Chapitre 16: Lune apaisante

Ecrit par Lalie308

« Ne dis plus jamais que tu comprends ce que je ressens Hongust. » « Tu es comme eux tous, tu ne m'as jamais aimé. »

— Non Axa, ma petite fille, ne m'abandonne pas, supplia-t-il.

— Tu n'es qu'un monstre, je te hais. Tu m'as trompée et menti.

— Non je n'ai toujours voulu que te protéger.

— Tu mens !

Elle hurla et d'un coup rapide de télékinésie, lança un métal lourd sur Hongust qui s'affala sur le sol.

— Maintenant je vais te faire payer et t'envoyer là où tu mérites d'être.

Du sang dégoulinait de son crâne ; il reculait alors qu'Axa, le regard sombre se dirigeait machinalement vers lui.

— Non s'il te plait. Axa non, hurla-t-il en suppliant.

Il ouvrit les yeux en balançant sa tête de gauche à droite, en sueur et le cœur battant à tout rompre. Il ne faisait que des cauchemars du genre, tout le temps, du moins depuis la disparition d'Axa. Il avait ce vide en lui, sa fille lui manquait terriblement et il aurait tout donné, même sa vie pour la serrer une dernière fois dans ses bras. Sa température corporelle était extrêmement élevée, ses lèvres gercées et son visage pâle. Il arrivait à peine à esquisser un mouvement, une céphalée profonde et des courbatures intenses le châtiaient. Il était si faible et vulnérable, il n'avait aucune idée de ce qu'il en était de la cité. Une toux malsaine se saisit de lui et il se mit à tousser à s'arracher les intestins. Cody se glissa dans la chambre à ce moment et lui servit un verre d'eau dont il avala maladroitement une minime gorgée, laissant couler un filet de salive et d'eau sur sa joue. Cody avait de la peine pour Hongust, il était une personne extrêmement bien, selon Cody, le sort ne s'acharnait que sur les innocents. C'était malsain, mais il aurait préféré voir Paul Jones agoniser à la place du lieutenant. Sans lui, la cité se dirigeait dans un mur et encore plus avec la présence de Paul Jones, elle se dirigeait vers l'enfer.

Cody s'installa près de l'homme, le scrutant avec peine. Le docteur Ben fit irruption dans la pièce. Il avait le regard rivé sur des fiches électroniques, semblables à une tablette électronique, mais sans la partie physique, c'était comme tenir des données en main. Il finit par détacher son regard, remarquant la présence de Cody qu'il salua d'un signe de tête. Son regard navré se dirigea ensuite vers le lieutenant Hongust puis il se rapprocha de lui. Il plaça la plaque virtuelle au-dessus du corps de Hongust puis la laissa. Elle se dirigea d'abord vers l'avant puis vers l'arrière, de sorte à parcourir tout le corps de Hongust. Lorsque la plaque s'arrêta, le docteur Ben s'en saisit et fit quelques manipulations. En réalité, la technologie permettait de faire des analyses sanguines sans prélèvements. La plaque du docteur encore appelé omnipotent plate était destinée à accompagner les médecins dans leurs tâches : consultation, analyse et stockage de données. À la fin des manipulations, il posa un regard des plus inquiets sur le lieutenant Hongust.

— Je me dois d'être honnête avec vous. L'analyse révèle que votre sang contient des grains toxiques de cinabre. Normalement le cinabre n'est pas nocif, mais il semble s'être combiné à votre organisme et s'y être incorporé depuis près d'une vingtaine d'années. Elle semble s'être intégrée dans votre organisme par inhalation.

Cody fronça les sourcils face à ce qu'il entendait alors que Hongust semblait en connaître la raison.

— À moins d'un miracle, nous n'avons pas réellement de solution, mais les données ont été transférées au laboratoire pour des recherches approfondies. Pour le moment, nous allons continuer votre traitement, expliqua-t-il. Courage lieutenant, finit-il avant de sortir de la pièce.

Cody resta là à l'observer, se demandant ce qu'il pouvait bien penser ou ressentir en ce moment.

— Malgré ça, je n'ai même pas réussi à les sauver, geignit Hongust douloureusement.

— Qui ? interrogea Cody.

— Mes filles, mes petites Mia et Fia, souffla Hongust.

Sa voix était le réservoir d'une immense peine dont chacun de ses mots témoignait. Cody comprit qu'il se référait à la guerre. Il n'était pas au courant pour les filles du lieutenant et ne pensait pas que c'était le moment propice pour aborder un tel sujet. Il se rapprocha juste de lui, plaça sa main sur son épaule et fit une petite pression pour lui montrer son soutien. Certains souvenirs feraient mieux de rester dans le gouffre du passé, pensa-t-il.

