
Chapitre 16
Ecrit par Verdo
Chapitre 16
Quelques jours après la visite de la famille de Sena, j’informai mes parents de ce qui s’était passé et de leur demande d’une nouvelle rencontre. J’expliquai les raisons de leur venue et l’importance d’organiser une assise où toutes les parties seraient présentes. Mon père, toujours sage et réfléchi, proposa que la rencontre ait lieu un dimanche, afin de permettre à tout le monde d’être disponible. La date fut convenue, et je m’assurai que tout le monde soit informé.
Le jour J arriva. La maison familiale à Lomé devint rapidement un point de rassemblement. Les membres de ma famille s’étaient réunis. La famille de Sena arriva peu après. Ils étaient nombreux : ses parents, ses frères et sœurs, et même certains de ses oncles et tantes. Leur arrivée imposa un silence respectueux. Ils avaient visiblement conscience de la gravité de la situation.
C’est le père de Sena qui prit la parole en premier. Sa voix tremblait légèrement, mais il s’efforça de rester ferme.
<<Thierry, monsieur et madame ALLAGBE, nous sommes ici aujourd’hui pour présenter nos excuses. Nous reconnaissons que nous avons mal agi, que nous avons failli en tant que famille, et nous venons humblement demander pardon. Nous avons soutenu Sena même lorsqu’elle avait tort, et nous avons négligé la douleur et les sacrifices de Thierry. Nous avons été aveuglés par nos préjugés et influencés par des personnes mal intentionnées comme Yawavi, notre propre fille. Nous vous avons mal accueillis lorsque vous étiez venus pour que nous trouvions ensemble une solution.
Nous avons tout ce temps été sous l'influence de Yawavi. Sachez que nous ne cautionnons pas ce qu'elle a fait. Cette fois ci, elle est seule face à ses déboires. Que la justice fasse son travail. Nous espérons humblement retrouver la sérénité qu'il y avait entre nous avant.>>
Mon père, qui jusque-là avait gardé un visage neutre, laissa échapper un soupir et répondit:
<<Il est vrai que votre comportement a causé beaucoup de tort à mon fils. Mais regardez le maintenant, il s'est retrouvé. Il a une vrai famille et il est heureux. L'essentiel c'est que vous avez reconnu votre faute.
Nous croyons en la réconciliation. Nous acceptons vos excuses, mais sachez que cela n’effacera pas les blessures du passé. J'en ai fini. Si mon fils a quelque chose à dire…>>
<<Oublions cette histoire et concentrons-nous sur l'avenir.>> Était la seule phrase que j'avais prononcée. À vrai dire, je n'avais pas les mots et je voulais aussi que cela se termine vite.
Mes parents et mes oncles discutèrent longuement avec la famille de Sena. Ce fut un échange à la fois tendu et apaisant. Au fil des heures, l’atmosphère se détendit. À la fin, nous partageâmes un repas en famille, marquant symboliquement la réconciliation. Je savais qu’il faudrait du temps pour que les cicatrices se referment complètement, mais au moins, nous avions fait un pas vers l’apaisement a cause de Trinidad et Koffi.
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Monsieur Gervais me rendit visite chez moi à la Caisse. C'était un samedi matin. Je le trouvai en train de discuter avec Cynthia dans le jardin. Nous nous installâmes sous la grande paillote, où une légère brise rafraîchissait l’air. Nous avions prévu de discuter autour d’un verre de non-vin, une tradition que monsieur Gervais appréciait particulièrement.
<< Thierry, je dois dire que je suis fier de toi, dit-il en sirotant lentement. Tu as su gravir les échelons avec intelligence et détermination. Peu de gens auraient accompli ce que tu as fait en si peu de temps.>>
Je souris modestement. Les compliments venant de monsieur Gervais avaient toujours une saveur particulière. Cet homme avait été un modèle pour moi, un mentor silencieux qui m’avait inspiré par son sérieux et son professionnalisme. Sur ses épaules, j'avais toujours déposé ma tête.
<<Merci, monsieur Gervais. Mais je dois dire que je n’aurais pas pu y arriver sans vous. Vos conseils, même indirects, m’ont énormément aidé. Vous avez toujours été une référence pour moi. Vous étiez toujours disponible pour moi.>>
Il hocha la tête, visiblement touché par mes mots. Nous discutâmes ensuite du passé, de mes débuts à Scantogo, de mes erreurs et de mes succès. C’était un échange riche et rempli de nostalgie. Puis, comme s’il avait senti que le moment était venu, il aborda un sujet délicat.
<<Thierry, je voudrais te parler de Yawavi. Je sais tout ce qu’elle t’a fait subir, et je comprends ta colère. Mais parfois, il faut savoir pardonner. Pas pour elle, mais pour toi. Porter cette rancune pourrait devenir un fardeau.>>
Ses paroles me frappèrent, mais je ne répondis pas immédiatement. Il avait raison, comme souvent, mais je n’étais pas encore prêt à franchir cette étape sans avoir parlé face à face à Yawavi pour me libérer.
