CHAPITRE 17:

Ecrit par Danif111

***Elodie

J’ouvre le portillon et à ma grande surprise je vois Martin. 

  • Bonjour Elodie.

J’essaie de garder mon calme et je cède le passage pour qu’il puisse au moins entrer dans la cour. Il fait un pas à l'intérieur afin que je puisse fermer le portillon et il n’avance pas plus.

  • Je ne vais pas être long. J’ai laissé ma femme et mon fils seul.

  • Tu as intérêt car tu n'étais pas dans mon planning aujourd’hui.

  • Je peux voir que tu m’en veux encore énormément et je tenais sincèrement à te demander pardon d'être parti sans un mot. Tu ne méritais vraiment pas cela. 

  • Ok. SI c’est tout tu peux partir.

  • Juste avant de m’en aller je tenais également à ce que nous restions incognito. Aujourd’hui j’ai une famille et j’ose croire que toi également, et je ne pense pas qu’ils aient besoin de savoir ce qu’il y a eu entre toi et moi. Ses 6 mois c’est une partie de ma vie que je souhaiterais effacer et je te saurais gré si je pouvais compter sur ton aide.

Je reçois cette dernière phrase comme un coup, un énorme coup. Une colère ardente monte en moi. J’ouvre le portillon lui faisant signe de sortir. 

  • Avant que je n’oublie. Tiens, les affaires de ta fille de la part d’Inès.

Je prends le sac à l’arrache.

  • Bonne soirée Elodie.

Il sort, je ferme le portillon avec de la rage. Adossé sur le portillon, je jette le sac qu’il m'a remis par terre, je glisse le long du portillon et m'assois à même le sol, puis laisse libre cours à mes larmes. Je tombe de haut. Moi qui croyais que malgré la manière dont il était parti il m'avait tout de même aimé. Pendant que j'ai passé mon temps à chérir ces 6 mois lui il souhaite l'effacer de sa vie. Ces 6 mois qui étaient pour moi les plus beaux instants de ma vie ne représentent pour lui que dalle. Ces 6 mois qui ont porté pour fruits mon trésor d'aujourd'hui est un grand regret pour lui. Aie !!! J'ai mal !!  Mal parce que je suis une grosse idiote. J'ai cru qu'il pouvait m'aimer. Qui peut t'aimer Élodie ? Toi-même tu n'arrives pas à t'aimer et c'est toi qui crois aux contes de fée. Mets bien ça dans ta tête Élodie. Tu n'as pas droit à l'amour. L'amour ne te concerne pas. Arrête d'être une grosse idiote. Je reste là à pleurer de plus belle. Les pleurs de ma fille me font revenir à moi. Je me rappelle du coup d'elle je me lève, essuie mes larmes et cours vers elle. La pauvre doit avoir faim. J'étais sur le point de faire son biberon lorsque cet idiot est venu. Je la sors de sa voiturette, la prends dans mes bras et la rassure. Je la dépose dans sa voiture.

-        Maman va faire rapidement ton bibi. Lui murmure-je.

Elle se met à pleurer pendant que j'essaie rapidement de faire son biberon.

... 

Elle a fini son biberon, et 30 minutes plus tard elle s'est endormie. J'en profite pour m'asseoir sur mon lit et me noyer dans mes pensées.

  

***FLASHBACK : 2 ans plutôt. ***

Il est près de 22h, je suis dans la camionnette avec Marius qui est l’un des transporteurs de cargaison. C’est un homme mûr qui peut être dans la cinquantaine.  Il est dans l’équipe depuis presque 3 mois et étant nouveau il s’occupe juste des petites livraisons. Peut-être avec le temps il pourrait s’en charger des plus grandes livraisons s’il fait bien ses preuves auprès de chérif. Ici tout le monde a un rôle bien précis. Enfin tout le monde sauf le cercle proche de Chérif composé de Ben et moi qui sommes polyvalents. Ben est le bras droit de Chérif. Il lui fait entièrement confiance. Quant à moi, Chérif me considère comme sa petite protégée. Malgré ce privilège que j’ai auprès de lui, il m’inspire beaucoup de crainte. Je sais qu'à la moindre erreur il peut me buter, raison pour laquelle je m’applique dans mes tâches.

Nous sommes en route pour le bar de Joe, un fiole de chérif qui est chef de gang à l’autre bout de la ville. Le trajet se fait dans un silence car hors cadre de mission les membres du cercle proche de Chérif ne discutent pas avec les autres. Toute façon moi hors cadre de travail je ne discute avec personne. Je suis donc sur mon portable sur Facebook en train de consulter les nouveaux post.

