Chapitre 18
Ecrit par EdnaYamba
Je ne sais pas combien de fois j’ai fait le tour du rondpoint
de la démocratie, au point où les policiers en garde à cet endroit ont dû
m’arrêter, l’un d’eux a même insinuer que je devais certainement être un de ces
hommes qui circulent la nuit à la recherche de petites filles alors que l’autre
répliquait que je devais être un chercheur d’organes, mais je n’en avais cure.
Une fois qu’ils ont vu qu’il n’avait rien à soutirer de moi vu que j’étais en
règle, je suis parti.
Je suis passé par plusieurs émotions ce soir, d’abord
j’ai cru qu’Alain s’était moqué de moi, e, livrant nos confidences à son
illuminé de beau-frère, mais il a dû me rappeler que jamais il n’avait manqué
de loyauté à mon égard pour que je doute de lui aujourd’hui et je suis resté
mais quand il a évoqué Isabelle, j’ai compris que ça ne pouvait pas être Alain,
je n’ai jamais raconté cette histoire à qui que ce soit.
«
Cette fille dont vous étiez amoureux, elle est la mère de votre enfant !
Au fond vous le savez mais il y a comme un voile qui vous empêche de voir la
vérité »
Troublé.
C’est l’état dans lequel je suis.
« Il y a des choses que vous devez savoir
mais je ne suis pas habilité à vous les dire, ce soir certainement Dieu dans un
rêve vous montrera des choses, les choses vous paraitront plus claires. Des
réponses vous en trouverez ! Une seule chose me vient à vous dire, On peut
toujours racheter le temps ! »
Après avoir erré plus de deux heures après mon départ de
chez Alain, je me décide à rentrer à la maison, il est minuit passé.
Mélanie qui dort toujours se réveille et me dit, mi-
éveillée mi- endormie :
-
Ça c’est bien passé le diner ? tu
rentres tard BOUMI, j’espère que tu n’étais pas avec une autre femme !
-
bien sûr que non, la rassuré-je,
rendors-toi !
Sans se faire prier, elle referme les yeux. Et moi
j’arrête la lampe sur le chevet, bras en visière sur le front, les yeux levés
vers le plafond, je réfléchis. Je suppose que tôt ou tard le sommeil viendra
même si pour l’instant, la seule chose qui m’obsède c’est cet enfant qui me
cherche.
«
Yaya l’enfant te ressemblait trop »
C’est mon enfant ! C’est sûr que c’est mon enfant.
Cette vérité me trouble davantage.
J’ai eu un enfant avec Isabelle. Isabelle, qu’est-ce que
j’ai fait bon sang !
Mais quand Morphée vient me chercher, les réponses je ne
les aie toujours pas ! Je m’endors en me demandant si j’aurais
effectivement des réponses comme l’a prédit le prophète.
***
Isabelle est là, toute souriante, son beau visage mis en
évidence avec la clarté du jour. Je me souviens de ce jour. Je venais de lui
déclarer avec fougue tout mon amour.
«
Je ne peux pas accepter BOUMI, tu sais très bien que dans ce village on
n’acceptera jamais notre relation, et
qu’est-ce qui me rassure que tu ne me feras pas du mal ? »
«
Je t’ai bien montré que j’étais différent, que je ne prenais pas en compte
toutes ces considérations ! Moi je t’aime Isabelle et je te fais la
promesse que jamais de par ma volonté tu ne souffriras, jamais.»
«
Avec toutes les filles qu’il y a dans ce village, tu es sur BOUMI ? »
« Aucune
n’est comme toi ! Aucune ! »
«
Tu le jures ? »
« Je
te le jure Isabelle, jamais tu ne souffriras par ma faute, mon
amour ! »
Je la revois m’embrasser. Et c’est comme-ci je vivais cet
instant à nouveau. Un bonheur me parcourt mais de court instant car tout
devient tout à coup noir. Et j’entends :
« Je
veux BOUMI, débrouille-toi comme tu veux mais je le veux ! Éloigne-le
d’elle, qu’il la déteste, qu’il la haïsse »
«
Elle attend un enfant ! »
« Je
m’en fiche ! »
«
Tu n’en auras jamais toi ! C’est le prix à payer »
« Je
n’en ai jamais désiré de toutes façons, que m’importe »
« Considère
que c’est fait »
Isabelle est dans un coin accroupie, les bras sur
elle-même, les larmes coulant de ses yeux.