Il m'annonça également qu'il prenait sa retraite. Il avait renoué avec son ex-femme pas pour se remettre ensemble mais pour qu'il soit présent dans la vie de ses autres enfants. Il partira donc vivre en France pour le restant de ses jours. Sa grande fille, amie de Sena, gérera dorénavant ses affaires ici à Lomé.
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On m'appella depuis l'entrée de la caisse que j'avais un visiteur. Il se présenta comme le mari de Yawavi. Surpris, je demandai à la Sécurité de le laisser entrer. Qu'est-ce qu'il allait me raconter celui là? Me posai-je comme question. Nous nous installâmes dans le salon à son arrivée, et il commença à parler avec une voix chargée d’émotion.
<<Monsieur Thierry, je sais que ma femme vous a causé beaucoup de tort. Je ne sais pas tout, mais j’en sais assez pour être terriblement honteux. Elle m’a également menti et manipulé, mais je ne suis pas ici pour parler de moi. Je voulais vous demander pardon en son nom et en mon nom propre. Je quitte aussi le pays.
Je fronçai les sourcils.
<<Quitter le pays ?>>
<<Oui, je pars définitivement en Suisse avec mes enfants. Je ne veux pas qu’ils grandissent dans cet environnement toxique. Mais avant de partir, je tenais à vous présenter mes excuses. Vous ne méritiez pas tout ça.>>
Ses mots étaient sincères, et malgré tout, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir une certaine amertume. Yawavi avait détruit bien des choses dans ma vie, et même si son mari ne portait pas directement la responsabilité, il représentait une partie de ce chapitre douloureux.
<<Je vous remercie pour vos excuses, dis-je finalement. Je vous souhaite beaucoup de courage pour la suite.>>
Il hocha la tête, visiblement soulagé, et partit peu après. En le regardant s’éloigner, je réalisai que, peu à peu, les pièces de ma vie commençaient à se remettre en place. Ce n’était pas facile, mais je savais que je finirais par tourner la page complètement.
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La vie a parfois une manière étrange de régler les comptes, de remettre les pendules à l’heure. Alors que je savourais enfin une certaine stabilité dans ma vie, un appel inattendu vint bouleverser mes pensées. C’était Sébastien, celui même que je n’avais pas revu depuis des années. Sa voix, teintée d’une détresse inhabituelle, résonnait encore dans ma tête bien après que l’appel fut terminé.
<< Thierry… je suis en prison, murmura-t-il, presque en larmes. J’ai besoin de te voir.>>
Je n’avais pas besoin de demander pourquoi. Les bribes d’histoires que j’avais entendues au fil du temps concernant sa relation avec Akpedze et sa vie en Europe revenaient à ma mémoire. Sébastien, ce frère de cœur qui avait pris un chemin si différent du mien, semblait enfin faire face aux conséquences de ses choix.
Mais pour comprendre ce qui l’avait mené là, je dois faire un petit récapitulatif sur ce que j'avais appris des ragots quelques minutes avant son appel. Sébastien avait quitté le pays il y a plusieurs années, laissant derrière lui une jeune femme éperdument amoureuse de lui, Akpedze. Elle était restée seule, persuadée qu’un jour, il reviendrait pour la sortir de sa solitude et relancer leur vie commune. Pendant ce temps, Sébastien avait refait sa vie en Europe, épousant une femme blanche avec qui il avait eu deux enfants, une fille et un garçon.
Akpedze, de son côté, avait tenu bon, malgré les murmures et les regards de pitié qu’elle croisait chaque jour. Les années avaient passé, et son espoir ne s’était jamais totalement éteint. Mais lorsque Sébastien revint finalement au pays, ce ne fut pas pour elle. Non, il était rentré avec sa femme blanche et ses enfants, installés dans une luxueuse villa à quelques kilomètres de sa maison familiale. Il avait tout fait pour garder leur retour discret, mais dans ce pays, rien ne reste secret bien longtemps. Les ragots, comme des flammes dans une forêt sèche, avaient rapidement atteint Akpedze.
Au début, elle n’y avait pas cru. Sébastien ? Ici, au pays, vivant dans une maison de rêve avec une autre femme ? Non, cela ne pouvait être vrai. Mais les voix insistaient, et finalement, elle décida de mener ses propres enquêtes. Les preuves s’accumulaient, et la vérité, aussi amère qu’un remède mal dosé, finit par lui éclater au visage. Sébastien était bel et bien revenu, et il n’avait pas jugé nécessaire de la prévenir.
