
Chapitre 16
Ecrit par Spice light
— Elsa MABEKA —
Aujourd’hui, je fête officiellement mes 55 ans.
Les enfants m’ont tous appelée à minuit, chacun avec sa voix pleine de tendresse. Ce matin, quelques membres de ma famille ont aussi pris le temps de me souhaiter un bon anniversaire.
Je suis à l’hôpital, en service permanent jusqu’à 17h. Avec les cas lourds que nous avons reçus dernièrement, je sens que ma journée ne sera pas de tout repos.
— Elsa, il y a un petit souci dehors, viens voir, m’appelle l’un des secouristes.
Je me presse à l’extérieur, un peu inquiète… et je reste figée.
Devant moi, une jeune fille s’approche, le sourire timide, et me tend un bouquet de fleurs fraîches. Dans son autre main, un second bouquet, fait de billets soigneusement pliés et enrubannés. Derrière elle, une fanfare entonne un air joyeux et entraînant. Je cligne des yeux, confuse… Puis je comprends. C’est une surprise.
Mon cœur se serre. Personne ne m’avait jamais surprise ainsi, jamais fêtée de cette manière. Je prends le bouquet et découvre un petit mot glissé entre les pétales :
« À la femme exceptionnelle que tu es,
Brave et forte, sage et douce mère,
Joyeux anniversaire, maman.
— Tes enfants. »
Mes mains tremblent. Je relis les mots encore et encore. Je n’imaginais pas qu’ils feraient cela pour moi. Je suis profondément touchée.
Un livreur arrive ensuite avec deux magnifiques gâteaux, que l’on partage avec tout le personnel. Entre deux patients, éclats de rire, photos volées et yeux brillants.
Aujourd’hui, malgré la fatigue, je me sens aimée comme rarement.
L’après-midi s’est déroulée à un rythme soutenu, comme prévu : urgences, consultations, patients exigeants… Mais malgré la pression, mon cœur restait léger. Chaque fois que je croisais un collègue qui me lançait un clin d’œil ou un sourire complice en croquant une part de gâteau, je me rappelais : aujourd’hui, c’était ma journée.
À 17h pile, je retire ma blouse. L’odeur de désinfectant me suit dans les couloirs, mais je m’en fiche. Je sens encore les fleurs fraîches que j’ai laissées dans mon casier.
En rentrant, je m’arrête un instant dans la cour de l’hôpital. Je m’assieds sur un banc, mon sac à côté de moi, et je sors mon téléphone. J’ouvre la galerie : les photos prises aujourd’hui. Le bouquet. Les gâteaux. La fanfare. Les sourires. Et cette vidéo où l’on me voit, surprise, les mains sur la bouche.
Je n’ai pas toujours été une mère parfaite, je le sais. Il y a eu des cris, des absences, des manques… Mais ils étaient là aujourd’hui. Tous. À leur manière.
Je compose un message dans notre groupe WhatsApp familial :
« Merci mes amours. Vous avez illuminé ma journée comme jamais. Je vous aime fort. »
Je reste là quelques minutes, le regard perdu dans le ciel qui commence à virer à l’orange.
Je quitte donc l’hôpital pour la maison. Encore une fois, ils me surprennent : Light est là, Mine aussi (elles ont fait le déplacement rien que pour moi. Les deux sont mariées).
Sun, Ivy et Joan également. Victor est élégamment habillé de son plus beau costume. C’est moi qui suis en reste.
Ils n’ont invité personne. Il y a seulement moi, mon mari et mes enfants.
— Joyeux anniversaire, maman ! crient-ils en chœur, accompagnés de leur père.
— Merci à vous… je réponds, la voix empreinte d’émotion.
C’est l’un des plus beaux jours de ma vie, et c’est grâce à vous tous.
Je vous remercie du fond du cœur, mes amours.
— Victor FOKE —
Ce matin, je me lève de bonne heure. Je me prépare bien pour le travail. J’ai déjà l’âge de prendre ma retraite, mais vu la manière dont fonctionne notre pays aujourd’hui, je préfère encore travailler que de me retrouver sans pension.
Je prends mon téléphone pour envoyer un message à Anael :
« Bonjour Anael, j’espère que tu vas bien.
Je voudrais stp rencontrer Achael.
