Elle poussa sa tête vers l'arrière et respira longuement pour s'imprégner à nouveau de ce parfum de paix et de sérénité. Les étoiles dans le ciel se présentaient à elle telles des danseuses et dame lune, toujours si coquette lui présentait son sourire le plus charmant. Elle aimait être ici, elle ne se sentait bien qu'à cet endroit, sur cette colline loin des autres. Quelques mèches de ses cheveux attachés en chignon sur son crâne lui tombaient sur le visage, ses joues s'étaient rosies et des brins d'éclats parsemaient ses yeux bicolores. Cela faisait plus d'une semaine qu'elle avait découvert cet endroit et elle ne s'en passait pas.

— Comment te sens-tu ? souffla-t-elle à l'endroit de Wilniv qui venait de s'installer près d'elle.

Le jeune garçon de son ton neutre habituel marqua quelques minutes de silence avant de se prononcer.

— J'ai une mission. Mais vous déesse, vous faites partie de ces merveilles tellement rares. J'ai l'apparence d'un jeune garçon certes, mais je n'en suis pas un. Ce n'est que charnel, je suis l'envoyé. Mais pourtant, dans ma faiblesse, j'ai conservé cette âme enfantine que vous avez fait éclore. J'ai connu ce plaisir qui ne m'était pas destiné et je ne le regrette pas. Merci Luz, se réjouit-il d'un ton mélancolique.

Axa eut un large sourire sur les lèvres. Wilniv venait de se confier à elle. Elle en savait plus sur lui à présent. Ce qu'elle savait ne faisait que confirmer ce qu'elle pensait, un être mystique. Elle avait pourtant ces autres questions, concernant la couleur de ses yeux, sa mission, mais elle les tue.

— C'est moi qui te remercie, renchérit-elle doucement.

— Mais la lune reste en danger glami. L'heure noire est si proche. Vous devez vous battre, déplora-t-il.

Le ton qu'avait employé Wilniv était glaçant, terrifiant. Il semblait prédire la malédiction. Le sourire d'Axa s'effaça, mais elle tenta de se donner du courage. Elle avait beau se sentir mieux, elle connaissait la réalité. Elle savait que si elle échouait, l'univers entier s'éteindrait, la belle lune pousserait son dernier souffle. Ils restèrent silencieux pendant quelques instants avant qu'Axa ne se sépare de Wilniv pour se diriger vers les habitations. Lorsqu'elle fut assez proche des habitations, elle aperçut Nerdy qui marchait avec une nelcalienne plutôt âgée, cette dernière avait passé ses mains sous le bras droit de Nerdy. Elle était souriante, semblait trouver une sorte de sécurité et de confort en lui. Il faisait assez sombre, mais elle put distinguer un vrai sourire sur les lèvres de Nerdy, un sourire réel et beau. Elle pressa les pas pour se rapprocher d'eux. Un éclat de rire de Nerdy lui provoqua des frissons, elle n'aurait jamais cru qu'il pouvait rire. Elle ne lui connaissait que cette expression qu'elle considérait livide. Son éclat de rire était tel celui d'un adolescent plein de vie et de passion, plein de rêves et d'ambition.

— Hala, lança-t-elle lorsqu'elle fut assez proche d'eux.

Ils se retournèrent vers elle. Axa s'attarda légèrement sur le visage de la nelcalienne qui avait de beaux et fins traits embellis par ses yeux verts et ses cheveux blancs. Elle avait un rictus bienveillant à la commissure des lèvres et son regard ne témoignait que de bonté.

— Glami, s'enthousiasma la nelcalienne en s'inclinant.

Axa lui sourit et se rapprocha d'eux. Elle serra chaleureusement sa main avant de se prononcer.

— Appelez-moi... Luz, indiqua-t-elle.

Elle s'était faite à ce prénom et l'aimait bien en fin de compte. Plusieurs nelcaliens traînaient sur les lieux, discutant, riant, vivant.

— Je ne savais pas que Nerdy tenait compagnie aux charmantes nelcaliennes, notifia Axa d'un ton taquin alors que Nerdy semblait au sommet de la gêne.