  • Je peux me permettre de vous poser une question un peu personnelle ? Pose Marius brisant le silence.

Je lui lance un regard dédaigneux avant de me reconcentrer sur mon portable sans pour autant dire un mot.

  • Ne le prenez pas mal mais c’est une question que je me pose depuis tout à l’heure.

Je ne dis toujours rien. Pour qui il se prend pour vouloir me poser une question je crois qu’il n’a pas dû se renseigner auprès des autres pour savoir comment ça marche ici. Je déteste quand on nuit à ma tranquillité.

Il comprend que je ne compte pas lui répondre. 

  • Je suis désolé. Dit-il embarrassé

  • Que veux-tu ? répond-je d’un ton agacé au bout d’environ 30 secondes de silence.

  • Je suis juste curieux de savoir pourquoi une jeune femme comme vous, se retrouvait dans ce monde.

Si j’avais su que c'était cette question qu’il allait poser je n’allais jamais lui permettre. 

  • Et pourquoi un homme de ton âge ferait insertion dans un tel milieu ? demandais-je en retour.

Il fait un sourire au coin avant de répondre.

  • J’ai posé la question en premier.

  • Je ne te répondrais pas tant que tu ne m'aurais pas répondu.

Il fait à nouveau son sourire au coin.

  • Un homme de ma tranche d'âge ferait son insertion dans ce monde car il n’a plus rien à perdre. Il a déjà vécu sa vie et s’il arrivait que les choses tournent mal, il s’en ira sans aucun regret or vous, vous êtes non seulement jeune mais aussi une jolie femme. La vie a encore plein de cadeaux à vous offrir.

  • Lol la vie ne m’a jamais fait de cadeau si oui elles étaient amères. Donc non merci, je n’attends plus rien de cette vie.

  • Vous ne rêvez pas de vous marier et d'avoir des enfants ?

Je fais un sourire narquois.

  • “Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants” n’existe que dans les contes de fées. Toi et moi sommes assez bien placés pour savoir que la vie n’est pas un conte de fées au contraire c’est un film d’horreur.

Il rigole avant de reprendre.

  • Tu as raison mais dans cette vie il y a des expériences qui en valent la peine crois moi.

Il se reconcentre sur la conduite. Moi je fixe la route à travers le pare-brise. 

Nous arrivons chez Joe et je descends pour aller le rencontrer pendant que Mike, son bras droit, coordonne la décharge de la marchandise par ses gars. J’avance vers l’entrée du bar conduite par un de ses hommes jusqu'à son bureau.

  • Ah ma très chère Elodie, comment tu vas.  Dit Joe qui se lève à ma vue derrière son bureau.

  • Bien et toi.

  • Ça va.

  • Les affaires ça va ?

  • Ça va ma très chère.  Nous avons eu chaud avec la police la semaine dernière mais Chérif a su nous couvrir et je crois que maintenant ça va.

  • D’accord.

  • Je ne vais pas plus te perdre ton précieux temps. Il me tend la mallette. La somme convenue y est.

J’ouvre et compte rapidement. Avant de refermer.

  • Sur ce je dois me retirer. À la prochaine. Dis-je.

  • Tu salueras Ben et Chérif de ma part.

  • Je ne manquerais pas.

Nous nous serrons les mains. Puis je ressors toujours accompagnée par son homme. Je vois qu’ils ont fini de décharger, je monte dans la camionnette et nous faisons chemin retour. Nous sommes coincés dans les bouchons.

  • C’est quoi ton histoire.

Cette fois c’est moi qui brise le silence. Il se tourne vers moi et sourit avant de regarder devant pour pouvoir avancer car les voitures avancent un peu de notre côté.

  • Plus jeune, (il fait un sourire au coin) nous vivions dans une situation vraiment précaire. Nous mangeons seulement un repas par jour et il y avait même des jours où la nourriture n'était pas assez pour tous et étant les aînés, mon grand frère et moi, nous sacrifions pour pouvoir laisser nos 3 cadets manger et grandir. Mon grand frère, lassé de tout ça, a trouvé un réseau pour aller en Europe par mer se battre.  Malheureusement il est mort noyé avec ses amis. Mes parents étaient inconsolables car ils n’avaient pas été d’accord avec sa décision de partir mais ils ne pouvaient pas le retenir car il était bien décidé. Je devenais par la même occasion l’aine et tout l’espoir de ma famille reposait sur mes épaules. À 18 ans je suis allée en ville pour pouvoir travailler et essayer de donner une vie décente à ma famille. J'étais obnubilé par ce rêve de sortir ma famille de la misère. J’enchainais les jobs et quand j'étais fatigué je dormais sur les cartons dans le garage d’une connaissance. Quelques mois plus tard, j'ai pu trouver un studio à un prix abordable où je louais. J’enchainais toujours les jobs et je pouvais envoyer de l’argent à mes parents ce qui leur permettait de se nourrir et de payer la scolarité de mes cadets. Je ne sortais pas et je n’avais aucun ami. Ma vie n'était que travail et ce pendant plusieurs années. 

