait qu’elle ne me montrait de l’intérêt que lorsque je lui tendais des enveloppes de cent mille francs. Bref…

- Nous t’avons mise à l’école. Ton maître n’arrêtait pas de venir nous voir pour nous dire que tu serais une grande dame.

Il s’arrête de nouveau. Respire et tout en regardant droit devant lui, il continue :

- Quand tu as eu le BEPC, les nouvelles sont parties vers Port-Gentil et ta génitrice a commencé à nous harceler. Elle faisait dire à tout le monde que mon épouse était une sorcière qui lui avait volé son enfant. À la fin de l’année suivante, elle est apparue et elle t’a enlevée à nous. Je ne savais pas qu’on pouvait supplier un être humain comme l’on supplie Dieu de nous venir en aide. Mon épouse était sur les rotules en demandant à cette femme de ne pas t’enlever à nous. Mon épouse s’est roulée sur le sol, en suppliant. Je ne savais pas que je ferais tomber ma fierté, ma pudeur, en pleurant les larmes de mon corps, en suppliant qu’on ne nous enlève pas l’enfant qui était notre rayon de soleil. Pourtant, aucune larme n’a suffi ! Aucun mot n’a eu de l’effet sur cette femme dont je n’ai plus jamais prononcé le nom depuis ce jour-là !  Mon épouse a ensuite fait de nombreux voyages à Port-Gentil pour tenter de faire entendre raison à sa sœur. Cela s’est à chaque fois terminé en bagarre. La dernière bagarre a eu lieu entre trois copines de ta génitrice et mon épouse. Elles lui ont cassé une jambe. Mon épouse a passé deux semaines à l’hôpital général de Port-Gentil. Elle a ensuite boité durant le reste de ses jours. Quand Joseph a su qu’il ne pouvait plus supporter cette situation, il a simplement quitté la maison et est allé finir sa vie dans son village, à Wezet !

 

Le silence à nouveau nous embrasse. Je crois que je suis en larmes, incapable d’arrêter le fleuve de regret qui coule de mes paupières. Quand il reprend la parole, il me dit :

- Le jour où tu es partie, mon épouse a recommandé à cette folle qui t’a mise au monde, de te transmettre un message : elle voulait que tu reviennes la voir au moment où tu allais avoir ton premier enfant. Elle avait diverses choses à te transmettre. Des connaissances, sur la vie, les plantes médicinales et bien d’autres choses. Elle disait que cela t’aiderait pour l’avenir. Ta génitrice lui avait répondu qu’elle pouvait garder ses fétiches pour elle. Cette femme était tellement folle ! Elle avait craché sur le visage de sa sœur en la traitant de terre aride, de voleuse d’enfants, d’ovaires atrophiés. Il n’y a que femme pour se montrer aussi dure avec sa semblable ! On aurait dit que ces deux-là n’avaient rien en commun, même pas le sang et la chair. Pourtant, elles étaient nées du même père et de la même mère. Mais, la haine et la jalousie ont toujours coulé dans les veines de celle qui t’a mise au monde. Je ne sais pas quelles idées elle a infusées en toi pour te garder loin de nous. Sache simplement une chose : mon épouse est morte avec ton nom dans la bouche.

 

Je ne suis plus qu’un ruisseau de larmes quand je finis par lui dire :

- Elle nous a appris à avoir peur de vous. Elle allait de nganga en nganga et ramenait à la maison, des amulettes sensées nous protéger de la sorcellerie. Ensuite, elle est allée se réfugier dans une église passait son temps à voir le mal partout, même chez son époux qu’elle accusait de pratiquer l’inceste sur moi, tellement il m’adorait. Elle nous a parlé de malédiction. J’ai sombré dans l’alcoolisme après la naissance de ma fille aînée. Elle me disait que cela venait d’une malédiction de la part de Ma’Mouyissi. Elle disait que le jour où je suis partie d’ici, Ma’Mouyissi m’a maudit en disant que les hommes défileront dans ma vie et me couvriront d’or et déposeront une bouteille de whisky sur ma table avant de partir. C’était difficile de se battre contre tous les démons qui me torturaient. C’était d’autant plus difficile, que ma sœur la plus proche en âge, Marie-Christine, croyait fortement à tout cela et s’assurait que je n’ai plus de contact avec vous. Elle rapportait mes moindres gestes à notre mère et entretenait ce climat de suspicion. C’était difficile. Alors, je me concentre sur ce que je maîtrisais.

Là, Pa’Maximilien me dit :

- Il n’y a jamais eu de malédiction. Jamais ! La seule et unique chose qu’a demandée mon épouse quand on t’a enlevée à nous est que tu reviennes nous voir quand tu aurais eu ton premier enfant. C’était tout. Jamais elle n’aurait proféré de malédiction. Cette femme aurait donné sa vie pour toi.