Il se gratta la nuque et se racla la gorge.

— Luz, je te présente ma grand-mère, Zalina. Grand-mère tu connais déjà Luz.

Axa eu un petit sourire.

— Enchantée de vous connaître madame, dit Axa en arborant un sourire enchanté.

La nelcalienne fit la moue.

— Mais voyons, je ne suis pas si vieille. Je n'ai que quelques siècles, déclara-t-elle de la façon la plus normale possible. Et puis, ne m'appelle pas madame. Tout le monde m'appelle Zalina ici.

— D'accord. Zalina je suis enchantée de vous connaître, se corrigea Axa en ne perdant pas son sourire.

— Nous rentrions. Allez, viens faire un tour, continua la nelcalienne.

— Sò sicuru chì a glami possa più impurtanti per fà(Je suis sur que la déesse a des choses plus importantes à faire), dit Nerdy à Zalina.

— Silenziu, parlu(Silence, je parle), répliqua Zalina en lui donnant un petit coup à l'épaule.

Axa retint un rire.

— Ça ne me gêne absolument pas, déclara-t-elle.

Ils intégrèrent la résidence toute simple en plantes et nuages, mais colorée. Les habitations des nelcaliens n'étaient pas très exhibitionnistes, mais avaient chacune leur personnalité. Ils s'installèrent sur des chaises en nuages autour d'une table semblable à un tronc d'arbre géant. Zalina s'installa dernièrement avec des tasses sur un plateau.

— Je veux que tu goutes ça. C'est la boisson préférée des nelcaliens. La palata.

Axa se saisit de la tasse et but le contenu. La boisson de couleur blanche avait un léger gout sucré, mais sobre qui caressait les papilles.

— Délicieux, avoua-t-elle. Vous ne vivez que tous les deux ? demanda Axa en lançant un regard circulaire dans la pièce, sûrement le séjour.

— Oui. Mon petit fils et moi, seuls contre le monde, déclara Zalina avec sourire marqué par une pointe de mélancolie.

Elles discutèrent quelques instants avant que la nelcalienne ne se retire pour se coucher. Le silence plana sur la pièce alors que Nerdy, le regard plongé sur sa tasse semblait pensif. Axa l'observa durant quelques instants, se demandant à quoi il pouvait bien penser.

— Tout... va bien ? le questionna-t-elle.

Nerdy leva la tête et lui lança un bref regard.

— Oui.

Il se leva ensuite et se dirigea vers l'extérieur. Axa le suivit. Il s'installa sur une chaise et Axa en fit de même. La nuit était légère et la nature calme.

— Mon père et ma mère font partie des nelcaliens morts sur terre, annonça Nerdy d'une traite.

Axa ne s'attendait pas à une révélation pareille. Elle afficha un air choqué devant un Nerdy vulnérable et triste. Il semblait rappeler des fantômes monstrueux. Axa ne sut quoi dire. D'abord, Nerdy se confiait à elle pour une première fois et la révélation qu'il faisait était très importante.

— J'avais une sœur, une grande sœur. Elle...

Il se tut pendant un long moment, la voix secouée par des sanglots. Il se passa une main tremblante dans les cheveux.

— Elle fut la première victime des humains.

L'image de la nelcalienne ayant servi de cobaye numéro un se planta à la mémoire d'Axa qui eut un haut-le-cœur. Elle n'en crut pas ses oreilles. Ses yeux s'abaissèrent sur le poing serré de Nerdy qui avait à présent un sourire mauvais aux lèvres. Il releva son regard sur Axa. Le sang d'Axa se glaça dans ses veines. Elle y lisait la peine, la colère, la douleur.

— Tu comprends maintenant pourquoi je les hais tant ? Toute ma famille m'a été arrachée, si brutalement, dit-il d'une voix blanche. Je les maudis ces assassins. Je les maudis du plus profond de mon être, continua-t-il d'une voix secouée par la colère.

Axa, les yeux brillants de compassion s'osa à placer sa main sur celle de Nerdy. Elle fit une légère pression. Sa main tremblait comme si c'était elle qui venait de réveiller des sentiments aussi douloureux de son cœur.

