chapitre 19

Ecrit par EdnaYamba

Chapitre 19 :

«  Pardonner vaut mieux que mépriser, la charité vaut mieux que la guerre. À la place de la sourde colère ou de l'emportement concentré, mieux vaut le sourire de l'abnégation et le zèle de l'amour. Le dédain et le dépit te rendent inactif, que l'amour désintéressé du bien retrempe ton activité. Rien à cause des hommes, n'attends rien d'eux, mais tout à cause du bien ! — La colère n'accomplit pas la justice de Dieu. »
Citation de 
Henri-Frédéric Amiel 

 

Antoine BOUMI

-         Comment ça elle refuse ? m’énervé-je au téléphone  alors qu’on me transmet le refus d’Isabelle de nous recevoir !

-         Ah mon fils, il faut prendre ton mal en patience, nous sommes fautifs dans cette histoire, nous n’avons rien à exiger !

Fautifs ? Je ne le suis pas, la seule responsable  de tout ce chaos c’est Mélanie. Elle, et elle seule. J’aurais été en pleine possession de mes esprits que cette histoire ne se serait pas déroulée ainsi.

Nous n’avons rien à exiger ?

J’exige de voir mon enfant.  Jamais je n’aurais refusé cette paternité. Au contraire j’aurais saisi cette opportunité pour dire devant tout le village qu’Isabelle était la femme que j’avais choisie.

Était.

Triste passé.

Je ne peux pas me résoudre à attendre.

J’ai attendu 17 ans, inconscient, espérant  que ce vide se comble. Maintenant que je sais ce qui manque, ma fille et ma femme, je ne resterais pas là à ne rien faire.

Non !

Le numéro de mon beau père s’affiche pour la énième fois sur mon téléphone sans que je ne décroche, je lui avais déjà dit la veille , que le moment viendrait où on s’expliquerait tous, je ne vois pas ce qu’il veut écouter de moi encore aujourd’hui. je n’ai rien à lui dire, à aucun BOMO.

Ma priorité c’est mon enfant et Isabelle.

Je réglerais leur cas après.

Quand il se lasse et arrête de faire sonner mon téléphone je peux enfin composer le numéro d’un jeune du village par qui je sais que j’aurais les informations concernant Isabelle.

-         Allo Yves ,

-         J’ai besoin de toi, je veux que tu me cherches où se situe le restaurant d’Isabelle MOUKAMA !

Grace Jeannie MOUKAMA

-         Je te déteste maman, je te déteste. Lui crié-je face à son refus une nouvelle fois en m’enfuyant de la maison.

Je cours jusqu’à chez dame Gisèle, les yeux pleins de larmes. Quand le portail s’ouvre c’est dans les bras de Jonathan que je tombe.

-         Qu’est-ce qu’il y a Gracie ? me dit-il

Alors que je continue de pleurer.

J’ai essayé, j’ai essayé de lui expliquer que j’avais besoin de savoir ce qui s’était passé, que c’était mon droit de connaitre mon père, mais elle m’a dit Non ! Qu’elle ne permettrait pas qu’il entre dans ma vie.

Qu’est-ce qu’elle est injuste !

Je ne sais pas ce qui s’est passé entre eux mais moi je décide de lui pardonner si elle ne le veut pas !

Jonathan qui me garde prisonnière dans ses bras , fini par m’éloigner et essuyer de sa main, les larmes qui perlent de mes yeux avant de me dire :

-         Calme-toi, et viens m’expliquer ce qui te fait autant mal.

Il m’entraine dans la maison, où on retrouve Sandra et Loïc qui accourent vers moi également, inquiets ! C’est avec des phrases entrecoupées de pleurs et de reniflements que je leur raconte les derniers  évènements autour du Mystère qu’est mon père.

Sandra et les garçons m’écoutent attentivement, je peux lire l’empathie sur leurs visages. Jonathan garde une de mes mains dans la sienne alors que Sandra me tient l’autre main.

Leur soutien me réconforte.

Ma mère qui devrait me comprendre, c’est elle qui me comprend le moins.

Mes petits-frères ont leur père, pourquoi m’empêche-t-elle d’en avoir  aussi. Ils veulent les rencontrer peut-être qu’ils veulent s’amender du passé.

Elle peut passer outre sa douleur et penser un peu à moi, à ce que je désire moi.

-         Moi j’ai peut-être une idée pour t’aider! dit Loic

Nous nous tournons tous vers lui.

-         C’est comment ? rigole-t-il, ce n’est pas de ma faute si mon cerveau tourne 10 fois plus vite que le vôtre.  Cesse de pleurer Grace. Tu as dit qu’il travaille à BMT c’est ça ?