 

Joseph Omanda est décédé un an avant la naissance d’Irma. Ma’Mouyissi est décédée deux mois avant la naissance de Laïka. Ma génitrice est décédée quand Annélie avait deux ans. Tout le monde est parti, excepté Pa’Maximilien. Est-ce que là-haut, ils se sont retrouvés pour régler leurs comptes ? Est-ce que ma génitrice est arrivée au paradis ? Va savoir ce que Dieu avait prévu pour elle !

Ils sont partis trop tôt. D’autres vivent jusqu’à 90 ans. Ils n’ont pas eu cette chance. Pa’Maximilien qui doit avoir 76 ans, si mes comptes sont bons, tient le coup. Je pense que s’il se sent aussi faible, c’est peut-être parce que son épouse lui manque.

 

Je me lève, vais vers le sac que j’ai posé à l’entrée. Je le fouille et en sors le petit album photo que j’ai concocté pour Pa’Maximilien. Je reviens à lui et lui tends les photos récentes des enfants en lui racontant quelques anecdotes sur chacun d’eux. Quand il tombe sur la photo de mon petit Maximilien, il me dit :

- Ce sera un grand homme !

- Comme toi ! lui fais-je. Il est doux et très affectueux.

Il finit par me dire :

- Dis aux petites femmes que tu as emmenées de s’approcher. Je veux les voir !

Je sors et vais dans la cour. Là, je trouve Annélie en train de nourrir une chèvre, à laquelle elle a tendu une branche de feuille de manioc. Elle sourit et me dit :

- J’ai vu des cochons, maman ! Ils sont gros !

Vu l’état de sa robe, je suppose qu’elle a l’intention de continuer son exploration du monde animal pendant le reste de la journée. Laïka est assise sur une chaise et semble prendre bien soin de ne pas se salir.

- Mesdemoiselles, venez ! Votre grand-père veut vous parler, leur dis-je.

   

La nuit est tombée sur le visage. Autour d’un feu dans la cour, Laïka, Annélie et moi, écoutons Rodrigue nous raconter des histoires, comme avant quand j’étais petite. Jamais encore je n’ai accepté que mes filles aillent au village avec ma sœur Brigitte. Chaque année, elle se rend du côté d’Omboué, dans le village de César, son époux. Je lui confie les garçons, sans souci. Mais jamais je n’ai eu le déclic pour laisser Irma, Laïka ou Annélie y aller. Je préférais les savoir à Port-Gentil.

Nous passons encore la journée de mercredi sur place. Et le jeudi matin, à 4h, nous prenons la route en direction de Gamba. Le soir à 17h, l’avion qui nous ramène, atterrit à Port-Gentil. Dès notre arrivée à la maison, je prends mon téléphone et demande à Irma de rentrer. Je vais ensuite chez ma sœur Brigitte. Elle m’accueille avec le sourire, me demandant si le voyage à Gamba était beau. Je lui avoue alors :

- J’étais à Mayumba ! Je te raconterai le séjour plus tard.

Là, j’appelle les garçons. Nous passons un long moment au salon. Les jumeaux sont très excités et volubiles, car demain, à 4h du matin, ils prendront une pirogue à destination du village en compagnie de ma sœur Brigitte, mon beau-frère César et leurs trois enfants.

À 19h, une voiture massive se gare devant le portail. C’est Théodore Riyogot, qui en personne est là pour venir chercher mon petit Van. Je prends le petit dans les bras et le serre très fort avant de lui souhaiter de bonnes vacances. Je lui mordille l’auriculaire gauche et l’embrasse à nouveau. Il s’en va, accompagné par ses frères, qui le conduisent jusqu’à la voiture de son père, qui dehors discute avec Brigitte. Bientôt arrivent le moment où je prends congé des jumeaux en prenant le petit Maximilien avec moi. Je recommande à Joël et Joseph d’être bien sages et d’écouter leur oncle César quand ils seront au village.

Je quitte ma sœur et mon beau-frère en leur souhaitant un très bon voyage.

Quand j’arrive à la maison en compagnie de Max, Irma, Laïka et Annélie, sont devant la télévision. Je les laisse là, vais dans ma chambre pour appeler Mark. Il me rassure en me disant qu’il a bien pris son billet d’avion pour nous accompagner en France. Quand je raccroche, mon téléphone sonne. Au bout du fil, c’est Fulbert Poulangoye qui me dit :

- Idéale, j’attends le petit à Libreville, samedi matin, comme convenu.

- Bien sûr, Fulbert. J’ai bien reçu le billet d’avion de Max. Il sera chez toi samedi à 10h.

- D’accord. N’oublie surtout pas de mettre son carnet de santé dans ses affaires !

- C’est déjà fait ! dis-je pour le rassurer.

Tu parles ! S’il y en a deux qui vont se foutre les doigts dans le cul samedi matin, ce sont Fulbert Poulangoye et Émile Boussougou. Cet imbécile de Boussougou qui pense que sa fille sera au rendez-vous samedi à 9h, pour prendre un bateau à destination de Lambaréné, puis la route à destination d’un village du côté de Tsamba Magotsi ! Jamais ! il n’emmènera pas ma fille dans son village. Il est hors de question qu’Irma reste au Gabon.