— Je... suis désolée, souffla-t-elle.

— Je t'en prie...commença-t-il en glissant et tombant à genoux en face d'elle.

Axa recula, trop bouleversée par toute cette nouveauté.

— Je t'en supplie Luz, dit-il d'une voix désespérée. Aide-moi à me venger. Je veux que chacun d'entre eux perde ceux qu'ils aiment comme moi j'ai perdu ma famille. Je veux qu'ils souffrent et qu'ils regrettent.

Axa retira sa main de celle de Nerdy et fit les gros yeux.

— Mais ils ne sont pas tous coupables, précisa-t-elle d'une voix aigüe.

Nerdy se leva d'un bon.

— Étais-je coupable moi ? rétorqua-t-il d'une voix grave. Réponds-moi, Luz, étais-je coupable ? s'emporta-t-il.

Les lèvres tremblantes, Axa parla lentement.

— Je sais que tu étais innocent. Mais voudrais-tu qu'on fasse à d'autres ce qu'on t'a fait ? Voudrais-tu que d'autres subissent cette souffrance, cette injustice ?

— S'ils sont humains, oui, trancha-t-il sèchement.

Axa se leva. Elle semblait à présent agacée.

— Je suis aussi humaine, soutint-elle fermement.

Nerdy lui lança un regard noir et glacial avant de se rendre à l'intérieur de la résidence et de claquer la porte, laissant Axa toute seule. Elle respirait bruyamment. Décidément, elle en avait trop à gérer, trop de partis à prendre. Il y avait bien trop de haine, trop de douleur, trop de vengeance. Elle nettoya d'un revers de main la larme qui se promenait sur sa joue. Elle sentit encore ce poids l'accabler. Elle avait beau se cacher, il revenait toujours. Il en voulait plus et toujours plus. Elle avait trop de responsabilités. Trop de personnes avaient souffert lorsqu'elle n'avait même pas encore vu le jour, mais pourtant elle avait à restaurer leur vie, elle était leur espoir. Malheureusement, la lune et le soleil ne pouvaient pas avoir le même espoir, ne pouvaient pas espérer se montrer au même moment. Elle sentit une forte douleur au niveau de sa poitrine, mais elle se dissipa rapidement.

Elle marcha nonchalamment vers sa résidence, le regard dans le vide et les idées dispersées. Deux planètes reposaient sur ses épaules, ses petites épaules fragiles. Elle s'installa devant sa chambre, levant la tête vers le ciel, attendant peut-être une aide divine. Célesta s'installa près d'elle quelques instants après.

— Luz, que se passe-t-il ? lui demanda-t-elle doucement.

— J'en ai marre Célesta. Je n'y arriverai pas, se lamenta-t-elle d'une voix éraillée.

— Tu y arriveras, la rassura Célesta. La nature n'est pas idiote. Si elle t'a choisie, c'est que tu le mérites.

Axa tourna sa tête vers Célesta qui n'avait pas perdu son expression souriante. Axa plaça sa main sur celle de Célesta et lui sourit. Mais pourtant, une série d'images rapides s'exposa à elle à ce moment.

Le lieutenant Hongust se tenait sur son lit de malade, agonisant et souffrant. Cody se tenait près de lui ainsi que le docteur Ben.

— Je me dois d'être honnête avec vous. L'analyse révèle que votre sang contient des grains toxiques de cinabre. Normalement le cinabre n'est pas nocif, mais il semble s'être combiné à votre organisme et s'y être incorporé depuis près d'une vingtaine d'années. Elle semble s'être intégrée dans votre organisme par inhalation.

— À moins d'un miracle, nous n'avons pas réellement de solution, mais les données ont été transférées au laboratoire pour des recherches approfondies. Pour le moment, nous allons continuer votre traitement.

— Courage lieutenant.

Il toussait énormément et son teint était si livide qu'il ressemblait à un mort vivant. Il était comme un condamné.