-         Oui, mon oncle et sa femme disaient l’autre soir qu’il a bien réussi, il est directeur de cette société c’est ça ! me rappelé-je, qu’est-ce que tu proposes ?

-          Tu es sûr que tu veux faire confiance à Loïc, se méfie Jonathan

-         On veut aider Grace ou pas ? demande Loïc aux autres

-         Tant que c’est faisable je suis partante, approuve Sandra ! il ne reste que toi Jonathan

Il me regarde et je le supplie des yeux.  C’est lui, le plus grand, s’il n’approuve pas les autres ne le feront pas.

On sait tous que par moments Loïc peut avoir des idées folles les unes des autres.

-         Qu’est-ce que tu proposes ? demande-t-il à Loïc en me serrant la main.

-         Qu’on aille là-bas, si la route empêche à Mahomet de se rendre à la montagne, Mahomet empruntera l’hélicoptère ! dit Loïc souriant.

-         Ce n’est pas ça l’adage, corrige Sandra, c’est si Mahomet…..

-         Oh c’est bon l’interrompt-il, vous avez tous compris ce que je voulais dire. Alors faisable ou pas ?

Nous acquiesçons tous.

-         Je vais demander à mamie si elle sait où se trouve cette société, dit Sandra en courant vers la chambre de Dame Gisèle.

Il y a de l’espoir. Loïc a raison, si maman m’empêche de voir mon père, je trouverais moi-même le moyen de me rendre à lui.

Enfin je vais voir mon père.

Je suis à la fois enthousiaste et apeurée.  Peut-être qu’il y a une raison particulière pour laquelle maman ne veut pas que je le voie et si c’était au final une mauvaise personne ? Ou un de ces hommes qui devenus influents est entré dans une secte et cherche du sang neuf pour ses sacrifices ? Peut-être que je devrais juste être obéissante. Mais mon désir de le connaître est bien plus fort que tout le reste.

 

Isabelle MOUKAMA

Les paroles de Grace me font encore mal.

-         Elle ne le pensait pas, me réconforte Mireille

Je sais qu’elle ne le pense pas, elle ne peut pas me détester après tout ce que j’ai subi pour elle. Je suis sa mère.

Quelle ingrate ! Elle demande son père comme si je n’avais pas été une bonne mère, j’ai tout fait pour l’être, j’ai dépassé mon aversion pour BOUMI que je revoyais sur son visage pour l’aimer, elle est sortie de mes entrailles et elle, elle me réclame son père comme si je ne comptais pas !

-         Tu devrais y penser et nous laisser avoir cette entrevue ! ajoute Mireille. Sinon Grace finira vraiment par te détester alors que tu n’es qu’une victime dans cette histoire….

Isabelle, faut que tu acceptes, Isabelle faut que tu acceptes.

Qu’ils aillent tous se faire foutre avec ça.

BOUMI réapparait et on doit se plier à ses volontés .

J’ai dit Non !

-         J’ai dit Non ! ce n’est pas 17 ans plus tard qu’il viendra revendiquer sa paternité, ces gens-là m’ont humiliée Mireille, tu n’étais pas là ! répété-je

Chaque fois que j’y pense c’est douloureux.

Je revis ce moment horrible de ma vie, où je me suis sentie seule au monde. La seule idée qu’il souffre de ne pas avoir d’enfant n’est pas comparable à tout ce que j’ai vécu à cause de lui.

Il vivra avec cette vérité, il a un enfant mais que moi Isabelle MOUKAMA vivante, il n’approchera pas ! Il ne la verra pas, il saura ce que c’est que la douleur d’avoir un enfant et de ne pas l’approcher, comme moi j’ai  vécu le fait que mon enfant avait un père mais qui avait décidé de l’ignorer !

-         Mais il ne s’agit plus de toi Isa, mais de l’enfant tu l’as vu tout à l’heure..

-         Elle a 16 ans , ce n’est pas à cet âge qu’elle aura besoin d’un père, c’est de la comédie. Y a René qui est là !

-         René, ben voyons ! loin de moi l’idée de dire qu’il s’est mal comporté mais excuse-moi Isabelle, il ne s’est pas comporté comme un père, on voit bien qu’Isabelle n’est pas sa fille ! Il….

Je ne lui laisse pas le temps de poursuivre, hors de question qu’elle critique René.

-         Tu as passé ton temps à scruter les moindres faits et gestes de mon mari et si on parlait du tien Mireille qui court les petites filles dehors !

Elle se rembrunit tout à coup. Je sais que j’ai touché là où ça fait mal, mais j’en ai assez qu’elle me rabatte les oreilles en critiquant René, il n’est pas parfait mais il a fait de son mieux avec Grace.

Elle sait depuis qu’elle est enfant qu’il n’est pas son père, ce n’est pas aujourd’hui qu’elle va s’en plaindre.