Ces ceux-là, pourront admirer mon dos samedi quand ils sauront que j’ai fait un coup de magie pour partir avec leur enfant, sans prévenir… Aucun enfant ne sort du territoire gabonais sans l’autorisation parentale signé par leur père. Mais vu qu’il s’agit juste de signer un document, ne me demandez pas qui a imité la signature de Poulangoye et celle de Boussougou, sur ce document permettant à Max et Irma, de me suivre à l’étranger.

Chut ! J’ai besoin de respirer.

 

Je regarde mes placards vidés, dont le contenu a été mis dans quatre malles, que j’ai demandé à deux des neveux de Martine, d’enterrer profondément dans ma cour, moyennant une enveloppe de trente mille francs à chacun.

Je prends le sac à main neuf, que je me suis acheté en vue de ce départ. J’y fourre impeccablement, une enveloppe contenant tous nos documents de voyage, ainsi que mon portefeuille tout neuf. Je sors la valise neuve dans laquelle j’ai mis deux tenues pour chacun des enfants, ainsi qu’une paire de chaussures pour chacun. Là, je regarde le ciel, invoquent les anges et l’âme de la femme qui m’a élevée, leur disant combien je suis heureuse et fière de pouvoir vivre ce moment. J’ai l’impression, depuis bien trop longtemps, qu’enfin, toutes les planètes sont alignées pour me permettre le grand saut vers l’avenir qui m’était destiné depuis le début.

Je reste là, me souvenant des paroles de Pa’Maximilien : « Il n’y a pas de malédiction ! Ce sont les vivants qui inventent des mensonges pour emprisonner les autres et les empêcher de briller. »

 

À quatre heures du matin, mon téléphone sonne. Au bout du fil, c’est Brigitte qui me lance :

- Idéale, nous sommes au port. On s’en va dans moins de 30 minutes. Au revoir et on se voit à la rentrée, en septembre.

- Bon voyage, Brigitte. Passez de bonnes vacances !

Je raccroche. ET dès lors, je n’ai plus sommeil. Je reste là à lire le Nouveau Testament.

Il est 5h30 quand mon téléphone sonne. C’est Mark qui appellent pour me dire que son chauffeur sera devant mon portail à 6h pille pour nous prendre. Je sors du lit et vais rapidement me laver. Je vais ensuite dans la chambre des filles. Je les secoue vigoureusement pour les sortir du sommeil. Je vais m’occuper de Max, que j’habille alors qu’il est encore endormi. Même lorsque je lui enfile ses chaussettes et ses chaussures, il ne se réveille pas. Je reviens trouver Irma, Laïka et Annélie et les conduits au pas de cours dans la douche pour qu’elles se lavent le visage, se brosses les dents et s’habillent en quatrième vitesse en portant des vêtements neufs. Les voilà sapées et endormies dans le salon.

Quand le chauffeur de Mark arrive, je soulève Max pour aller l’installer dans la voiture. Je demande à Irma d’emmener ses sœurs. Je fais une dernière fois le tour de la maison, puis ferme en prenant, notre bagage à main et mon sac à main. Rien d’autre. Nous montons en voiture. C’est dans le plus grand calme que nous arrivons à l’aéroport. Dès que nous avons enregistré, mon cœur se calme. Laïka me demande où nous allons. Je lui réponds qu’elle le saura bien vite. Irma me dit alors :

- Est-ce que je serai de retour demain pour aller au village avec les autres ?

Je la regarde et lui dis :

- Vous êtes vraiment bavardes, ce matin !

Et c’est tout !

 

Quand nous arrivons à Libreville, Mark nous emmène prendre un petit-déjeuner à l’hôtel Le Tropicana. Nous revenons et à 10h, sommes tranquillement installées dans ce vol Air France qui nous enlève à notre terre. Les yeux de Laïka sortent alors de leurs orbites quand elle apprend que nous allons en France. Irma me murmure alors dans l’oreille :

- Papa va dire que j’étais complice avec toi !

Je lui souris et dis :

- Mais, non, tu inquiètes ! Je me charge de ton père.

Annélie n’a pas de mot. Je ne parviens pas à lire l’expression sur son visage. Je pense qu’elle suit simplement le mouvement. Quant à Max, du haut de ses 5 ans, il s’est endormi sitôt que nous l’avons installé côté hublot, dans l’avion.

C’est la première fois que mes quatre enfants quittent le Gabon. Je crois que Fulbert Poulangoye ne m’en voudra pas si Max n’est pas du voyage vers les USA avec ses autres enfants ! Quant à Émile Boussougou, il pourra toujours m’insulter mes aïeux avec, mais jamais il n’aura le courage de me dire quoi que ce soit, en face !

Mes trois filles sont assises l’une à côté de l’autre. Max est assis côté hublot. Je suis au milieu entre Mark et lui. La vie est belle ! Le reste suivra.

     

A SUIVRE…

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