Axa retira brusquement sa main en regardant Célesta avec stupéfaction. Elle se leva et passa une main nerveuse dans ses cheveux. Célesta se leva à son tour.

— Qu'est-ce que ça veut dire Célesta ? demanda-t-elle d'une voix étranglée en secouant la tête comme si elle ne voulait pas comprendre ce qu'elle venait de voir.

— Je vais tout t'expliquer, s'enquit Célesta, paniquée en se rapprochant d'elle.

Axa marchait à reculons et lançait des regards effarés à Célesta.

— M'expliquer quoi ? s'emporta-t-elle alors que son rythme cardiaque augmentait brusquement.

— Je... Hongust est souffrant et il va bientôt mourir, balbutia Célesta.

Axa s'arrêta à cet instant et sentit son cœur se fendre dans sa poitrine. C'en était trop. Il ne devait pas mourir, il n'avait pas le droit. Il ne devait pas l'abandonner, bien qu'elle, elle l'ait abandonné alors qu'il souffrait. Elle avait anormalement mal d'entendre ça, elle avait le cœur qui s'arrachait de sa poitrine.

— Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? sanglota-t-elle.

— J'avais peur que tu ne t'inquiètes, avoua Célesta.

Axa eut un sourire mauvais et secoua sa tête.

— Que je ne m'inquiète ? Que je ne m'inquiète de la mort de l'homme le plus important de ma vie ? reprit-elle d'une voix incontrôlée.

Célesta perdit sa langue. Axa rebroussa chemin et se mit marcher rapidement.

— Axa revient s'il te plait, l'implora Célesta.

— Mi lassati(Laisse-moi), hurla-t-elle en marchant plus rapidement.

Après quelques minutes de marche sans destination fixe, elle s'arrêta et glissa au sol. Cela l'affectait terriblement de savoir que Hongust allait mourir. Elle voulait juste tout abandonner pour mourir avec lui, elle ne voulait plus se battre. Elle se recroquevilla sur elle-même, se retenant de pleurer. Pourtant, quelques secondes après, elle disparut.

Elle ouvrit les yeux, son crâne lui faisait atrocement mal. Elle jeta un regard à l'endroit où elle se trouvait. Il s'agissait d'une sorte de grotte aménagée. Elle se tenait assise sur une chaise en nuage, mais attachée par des fils ultras résistants. Bientôt, une silhouette se planta en face d'elle. Elle leva la tête et découvrit ce même visage marqué, ses mêmes yeux pleins de haine et ce rictus maléfique. Fiona. Elle avait les traits identiques à quelques années plus tôt et inspirait le mal en personne. Elle se rapprocha d'Axa en souriant sadiquement.

— Miss Axa, Luz ou quoi qu'il en soit. Enchantée de me connaître non ? lança-t-elle d'un ton sarcastique.

— Mais que me veux-tu bordel ? s'emporta Axa qui semblait perdre patience.

— Pour le moment rien. Je suis juste fatiguée de tous ces mensonges, pas toi ?

Axa se rappela de ce qu'elle venait d'apprendre et comprit que son pressentiment était dû à cela.

— Moi je veux juste te dire certaines vérités, continua-t-elle.

Elle caressa la joue d'Axa en riant.

— Célesta est une sale cachottière pas vraie ? railla-t-elle. Et si je te disais qu'elle était aussi une menteuse dégueulasse ?

Axa n'osa pas parler et se contenta juste d'observer Fiona.

— Elle t'a menti sur ton papa Hongust et pas que sur sa maladie, ajouta-t-elle. Certains anges sont de vrais démons tu ne crois pas ? Et si je te disais que miss Célesta, la sainte et parfaite était amoureuse de ton petit papa ? Et devine la conséquence ?

Axa, bien que ne croyant pas immédiatement à ce qu'elle venait d'entendre fit les gros yeux et fronça les sourcils. Elle entrouvrit les lèvres. Encore une révélation. Vraie ou fausse ? Célesta était amoureuse de Hongust, l'homme qu'elle était censée le plus détester, l'homme dont elle semblait tant vouloir la mort. Nelca était donc un puits de secrets.

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Lalie