*

Il faisait nuit et passablement frais. Axa ne voulant pas s'enfermer dans sa chambre décida de se promener dans le village, admirant son aspect du soir. Les lumières éclairaient le village d'une manière discrète alors que les voix de certains habitants se faisaient indistinctement entendre. Axa marchait lentement, le vent caressant ses cheveux et son regard fixant un point invisible. Ce mauvais pressentiment ou ce poids qui pesait sur son cœur ne faisait que s'accentuer ; pourtant, elle n'avait aucune idée de ce que cela pouvait être. Elle marcha longtemps, n'ayant point conscience d'où elle mettait pied et encore moins de sa destination. Elle s'échoua sur une partie plus ou moins déserte du village, une sorte de petite colline. Elle voulut se retourner lorsqu'une ombre attira son attention, une petite étincelle puis une silhouette. Elle fronça les sourcils puis se rapprocha doucement du lieu avant de distinguer de qui il s'agissait.

— Wilniv ! Que fais-tu ici tout seul ? le questionna-t-elle en s'installant près du garçon qui était assis en boule sur le sol, regard fixé sur la lune qui était très visible de cet endroit.

C'était comme si la faucille d'or avoisinait ce coin de la planète Nelca, comme si elle communiquait avec Nelca.

— Meditatu(Je médite).

Axa fut quelque peu surprise de la réponse. Sur quoi pouvait bien méditer un garçon de son âge ? s'interrogea-t-elle. Pourquoi la lune est ronde et pas triangulaire ? Pourquoi ne brille-t-elle pas comme le soleil ? Axa ne savait plus réellement quoi dire, elle avait l'impression d'interrompre quelque chose. Comme si elle ne devait pas être là à ce moment-là.

— Observez là, murmura Wilniv.

Axa releva légèrement la tête, étonnée que Wilniv lui adresse encore la parole. Son regard se fixa directement sur la lune. Elle était particulièrement belle et son éclat était comme démultiplié. Elle semblait mystérieuse, mais aguicheuse, coquine mais innocente. Elle semblait silencieuse, comme la nature, mais vaillante. Axa se sentait comme envoûtée par elle, comme si un sentiment de relaxation intense s'emparait d'elle et comme si une nouvelle porte s'ouvrait dans son cœur. Elle n'avait jamais prêté attention à la lune et maintenant elle prenait conscience de ce qu'elle perdait.

— Je pense qu'ils vous ont dit pour la lune et les nelcaliens, continua Wilniv, un ton de sagesse surprenant dans la voix.

Axa ne répondit pas, continuant son admiration de la faucille d'or.

— Elle est en vous et vous faites partie d'elle, glami, articula-t-il. Toutes vos émotions lui appartiennent, quand vous allez bien, elle aussi. Quand vous allez mal, elle aussi.

Cette révélation surprit Axa qui seulement pour que la lune ne perde pas cette beauté se vida l'esprit, s'entoura d'ondes positives, elle respira un grand coup.

— Je veille sur vous glami. N'ayez jamais crainte. Fabos et même Julia ne sont jamais loin. La lune est en vous et vous êtes en elle, continua-t-il.

Sur ce, Wilniv se leva doucement comme un somnambule pour rebrousser chemin. Axa avait un vrai sourire sur le visage, comme une droguée qui avait atteint le paroxysme de la relaxation. Wilniv s'inclina en direction de la lune et se retira. Le monde, l'univers sont d'une beauté extrême qu'il faut parfois prendre le temps d'admirer, pensa Axa. Elle l'admirait enfin et se laissait admirer par sa source.

Dès qu'elle mit pied à l'extérieur de la pièce, la lumière du soleil l'éblouit. Elle s'était levée tôt, s'était entraînée, une fois de retour avait pris un bain et maintenant se décidait à aller errer. La veille, elle était restée assez longtemps sur la colline, cela avait été comme une thérapie pour elle. Son cœur était plus léger. Elle souriait à tous ceux qu'elle croisait, un sourire sincère. Elle croisa un groupe de nelcaliennes qui semblait tisser. Elle se rapprocha d'elles et d'un sourire rayonnant, se prononça :

— Hala(Salut).

Les nelcaliennes quelque peu perturbées par sa présence lui renvoyaient nerveusement son sourire.

— Hala, glami, rétorquèrent-elles.

— Que faites-vous ? demanda-t-elle.

Une des nelcaliennes semblant plus âgée prit la parole.

— Toutes les tenues des nelcaliens, nous les confectionnons ici : assises là, sous ces arbres sentant la paix, chantonna-t-elle.

L'absence d'usines de fabrication interpella Axa. Ces nelcaliennes utilisaient leurs propres mains. Elles étaient agiles et rapides et les piles de vêtements blancs s'entassaient dans d'immenses paniers. Elles se servaient d'un objet rectangulaire contenant soit des espaces larges soit d'autres, plus petits, et certaines utilisaient une aiguille et un fil d'or blanc.

— Vous voulez essayer ? l'invita la nelcalienne.

Axa ne se fit pas prier et s'installa près d'elle, impatiente comme un enfant qui veut apprendre une nouvelle chose. Elle prit une aiguille et un fil d'or blanc et après les indications de la nelcalienne se mit au travail. Ses gestes n'étaient pas si rapides que ceux des nelcaliennes, mais elle essayait du mieux qu'elle le pouvait. Elle finit quelques heures après et fut félicitée pour le résultat. Elle remercia les nelcaliennes et poursuivit son chemin vers la grande salle où Nerdy l'avait conduite l'autre fois. Elle se glissa à l'intérieur et observa les nelcaliens qui s'entraînaient. Elle se rapprocha de ceux qui tentaient la télékinésie mais qui n'y arrivaient pas.