« BOUMI,
pourquoi m’as-tu fait ça ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ?
Je veux mourir ! »
Les voix de Mélanie et Isabelle se bousculent, j’entends
la détermination de l’une et le désarroi de l’autre. Le plus insupportable ce
sont les pleurs d’Isabelle.
« Menteuse,
menteuse » lui crie-t-on
J’entends sa douleur, je vis sa souffrance. Ça me
déchire.
Je veux la consoler mais je suis un spectateur impuissant
et tout ce film dont je suis un acteur manipulé.
Comme un automate je me vois me diriger vers Mélanie, qui
semble heureuse et satisfaite.
« Maintenant
il est à moi ! »
Je vois Isabelle courir
derrière moi, alors qu’une Mélanie s’en va riant, m’entrainant comme sa
marionnette.
« Isabelle,
Isabelle qu’as-tu fait ? Emmenons-la vite à l’hôpital »
Je me vois un voile devant les yeux, le visage heureux
mais le cœur abattu !
«
Jamais plus il ne doit la revoir, je ferais tout pour que ce soit le cas »
«
Je t’aime Mélanie! »
C’est moi qui souris à Mélanie.
«
J’ai enfin eu ce que je voulais »
Isabelle pleure.
«
Un jour BOUMI paiera pour tout le mal qu’il m’a causée »
Un bébé pleure, c’est fort, c’est tellement fort. On lui
chante des berceuses mais rien ne le calme.
Je me vois, cherchant à rentrer, à revenir au Gabon.
« Il ne faut
pas que ses dossiers soient acceptés ! S’il la revoit il saura toute la
vérité. Je ne le permettrais jamais »
«
Ta mère est une sorcière, BOUMI c’est à cause d’elle si on n’a pas
d’enfant »
«
Je me demande pourquoi mon père n’a pas voulu de moi »
Puis je me vois dans un coin, attaché avec des fils. Je
cours vers moi-même. Les fils se détachent et j’entends une voix
forte :
«
Maintenant c’est fini, tu es délivré ! »
Je me lève en sursaut.
En sueurs.
Qu’est-ce que c’est que tout ça !
Mélanie, endormi jusqu’à présent se réveille, elle me
touche l’épaule mais je me dégage violemment.
-
Qu’est-ce qu’il y a chéri ? tu as fait
un mauvais rêve ! il est 5h, rendors- toi !
Je sors du lit, parce qu’à ce moment des envies de
meurtre m’envahissent.
Je vis depuis longtemps dans le mensonge. Une vie qui n’est pas la mienne, une vie que
je n’aurais jamais certainement choisie de vivre ?
J’ai été manipulé, comme un robot, une marionnette dont
elle détenait les fils.
Qui est cette femme dans mon lit, une femme que je n’ai
jamais désiré !
Je la regarde et tout ce que je ressens ne ressemble
aucunement à l’amour.
-
Un mauvais rêve dans lequel on me manipulait,
lui dis-je
-
Comment ça ? me demande-t-elle
-
À toi de m’expliquer, lui dis-je, tu peux
m’expliquer comment une femme que je ne calculais pas, a fait pour devenir ma
femme ?
Elle sort précipitamment du lit.
-
Qu’est-ce que tu racontes ?
-
Je dis, comment ça se fait qu’on soit mariés,
alors que j’aime Isabelle
-
Aimais, me rectifie-t-elle, tu as oublié
qu’elle t’a envouté ? qu’est-ce qui te prend ?
-
Ce qui me prend ? tu me
demandes ? Tu veux que je
t’explique comment tu m’as manipulé ?
-
Tout ça c’est dans un rêve que tu l’as su,
BOUMI mais tu as quel problème, un rêve et tu me traites de sorcière ?
-
Si ce n’était qu’un rêve, dis-moi pourquoi en
me levant , je ne ressens même pas une once d’amour pour toi ! tu pensais
me manipuler comme ça jusqu’à quand ?
-
Je ne t’ai pas manipulé, tu m’as épousée
parce que tu m’ai…
Elle n’a pas le temps de finir sa phrase qu’elle s’enfuit
dans la douche parce que je m’avançais avec l’intention de lui donner ce
qu’elle méritait.
-
Il faut que tu te calmes chéri, c’est
quelqu’un qui veut certainement te pousser à te retourner contre moi ! me
crie-t-elle de la douche.