A plus de 27 ans j'étais chauffeur Camion dans une entreprise brassicole. En allant livrer la boisson dans un bar un jour, j’ai fait la rencontre d’une personne qui a changé le cours de ma vie, la belle Arielle. Elle était serveuse là- bas et dès que je l’ai vu je l’ai tout de suite aimé. Chaque soir après le travail j’y allais pour la voir. 2 mois plus tard on est sorti ensemble et 4 ans plus tard on s’est mariés lorsqu'elle est tombée enceinte d’Anita et deux ans plus tard nous avons eu Bryan. Ils étaient devenus mes raisons de vivre mais ça ne m'empêchait pas de m’occuper de mes parents car mes cadets avaient grandi et chacun se débrouillait désormais.

Quelques années plus tard elle est tombée de nouveau enceinte et le docteur nous avait dit que c'était risqué qu’elle garde cet enfant car elle avait 43 ans et Bryan avait 14 ans L'écart entre les deux grossesses était énorme. On n’était pas d'accord pour interrompre cette grossesse. À 8 mois de grossesses j'étais allé au travail et elle était restée à la maison car elle ne pouvait pas travailler avec son état. À 15h17 minutes elle m’appelle en pleurant qu’elle se sent vraiment mal et elle veut que je vienne l’amener à l'hôpital. L’entendre pleurer a déclenché un truc en moi et j'ai quitté le boulot sans même prendre la permission. Ma femme n’allait pas bien. Je suis allé la chercher, nous sommes allés en taxi à l'hôpital et ce jour-là je suis rentré de l'hôpital seul. Ma précieuse, mon pilier, mon âme-sœur, ma moitié, ma vie m’avait quitté. (Il essuie une larme qui perlait sa joue avant de reprendre et fait un sourire au coin.)  Ce jour-là, je suis mort avec elle et notre enfant. Vivre dans ce monde sans elle était pour moi une punition. Anita et Bryan ? Je m’en foutais j'étais leur père quand ma Arielle était leur mère. Elle les éduquait mieux que moi. C’est moi qui devais partir et non elle. J’ai sombré dans la drogue et l’alcool j’évitais d’être lucide pour éviter de penser à ma femme. J'étais égoïste et je n’ai pas pensé à mes enfants. Ma sœur cadette qui était secrétaire dans une entreprise de la place a pris Bryan et Anita sous son aile et elle s’occupait vraiment bien d’eux en tout cas mieux que moi. Quant à moi je n’avais plus d’argent pour boire et payer ma drogue. C'était encore plus difficile pour moi car il me fallait un truc pour me faire oublier mes souffrances. J’ai alors réuni tout ce qu’il y avait comme comprimé chez moi et je les ai tous avalé. Ma sœur est venue me trouver inconscient et m’a amenée à l'hôpital.  A mon réveil j’ai retrouvé tous mes frères et même ma vieille mère autour de moi. Mon père était mort quelques années plus tôt. Et là ils m’ont fait comprendre que je devais me ressaisir pour mes enfants tel aurait été la volonté d’Arielle. J’ai réalisé qu’ils avaient raison et j’ai repris mes enfants sous mes ailes et j’avais trouvé un autre travail de garagiste.

 Anita n’avait pas pu faire son deuil contrairement à Bryan. Sa mère était sa confidente et le fait de ne plus l’avoir l’affectait beaucoup. Mon état n’avait pas arrangé les choses. À la recherche de l’affection, elle avait développé une passion pour les hommes âgés.  Elle est sortie avec un homme de ma tranche d'âge qui la battait. Quand je l’ai appris j'étais tout furieux et je l’ai tué de sang-froid. Je suis allé en taule où…

  • Tu as rencontré Chérif. Coupe je.

  • Exact. Et vous, quelle est la vôtre.

A cet instant nous nous trouvons devant le portail du manoir. Je clique sur mon badge et le portail s’ouvre. Nous entrons, il s'arrête dans la cour afin que je descende puis il va garer au garage avant d’aller rejoindre sa case.  Moi de mon côté je vais rejoindre Ben pour lui faire le compte rendu et lui remettre la mallette.

A Suivre…

Sacrifice Maternel