Vois dans ton emploi du temps et reviens vers moi. »
Après le message, je sors pour le boulot. Elsa était de garde hier soir. Elle ne tardera sûrement pas à rentrer, mais je n’ai pas le temps de l’attendre.
En fin de journée, je reçois un message d’Anael :
« Bonjour Victor, oui le petit va bien.
Pour le voir, de préférence passe demain samedi avant midi. »
Je lis son message et range mon téléphone, mais ce dernier sonne : c’est Rolls, mon aîné.
— Allô Rolls ?
— Allô papa, tu vas bien ?
— Oui, ça va bien. Et vous ?
— Ah, on fait comme on peut, père…
Je connais ce ton. Il a été opéré l’année dernière, mais l’opération s’est très mal passée. Lorsqu’il marche, il a l’impression que ses poumons vont tomber.
— Alors ? Toujours aucun changement ?
— J’ai rencontré un docteur qui peut me réopérer, mais il demande 300 000 francs. Je n’ai pas cette somme, papa.
— Rolls… (je l’appelle en soupirant) Écoute-moi bien, mon fils. Je suis ton père et je me soucie de ton bien-être. Arrange-toi avec ta femme et viens ici pour te faire opérer.
La première opération coûtait 290 000 et ce type a fait du n’importe quoi sur toi. Tu viens et je te fais soigner dignement.
J’en parlerai à tes cousins, Jean et Franck, ils pourront m’épauler. Franck a une certaine influence dans la ville où il vit, ça te permettra de recevoir les meilleurs soins.
— Mais papa, j’ai une femme et huit enfants à charge. Ils sont encore très petits. Leur mère ne travaille pas. C’est avec mes faibles revenus de couturier que nous vivons…
— C’est justement pour cela que je te demande de t’arranger avec ta femme.
Venir te faire soigner pendant trois ou quatre mois ne tuera pas ta famille, au contraire. Tu seras en pleine forme pour mieux t’occuper d’eux.
— Mais papa… bip… bip…
L’appel s’est coupé. Je crois qu’il n’a plus de crédit. Je ne le rappellerai pas.
Rolls ne veut rien comprendre. Il ne prend pas sa vie au sérieux. Il a 40 ans aujourd’hui, c’est énorme, mais il a décidé de vivre au village.
Je respecte son choix… mais quand même…
En rentrant, je fais part de mon intention à Elsa.
— Ah Victor, je ne sais que te dire. D’un côté, il a raison de s’inquiéter pour sa famille… Mais et si ce médecin était plus professionnel que le premier ?
— Je ne veux plus prendre de risque. C’est soit il vient, soit rien. Et s’il décide de ne pas venir, je n’enverrai pas un centime.
C’est lui qui s’est mis dans cette situation. Ses petits frères s’en sortent, mais lui non. Et pourtant, c’est lui l’aîné, et un homme, en plus.
Aujourd’hui, tous mes espoirs reposent sur Joan.
Pff… qu’il fasse comme bon lui semble. Mais j’en parlerai quand même à ses cousins.
Je quitte le salon pour la chambre et j’appelle d’abord Franck pour lui en parler. Ce dernier me promet de convaincre son cousin.
Jean est un homme trop occupé, je lui en parlerai au moment opportun.
Aujourd’hui, c’est samedi.
Je m’habille de manière décontractée pour aller passer du temps avec mon fils.
— Papa ! crie Achael en me voyant.
— Mon bon monsieur ! Comment vas-tu ?
— Je vais très bien et je suis content de te voir.
— Moi aussi, mon fils. Ta maman est à la maison ?
— Non, elle est sortie. Il n’y a que la ménagère.
— D’accord.
On se dirige à l’intérieur, où je vois la ménagère.
— Bonjour, monsieur.
— Bonjour madame Agathe. Anael vous a prévenue de ma venue ?
— Oui, monsieur. Attendez, je prends les affaires du petit.
Elle va dans la chambre et en ressort avec son sac. Elle y met tout le nécessaire dont il aura besoin : goûter, jus, eau.
— Tenez, monsieur. Elle veut que le petit soit de retour avant 16 heures.
— Bien reçu. Allez, mon bonhomme, à nous le week-end ! dis-je en souriant à mon fils.
— À nous le week-end, papa !