
Chapitre 19 : Joël Owono
Ecrit par Une vie pleine de péripéties
Le lounge vibrait sous l’éclat des néons, mais pour Joël, la
lumière semblait se filtrer autour de lui, à peine perceptible, comme s’il
était une ombre, une présence fluide dans l’espace. Un homme qui se fond dans
l’ambiance sans jamais perdre son pouvoir d’observation. Ses yeux, discrets
mais aiguisés, scrutaient chaque coin de la pièce, analysant, observant. Il
avait toujours ce regard particulier, celui de quelqu’un qui voit les choses en
dehors de leur contexte, qui devine ce qui ne se voit pas immédiatement. Il
percevait des détails que les autres ignoraient : un léger mouvement, une
intonation différente, un regard qui fuyait.
Et ce soir-là, c’était elle qu’il avait remarquée. Il ne
l’avait jamais vue auparavant, ne la connaissait pas, mais dès qu'elle était
entrée dans le lounge avec son amie, elle avait capté toute son attention.
Sherie.
Elle avait cette silhouette qui semblait chercher à imposer un respect qu’elle
n’était pas tout à fait sûre de mériter, une confiance fragile qu'elle tentait
d’afficher sans vraiment y croire, et qui transparaissait malgré elle dans
chaque mouvement. Elle n’avait pas cette assurance arrogante des femmes qui se
savaient irrésistibles, mais plutôt une hésitation légère dans sa démarche,
comme si elle avait encore des doutes sur sa place dans cet univers. Et c’est
précisément cela que Joël avait perçu. Cette vulnérabilité dissimulée sous une
façade de contrôle. C’était cela qui l’attirait chez elle. Elle était
différente des autres femmes provocatrices qui cherchaient à se faire
remarquer. Non, elle cherchait quelque chose d'autre. Elle ne cherchait pas à
séduire, mais à exister, à trouver une place où elle serait authentique.
Les autres hommes l'avaient vue aussi, bien sûr. Mais Joël,
lui, ne la regardait pas comme les autres. Lui, il la voyait dans ses détails,
dans son énergie. Il n'était pas pressé de l'approcher, ce n'était pas son
genre. Non, il attendait son moment. Ce n’était pas une question de vitesse ou
de brusquerie. La stratégie, la patience, voilà les maîtres mots. Mais il
sentait déjà qu'il n’aurait pas à attendre longtemps.
Lorsque Sherie se dirigea vers son carré VIP plus tard, il
savait que ce n’était pas un hasard. Elle s'approcha de la table, un sourire
distrait sur les lèvres, pensant que c’était son ami Henri, qui lui avait
offert le seau de champagne que le serveur avait apporté en son honneur,
quelques instants plus tôt à la table qu’elle occupait avec Andy et ses amis.
Elle le remercia d’une manière simple, presque innocente, sans même réaliser
qu’elle faisait face à l’homme qu’elle n’avait pas vu venir…
Joël ne l’interrompit pas. Il la laissa parler, se contenta
de la regarder avec cette lente intensité qui faisait de lui un mystère. Il
laissait les mots s’évaporer autour d'eux. Pas de réponse rapide, pas de geste
précipité. Il voulait sentir la chaleur de l’instant, la tension suspendue dans
l’air, sans rien forcer.
Elle continua à remercier son ami, mais dans son esprit,
quelque chose commençait à se tordre légèrement. Joël, lui, restait là, une
statue discrète mais pleine de pouvoir. Elle ne le savait pas encore, mais il
l’avait déjà repérée. Et il en profitait pour observer chaque mouvement qu'elle
faisait, chaque regard qu'elle lançait, chaque sourire qu'elle adressait. Rien
n’échappait à sa vigilance.
Joël Owono n’était pas un homme qui se distinguait
bruyamment. Il n’était ni arrogant, ni trop sûr de lui, mais il avait ce
pouvoir silencieux qui écrasait tout le reste. Il venait d’une famille
puissante, le genre de famille dont tout le monde parle sans jamais oser trop
en dire. Son nom, dans certains cercles, était synonyme de respect — et de
peur.
Fils d’un magnat du pétrole gabonais et d’une mère
ivoirienne brillante dans le domaine humanitaire, Joël 32 ans, avait toujours
été destiné à des choses grandes, à des sphères où les rêves et les ambitions
se mesuraient en termes d’influence et de connexions. Mais ce que peu savaient,
c’est que derrière cette façade lisse et bien huilée, Joël était un homme d’une
discrétion absolue. Il laissait rarement les autres voir ce qu’il pensait
réellement, préférant jouer le rôle de l’observateur, celui qui voit mais ne
dit rien mais qui contrôle tout, oui il adorait contrôler, posséder, au point
où ça en devenait une obsession.
Dans la foule, il était comme une ombre : toujours là, mais
jamais trop visible. Et ce soir-là, il n’avait aucune intention de se révéler
tout de suite. Sherie ne l’avait pas encore vu dans son entièreté, mais il
savait que cette rencontre allait marquer un tournant. Elle était différente.
Elle ne le cherchait pas, elle n’était pas impressionnée. Et c’était
précisément cela qui le fascinait.
Les femmes, autour de lui, se battaient pour obtenir un peu
de son attention. Et pourtant, rien ne les intéressait vraiment, à part son
statut et son compte en banque. Raison pour laquelle il avait accepté la
proposition de son père, un mariage arrangé, des intérêts communs protégés,
mais il était clair qu’il n’aimait pas et qu’il n’aimerait jamais la femme qui
allait bientôt partager sa vie pour toujours.