Si je reste là, c’est sûr que je la tue !
17 ans d’illusions.
17 ans de mensonges.
17 ans qu’on a usurpé ma vie.
17 ans que j’ai perdu Isabelle.
C’est comme si avec cette révélation, mes sentiments
réapparaissaient d’un coup.
Isabelle, la douce Isabelle.
Son joli visage se peint dans mon esprit.
17 ans que j’ai perdu l’amour de ma vie.
17 ans que je vis loin de ceux que j’aime réellement.
Une fille qui me cherche, qui croit que je l’ai
abandonné.
Comment Mélanie a-t-elle pu vivre avec ?
Est-ce de l’amour vraiment ou du pur égoïsme.
J’enfile vite fait, un tee-shirt et un jeans.
Je prends mes clés et conduit jusque chez ma sœur.
Quand j’arrive, c’est plus fort que moi. Je pleure comme
un enfant alors que ma sœur et ma mère, me regarde incrédules.
Je n’ai pas de force ni de mots pour exprimer ce que je
ressens.
Il faut que je les retrouve.
Il faut que je les voie.
Il faut que je voie Isabelle.
Il faut que je voie notre enfant.
Il faut que je m’explique.
Il faut qu’elles me donnent une nouvelle chance.
-
Vas-tu nous expliquer ce qui se passe,
pourquoi à 6h tu te retrouves là à pleurer ? demande ma mère.
-
C’est
mon enfant, l’enfant d’Isabelle MOUKAMA c’est mon enfant. Mélanie m’a envouté
pour que je l’épouse.
Maman pousse un cri en mettant les mains sur la tête.
-
J’appelle les oncles ! déclare
automatiquement Julie, en sortant son téléphone.
Qu’elle les appelle.
Qu’ils fassent une réunion, ce qu’ils veulent mais qu’on
aille récupérer mon enfant !
Isabelle
MOUKAMA
Quand Richard m’appelle pour me dire qu’il a reçu la
visite d’un notable du village, lui annonçant que la famille BOUMI souhaiterait
prendre rendez-vous avec nous, je souris en les imaginant les visages pleins de
honte et de regrets, venant réclamer un enfant qui n’était pas censé être le
leur.
Quand je pense à l’humiliation que j’ai reçue devant tout
le village entier.
Les gifles de la mère de BOUMI, ses paroles méprisantes,
ses injures….
-
Il parait que sa femme n’a jamais eu
d’enfant, m’a dit Mireille l’autre jour.
Elle n’a jamais eu d’enfant. Il fallait qu’elle en ait
parce que si ce n’est que mon enfant, BOUMI va ramer !
Je vais voir avec quel cran, ils viendront demander
Grace.
Maintenant qu’ils n’ont pas eu de descendance, Grace est
bien leur enfant c’est ça.
C’est bien ce qu’on verra.
-
Hors de question ! dis-je à Richard
-
Tu es sûre Isabelle ?
-
Oui j’ai dit niet ! je ne veux pas les
voir !
Richard raccroche.
-
On peut savoir pourquoi tu refuses ? me
demande Lydie qui n’a rien perdu de la conversation.
-
Parce qu’ils ont bien refusé cet enfant
avant, elle ne sera pas un bouche-trou pour combler le vide qu’il ressent dans
son foyer.
-
Humm isabelle, on ne rend pas le mal par le
mal
-
Pardon Lydie, la morale je n’en veux
pas ! où étaient les personnes de morale quand on s’est acharné sur
moi ? quand tout le village a crié sur moi en me traitant de tous les
noms, elles étaient où ?
-
Je sais que ça été une période difficile pour
toi, je le sais, mais tu ne devrais pas penser à tout ça, mais à Grace. C’est
bien elle qui te demande tout le temps son père n’est-ce pas ?
-
Justement je ne veux pas pour elle, un père
qui ne s’en souvient que parce qu’il n’en a pas eu d’autres ! s’il te plait , laissons tomber ce
sujet !
-
Comme tu veux !
La tâche ne sera pas facile.
17 ans après ils viennent se présenter comme des enfants
de chœurs et on doit leur donner la communion ?
Pas question.
Qu’il aille chercher un autre enfant pour sa femme, pas
le mien.
Elle ne leur servira pas de substitut.
Qu’ils fassent pour eux !