— Calmu(Du calme), commença-t-elle en touchant l'épaule du nelcalien frustré dont c'était le tour.

Il se leva instantanément alors que tous s'inclinaient devant Axa.

— Aller, retourne-toi et fixe bien l'objet, ordonna Axa d'un ton tendre.

Il s'exécuta.

— Maintenant que tu as visualisé l'objet, respire et imagine le prendre la direction que tu veux.

Après quelques essais infructueux, le nelcalien réussit enfin et fit virevolter l'objet dans toute la pièce.

— Complimenti, dit Axa en souriant de fierté pour son premier élève.

Les autres nelcaliens se prirent au jeu et réussirent aisément. Elle aida plusieurs autres avant de se diriger vers la sortie, plus précisément sur le terrain de jeu des petits nelcaliens. Ils sautaient partout et riaient aux éclats. Elle avait plus l'impression d'être en face des humains. Elle se laissa emporter par la vague de l'enfance qui s'emparait d'elle et se mit à jouer avec eux. Elle frappa doucement dans le ballon-nuage et plusieurs nelcaliens sautaient dessus.

— Qu'ils sont forts mes adversaires, s'exclama-t-elle alors que son regard tombait sur Wilniv, les observant au loin.

Elle lui fit signe de s'approcher, tous les enfants s'écartèrent. Elle fit quelques manœuvres avec ses mains et forma comme un champ de protection autour de lui. Elle y avait longtemps pensé et voir qu'elle en était capable la rendait heureuse.

— Aller n'ayez pas peur. Regardez, déclara-t-elle aux enfants.

Elle toucha affectueusement la joue de Wilniv et invita un des enfants à le faire. Un jeune s'avança et la main tremblante le toucha, mais n'eut rien. Tous les autres se précipitèrent donc sur lui et il reçut enfin l'attention dont il avait besoin.

— Environ quatorze heures de temps, souffla Axa à son oreille, elle se sentait faible.

Elle marcha vers la rivière et s'installa comme d'habitude. Elle tenta de retrouver son énergie et de contrôler son tournis. Quelques heures après, quelqu'un s'installa près d'elle et elle reconnut ce parfum de mystère et de puissance.

— Tu as l'air bien contente aujourd'hui, remarqua Nerdy.

Axa qui semblait aller mieux haussa les épaules avec un petit sourire au visage.

— Ah bon ? se contenta-t-elle de souffler.

Le soleil se couchait et le contraste entre l'eau claire de la rivière et la couleur dorée du crépuscule était magnifique. Nerdy observa Axa pendant quelques secondes et eut comme une illumination.

— Tu commences à comprendre on dirait, comprit-il.

— Comprendre quoi ? interrogea Axa en arquant un sourcil.

— Ce qui se sait n'a plus besoin d'être dit, affirma-t-il d'un ton neutre avant de poursuivre. Je t'ai observée toute la journée et la partie la plus intrigante reste celle...

—... des enfants ? continua Axa.

Nerdy se contenta de hocher la tête, un sourire malicieux se dessina sur le visage d'Axa.

— Monsieur m'espionne maintenant ? railla-t-elle après quelques secondes de silence, décidant de paraître à son tour mystérieuse.

Nerdy leva les yeux au ciel.

— Ne fais pas ta déesse avec moi, se plaignit-il, agacé.

Axa se pencha vers Nerdy et susurra à son oreille :

— Je suis une déesse.

Elle esquissa un dernier sourire narquois puis se rapprocha de la rivière et croisa les bras sur sa poitrine.

— C'est Wilniv qui m'a fait découvrir « La source ». Je sais que vous me cachez l'important par rapport à lui mais je m'en fiche pour le moment. Il a quand même cette âme d'enfant, c'est pourquoi j'ai fait ça tout à l'heure. Pour qu'il puisse enfin profiter de son enfance et susciter une belle attention de la part des autres, monologua-t-elle.

Axa était persuadée que Nerdy n'approuverait pas son acte, qu'il trouverait cela dangereux mais tout ce qui lui importait était de faire ce que lui dictait son cœur.

— Tu as bien fait, déclara Nerdy.

Axa, laissée pantoise, haussa les sourcils mais se reprit rapidement.

— Je sais, rétorqua-t-elle arrogamment.

Nerdy esquissa un petit sourire, s'étant rendu compte du manège d'Axa. Il se leva à son tour et ils marchèrent vers le lieu où se trouvaient les enfants. Ils se postèrent à une certaine distance d'eux, apercevant Célesta à l'autre bout du lieu qui les salua de la tête. Ils se plongèrent ensuite dans le spectacle, celui de l'insouciance et de la liberté. Ils voyaient pour la première fois Wilniv rire aux éclats et les enfants jouer avec lui. Tout semblait aller mieux dans le pire des mondes, tout irait mieux, ils y croyaient. Nelca allait, selon la déesse Luz, fille de lune et essence de l'univers, reprendre vie.





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Lalie




La planète aux yeux...