Joël n’était pas du genre à se laisser charmer par des sourires faciles ou des
flatteries et ce soir Sherie le défiait, sans même le savoir encore.
Il comprit qu’elle n’était pas du genre à se laisser
manipuler. Pas du genre à tomber dans les pièges évidents. Mais Joël savait
qu’il avait tout le temps. Son nom seul suffisait à ouvrir des portes, mais il
n’avait pas besoin de ça. Il ne jouait pas pour obtenir des choses faciles. Ce
qu’il voulait, c’était le mystère. Le défi. La conquête.
Il la regarda encore une fois, se concentrant sur la façon
dont ses lèvres bougeaient en remerciement, sur la ligne fine de sa mâchoire,
sur la brillance de ses cheveux noirs, qui captaient la lumière d’une manière
presque irréelle. Il la regardait comme on observe une œuvre d’art inachevée,
un tableau dont on veut découvrir chaque coup de pinceau, chaque nuance, chaque
détail. Il laissa son regard descendre lentement jusqu’à la courbe de son cou,
cette zone délicate qui, sans qu’il ne puisse l’expliquer, éveilla en lui des
pensées bien loin de la pureté de la situation. Ses pensées glissèrent, presque
malgré lui, vers des zones plus sombres, plus interdites, qu’il n’avait pas
l’intention de nourrir en public. Il imagina une pression, une chaleur… un
frôlement, une douleur... Un frisson d’envie s’infiltra, mais il le réprima
aussitôt, le maintenant dans un coin obscur de son esprit, ses démons devaient
rester dans leur cage. Il n’était pas du genre à céder à des impulsions
immédiates. Il était passé maître dans l’art du self-control. Mais dans ce
regard posé sur son cou, il y avait un désir brut, un désir secret qui
naissait.
Sherie tourna la tête, ses yeux se posant brièvement sur
lui. Joël en profita pour étudier son expression, cette lueur dans son regard
qui indiquait qu’elle l’avait perçu. Elle n’avait pas l’air dérangée, mais
quelque chose dans son attitude avait changé. Peut-être avait-elle réalisé
qu’il était celui qui avait envoyé le champagne. Peut-être qu'elle était
simplement curieuse de savoir qui il était.
Elle lui adressa un sourire distrait, et sans attendre plus,
elle remercia une dernière fois Henri, pensant toujours que c'était lui qui
avait offert le champagne. Joël la laissa faire, son regard toujours rivé sur
elle, son sourire à peine perceptible. Il ne bougea pas, gardant une
tranquillité glacée, parfaitement maître de lui.
Elle se détourna alors, s'éloignant lentement, sa démarche
élégante et sûre, mais son esprit visiblement troublé par l’intensité de son
regard. Elle se dirigea vers ses amis, tandis que Joël, silencieux, la suivait
du regard. Ses yeux ne la lâchaient pas, analysant chaque mouvement, chaque
expression. Il savait que Sherie n’était pas du genre à se donner facilement,
et c’était précisément ce qui le fascinait. Elle ne cherchait pas à séduire,
elle cherchait simplement à exister, et c'était ce défi silencieux qu'il
voulait relever.
Elle finirait par comprendre, par voir, et quand ce moment
viendrait, ce serait un tout autre jeu. Un jeu qu'elle n’avait probablement
jamais imaginé.
Joël savait une chose : elle ferait partie de son jeu. Elle le saurait bientôt.
Mais pour l'instant, elle s’éloigna lentement, se dirigeant vers ses amis,
tandis que lui, il restait là, l’ombre de son regard encore suspendue dans
l’air.
La scène était prête.
Joël se redressa légèrement, un éclat dans son regard.
"Je veux savoir où elle vit."
Henri, son chauffeur mais aussi son ami de longue date, ne parut pas surpris
par la demande. Il avait l'habitude de répondre à des ordres, il y avait
toujours une forme de complicité entre eux. "Tu veux dire ce soir ?"
Joël hocha la tête lentement, sans quitter Sherie des yeux. "Je veux que
tu te débrouilles pour obtenir son adresse."
Henri se contenta d’un bref regard, compréhensif mais pragmatique. "Je
vais m'arranger pour ça."
Joël tourna la tête vers lui, son regard plus perçant.
Henri se permit un léger sourire, comme pour alléger l’atmosphère. Il avait une
touche avec Marlène, l’amie de Andy, qui avait réceptionné le seau de Champagne
pendant que Sherie et Andy étaient sur
la piste de danse. Il savait qu’elle pourrait l’aider à obtenir l’adresse de
Sherie.
Henri acquiesça. "Je gère ça. Tu peux compter sur moi."
Joël resta silencieux un moment, absorbé dans ses pensées.
Il s'assurerait que tout était se mette en place, afin que la scène soit prête pour le prochain acte. Il attendait son moment. Le timing était sa
maîtrise, l'art de choisir chaque mouvement avec une précision implacable.
"Assure-toi que ce soit ce soir, Henri. Pas de retard." Son ton,
froid et autoritaire, ne laissait aucune place à l'incertitude.
Henri hocha la tête, un léger signe de respect dans son geste. "Entendu.
Ce soir."