-         Mon mari n’est pas à l’ordre du jour et je tiens à te dire que c’est faux !

-         Ok ! Tout comme René, n’est pas à l’ordre du jour !

Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir ! Mais bon les escapades amoureuses de son mari, c’est à elle-même de gérer.

-         Il faut qu’on écoute BOUMI….

-         De grâce, on peut clore le chapitre pour la journée.

Pour ce qui me concerne, qu’on arrête avec le Sujet BOUMI. J’en ai eu ma dose et je suis saturée. .

C’est l’actualité quotidienne des MOUKAMA depuis quelques jours , même la fatigue sévère du président on n’en parle plus, tout ne converge que sur BOUMI.

Je suis fatiguée d’entendre ce nom.

-         Ok yaya ! me dit-elle en faisant silence.

La sonnerie de la messagerie de mon téléphone retentit et quand je regarde c’est Lydie.

«  Tu pourrais venir au restaurant s’il te plait, maman est hospitalisée je vais la voir. J’ai emprunté 100000 dans la caisse, je rembourserais. Ya un monsieur qui a appelé, il voudrait discuter avec l’une de nous des forfaits que nous proposons pour nos prestations en cas de cérémonie. Il devrait passer dans environ 45 minutes »

C’est la troisième fois dans le mois qu’elle emprunte de l’argent dans la caisse, j’espère vraiment qu’elle va rembourser, cette argent sert à faire tourner le restaurant et surtout doit servir à développer d’autres projets à cette allure, on pourra rien réaliser d’autre.  Mais bon sa mère est malade, je ne vais pas lui mettre la pression non plus, ça doit déjà être pénible émotionnellement.

« Ok, Prompt rétablissement à maman » envoyé-je.

-         Je vais au restaurant tu m’accompagnes ! proposé-je à une Mireille muette.

-         Si tu veux !

-         Je suis désolée, lui dis-je , ce n’est pas contre toi, c’est juste que cette histoire me fatigue ! tu me pardonnes ?

Elle acquiesce.

J’aime mieux ça.

En dehors de Lydie avec qui je parle et je m’entends bien. Ma petite sœur a toujours été ma meilleure amie.

-         Ce n’est pas parce que je t’ai dit avoir humé le parfum d’une autre femme sur Dean la dernière fois que ça fait de Dean un bandit, je n’ai pas apprécié !

-         Excuse-moi, lui dis-je, tu as raison ! on peut y aller maintenant ?

-         Oui

 

Antoine BOUMI

Je suis au parking prêt à démarrer ma voiture quand j’aperçois un groupe de jeunes enfants  se diriger vers nos locaux où le vigile les arrête. J’observe la scène de loin, je suppose que ça doit être des jeunes qui viennent pour des recherches sur un exposé ou pour des stages.

Je serais bien redescendu pour discuter un moment avec eux mais y a plus important à l’heure actuelle, ma fille. Elle aussi a sûrement envie de discuter avec moi, je lui dois 17 ans de dialogues et d’amour, alors pas question que je perde une seconde de plus.

Je démarre ma voiture pour me rendre à l’adresse qu’a trouvée Yves.

C’est stressé et le cœur battant que je gare devant le restaurant d’Isabelle. Je le lui concède, elle a dû beaucoup souffrir par ma faute mais si elle apprenait que tout ceci n’était pas de ma faute, peut-être qu’elle changerait d’avis, je veux voir mon enfant je ne tiens plus en place depuis que je sais que je suis père, qu’elle existe, la chair de ma chair, mon sang.

Et je ne vais pas le nier, j’ai un désir brûlant de revoir Isabelle.

Comment est-elle 17 ans plus tard ? a-t-elle changé ?

Quel genre de femme est-elle aujourd’hui ? J’imagine qu’elle n’a plus rien à voir avec la jeune fille du village, jusqu’à quel point la vie en ville l’a-t-elle changé ?

Elle tient un restaurant avec son amie. J’en suis si fier.

Elle a toujours été brave, mon Isabelle.

Je m’avance en prenant un air assuré alors que se bousculent toutes les émotions à l’intérieur de moi.

C’est un petit restaurant africain modeste. Au loin, on peut déjà apercevoir, les tables joliment dressés aux nappes de motifs africains. Bien pensé, apprécié-je.

Au fur et à mesure que je m’approche des voix se font entendre.

Je reconnais le rire d’Isabelle.

Elle est là.

J’inspire , en prenant une bonne dose de courage et dès que je foule mon pied à l’intérieur. Les visages se retournent.

Nos regards se croisent.

J’ai à peine dit Bonsoir que s’abat sur mon visage une chaussure, suivi d’un vase que j’évite de justesse.

C’est Bien ce à quoi ressemble 17 ans de rancœur.

 


L'orpheline