Le jour où Akpedze franchit le portail de la villa de Sébastien restera gravé dans ma mémoire comme une tragédie inévitable. Ce que je sais de cet événement, je l’ai appris par fragments, à travers les récits des ragots et de Sébastien lui même plus tard lorsque je lui rendis visite. Akpedze, vêtue de sa simplicité habituelle, s’était présentée à la porte de Sébastien, exigeant des explications. Comment pouvait-il l’abandonner ainsi, elle, sa femme légitime ? Comment osait-il ignorer leurs liens, leur histoire, pour vivre une vie de rêve avec une autre femme ?
La femme blanche de Sébastien, alertée par les éclats de voix, sortit de la maison. Elle ne comprenait pas tout, mais le ton et les gestes d’Akpedze suffisaient à lui faire comprendre qu’il s’agissait de quelque chose de grave. Une confrontation violente s’ensuivit. Les mots cinglaient comme des coups de fouet, les accusations fusaient de toutes parts. Sébastien, pris entre deux feux, tenta d’intervenir. Mais Akpedze, furieuse et désespérée, ne voulait rien entendre.
<<Tu es un lâche, Sébastien ! hurla-t-elle. Tu m’as abandonnée, toi et ta famille ! Comment oses-tu me traiter ainsi après tout ce que nous avons partagé ?>>
Sébastien, dépassé, tenta de la calmer. Mais elle était incontrôlable. Dans un moment de panique, il la repoussa violemment. Akpedze perdit l’équilibre, et avant que quiconque ne puisse intervenir, sa tête heurta lourdement le sol. Le silence qui suivit fut assourdissant. Elle ne bougeait plus.
Les cris de la femme blanche alertèrent les voisins, qui accoururent. Mais il était déjà trop tard. Akpedze était morte sur le coup. Sébastien et sa femme furent arrêtés sur place, sous le regard horrifié de leurs enfants. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre, et bientôt, tout le quartier était au courant.
Quand j’appris la nouvelle, j’étais à la maison, profitant d’un rare moment de calme avec Cynthia et les enfants. Le choc fut tel que je dus m’asseoir pour ne pas chanceler. Sébastien ? En prison pour meurtre ? Tout cela semblait irréel.
Je décidai de lui rendre visite dès le lendemain. Lorsque je pénétrai dans la salle des visites de la prison, je fus frappé par l’état de mon ami. Il avait l’air brisé, comme un homme qui portait le poids du monde sur ses épaules. Ses yeux, rougis par les larmes et le manque de sommeil, se levèrent vers moi avec une lueur d’espoir.
<<Thierry, dit-il d’une voix rauque, merci d’être venu.>>
Je m’assis en face de lui, le cœur lourd.
<<Sébastien, que s’est-il passé ? demandai-je doucement. Comment en est-on arrivé là ?>>
Il baissa les yeux, incapable de me regarder. Pendant plusieurs minutes, il resta silencieux, puis il commença à parler. Il me raconta tout, depuis son départ pour l’Europe jusqu’au drame qui avait coûté la vie à Akpedze. Ses mots étaient entrecoupés de sanglots, et je voyais qu’il était rongé par le remords.
<<Je n’ai jamais voulu ça, Thierry, murmura-t-il. Je voulais juste… je ne sais même plus ce que je voulais. J’ai fait tant d’erreurs.>>
Je ne savais pas quoi dire. Sébastien avait raison, il avait commis des erreurs, mais il avait aussi perdu tout ce qu’il avait. Sa femme blanche avait été arrêtée avec lui et son avenir semblait sombre.
<<Sébastien, dis-je enfin, tu as fait des choix, et maintenant tu dois en assumer les conséquences. Mais sache que je suis là pour toi, quoi qu’il arrive. Je suis vraiment désolé.>>
Il hocha la tête, les larmes roulant sur ses joues. Je savais que le chemin serait long pour lui, mais je priais pour qu’il trouve un jour la paix, malgré tout.
Quand je repense à Akpedze ; cette femme qui avait tout donné pour l'attendre. Malgré les insultes et les moqueries de sa belle famille envers elle, elle était restée déterminée et croyait en cet amour. Je me rappelle du jour où elle avait débarqué chez moi où elle m'avait avoué qu'elle était au courant du mariage de Sébastien et des enfants qu'il a eus. Elle était déboussolée mais en partant elle m'avait demandé de ne pas trop le juger car c'était l'homme qu'elle avait epousé. Son amour pour lui était inconditionnel et je crois qu'elle était capable de l'accepter avec son autre femme et ses enfants. Mais lui, ne l'avait pas vu sur cet angle. Il a plutôt essayé de fuir ses responsabilités mais cela l'a rattrapé. Quelle fin triste pour Akpedze ! Et lui qui se retrouve en prison!
Si et seulement si ils avaient au moins pu avoir un enfant, cela consoliderait le lien qui les liait et je ne pense pas que leur histoire allait se terminer ainsi.
À suivre…
Écrit par Koffi Olivier HONSOU.
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