Une fois à la maison,
après avoir mis les enfants au lit, je rejoins René dans la chambre.
-
Tu te rends comptes, la famille de BOUMI veut
nous rencontrer, donc comme leur fils n’a pas eu d’enfant maintenant ils se
souviennent qu’il y en a un qu’ils ont fait avec une MOUKAMA. J’ai dit à
Richard Non !
-
Si tu pouvais accepter pour qu’enfin on passe
à autre chose ! me dit-il las, je ne suis pas sûr de vouloir tenir cette
conversation, tous les jours !
Mélanie
BOMO épouse BOUMI
Je lance encore pour la centième fois l’appel depuis que
BOUMI a quitté la maison, il ne décroche pas à mes appels. Je ne sais pas où il
se trouve.
Je ne supporte pas son absence. Il doit m’écouter. Il ne
peut pas me quitter comme ça. Ce n’était qu’un rêve !
C’est en pleurs que je suis dans le salon de mes parents.
-
Ça ne va pas se passer comme ça, tonne mon
père ! on l’a reçu et traité comme notre fils et en retour il traite mal
ma fille !
Ma mère silencieuse, nous observe.
-
Depuis quand on quitte sa femme sur la base
des rêves !, c’est plutôt à eux de nous fournir des explications sur le
fait que notre fille ne tombe toujours pas en grossesse. Ce sont eux les
sorciers.
-
Calme-toi, lui dit ma mère, ta fille n’est
pas une sainte !
Je la regarde suppliante qu’elle ne dise rien à papa.
-
Qu’est-ce que tu veux insinuer !? se
fâche papa, il s’agit de ta fille tu
devrais la soutenir
-
On l’a malheureusement beaucoup trop soutenu,
soupire ma mère, on aurait dû être un peu ferme avec elle.
-
Maman, pleuré-je, s’il te plait !
-
Ici , n’est pas remis en cause notre
éducation proteste papa
-
Pourtant si , poursuit maman, Mélanie
sèche-moi ces larmes et va plutôt te remettre en question. Quant à toi mon cher
mari, ne te donne pas d’ulcère pour ça !
Elle se lève et quitte la pièce alors que je continue de
pleurer !
-
Vous voulez bien m’expliquer ce qui se
passe !
Gracie
Jeannie MOUKAMA
Je ne sais pas ce qui se passe ces derniers temps-ci à la
maison, mais l’oncle Richard a l’air tendu, je l’entendais discuter avec maman
la dernière fois au téléphone. J’avais le pressentiment que ça me concernait.
Mais dès que je suis dans les parages, il vire en langue NZEBI parce qu’il sait
que je ne comprends rien.
Aujourd’hui
l’oncle Xavier aussi est là. On m’a demandé de quitter le salon, car ils
doivent parler des « choses de grand »
Quelles sont ces choses de grands que mes oreilles de 16
ans ne peuvent pas écouter ?
Je me suis éclipsée mais discrètement avec mes cousins
tout aussi curieux que moi, de savoir ce qui se passe, on s’est mis dans un
coin pour les écouter.
-
Après tout on peut la comprendre avec ce
qu’elle a vécu, c’est normal qu’elle soit si fermée
-
Ils ont dit qu’ils voudraient qu’on ait une
rencontre, il veut rencontrer sa fille, mais Isabelle refuse. Dit l’oncle
Richard. Je pense plutôt qu’il est mieux qu’elle écoute, on saura les raisons
et surtout elle aura droit aux excuses qu’elle mérite !
Sa fille ?
Il s’agit bien de moi et de mon père alors.
Il est vivant. Il existe. Il veut me voir !!!!! Mais
pourquoi maman refuse, il ne faut pas qu’elle refuse, j’ai le droit moi aussi
de savoir, c’est mon histoire tout autant que la sienne.
-
Qu’est-ce que tu fais là ? me disent mes
oncles
-
Désolé mes oncles, j’ai écouté votre
conversation !
-
On devrait te punir pour ça, me gronde
l’oncle Richard.
-
Oh laisse là, dit Xavier, alors tu en penses
quoi ?
-
Je veux voir mon père ! je veux moi
aussi comprendre !
-
Ce n’est pas à toi de décider, réplique oncle
Richard
-
Alors je dirais à maman qu’elle n’a pas le
droit de me refuser des réponses, pleuré-je